La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ma question s’adresse au ministre des finances.
Les 3 % pèsent sur nos têtes comme une épée de Damoclès. Nous ne devons pas substituer à l’abîme de la dette le fléau de l’austérité, par une réduction trop rapide et trop brutale des déficits qui pèseront lourdement sur les peuples, sur le service public, sur la transition écologique et l’indépendance énergétique européenne : l’avenir d’une Europe libre en dépend. Il est donc nécessaire de desserrer la trajectoire.
Pour cela, plusieurs pistes sont possibles. L’une d’entre elles est la lutte contre la finance casino et l’évasion fiscale à grande échelle, au niveau européen. Or le G20 a adopté, à Saint-Pétersbourg, le programme BEPS et ses huit mesures destinées à lutter contre l’érosion de la base fiscale des entreprises et l’optimisation fiscale agressive conduite par les multinationales.
Le Gouvernement a mené une action résolue pour ramener à la raison et à la maison 23 000 ménages disposant d’avoirs non déclarés dans les paradis fiscaux. Grâce à la loi contre la fraude et à la perspective du FATCA européen, ce sont ainsi un milliard d’euros de recettes nouvelles qui permettront de préserver le pouvoir d’achat de trois millions de nos concitoyens.
Pour les multinationales, c’est une autre affaire. Elle requiert l’engagement de l’ensemble des pays de l’Union européenne. Une Union qui ne retrouvera son crédit que si elle décide d’adjoindre à la trajectoire de réduction des déficits publics, une trajectoire d’extinction de l’évasion fiscale pour ne pas épuiser les peuples.
Mais nous sentons trop de réticences, trop d’obstacles, comme en témoigne le projet a minima de taxe sur les transactions financières, alors qu’elle devrait déjà être une réalité.
Monsieur le ministre, est-ce que le Gouvernement s’engage, au niveau européen, à défendre une réglementation ambitieuse pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale afin d’éviter un effondrement de l’action publique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Monsieur le député, nous devons mener la lutte contre la fraude fiscale à tous les niveaux. Ce n’est pas lorsque, dans notre pays, comme dans beaucoup d’autres pays d’Europe ou du monde, des efforts supplémentaires sont demandés au contribuable que nous pouvons accepter que certains, de façon légale ou illégale, s’éloignent de cette solidarité absolument nécessaire.
Nous luttons contre la fraude fiscale en France. Des dispositions législatives, auxquelles vous avez participé, ont été adoptées, qui permettent d’être plus efficace. Vous avez fait allusion en particulier au retour vers la France d’un certain nombre d’avoirs détenus à l’étranger, ce qui apporte des millions, des centaines de millions de recettes supplémentaires au budget de la France. Vous savez l’utilisation que nous vous proposons d’en faire en allégeant l’impôt, et même en le supprimant pour les Français qui ont les plus faibles revenus.
La fraude fiscale ne se pratique pas dans un seul pays, mais à l’échelon européen et international. Pour cette raison, il est absolument nécessaire, vous l’avez souligné, monsieur le député, que la bataille que nous menons en France soit menée sur l’ensemble des territoires européens et internationaux.
Nous agissons au niveau européen, en particulier avec le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne – c’est ce que nous appelons le G5 – pour que l’échange automatique d’informations entre les administrations devienne la règle entre les pays européens et au niveau international.
Nous agissons aussi pour que ceux qui ont fait des montages, parfois parfaitement légaux, en s’appuyant sur de nouvelles technologies, par exemple, pour éviter de payer tout impôt, en France ou ailleurs, puissent être de nouveau et légitimement imposés. C’est la lutte contre l’optimisation fiscale au niveau international.
Nous avançons très fortement. La France est à l’initiative. Nous nous appuyons sur un certain nombre de pays européens. L’OCDE est aujourd’hui l’outil le plus efficace. Oui, dans les mois qui viennent, nous saurons lutter contre cette fraude fiscale internationale.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Depuis le 14 juin 2013, des discussions sont engagées, dans la plus grande opacité, entre l’Union européenne et les États-Unis en vue d’un accord global extrêmement important relatif au commerce, à l’industrie, au secteur bancaire, à l’agriculture, à l’environnement et à l’exception culturelle. Un tel projet, s’il aboutit, aura des conséquences économiques considérables et pèsera lourdement sur les négociations commerciales dans le monde. Bien négocié, un tel accord pourrait constituer le moteur d’une croissance forte en Europe.
Pour le groupe UDI, qui défend une Europe fédérale véritablement intégrée, il y a quatre lignes rouges à ne pas franchir : l’arbitrage privé entre les États et les multinationales ; la remise en cause de la protection des données personnelles et économiques ; celle de la protection sanitaire et environnementale européenne ; et une dernière, chère au coeur de nos collègues sur tous les bancs de cette assemblée, à savoir la protection du système européen des appellations d’origine.
Cet accord, monsieur le Premier ministre, doit défendre avant tout les PME et l’agriculture européennes, il doit renforcer la réglementation commune dans le secteur financier, il doit mettre fin au dumping monétaire américain et lutter par là même contre l’euro fort, il doit préserver notre exception culturelle. Le traité de Lisbonne prévoit la consultation des Parlements nationaux à propos des accords dépassant les compétences communautaires. Oui ou non, monsieur le Premier ministre, le Gouvernement français va-t-il s’engager de toutes ses forces contre ce qui, dans cet accord, est proprement inacceptable ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe RRDP.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
Monsieur le député, je vous remercie de votre question, qui me permet d’aborder un certain nombre de points, dont certains sur lesquels nous ne sommes pas en désaccord. Tout d’abord, en matière de transparence, vous affirmez que les négociations se déroulent dans un climat d’opacité. Je suis d’accord avec vous sur la nécessité d’assurer une transparence maximale des négociations, à la fois pour nos opinions publiques et pour les Parlements, et je tiens à vous dire immédiatement et très clairement que ceux-ci se prononceront sur le traité issu des négociations.
C’est donc à vous que reviendra, mesdames et messieurs les députés, le dernier mot pour accepter ou refuser de ratifier le traité. Ainsi, la préoccupation démocratique que vous évoquez, monsieur le député, sera respectée.
Vous tracez ensuite un certain nombre de lignes rouges. Je puis vous dire qu’elles sont aussi les nôtres et que nous les avons fait valoir au moment de la négociation du mandat accordé à la Commission.
Vous mentionnez la procédure d’arbitrage. En effet, la Commission a inclus dans le mandat de négociation l’hypothèse d’un mécanisme d’arbitrage.
Sachez que nous serons extrêmement vigilants à propos du mécanisme d’arbitrage afin qu’il soit négocié de manière à ce qu’il préserve nos intérêts et que nous le refuserons purement et simplement si tel n’est pas le cas.
La protection des données personnelles que vous évoquez n’est pas négociée dans le cadre du traité mais par Mme Reding dans le cadre de la négociation du mécanisme Safe Harbor de transfert des données vers les États-Unis.
Quant à la remise en cause des normes phytosanitaires, voilà aussi une ligne rouge à propos de laquelle nous nous sommes exprimés. Il n’est pas question, je vous le dis très solennellement, que les négociations du traité remettent en cause nos préférences collectives en matière phytosanitaire, de santé ou de protection des consommateurs.
Ce traité nous permettra aussi de protéger davantage nos appellations d’origine, pour le plus grand bénéfice de nos producteurs locaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Yann Galut, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Vous avez fait vendredi dernier, monsieur le Premier ministre, d’importantes annonces relatives à l’impôt sur le revenu acquitté par les Français au titre de l’année 2013.
Concrètement, les mesures décidées feront baisser le montant de l’impôt sur le revenu de trois millions de ménages modestes et 1,8 million d’entre eux cesseront même purement et simplement de le payer. Pour mémoire, l’application des mesures Fillon, en particulier le gel du barème, avait fait entrer dans l’impôt 940 000 ménages en 2012 et 1,2 million en 2013. En cette période difficile, notre majorité apporte la preuve qu’il est possible de concilier sérieux budgétaire et justice sociale par un geste fort qui améliorera significativement le pouvoir d’achat des plus modestes, salariés ou retraités.
Ces engagements sont sérieux car ils sont financés par une intensification des efforts de lutte contre la fraude fiscale. C’est là un autre motif de satisfaction pour notre groupe et pour la majorité, très sensible à ce sujet. En effet, la loi de lutte contre la fraude fiscale adoptée au mois de décembre 2013 a rapporté 800 millions d’euros de recettes supplémentaires dans les caisses de l’État au cours des quatre premiers mois de son application et, selon les estimations, le rapatriement en France des comptes illicites détenus à l’étranger devrait rapporter 1 milliard d’euros d’ici à la fin de l’année 2014.
De tels résultats sont extrêmement positifs et illustrent la nécessité de poursuivre dans la voie choisie. En effet, chaque euro récupéré dans les comptes des fraudeurs à l’étranger sera redistribué à nos concitoyens qui fournissent déjà des efforts considérables. Tel est tout le sens de notre action pour la justice et le progrès. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quelles sont les suites que vous envisagez en la matière ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même, monsieur le député, l’impôt pèse excessivement depuis 2010 sur la compétitivité des entreprises, sur l’emploi et sur le pouvoir d’achat des Français, donc sur la consommation et sur la croissance, ce dont vous avez donné des exemples probants. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe UMP.)
C’est pourquoi nous avons décidé un allégement de l’impôt en faveur des ménages aux revenus les plus modestes. Cette mesure, comme vous l’avez rappelé, bénéficiera à plus de trois millions de ménages et fera sortir 1,8 million de ménages de l’impôt sur le revenu. Dès le mois de septembre, les Français constateront très concrètement, et c’est là l’essentiel, l’application de notre décision à laquelle travaillent les services du ministère des finances. Prenons deux exemples concrets, car je sais le scepticisme dont la question fait l’objet dans notre pays depuis des années. L’impôt des Français aux revenus modestes sera réduit de 350 euros pour un célibataire et de 700 euros pour un couple. Ainsi, un couple de retraités percevant chacun une pension de 1 200 euros verra son impôt passer d’environ 1 000 euros à environ 300 euros. Mieux encore, un couple avec deux enfants gagnant, à deux, 3 200 euros par mois ne paiera plus d’impôt sur le revenu !
Une telle mesure représente un effort d’un milliard d’euros, soit un milliard d’euros de pouvoir d’achat supplémentaire pour les ménages modestes !
Nous avions déjà intégré 500 millions d’euros dans le plan de 50 milliards d’euros que j’avais annoncé.
Grâce à l’action que rappelait Michel Sapin il y a un instant et aux résultats que vous avez rappelés en matière de luttte contre la fraude fiscale, monsieur le député, nous pourrons financer l’ensemble des mesures. Je sais le rôle que vous avez joué, avec d’autres parlementaires siégeant d’ailleurs sur tous les bancs de cette assemblée, dans la lutte contre la fraude fiscale et je vous en remercie, car elle est et restera une priorité. Il y a là une volonté politique. Le travail qu’avait engagé Bernard Cazeneuve et que poursuivent et poursuivront Michel Sapin et Christian Eckert n’est que justice. Près de 800 millions d’euros ont déjà été perçus lors du rapatriement en France de sommes entièrement dissimulées à l’étranger. Notre action en la matière comme dans l’ensemble est claire et juste : il s’agit de faire payer l’impôt à ceux qui y échappaient en toute illégalité et alléger ainsi l’impôt des plus modestes.
Notre action, je le crois, est cohérente. Le pacte de responsabilité favorise la croissance et l’emploi, donc le pouvoir d’achat. Le pacte de solidarité allège les prélèvements pesant sur les ménages modestes, au titre de l’impôt sur le revenu à partir de cette année et des cotisations salariales à partir de l’année prochaine. À nouveau, il convient d’être précis : comme je l’ai rappelé, à partir de 2015, grâce à un allégement des cotisations sociales, un salarié au SMIC bénéficiera d’une augmentation de 500 euros de son salaire net annuel, soit l’équivalent d’un demi-treizième mois. En outre, comme l’a rappelé M. le ministre des finances il y a deux jours, l’allégement de l’impôt sur le revenu des ménages modestes sera pérennisé par la loi de finances pour 2015.
Pour conclure, cette politique est rendue possible par un effort sans précédent en matière de dépenses publiques, un effort sur lequel le Gouvernement ne peut pas transiger, car il y va de notre crédibilité, sur le montant comme sur les équilibres entre entreprises et ménages. Cet effort est mis au service de l’économie et du pouvoir d’achat. Il est consenti dans la justice, et nous allons le poursuivre.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Nous devons partager un constat : il n’y a pas eu de croissance en France au premier trimestre, alors que l’Allemagne a enregistré une croissance économique de 0,8 %. L’INSEE a malheureusement confirmé, jeudi dernier, que tous les signaux de l’économie française étaient au rouge : la consommation des ménages baisse de 0,5 % à cause de votre politique dite de « l’assommoir fiscal » ; le pouvoir d’achat des Français a baissé de 0,6 point ; l’investissement recule plus que prévu, de 0,9 %, car votre politique ne donne pas confiance aux entrepreneurs et aux décideurs.
Alors, monsieur le Premier ministre, où est le retournement promis par François Hollande ? On aurait pu penser que ces mauvais résultats sonnent enfin une prise de conscience de votre Gouvernement. Au lieu de cela, votre ministre des finances, Michel Sapin, déclare simplement que « ce n’est pas grave » !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Nous constatons tous ici l’incroyable légèreté avec laquelle vous prenez ces nouvelles. Monsieur le Premier ministre, il y a urgence ! Au lieu de voter des lois qui imposent encore plus de contraintes aux entreprises, comme le font certains articles de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, au lieu de prendre des décrets qui font fuir les investisseurs étrangers de France, au lieu de faire un pas en avant et surtout deux pas en arrière pour la compétitivité de notre pays, quand allez-vous cesser d’étouffer les Français par plus de règles, plus de lois, plus d’impôts ? Quand allez-vous enfin adopter les mesures courageuses et nécessaires que nos voisins européens ont prises depuis déjà plusieurs mois ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la députée, les chiffres du premier trimestre – puisque ce sont ceux que vous venez de commenter – ne sont pas au niveau que nous pourrions tous souhaiter. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Toutefois, ces chiffres sont-ils fondamentalement différents de ceux de nos voisins européens ? Ainsi, vous auriez pu citer ceux de l’Italie – ils sont négatifs –, ou ceux des Pays-Bas – ils sont très négatifs.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Ce qu’il faut déduire de ces chiffres, c’est que nous aurions besoin, dans l’Europe tout entière – il y a bientôt des élections européennes, je le rappelle –, d’une politique de croissance destinée à l’ensemble du continent européen, qui permette à chacun de nos pays de s’asseoir sur quelque chose de solide et de puissant
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Nous avons besoin de cette politique de croissance, et seuls ceux qui sont porteurs de cette ambition de croissance au niveau européen peuvent apporter des réponses positives pour l’Europe et pour notre pays.
Au demeurant, la situation que nous connaissons ne remet nullement en cause – le Fonds monétaire international, l’OCDE et l’Europe le confirment – nos prévisions de croissance pour l’année 2014.
Nous visons toujours 1 % de croissance, ce qui est un peu mieux, mais pas suffisant. C’est pourquoi, comme vient de le dire le Premier ministre, nous devons rapidement traduire sous la forme de mesures concrètes le pacte de responsabilité.
Oui, c’est en permettant aux entreprises d’investir et d’embaucher davantage ; oui, c’est en faisant en sorte que les ménages les plus modestes retrouvent du pouvoir d’achat ; oui, c’est en finançant l’ensemble de ces mesures par des économies – et non par des augmentations d’impôts, comme l’a fait la précédente majorité – que nous retrouverons le chemin de la croissance ! Nous devons approfondir et accélérer dans ces directions, pour plus de croissance en France !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. –Huées sur les bancs du groupe UMP
La parole est à Mme Corinne Erhel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, avec le décret du 14 mai dernier relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, le Gouvernement a permis à notre pays de garantir la préservation de nos intérêts clés dans des secteurs aussi stratégiques que l’énergie, l’eau, les transports, les télécommunications et la santé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La France dispose désormais d’un cadre juridique clair et efficace, semblable à ce que d’autres économies ouvertes, comme les États-Unis ou l’Allemagne, pratiquent depuis longtemps. Il est du devoir de la puissance publique de garantir l’équilibre entre, d’une part, la maîtrise indispensable de nos infrastructures vitales et le maintien des centres de décision sur le territoire, notamment par des alliances dans lesquelles nous devons être acteurs et non spectateurs, et, d’autre part, l’absolue nécessité d’encourager l’innovation sous toutes ses formes de façon affirmée, dans tous les secteurs d’activité.
À ce titre, l’exemple d’Alstom est particulièrement significatif. Nous avons également eu l’occasion d’évoquer, à de nombreuses reprises, la situation des équipementiers télécoms, un autre secteur très sensible. Ainsi, c’est forts de la maîtrise de nos réseaux essentiels que nous pourrons conjuguer volontarisme politique et économique, innovation et audace, afin de renforcer et de faire grandir nos entreprises, et de leur permettre de conquérir de nouveaux marchés à l’international, dans un objectif de croissance et d’emploi.
Monsieur le ministre, comment cette mesure s’inscrit-elle dans une stratégie industrielle plus globale, qui permettra à notre pays, mais également à l’Europe, de renforcer les leaders d’aujourd’hui et de faire émerger les champions de demain ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.
Madame la députée, cette décision prise par le Premier ministre met fin à une forme de laisser-faire. Nos entreprises, surtout quand elles réussissent, ne sont pas des proies. Néanmoins, pour affronter la mondialisation, elles ont besoin de nouer des alliances. Elles ne sont pas disposées, ni même disponibles, au dépeçage et au démantèlement qui pourraient intéresser certains actionnaires financiers.
C’est encore plus vrai quand une entreprise a entre ses mains des intérêts essentiels de notre pays. Que n’aurait-on entendu si nous avions dit au sujet d’Alstom, qui équipe nos 58 réacteurs nucléaires, fabrique les turbines des EPR que la France exporte partout dans le monde, que nous trouvions tout à fait normal de voir partir cette entreprise entre des mains étrangères qui nous en auraient retiré la maîtrise ?
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Notre choix politique, mesdames et messieurs les députés, c’est oui aux alliances, non au dépeçage !
Qu’est-ce qu’une alliance ? C’est, par exemple, ce que nous avons essayé – avec succès, me semble-t-il – de mettre en oeuvre avec PSA : nous avons conclu une alliance aux termes de laquelle la famille Peugeot, l’État et Dongfeng Motors détiendront chacun 14 % du capital. Pourquoi ? Pour capter la croissance des marchés chinois et asiatique.
C’est ce type d’alliance équilibrée que nous souhaitons pour Alstom, et que nous espérons bien conclure. Ce décret a pour objectif d’amener un certain nombre d’investisseurs à négocier dans les secteurs stratégiques où la nation doit préserver ses intérêts essentiels. Ce n’est pas un décret de blocage, mais un décret de négociation, un décret visant à la conclusion d’alliances, un décret anti-dépeçage ! Voilà, madame, dans quel état d’esprit nous avons construit un outil de politique industrielle !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la garde des sceaux, la réforme pénale dont notre assemblée va être saisie dans les jours à venir est une source d’espoir mais aussi une source d’inquiétude pour les personnels de votre ministère, les professionnels du droit – je pense en particulier aux avocats – les justiciables et les élus.
Le département de l’Allier a déjà été fortement malmené par la réforme de la carte judiciaire en 2007-2008.
Aujourd’hui, la création d’un tribunal de premier ressort par département rappelle donc de très mauvais souvenirs, car il fut un temps où l’exécutif voulait rattacher à la préfecture l’ensemble des activités judiciaires du département, pour de simples raisons administratives et sans tenir compte d’une réalité statistique qui fait du tribunal de Cusset Vichy le deuxième tribunal régional après Clermont-Ferrand.
L’inquiétude est d’autant plus forte que cette vision se manifeste encore actuellement, s’agissant par exemple du juge pour enfants, qui siège à 60 kilomètres de 65 % des personnes concernées.
Les personnels sont également inquiets, à commencer par les greffiers, dont certaines missions auprès des justiciables ont été privatisées. Ils constituent pourtant un rouage essentiel de la justice et doivent être confortés.
Madame la garde des sceaux, je vous poserai donc deux questions.
Quels sont les critères retenus dans le cadre de la nouvelle révision de la carte judiciaire ?
Entendez-vous donner aux greffiers les assurances nécessaires quant à leurs missions, leurs carrières et leurs salaires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Monsieur le député, je vais répondre très directement à vos deux questions, même si j’aurais aimé, si le temps nous était moins compté, insister sur un ou deux points de votre exposé, car ils mériteraient précisions ou clarifications.
En tout état de cause, pour ce qui concerne le département de l’Allier,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
si vous voulez faire valoir une situation particulière, je me tiens à votre disposition, ainsi que, selon la nature de ces questions, mon cabinet et la direction des services judiciaires.
Concernant votre première question relative aux critères retenus pour la révision de la carte judiciaire, je vous répondrai qu’il n’y en a pas, monsieur le député, pour la simple raison qu’il n’y a pas de révision de la carte judiciaire. Nous avons lancé une réforme judiciaire, nous avons décidé de travailler sur l’organisation judiciaire de la première instance, afin d’assurer de la proximité à tous les citoyens, une proximité physique et géographique mais aussi par l’accès aux contentieux spécialisés. C’est à cela que nous travaillons, et nous sommes en train d’instruire les remontées des différentes juridictions.
Vous reconnaîtrez d’ailleurs à ce gouvernement le mérite de s’être consacré, depuis deux ans, à amortir les chocs de la carte judiciaire et à remédier aux déserts judiciaires qui ont été créés. Nous avons décidé la réouverture de trois tribunaux de grande instance, de 80 points d’accès au droit – 40 par an pendant deux ans – avec les départements, d’une dizaine de maisons de la justice et du droit, où nous plaçons notamment des greffiers.
En ce qui concerne la situation des greffiers en chef, des greffiers et des fonctionnaires de justice, après le travail que nous avons effectué avec la ministre de la réforme de l’État et le ministre du budget, le Premier ministre nous a autorisés à accomplir un effort en leur faveur, tenant compte de la qualification de ces métiers et du fait que, depuis 2003, leur statut n’avait pas été révisé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l’économie, vous exercez des responsabilités importantes : vous êtes le ministre de l’économie de la cinquième puissance mondiale, du cinquième exportateur mondial et du pays qui compte, parmi les cent premiers groupes industriels au monde, le plus grand nombre d’entreprises nationales par habitant.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Bref, vous êtes le ministre de l’économie d’une nation qui est ouverte sur le monde, ouverte à la mondialisation.
Mêmes mouvements.
J’ai une question très simple, monsieur le ministre : pourquoi vous obstinez-vous depuis longtemps à déclarer la guerre au monde entier ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous avez commencé à déclarer la guerre au monde entier lors de la primaire socialiste, où vous avez été l’apôtre de la « démondialisation ». Au fond, votre discours était simple : seule contre tous, la France va gagner. On ne sait pas trop ce qu’elle allait gagner, mais vous, vous avez gagné 17 % des voix et votre place parmi les éléphants du parti socialiste : on vous en félicite.
Vous avez récidivé avec la taxe de 75 % sur les hauts revenus. Que s’est-il produit ? Nombre de sièges sociaux ont quitté la France. Deux tiers des investissements étrangers constatés l’année précédente ont fui la France. Grâce à qui ? Grâce à vous, grâce à votre position.
Vous récidivez encore : c’est maintenant un décret qui instaure un veto sur les investissements étrangers. Peut-être vouliez-vous rallier les protectionnistes populistes ? D’ailleurs, partout en Europe, on vous salue. Mais, en réalité, c’est un décret de défaite, de défaite de l’emploi, de défaite de l’investissement étranger, et ce décret, c’est votre défaite !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.
Monsieur le député, vous savez, les nations ont encore le droit de vivre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)…
…et d’exprimer leurs besoins, de défendre leurs intérêts. Et d’ailleurs, elles peuvent parfaitement le faire, en coopération avec les intérêts privés et les investisseurs étrangers, comme vous dites. La preuve : quelle est la première destination d’investissements étrangers au monde ? Les États-Unis d’Amérique. Que se passe-t-il aux États-Unis d’Amérique, monsieur Chartier ? Un mécanisme – le CFIUS – organise le contrôle des investissements étrangers : il a procédé, en 2012, à 114 contrôles et à dix blocages ou vetos. Y a-t-il eu la moindre nuisance vis-à-vis des investisseurs étrangers aux États-Unis ? La réponse est non.
Savez-vous, monsieur Chartier, qu’en Europe et dans l’Union européenne, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Portugal et un certain nombre de pays qui viennent d’entrer dans l’Union européenne ont pris des décrets qui sont parfois plus durs que le nôtre ?
Il s’agit, finalement, de faire en sorte que les États, les intérêts essentiels des nations coopèrent avec les intérêts privés. Est-ce trop demander ? Je ne le crois pas.
Pouvons-nous le demander à titre de réciprocité à d’autres États très puissants, au regard de ce qu’ils font parfois à notre détriment ? Je le crois. La réciprocité, cela consiste à dire : les États-Unis le font, pourquoi ne le faisons-nous pas ?
Finalement, nous sommes à égalité d’armes, nous sommes capables de vivre dans le même monde.
Merci, monsieur Chartier, pour votre question : je suis sûr que les 70 % de Français qui ont plébiscité cette mesure…
…pourront vous aider à réfléchir.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR . – M. Henri Guaino se lève et applaudit.
La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Le projet de partenariat transatlantique sur le commerce et les investissements suscite de nombreuses inquiétudes et fait couler beaucoup d’encre depuis plusieurs semaines. À l’évidence, l’approche du scrutin européen n’est pas étrangère à cette inflation de réactions et de prises de positions souvent tranchées, voire caricaturales. La réalité est certainement un peu plus complexe que les envolées tactiques voudraient le faire croire.
Notre assemblée a déjà pris une position claire et nette sur ce sujet. Le 29 mai 2013, à l’approche de la date cruciale du mandat de négociation, nous avons adopté une résolution européenne dans laquelle nous avons notamment défini quatre lignes rouges : l’exclusion des marchés publics de défense et de sécurité, l’exclusion des préférences collectives, l’exclusion du recours à un système d’arbitrage pour les différends entre les investisseurs et les États ainsi que la préservation de l’exception culturelle.
Par ailleurs, cette résolution concluait sur la nécessité d’un cadre de négociation qui permette le contrôle démocratique. À défaut de respect de ces exigences, notre assemblée se réserve le droit de ne pas soutenir un tel accord.
Au moment où s’ouvre le cinquième cycle de négociation et à des fins de clarification, nous aimerions savoir quelle est la feuille de route précise de notre pays dans cette négociation. Nous souhaiterions en particulier connaître votre position sur la mise en place dudit mécanisme de règlement des différends qui, à nos yeux, porterait un coup très dur à la souveraineté de notre État.
Enfin, de notre point de vue de parlementaires français, les négociations se passent dans la plus grande opacité, une absence de transparence qui ne nous paraît ni justifiée ni justifiable. Comment, monsieur le ministre, comptez-vous remédier à ce problème et faire en sorte que nous soyons plus régulièrement et mieux informés sur les étapes d’une discussion dont nous avions contribué à fixer le cadre et dont les résultats engageraient notre avenir commun et surtout la vie quotidienne de nos concitoyens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
Madame la députée, je vous répondrai en complétant la réponse que j’ai faite tout à l’heure à votre collègue.
Sur la méthode, vous avez tout à fait raison : il nous faut accroître la transparence des négociations et améliorer la manière dont le Gouvernement en rend compte à la représentation nationale.
Je vous ferai donc des propositions concrètes.
Tout d’abord, je vous propose de réunir le 16 juin prochain le comité stratégique de suivi qui avait été créé sur l’initiative de Nicole Bricq et qui, vous le savez, rassemble des parlementaires de toutes sensibilités ainsi que des personnalités qualifiées. Je vous propose également d’être auditionnée le lendemain, le 17 juin, par la commission des affaires étrangères de votre assemblée. Je me mets également à la disposition des autres commissions compétentes de l’Assemblée et du Sénat.
Le 20 juin, je me mettrai également à la disposition des ONG et de la société civile pour une consultation et une information des associations, qui expriment un certain nombre d’inquiétudes.
Sur les autres points, je considère que nous avons des choses à gagner d’un bon traité ; il faut donc également exprimer les avantages que nous pouvons tirer de cette négociation. Savez-vous par exemple que les marchés publics américains sont aujourd’hui fermés à 50 % aux entreprises européennes alors que nos marchés publics européens sont ouverts quasiment à 100 % aux entreprises étrangères, notamment américaines ? Savez-vous que les droits de douane sur les fromages, en particulier les fromages français, s’élèvent à 139 % ? Savez-vous qu’il est impossible pour un exportateur de pommes et de poires d’exporter vers les États-Unis sans se soumettre à des procédures extrêmement longues et coûteuses qui peuvent parfois durer dix ans et qui en réalité empêchent toute exportation ?
Nous avons donc des choses à gagner, notre économie a à y gagner, car cela se traduira par des investissements et des emplois en France. C’est ce que nous devons défendre dans les négociations.
Bien sûr, vous avez raison, il y a des lignes rouges, et nous les défendons aussi. S’agissant du mécanisme de règlement des différends, nous veillerons à faire en sorte qu’il ne lèse pas nos intérêts.
Une consultation a d’ailleurs été ouverte par la Commission européenne et sera prise en compte dans la suite des négociations.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Patrick Devedjian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement a décidé de faire une réforme territoriale. Pourquoi pas ? Pourquoi pas, si l’on est sincère et s’il ne s’agit pas d’une diversion de plus ?
Bien entendu, le but n’est pas de réduire la dette publique, puisque toutes les collectivités territoriales réunies ne génèrent que 8,9 % de la dette publique nationale.
Bien entendu, une telle réforme ne vise pas non plus une meilleure lisibilité de notre administration ou une meilleure efficacité de l’action publique, puisque les deux gouvernements socialistes successifs n’ont cessé d’improviser et de se contredire.
Ils ont rétabli la clause de compétence générale, puis affirmé vouloir la supprimer. Ils ont glorifié les départements pour demander ensuite leur suppression. Vous-même, monsieur le Premier ministre, avez qualifié d’« erreur » le redécoupage cantonal des départements dont vous avez pourtant été en charge.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a fait voter à la va-vite et brutalement l’article 12 de la loi dite « MAPAM », de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, afin de créer la métropole du Grand Paris. Or, cet article est en fait très difficilement applicable, dans la mesure où il détruit les intercommunalités et centralise les compétences de proximité. Au point que tous les élus d’Île-de-France regroupés au sein de Paris Métropole, toutes tendances confondues, ont demandé la révision par le Parlement de cet article 12 si mal conçu.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : êtes-vous prêt à engager la révision législative de l’article 12 de la loi MAPAM ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe UDI.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.
Monsieur le député, je ne répéterai pas ce que j’ai dit la semaine dernière sur l’évolution des conférences territoriales de l’action publique et sur la nécessité de mieux organiser l’action publique, car j’ai cru entendre un certain nombre de vos collègues sur ces bancs faire des propositions équivalentes.
Venons-en au coeur de votre question. Les parlementaires ont en effet proposé, dans cet hémicycle, mais pas à la va-vite – je respecte trop profondément le Parlement pour reprendre de tels termes –…
…de créer la métropole du Grand Paris. Le syndicat mixte Paris Métropole a, comme vous l’avez dit, émis un voeu, relayé par tous, en fin de semaine dernière.
Permettez-moi tout d’abord de vous rappeler que le décret relatif à la mission de préfiguration vient d’être signé par le Premier ministre. Cette mission doit travailler afin de répondre aux questions complexes.
Monsieur Devedjian, si nous commençons par dire qu’il faut reculer parce que c’est compliqué, parce qu’il faut réfléchir et faire des simulations, alors la France n’avancera jamais !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
C’est effectivement complexe, et c’est précisément pour cette raison que le Premier ministre a décidé de recevoir le syndicat Paris Métropole, dont je rappelle que Jean-Yves Le Bouillonnec, François Pupponi ou encore Patrick Ollier avaient demandé explicitement l’inscription dans la loi.
C’est une formidable opportunité qui se présente à nous pour le Grand Paris et son rayonnement, pour que les Parisiens du Grand Paris parlent logement, transport, attractivité. C’est une formidable opportunité de solidarité entre les différentes collectivités.
C’est complexe, mais c’est enthousiasmant. Il faut avancer, monsieur Devedjian !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Yves Daniel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Conçue en 1957 avec le Traité de Rome, la politique agricole commune est née avec l’Europe. Comme le charbon, l’acier ou l’énergie, les ressources agricoles sont au coeur de la construction européenne.
Depuis l’origine, la PAC vise à assurer l’autosuffisance alimentaire européenne. Notre pays y est attaché, car nous connaissons les risques que, sous couvert de privilégier l’industrie et les services, un sacrifice de la production agricole nous ferait courir : risque économique, risque d’approvisionnement, mais aussi risque culturel. Nos terroirs, nos savoir-faire et nos traditions se sont construits avec notre agriculture.
La PAC a su évoluer pour s’adapter aux circonstances. C’est la raison pour laquelle elle a toujours été soutenue par ceux qui croient en la nécessité d’une régulation économique.
Dès le printemps 2012, notre majorité a fait de la PAC l’un des leviers de la réorientation européenne voulue par le Président de la République.
Plusieurs chantiers ont été ouverts avec succès : le maintien de l’enveloppe financière pluriannuelle dédiée à la PAC, avec 361,5 milliards d’euros pour la période 2014-2020 ; le verdissement des aides, avec la promotion à l’échelle européenne de l’agro-écologie ; le rééquilibrage en direction de l’élevage et des petites exploitations, pour lutter contre les inégalités en matière de revenus agricoles ; le renforcement du lien entre développement rural et production agricole.
Monsieur le ministre, nous sommes à un moment clé entre la PAC actuelle et la future PAC. Nous nous réjouissons de la réorientation que vous avez impulsée ces deux dernières années. Cependant, le passage d’une période à l’autre suscite des inquiétudes chez nos agriculteurs. Aussi, comment comptez-vous les accompagner concrètement dans cette transition, de manière à ce qu’ils soient pleinement associés à la réorientation de la PAC ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et GDR.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, vous avez posé une question qui mériterait plus de deux minutes pour y répondre.
Vous avez en effet parlé de l’enjeu que représentent l’agriculture et la réforme de la politique agricole commune. Vous êtes même remonté jusqu’à 1957 et à sa mise en oeuvre en 1962.
Une réforme de la politique agricole commune a été négociée au niveau européen l’an dernier. Elle entrera en application en 2015. Cette réforme a porté sur l’ensemble des aides qui sont versées aux agriculteurs.
Dans cette négociation, il a été question du budget. Comme vous l’avez rappelé, les perspectives financières ont été défendues par la France et par le Président de la République, de façon à maintenir le budget de la PAC.
Il a aussi été question de la répartition des aides. En ce qui concerne les aides découplées, versées en fonction du nombre d’hectares, le principe d’une convergence a été retenu, pour parvenir à un équilibre entre les aides à l’hectare les plus élevées et celles qui doivent être revalorisées – je pense aux régions où le niveau des aides est le plus bas. Les aides couplées sont, quant à elles, nécessaires pour l’élevage.
Il a également été question du verdissement, c’est-à-dire de notre capacité à mettre en oeuvre, tous ensemble, une politique agricole permettant à l’agriculture française et européenne d’être durable et de pérenniser ses ressources pour assurer sa production.
Produire et protéger l’environnement, assurer le développement économique et, en même temps, les nouvelles perspectives : voilà l’enjeu. Cette politique a un budget. La redistribution des aides est en cours – elle s’appliquera dès le début de l’année 2015.
Une rencontre aura lieu le 3 juin, avec l’ensemble des régions, sur la question du deuxième pilier des aides. À cette occasion, un accord sera passé avec les régions françaises pour que nous oeuvrions ensemble au développement de notre agriculture. À chaque étape – et cela continuera –, tous les agriculteurs, par l’intermédiaire des syndicats agricoles, ont été associés à ce grand projet pour une grande agriculture, en France et en Europe.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Vous venez de décider, dans la panique générale, une sortie de l’impôt sur le revenu pour 1,8 million de foyers à bas revenus.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Compte tenu de l’absence de marges de manoeuvre fiscales dont vous disposez, cela veut dire avant tout que la charge se concentrera sur les autres, c’est-à-dire les classes moyennes et les familles.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Ces deux catégories sont pourtant, depuis deux ans, les principales victimes de votre politique d’acharnement fiscal : abaissement du quotient familial, hausse de la TVA, fiscalisation des majorations de pensions pour les familles nombreuses, hausse des droits de mutation, modulation à la baisse des allocations familiales, refiscalisation des heures supplémentaires, ou encore fiscalisation de la part patronale des complémentaires santé.
Au total, ce sont plus de 7 milliards d’impôts nouveaux qui pèseront sur les ménages en 2014. Ces 7 milliards toucheront de plein fouet les classes moyennes et affecteront encore plus un pouvoir d’achat déjà très ébranlé.
Où est donc la pause fiscale tant annoncée par le Président de la République, par votre prédécesseur et par vous-même, monsieur le Premier ministre, qui déclariez, dans votre programme de stabilité budgétaire : « nous sentons bien qu’il y a un trop-plein d’impôts. [… ] Les Français n’en veulent plus ».
À quinze jours d’un collectif budgétaire et à une semaine des élections européennes, les Français ne sont pas dupes. Ils savent bien que toutes ces mesures d’affichage ne sont présentées que pour amadouer une majorité que vous avez tant de mal à trouver.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Les classes moyennes et les familles n’ont jamais droit à rien ; elles seront, encore une fois, écartées de cette baisse d’impôts.
Alors, monsieur le Premier ministre, quand vous déciderez-vous enfin à diminuer les charges qui affectent durement les classes moyennes et les familles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je vous remercie, monsieur le député, de me permettre de vous rappeler qu’en 2010 le déficit de notre pays était de 148 milliards d’euros.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
En 2014, il aura été réduit de moitié, et cela pour trois raisons.
Premièrement, le gouvernement de M. Fillon, à la fin de la précédente législature, a mis en place des mesures augmentant les impôts.
Deuxièmement, nous avons suivi cette trajectoire de redressement des comptes publics.
Troisièmement, nous avons commencé, dès notre arrivée, à faire des économies dans la dépense publique.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Le Gouvernement souhaite accélérer ce mouvement d’économies dans la dépense publique, à hauteur de 50 milliards d’euros. Dans la trajectoire des finances publiques, nous avions inclus une mesure dite de solidarité, s’élevant à 500 millions d’euros. Grâce au rendement, meilleur que prévu, du recouvrement des avoirs détenus à l’étranger, cette mesure pourra être portée à 1 milliard d’euros. Vous avez eu l’amabilité de reconnaître que cela permettra de faire sortir environ 1,8 million de foyers fiscaux de l’impôt sur le revenu.
En outre, monsieur Lurton, vous oubliez que beaucoup d’augmentations d’impôts sont liées à des décisions que vous aviez prises,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
tandis que c’est notre majorité qui a augmenté la décote – à savoir la diminution du niveau du revenu fiscal de référence à partir duquel on est exonéré d’un certain nombre d’impôts –, qui a remis en place l’impôt de solidarité sur la fortune et qui a aligné la fiscalité des revenus du capital sur celle du travail.
Ce mouvement sera poursuivi. Il est parfaitement assumé et s’inscrit dans notre trajectoire de finances publiques. Plutôt que des cadeaux fiscaux consentis à des cibles choisies, nous préférons la justice fiscale pour lutter contre les inégalités.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes. À plusieurs reprises ces derniers mois, la jeunesse a été le thème d’actualité permettant d’aborder de nombreuses questions européennes. Sur bien des sujets, la jeunesse est le lanceur d’alerte sur la situation de l’Europe. En 2013, la question des bourses Erasmus avait ouvert le débat sur le budget, avec l’issue favorable que l’on sait pour ce programme européen hautement symbolique.
Mais c’est surtout la question du chômage des jeunes qui préoccupe les instances et les populations européennes : 6 millions de jeunes sont sans emploi, dont un tiers depuis plus d’un an, et 7,5 millions sont sans emploi ni formation. Comme l’a déclaré il y a plusieurs mois, Martin Schulz, président du Parlement européen, « il faut agir maintenant pour sauver la génération sacrifiée par la crise ». Il convient aujourd’hui de lutter contre le chômage des jeunes avec la même détermination que celle dont les gouvernements européens ont fait preuve pour sauver les banques.
La garantie pour la jeunesse – qui est en fait une généralisation au niveau européen de la politique déjà menée par le gouvernement français – est une nouvelle initiative européenne qui vise à lutter contre le chômage des jeunes, qui a atteint des niveaux inacceptables. Afin de bénéficier des financements, chaque État membre participant doit décliner son plan au niveau national.
Ce programme, appelé en France « garantie jeune », propose une offre de qualité aux moins de 25 ans, qu’ils soient ou non inscrits au chômage, dans les quatre mois qui suivent la fin de leur scolarité ou la perte de leur emploi. Cette offre doit consister en un emploi, un apprentissage, un stage ou une formation et être adaptée aux besoins et à la situation de chacun. Ce programme a été lancé dans dix territoires expérimentaux.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous préciser en quoi consistera, dans les années à venir, le plan national de mise en oeuvre de la garantie européenne pour la jeunesse ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Huées sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Madame la députée, vous l’avez rappelé, le Président de la République et le Gouvernement ont fait de la lutte contre le chômage des jeunes en France et en Europe une priorité.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La garantie pour la jeunesse, adoptée en avril 2013 au niveau européen, doit permettre à chaque jeune qui se trouve sans emploi quatre mois après avoir quitté son emploi ou sa formation de disposer d’un accompagnement, d’une formation, d’un stage, d’un accès à l’emploi. La garantie pour la jeunesse sera mise en oeuvre dans tous les États membres, dans les deux ans qui viennent. Mais en France, le ministre du travail – Michel Sapin à l’époque – a lancé la garantie jeunes dans dix territoires pilotes, dès le mois d’octobre 2013. Cette phase pilote concerne 10 000 jeunes et sera étendue à 30 000 jeunes à partir d’octobre 2014. Elle sera ensuite généralisée, sous l’égide du ministre du travail, François Rebsamen, à l’ensemble du territoire et pourra bénéficier à 100 000 jeunes.
Pour la première fois, afin de venir en appui de cette politique d’emploi des jeunes, nous avons obtenu que soient créés de nouveaux instruments financiers dans le budget européen. Un fonds de 6 milliards d’euros sera ainsi consacré à cette politique en 2014 et en 2015. Ce sont ainsi 600 millions d’euros supplémentaires qui bénéficieront aux territoires pilotes en France.
Ils viendront s’ajouter aux fonds structurels – en particulier le Fonds social européen – ainsi qu’à l’extension du programme Erasmus, qui s’appelle désormais Erasmus + et qui peut bénéficier aux jeunes en alternance et en formation professionnelle. Ils s’ajouteront également aux nouvelles interventions de la Banque européenne d’investissement – celle-ci peut aujourd’hui financer des campus universitaires, comme le campus Condorcet à Aubervilliers.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse au Premier ministre. Nous examinerons prochainement une proposition de loi du groupe socialiste, relative à l’extension des pouvoirs de l’inspection du travail.
L’exposé des motifs de nos collègues socialistes a le mérite d’être clair. Je cite le rapporteur : « Les mesures proposées par le texte de loi tirent les conséquences de l’importance du nombre de classements sans suite par les parquets des procès-verbaux d’agents de contrôle de l’inspection du travail ». Au moins, pour le parti socialiste, c’est clair : puisque la justice n’obéit pas aux inspecteurs du travail, on va permettre à l’inspecteur du travail de dresser lui-même un procès-verbal contre l’employeur…
…sans que le chef de l’entreprise ne puisse faire un recours gracieux auprès de l’administration ni, et c’est beaucoup plus grave, se défendre au tribunal devant un juge !
Belle conception de l’indépendance de la justice ! Ces amendes, ainsi que le texte l’indique, pourront aller jusqu’à 2 000 euros par infraction constatée et par travailleur.
Je rappelle, chers collègues, que notre code du travail est d’une complexité extrême ; il comprend plus de 3 200 pages, et probablement douze de plus dès la semaine prochaine. C’est pour cette raison que l’appréciation du juge était indispensable.
Cette proposition de loi socialiste est également un très mauvais message adressé à ceux qui créent des emplois dans notre pays et qui souhaitent avant tout que le code du travail soit plus facile à comprendre et à appliquer.
Monsieur le Premier ministre, vous qui pensez incarner une certaine forme de modernité, n’avez-vous pas le devoir de vous opposer à cette proposition de loi archaïque, dogmatique et dangereuse pour l’emploi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.
Monsieur le député, vous vous étonnez de l’ajout au code du travail d’articles qui visent à renforcer l’inspection du travail. Cela me permet de saluer l’excellent travail effectué par Denys Robiliard, auteur de la proposition de loi, et d’évoquer l’attachement que nous portons tous à l’inspection du travail.
L’inspection du travail joue un rôle essentiel dans la protection des droits des salariés. Elle joue aussi – peut-être ne le savez-vous pas ? – un rôle très important dans la protection des entreprises. Celles-ci demandent en effet son intervention, car la quasi-totalité d’entre elles respectent le droit et souhaitent voir baisser le nombre des entreprises en infraction. Et c’est le rôle de l’inspection du travail.
Il est important de moderniser l’inspection du travail afin de l’adapter à ce qu’est devenu le marché du travail. Les choses ont évolué depuis un siècle !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
S’il vous plaît ! Il n’est pas nécessaire de crier ! Je vous renvoie à l’article 71 du règlement, que j’appliquerai si cela continue.
Cette réforme nous permet tout simplement d’améliorer l’efficacité et l’organisation de l’inspection du travail. Nous renforçons son pouvoir pour mieux protéger les salariés, mais aussi les entreprises. C’est pourquoi cette réforme est équilibrée. Quoique vous en pensiez, nous la mènerons à son terme, dans l’intérêt des entreprises.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, le dernier bilan de l’agence Frontex alerte sur l’explosion des flux migratoires aux frontières européennes. Depuis 2012, le nombre des migrants illégaux y a augmenté de 48 %. Ils viennent principalement de Syrie, du Maroc, d’Afghanistan, d’Albanie ou d’Érythrée, et comptent parmi eux de nombreux réfugiés. L’agence a enregistré en 2013 plus de 107 000 entrées et estime que l’année 2014 pourrait être la pire en matière d’immigration clandestine. Cette immigration, qui s’intensifie, échappe aux contrôles et provoque des drames humains en Méditerranée.
Or, bien que les moyens de Frontex soient toujours insuffisants pour faire face à des flux migratoires croissants, ses budgets ont diminué, passant de 115 millions d’euros en 2011 à 87 millions aujourd’hui.
Par ailleurs, le traité de Schengen confie à chacun de ses pays membres la surveillance des frontières extérieures de l’Europe quand celles-ci sont aussi ses frontières nationales. Or, les pays les plus concernés sont aussi les plus vulnérables, ne serait-ce qu’en raison de la longueur de leurs côtes. Il en est ainsi de l’Italie qui, démunie face au drame des naufrages à répétition au large de l’île de Lampedusa, menace de laisser entrer les migrants illégaux dans l’espace européen.
La France, confrontée en 2011 à une situation comparable – c’était la Révolution de jasmin en Tunisie – avait rétabli les contrôles à la frontière italienne.
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour faire face aux tensions qui s’annoncent ? La France demandera-t-elle l’augmentation du budget de l’agence européenne Frontex ?
Par ailleurs, envisagez-vous, si les circonstances le justifient, de rétablir, le temps qu’il faudra, les contrôles aux frontières de notre pays ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Merci beaucoup, monsieur le député, pour votre question dont l’énoncé retrace une situation juste, que l’on connaît et à laquelle de nombreux pays européens se trouvent confrontés. C’est vrai, les flux migratoires aux frontières de l’Europe augmentent, pour des raisons qui ne tiennent en rien à Schengen, ni à l’insuffisance des moyens de Frontex, mais à la situation géopolitique que vous avez rappelée.
Lorsque des populations sont confrontées, dans leur pays, à la dureté de la guerre, à la torture, à la barbarie, elles se trouvent poussées, malgré elles, sur les chemins de l’exode. C’est ce qui se passe aujourd’hui pour les populations érythréennes, syriennes, qui arrivent sur le territoire de l’Union européenne.
Rappelons que nous avons nous-mêmes souhaité que Frontex dispose de moyens supplémentaires mais au moment de la négociation du cadre financier de l’Union européenne pour la période 2013-2020, ce sont les conservateurs européens qui n’ont pas voulu augmenter le budget de l’Union européenne, privant ainsi les grandes politiques de l’Union européenne des moyens de faire connaître entièrement leurs effets.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Au moment où nous nous battions pour que Frontex dispose de davantage de moyens, les membres du PPE au sein du Parlement européen n’ont pas été d’un grand secours, alors que nous avons justement besoin, pour mener ces grandes politiques, de budgets supplémentaires.
Je voudrais insister sur un troisième point : il ne faut pas, selon une approche simpliste de ces questions, laisser croire que Schengen serait à l’origine des flux migratoires. Ce sont les situations géopolitiques qui l’expliquent et d’ailleurs, un certain nombre de pays qui n’ont pas adhéré à Schengen sont soumis à la même pression que le nôtre – je pense notamment au Royaume-Uni.
Nous devons, pour lutter contre ce phénomène, renforcer les coopérations européennes. Nous le faisons et j’ai rencontré hier la commissaire européenne, Cécilia Malmström, pour que nous prenions des initiatives ensemble. Nous devons lutter résolument contre l’immigration irrégulière. Nous avons ainsi démantelé près de 200 filières l’année dernière.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre du travail, ma question concerne la convention UNEDIC négociée le 22 mars dernier entre syndicats patronaux et syndicats de salariés pour le régime de l’assurance chômage.
Cette convention, à moyens constants alors que le nombre de chômeurs continue d’augmenter, entérine de nouveaux reculs pour les salariés. Tout d’abord, la mise en place des droits rechargeables à l’assurance chômage, que vous avez présentée comme une grande avancée, est loin d’en être une puisqu’elle sera, comme nous le redoutions, financée à enveloppe constante par une diminution des droits de l’ensemble des chômeurs.
Par ailleurs, cet accord allonge le délai avant indemnisation en le portant de 75 à 180 jours, soit six mois, pour les salariés qui ont perçu des indemnités de rupture de contrat de travail au-delà d’un certain plafond, mais également pour ceux à qui un juge a accordé une indemnisation en réparation d’un préjudice, ce qui est profondément choquant.
Cela signifie concrètement, comme le souligne le Syndicat des avocats de France, qu’un salarié ayant contesté son licenciement et obtenu gain de cause devant la juridiction prud’homale pourra se voir réclamer jusqu’à six mois de remboursement d’indemnités chômage. Si l’on voulait dissuader les salariés de contester leur licenciement, on ne s’y prendrait pas autrement !
Notons également la mise à contribution des salariés âgés de plus de 65 ans, qui, jusqu’à présent, étaient exonérés de cotisations chômage. Enfin, cette convention porte un nouveau coup au régime des intermittents du spectacle, notamment en relevant de deux points le taux de leurs cotisations.
Pour toutes ces raisons, avec les députés du Front de gauche, nous vous demandons, monsieur le ministre, de ne pas ratifier cette convention.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.
Madame la députée, vous venez, par votre question, d’aborder deux sujets qui se compètent. Vous avez tout d’abord évoqué l’augmentation qui pourrait résulter de la durée maximale du différé d’indemnisation des salariés qui bénéficient aussi, rappelons-le, d’importantes indemnités lors de leur départ de l’entreprise. C’est vrai.
Vous avez relevé, mais je sais que vous y êtes sensible, que cette augmentation ne s’appliquera pas aux licenciements économiques. Vous conviendrez avec moi que certaines dispositions n’empêchent pas des comportements qui font peser sur l’assurance chômage la prise en charge de demandeurs d’emploi qui devraient rester dans l’emploi. Je pense, et vous le savez, aux ruptures conventionnelles, notamment pour les seniors.
Vous êtes la première, à juste titre, à déplorer ce type de comportement. Si vous me le permettez, je serai le deuxième, après vous. Je suis sûr que l’accord sur l’assurance chômage permettra, grâce à cette disposition, de modifier certains comportements.
Par ailleurs, cet accord préserve le régime de l’intermittence, et vous le savez. La négociation s’est engagée sur la base d’une proposition du MEDEF de supprimer le régime de l’intermittence, arguant de son coût excessif. Grâce à la mobilisation des partenaires sociaux et de l’ensemble du monde culturel, car il ne peut y avoir de culture sans les intermittents, les bases de l’ouverture des droits restent inchangées.
À ce jour, cet accord fait preuve de justice sociale. Pour 52 % des intermittents, il n’y aura aucun changement de situation – annexes VIII et X. Pour les artistes qui relèvent de l’annexe X, 78 % d’entre eux n’auront aucun jour de différé.
Relevons enfin que cet accord est issu du dialogue social, qui a été signé par Force ouvrière, la CFTC, la CFDT, le MEDEF, la CGT, la CGPME et l’UPA. Ce serait remettre en cause le dialogue social que de ne pas le suivre.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Régime de l’assurance chômage
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.
La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine de contrôle du 9 juin 2014 :
Questions au ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
Questions au ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique ;
Débat sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Il n’y a pas d’opposition ?… Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi tant attendu, qui trouve son origine dans un rapport intitulé « L’économie sociale et solidaire, entreprendre autrement pour la croissance et l’emploi », que notre collègue Francis Vercamer a remis en avril 2010 au Premier ministre de l’époque. Nous saluons naturellement cet excellent travail qui a permis de promouvoir une nouvelle façon d’entreprendre, et l’on ne peut que se féliciter que le Gouvernement en ait repris presque toutes les propositions dans son projet de loi.
Sept des huit commissions permanentes de l’Assemblée se sont ou ont été saisies de ce texte, ce qui démontre l’importance de ce secteur d’activité qui concerne toutes les problématiques économiques et sociales dans l’ensemble de nos territoires. Alors que la France peine à sortir de la crise, il est indispensable, monsieur le ministre, d’envoyer un signal fort aux 2,2 millions de salariés et aux 223 000 établissements de ce secteur.
Depuis plusieurs années, la multiplicité des acteurs et le manque de cohérence ont entravé le développement de l’économie sociale et solidaire. En 2010, Francis Vercamer avait donc recommandé d’élaborer une véritable loi-programme de reconnaissance de ce secteur et de son développement.
Pour le groupe UDI, nous l’avons déjà dit, ce projet de loi va dans le bon sens car il clarifie les objectifs de l’économie sociale et solidaire et lui ouvre un véritable champ de prérogatives. C’est donc dans un esprit très constructif que nous avons pendant plusieurs jours abordé ces débats. Fidèles à l’approche de Francis Vercamer, nous avons veillé à ne pas opposer l’économie sociale et solidaire à l’économie classique.
C’est pour cette raison, monsieur le ministre, que nous considérons que les dispositions relatives à l’information préalable des salariés lors d’une reprise d’entreprise n’ont pas leur place dans un tel texte – je vois que vous opinez du chef : je comprends que vous soyez sensible à notre argumentation.
N’interprétez pas abusivement mon langage corporel, monsieur le député !
Sourires.
C’est d’autant plus surprenant que nous avons, vous vous en souvenez, abordé cette question à deux reprises dans l’hémicycle : lors de l’examen du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, puis lors de celui du projet de loi « Florange », censuré par le Conseil constitutionnel. En clair, les Sages vous ont fermé la porte et vous tentez avec ce texte de passer par la fenêtre ! Pour le groupe UDI, les articles 11 et 12 du texte débattu au Sénat et issu des travaux de la commission sont telles des verrues sur un beau visage. Nous regrettons qu’à l’occasion d’un projet qui devait être consensuel vous tentiez de faire adopter des mesures qui ne le sont pas.
Certes, nous sommes tous d’accord pour éviter que les entreprises saines soient liquidées faute de repreneurs, mais il est contre-productif de choisir une procédure contraignante, car elle fragilisera l’ensemble des cessions d’entreprises du fait du risque qui pèsera sur la confidentialité indispensable à leur réussite, et elle renforcera le climat anxiogène que l’information peut susciter à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise. Nous souhaitons que les prochaines lectures de ce projet de loi soient l’occasion de renforcer la stabilité et la visibilité financière des entreprises, petites et grandes.
D’autre part, s’il est nécessaire de définir précisément le périmètre de l’économie sociale et solidaire, il est tout aussi indispensable d’y inclure l’ensemble des acteurs traditionnels de même que les acteurs plus récents, comme les entreprises sociales. Nous souhaitons envoyer un signal fort aux entreprises d’un secteur d’activité auquel le groupe UDI est très attaché : les services à la personne.
Nous tenons enfin à rappeler que le développement de l’ESS ne doit pas se limiter à ce texte. Dès à présent, nous invitons le Gouvernement à mettre en oeuvre toute la pédagogie nécessaire pour promouvoir l’ESS et l’ancrer davantage dans les territoires.
En conclusion, le groupe UDI ne saurait voter contre ce projet de loi, dont il est quasiment l’initiateur et qui apporte une véritable reconnaissance législative à ce secteur d’activité économique représentant près de 10 % de nos emplois. Malheureusement, monsieur le ministre, j’ai évoqué quelques articles qui ne poursuivent pas cet objectif partagé, qui envoient de mauvais signaux aux acteurs économiques et qui ne nous permettent donc pas de voter pour ce texte. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq petites minutes pour raconter la fabuleuse histoire des écologistes avec l’économie sociale et solidaire, c’est trop peu !
Sourires.
Nous dédions ce texte, en premier lieu, à tous les acteurs de l’économie sociale et solidaire, précurseurs et contemporains, ancrés sur les territoires. Nous le dédions aussi aux citoyens initiateurs de démarches porteuses d’alternatives, à toutes celles et à tous ceux qui s’engagent parce qu’ils se sentent concernés par le bien-être et la satisfaction des besoins de chacun, à celles et à ceux qui entreprennent avec enthousiasme des actions pour faire de l’économie autrement, pour porter l’idéal d’autonomie, de responsabilité et d’initiative que comporte le mot parfois décrié d’autogestion.
Rappelons-nous Sartre et Cohn-Bendit qui débattaient de l’imagination au pouvoir et de l’extension du champ des possibles ! Avec les ministres Benoît Hamon et, par la suite, Valérie Fourneyron, dont je salue l’implication dans la concertation foisonnante qui a largement contribué à élaborer puis à faire évoluer le projet de loi initial, nous ne voulons pas encadrer l’économie sociale et solidaire, mais bien ouvrir toujours plus ce champ des possibles, libérer l’imagination lorsqu’il s’agit d’innovation sociale, de solidarité et de coopération. Il fallait donc lui donner une définition partagée et les moyens de changer d’échelle.
Nous devons porter haut et fort l’économie sociale comme un modèle offrant une alternative à la financiarisation de l’économie et à ses conséquences. Nous répétons que l’économie sociale et solidaire n’est pas une économie de la réparation, mais bien une économie de la transformation. En effet, nous devons transformer notre modèle de production, notre façon de voir la croissance et de penser les rapports entre l’économie et la société. Pour ce faire, l’économie sociale et solidaire, soutenue par ce projet de loi, est l’un de nos plus précieux leviers. Elle est aussi un levier pour la transition écologique.
Charles Gide, né à Uzès en 1847, fut un dirigeant historique du mouvement coopératif français, théoricien de l’économie sociale, fondateur de l’école de Nîmes et de la Revue d’études coopératives. Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’en tant que député d’Uzès et de Nîmes je sois fier de pouvoir lui rendre hommage en m’inscrivant dans la continuité de son engagement.
Dans le cadre de l’examen de ce texte, les députés du groupe écologiste et, au-delà, d’autres élus régionaux ont activement participé à développer des sujets aussi essentiels que la définition de l’utilité sociale et du développement durable, la gouvernance démocratique dans les entreprises ou les associations, la gouvernance territoriale de l’économie sociale et solidaire, l’économie circulaire, la transition énergétique, l’alimentation et l’agriculture, le besoin de nouveaux indicateurs de suivi statistique intégrant la qualité de vie et le développement durable, la formation initiale et professionnelle, la relation entre secteur public et secteur privé à lucrativité limitée, le commerce équitable, et les monnaies locales complémentaires.
À ce sujet, je rappelle qu’il existe aujourd’hui en France une quarantaine de monnaies locales complémentaires, en circulation ou en projet, dont l’objectif est de renforcer le lien social, de favoriser prioritairement la consommation locale par des circuits courts de proximité et de qualité, et de refuser la spéculation. Elles sont intégrées dans ce texte, et la reconnaissance de leur existence dans la loi française est un véritable progrès.
Mes chers collègues, si quelques-unes des améliorations souhaitées par les écologistes n’ont pu être intégrées à ce stade, elles ont été renvoyées, par le rapporteur ou la ministre, à d’autres projets de loi. Vous pouvez donc compter sur nous pour faire écho, à court terme, aux débats que nous venons d’avoir, au travers notamment de la loi sur la transition énergétique pour le financement participatif des énergies renouvelables, de la réforme territoriale pour les stratégies régionales à mettre en place, ou encore lors des discussions autour de la prochaine loi de finances pour ce qui concerne les moyens dédiés à l’économie sociale.
Je terminerai mon propos sur cette question des moyens par une note européenne, à l’approche des élections qui se tiendront dimanche prochain et pour lesquelles une mobilisation des électeurs est indispensable – une mobilisation en faveur d’une Europe démocratique et sociale, d’une Europe de la coopération territoriale et économique.
Nous avons intégré dans la loi la référence au fonds d’entrepreneuriat social européen, qui est entré en vigueur récemment. Nous pouvons aussi citer les programmes pour l’emploi et l’innovation sociale, la solidarité ou la microfinance. Nous pourrions évoquer les stratégies européennes qui visent à renforcer les compétences régionales et nationales pour améliorer la visibilité et la reconnaissance de l’entrepreneuriat social, ou encore les financements prévus en faveur de la formation des entrepreneurs sociaux en Europe. La nouvelle réglementation européenne sur les marchés publics, adoptée par le Parlement en janvier 2014, est aussi une avancée. Si l’Europe se mobilise pour créer un écosystème incitant à trouver des réponses créatives et innovantes aux crises qu’elle traverse, en soutenant les acteurs de l’économie sociale et solidaire, elle doit absolument être confortée dans ce sens dimanche prochain.
Pour toutes ces raisons, les écologistes voteront ce texte avec plaisir.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire soumis au vote de notre assemblée cet après-midi s’inscrit pleinement dans la volonté du Gouvernement de développer l’ensemble de ce tiers secteur. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sont très attachés à l’économie sociale et solidaire et se félicitent de cette volonté confortée par des actes forts.
Il nous fallait répondre aux attentes des acteurs. Pour assurer le développement de l’ESS, nous avions d’abord le devoir d’écrire dans la loi une meilleure définition de ce secteur et de donner aux acteurs concernés les moyens de faire reconnaître la spécificité de leur activité. En effet, marquée par une forte hétérogénéité de ses composantes, l’ESS est aujourd’hui un secteur mal connu du grand public en France. Pour la vitalité de tous nos territoires, pour notre jeunesse comme pour l’ensemble de notre économie, les organisations et entreprises de l’ESS représentent pourtant une formidable chance d’innovation, de création d’emplois et de renforcement du lien social. Les acteurs de l’ESS réclament un accompagnement et un soutien pour parvenir au changement d’échelle attendu, afin de conforter leur stratégie de croissance socialement plus équitable. Nous avions besoin de cette loi fondatrice.
Cette loi ambitieuse que le Gouvernement a voulu bâtir a d’abord commencé par une longue phase de concertation, très appréciée par l’ensemble des acteurs. À ce propos, je tiens ici à remercier tout d’abord Benoît Hamon pour son travail partenarial au moment de l’élaboration de ce projet de loi. Je remercie aussi Mmes les ministres Valérie Fourneyron et Axelle Lemaire pour leur sens de l’écoute et du compromis, ainsi que pour leur concours et leur qualité d’adaptation aux circonstances. Tous trois ont contribué, chacun à différents stades de la procédure parlementaire, à la formalisation d’un texte solide et bien proportionné.
Je l’ai dit : ce projet est attendu. Il répond aux attentes et aux espoirs de nombreux acteurs qui appelaient de leurs voeux une meilleure définition de l’ESS et un encadrement juridique plus équilibré. Avec 2,4 millions de salariés, plus de 10 % du PIB et un emploi privé sur huit, le poids de l’ESS est considérable pour notre pays, et même primordial dans certains secteurs. Concrètement, l’ESS représente 70 % des structures d’accueil pour personnes âgées dépendantes et 90 % de celles consacrées aux personnes en situation de handicap.
Au cours des dix dernières années, l’ESS a créé 440 000 emplois nouveaux, soit trois fois plus que la moyenne de l’emploi privé. Dans notre combat contre le chômage, les potentialités de l’ESS en matière de création d’emplois non délocalisables sont d’autant plus grandes qu’elles correspondent aux nouveaux besoins, comme aux valeurs retrouvées de nos sociétés. L’encadrement opéré par ce projet de loi permettra aux acteurs de prospérer plus sereinement et de continuer de jouer un rôle économique et social déterminant dans des secteurs aussi importants et divers que le médico-social, l’agriculture, la prévoyance, l’éducation ou encore l’insertion.
Comme beaucoup d’autres, notre pays fait face à une crise financière, une crise économique et sociale, mais aussi une crise morale. Cette crise trouve ses origines dans des mauvaises habitudes budgétaires et dans les événements récents causés par les excès d’une économie financiarisée. Dans cette situation, nous nous réjouissons de cette loi ambitieuse, qui permettra l’essor de l’ESS. Cette loi a une résonance particulière, car l’ESS donne du sens aux valeurs humanistes de solidarité, de démocratie et de justice sociale, autant de remparts contre l’individualisme et de vecteurs pour la préservation du lien social.
Après une lecture au Sénat et de longs débats dans notre assemblée, en commission comme en séance publique, au cours desquels nous avons eu des échanges passionnés et passionnants sur ces sujets, nous voici parvenus au terme de la première lecture. Sur bon nombre de points, nous avons pu aboutir à des avancées qui contribuent à consolider et à renforcer le texte. Sur la cinquantaine d’amendements déposés par le groupe RRDP, une dizaine ont été adoptés. Sans les détailler, je tiens à saluer l’adoption de l’amendement n° 165 rectifié relatif au regroupement formel des entreprises de l’ESS, et je remercie tout particulièrement le président Brottes pour son intervention, qui en a permis l’adoption.
Sourires.
Avec son concours, nous avons prévu dans la loi la remise d’un rapport, qui nous laisse du temps pour expertiser la possibilité d’une forme plus universelle de groupes d’entreprises de l’ESS. Je retiens aussi le renforcement de la légitimité des chambres régionales de l’ESS, le respect des spécificités des acteurs locaux et la création d’un schéma pluriannuel de développement pour donner aux initiatives locales un meilleur accès au financement.
Pour finir, je tiens à saluer la qualité de nos débats législatifs, en commission comme en séance publique, ainsi que la qualité du travail des rapporteurs et de l’opposition. Le temps où l’ESS était considérée de façon marginale par les pouvoirs publics est désormais derrière nous. Grâce à ce texte, l’ESS pourra poursuivre ses missions en préservant ses qualités propres de coexistence harmonieuse, de performance économique, d’utilité sociale et de développement durable. Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous pourrez compter sur notre soutien, dans l’hémicycle comme dans nos circonscriptions.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’une des ambitions affichées du projet de loi sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer cet après-midi est de reconnaître enfin le secteur de l’économie sociale et solidaire comme une forme d’économie à part entière. Rappelons que ce secteur pèse 10 % de la richesse nationale et emploie 10 % des salariés français, dans plus de 200 000 structures.
L’économie sociale et solidaire prouve chaque jour que l’économie peut poursuivre d’autres objectifs que la seule recherche du profit, et qu’il existe d’autres règles que celles du marché pour produire et distribuer les biens et services. Elle prouve encore que les exigences en termes d’utilité sociale et de répartition de la valeur ajoutée peuvent être mises au service de l’emploi, de la citoyenneté, du développement durable, de la transition énergétique et des biens communs.
Les députés du Front de gauche approuvent ces orientations. Nous pensons qu’outre la promotion des services et établissements publics, il est aujourd’hui nécessaire d’encourager des formes décentralisées de propriété sociale et de systématiser le recours aux modes d’organisation propres à l’économie sociale et solidaire.
Le présent texte poursuit l’objectif de développer, d’ouvrir et de sécuriser juridiquement tous les organismes considérés aujourd’hui comme appartenant à ce secteur dynamique et en croissance régulière, qu’il s’agisse de coopératives, de mutuelles, de fondations ou d’associations.
Si l’économie sociale et solidaire doit poursuivre son développement, si nous devons l’y aider, il ne faudra pas qu’elle cède sur ses principes essentiels : travailler autrement, remettre l’économie au service de l’homme, favoriser le partage égal des fruits du travail, combattre le court-termisme et l’appât du gain. Cette éthique est plus particulièrement portée par les chambres régionales de l’économie sociale et leur conseil national. Nous avons pris acte de la reconnaissance de leur action par le Gouvernement.
Ces pratiques vertueuses doivent désormais polliniser l’économie traditionnelle, et non l’inverse. Or les modèles économiques de ce que l’on appelle parfois le « tiers secteur » sont quelquefois bousculés, l’argent devenant d’autant plus le nerf de la guerre que nous sommes en période de réduction des subventions publiques.
Du fait du désengagement de l’État et des collectivités, nous assistons à un brouillage des lignes. Des entreprises classiques à vocation sociale inventent de nouveaux modèles économiques rentables dans des secteurs jusque-là réservés plutôt aux associations tels le social, l’inclusion et même l’aide au développement.
Comme le décrivait également un récent article du Monde diplomatique sur les conditions de travail et d’emploi dans l’économie sociale et solidaire, « le salaire d’un travailleur du secteur est inférieur à ceux du privé. C’est particulièrement vrai dans le milieu associatif, principal employeur de l’économie sociale et solidaire avec 78 % de ses salariés, soit 1 800 000 personnes : le salaire y est inférieur de 17 % à celui observé dans le secteur marchand ».
Les contrats précaires et la faiblesse des rémunérations brouillent la frontière entre salariat et bénévolat, instaurent un flou entre travailleur aidant et usager aidé. Les usages constatés ici ou là montrent le chemin à parcourir pour être à la hauteur des principes affichés. D’où l’importance de bien définir les normes sociales qui décident de l’appartenance au secteur.
J’en viens maintenant au vif regret qui est le nôtre de ne pas trouver dans ce texte un véritable droit de rachat prioritaire, à offres égales, pour les salariés, qui leur permettrait de reprendre leur entreprise sous forme de coopérative : une simple information se substitue au final au droit de préemption, un engagement parmi d’autres du candidat François Hollande qui est abandonné.
Nous disons cependant notre satisfaction concernant de nombreuses dispositions de ce texte de loi, notamment l’article 15 et le dispositif d’amorçage applicable aux sociétés coopératives et participatives.
En dépit des quelques insuffisances du texte, les députés du Front de gauche voteront en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.
La parole est à M. Jean Grellier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte relatif à l’économie sociale et solidaire qui est soumis à notre vote aujourd’hui donne un cadre sécurisé et une impulsion à ce secteur économique en définissant pour la première fois son périmètre afin d’en clarifier les statuts, de mieux en identifier les structures et de mieux les accompagner.
Si l’économie sociale et solidaire est aux côtés de l’économie dite classique, elle ne doit pas pour autant être considérée comme marginale. En effet, elle représente déjà dans notre pays 2,4 millions de salariés, soit un emploi privé sur huit. Et la vitalité de l’ESS ne faiblit pas, puisque ce sont 600 000 emplois qui seront à renouveler d’ici à 2020 en raison des départs en retraite, avec des capacités de création significatives.
Ce projet de loi comporte pas moins de 53 articles, et je veux saluer le travail du rapporteur Yves Blein, ainsi que des six rapporteurs des commissions saisies pour avis, phénomène assez inédit qui vient souligner une fois de plus l’importance du texte qu’il nous est demandé de voter. Je veux également saluer le travail du Gouvernement et des ministres Benoît Hamon, Valérie Fourneyron, Axelle Lemaire et Najat Vallaud-Belkacem.
Coopératives, mutuelles, fondations, associations : autant de modes d’entreprendre qui ont fait leurs preuves et qui nous démontrent qu’un modèle économique peut être viable même lorsqu’il n’a pas pour seul objectif le profit. L’économie sociale et solidaire promeut un modèle plus juste et plus humain, dans lequel les salariés sont efficaces car ils sont plus mobilisés autour d’un projet. Elle peut s’appliquer à tous les secteurs : industrie, banque, santé, agriculture, commerce, artisanat, transport, culture et bien d’autres et les exemples de réussite ne manquent pas. Le caractère inclusif de la loi permettra désormais à des entreprises commerciales d’intégrer le champ de l’économie sociale et solidaire à condition de respecter le cadre défini par la loi.
Si ce texte sécurise l’existant, il apporte aussi des avancées majeures. Il crée ainsi un droit d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise. Dans les entreprises de moins de 250 salariés, ces derniers seront informés au moins deux mois avant la cession par le chef d’entreprise qui a l’intention de vendre. Il convient de ne pas caricaturer l’apport de ce texte de loi. Bien entendu, il n’oblige pas les salariés à présenter une offre de reprise. Il n’oblige pas non plus le chef d’entreprise à choisir l’offre présentée par ses salariés.
Ce texte ouvre un droit social supplémentaire pour sauver des emplois puisque chaque année, ce sont 50 000 emplois qui disparaissent dans le cadre d’entreprises saines qui n’ont pas trouvé de repreneurs. Une étude de 2013 de la direction générale du Trésor a d’ailleurs montré que les activités reprises par les salariés avaient jusqu’à 20 % de chances supplémentaires de pérenniser leur activité. Ce nouveau droit s’inscrit également dans une amélioration du dialogue social au sein de chaque entreprise.
Une autre avancée de cette loi se trouve dans la création des pôles territoriaux de coopération économique, les PTCE. Ces pôles rassembleront des entreprises de l’ESS entre elles, mais aussi des entreprises classiques, des collectivités territoriales et des centres de recherche et de formation. Ils constitueront de véritables pôles de compétitivité pour l’économie sociale et solidaire, permettant de s’appuyer sur les territoires pour consolider l’activité. Par la coopération et la coconstruction, ces pôles territoriaux seront des outils au service de l’emploi non délocalisable et du développement durable local.
Nous savons que le redressement du pays viendra en partie de l’énergie de nos territoires. Nous devons en être convaincus, sur tous les bancs de cette assemblée. Un appel à projets a déjà été lancé et vingt-trois pôles verront le jour d’ici à trois ans pour faire émerger des projets portés depuis longtemps par l’économie sociale et solidaire : l’insertion par l’activité économique, les services aux personnes, les énergies renouvelables, les circuits courts alimentaires autour de notre agriculture.
Le groupe socialiste, républicain et citoyen se réjouit également de la création de la Chambre française de l’économie sociale et solidaire, à l’initiative du rapporteur Yves Blein. Elle permettra la promotion et le développement de l’ESS au niveau national en étant notamment un interlocuteur des pouvoirs publics. Le projet de loi permet ici une avancée réelle en offrant pour la première fois une structure permettant à toutes les composantes de l’économie sociale et solidaire de se rassembler et d’avancer ensemble, y compris en s’engageant au niveau européen.
Le texte qui sera soumis à nos votes dans quelques instants apporte ainsi des garanties et des avancées. Pour autant, le projet de loi n’ôte rien aux entreprises classiques. Il convient de rappeler le grand consensus qui s’est opéré, et les avis très positifs qui sont ressortis des différentes auditions. Ce texte est attendu par toutes les structures et les salariés de l’ESS,…
…et notre majorité a voulu être à ce rendez-vous. Le projet de loi a été considérablement enrichi et je ne peux ici en rappeler tous les apports. Permettez-moi seulement d’évoquer la mise en place d’un guide des bonnes pratiques économiques et sociales, l’affirmation de la dimension internationale ou encore les avancées pour le secteur associatif avec un cadre juridique modernisé et la création d’un fonds de formation pour les bénévoles. De même, la dimension de l’innovation sociale vise à être mieux définie.
Nous pouvons tous témoigner à partir de nos territoires respectifs, de la viabilité de ce modèle qui concilie efficacité économique et bien-être social. Les députés du groupe SRC sont tous convaincus du bien-fondé de cette loi, de son utilité et des avancées qu’elle va permettre. Nous sommes fiers de soutenir un texte qui promeut une nouvelle croissance, des structures démocratiques et de l’innovation sociale. Nous sommes fiers de soutenir les énergies de nos territoires, de faire confiance aux acteurs économiques et de promouvoir le développement durable.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
En somme, nous sommes fiers d’affirmer que l’économie est plurielle. Pour l’ensemble des raisons que j’ai développées et parce que le groupe SRC croit fermement qu’un autre mode d’entreprendre est possible, nous voterons ce texte avec conviction.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, Mme Fourneyron ayant des attaches dans ma circonscription de Saint-Malo, je vous serais reconnaissant de bien vouloir lui transmettre tous mes voeux de rétablissement.
La loi relative à l’économie sociale et solidaire a fait l’objet d’un premier vote au Sénat le 7 novembre 2013. Examiné par l’Assemblée nationale la semaine dernière, le texte est passé de 53 à 77 articles ! Dès le début de la discussion générale, j’ai dit à Mme Fourneyron que je partageais pour ma part les objectifs de cette loi qui confère à l’économie sociale et solidaire un cadre juridique simple et protecteur, un cadre facilitant aussi l’accès au financement des entreprises.
J’ai également pu mesurer combien étaient grandes les attentes des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Ils attendent des mesures susceptibles de remédier aux rigidités ou aux insuffisances statutaires qu’ils connaissent actuellement. En cela, je pense que le projet répond en partie à ces attentes. Votre texte contient, en effet, un certain nombre de demandes formulées par les acteurs de l’économie sociale et solidaire qui se sont investis et ont fait des propositions concrètes.
Mais ce projet contient aussi un certain nombre de propositions qui ont de quoi inquiéter et qui suscitent beaucoup de réactions. Nous pensons notamment aux articles qui vont exclure les entreprises de services à la personne du champ de l’économie sociale et solidaire. Certes, Mme Fourneyron a répondu que vous entendiez ouvrir ce champ à ces entreprises, mais vous mettez de telles conditions à l’obtention du label « entreprise sociale et solidaire » qu’en réalité vous leur fermez la porte.
Nous ne partageons pas non plus votre point de vue sur les conséquences des articles 11 et 12 sur le droit d’information des salariés en cas de transmission d’entreprises. Autant nous vous suivons quant à la nécessité de toujours resserrer les liens entre le salarié et son entreprise, autant nous pensons que de tels articles n’ont rien à faire dans cette loi et risquent encore de compliquer la vie de nos entreprises, de compliquer la relance de l’emploi dont nous avons tant besoin.
Enfin, monsieur le ministre, nous ne comprenons pas cette usine à gaz créée pour organiser l’économie sociale et solidaire. Nous sommes loin du choc de simplification dont votre Gouvernement se gargarise tous les jours !
En superposant les structures, vous allez rendre leurs actions illisibles et inefficaces. Au lieu de les soutenir, vous allez les desservir. Vous n’avez pas répondu, monsieur le rapporteur, pas plus que Mme la ministre, à nos demandes répétées de clarification sur les risques de doublons entre le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, le Conseil national et la Chambre française de l’économie sociale et solidaire.
Pour couper court à nos demandes d’explications, Mme Fourneyron a renvoyé à un décret la définition de toutes les missions de ces instances et leur composition. Je note d’ailleurs que l’arme du décret a été brandie trente-six fois durant l’examen du texte. À chaque fois que Mme Fourneyron a été mise en difficulté par nos questions, elle a remis à plus tard, en deuxième lecture, ce qui aurait pu être décidé le jour même. Étonnant pour un texte dont elle a salué à plusieurs reprises la méthode.
Monsieur le ministre, je l’ai dit en discussion générale au début de l’examen de ce texte, nous souhaitions l’aborder avec un esprit constructif,…
…avec une réelle volonté de conforter un secteur qui pourrait créer 600 000 emplois dans notre pays d’ici à 2020 – 600 000 emplois dont nous avons tant besoin !
Mais il est vrai que les discussions que nous avons eues la semaine dernière nous laissent sceptiques sur la portée économique de votre texte. Pour ce qui nous concerne, nous estimons qu’il ne faut ni opposer, ni hiérarchiser les modèles, mais au contraire les additionner, soutenir la création de valeurs de toutes les entreprises. Et plus particulièrement des petites et moyennes entreprises, qui sont les plus créatrices d’emplois !
Nous pensons qu’il est tout à fait possible et même souhaitable de concilier compétitivité économique et cohésion sociale. Nous ne sommes pas convaincus que votre texte aille dans ce sens à un moment où l’union des employeurs de l’économie sociale et solidaire qui représente plus d’un million d’emplois s’alarme. J’ajoute qu’aucun de nos amendements n’a été retenu.
Étonnant paradoxe face à la volonté affichée du Premier ministre d’écouter désormais toutes les tendances de cette assemblée.
En somme, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, le groupe UMP doute de la portée de ce texte qui aurait pu être une véritable opportunité pour l’économie sociale et solidaire.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe UMP votera majoritairement contre votre projet de loi. Pour ce qui me concerne, je veux donner une marque de soutien envers les millions de bénévoles qui concourent largement au développement de l’économie sociale et solidaire par leur engagement associatif, mutualiste ou coopératif et qui attendent beaucoup de cette loi.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.
Je leur voue un profond respect, mais je veux les alerter. Aussi, pour ma part et avec certains de mes collègues, comme nous sommes libres au sein de notre groupe, je m’abstiendrai sur ce texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 529 Nombre de suffrages exprimés: 479 Majorité absolue: 240 Pour l’adoption: 314 contre: 165 (Le projet de loi est adopté.)
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.
Mesdames, messieurs les députés, je voudrais saluer ce vote en indiquant à quel point ce texte était attendu. L’économie sociale et solidaire avait besoin d’être reconnue, d’être décloisonnée et que son idéal puissant, cette alliance nouvelle entre le capital et le travail soit portée par un texte. Nous avons failli arriver à une sorte d’unanimité.
Mais rien n’est perdu. Nous pouvons encore redoubler d’efforts pour approfondir la conviction que cet idéal qui veut que l’on se donne la main pour créer ses propres emplois, que ce soit dans les services, dans l’industrie ou dans le domaine de l’éducation populaire, doit transcender les clivages et les débats microscopiques comme ceux auxquels nous avons assisté – une directive européenne qui aurait dû être appliquée, qui n’aurait pas dû figurer dans le texte, mais qui, finalement, y a toute sa place.
Je voudrais remercier l’ensemble de mes collègues du Gouvernement, spécialement Valérie Fourneyron, Axelle Lemaire et Najat Vallaud-Belkacem. Je tiens également à remercier le rapporteur et les six rapporteurs pour avis ainsi que François Brottes pour le très gros travail qu’ils ont fourni. Je réserverai une mention particulière au père de ce texte, Benoît Hamon car, sans son volontarisme, nous n’en serions pas là.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Merci à l’Assemblée nationale ! C’est maintenant au Sénat que nous partons au plus vite car il y a une urgence de l’innovation sociale sur le terrain pour créer les emplois de l’économie sociale et solidaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Vote sur l’ensemble
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 48 à l’article 4.
Je suis saisi d’une série de plusieurs amendements identiques.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement no 48 .
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, cet amendement vise à supprimer l’alinéa 3 de l’article 4 qui définit ce qu’est un « acte important ». Nous estimons que cette définition, exercice difficile, donnera lieu à des différences d’interprétation et risque de provoquer des conflits et des recours supplémentaires, et cela, dans toutes les familles. Les débats d’hier soir nous ont effet montré que, contre toute attente, ce sont toutes les familles que vous voulez entraîner dans ces difficultés, puisque l’article 4 serait applicable même aux familles où les enfants vivent avec leurs deux parents, ce qui est le cas – est-il besoin de le rappeler ? – de 80 % d’entre eux.
Par ce texte mal rédigé et bavard, vous provoquez une judiciarisation de la vie familiale, dont vous ne mesurez même pas les conséquences, ce qui est grave. En multipliant les risques de conflits, vous allez à l’encontre du but premier de cette proposition de loi et surtout à l’encontre de l’intérêt de l’enfant qui pourra subir le contrecoup des procédures engagées par ses parents.
Hier soir, nous avons compris que ce texte, initialement centré sur les beaux-parents, non seulement ne définissait pas leur statut mais allait concerner tous les parents de France et de Navarre, qu’ils vivent ensemble ou séparés. Pis encore, il s’appliquera à tous les tiers, qui vont devoir demander de multiples certificats pour la moindre activité. Dans telle famille seront considérées comme relevant d’un acte important les caractéristiques du régime alimentaire, dans telle autre les activités sportives, dans telle autre encore les activités culturelles. Tout cela conduira à une inflation administrative reposant sur une vision paranoïaque des rapports humains, particulièrement des rapports entre adultes. À terme, vous allez étendre ces demandes de preuves, qui devront être conservées, à l’ensemble des beaux-parents, ce qui provoquera une inflation supplémentaire. Rendez-vous compte : les parents qui se seront séparés vont rencontrer d’autres adultes avec lesquels ils referont leur vie et ainsi de suite. Jusqu’où irez-vous donc ?
Nous voyons bien que vous avez une conception « quantique » de la famille : la position de l’enfant changera, avec deux lieux de résidence et des parents considérés comme étant interchangeables. Sur ce point, la proposition de loi est très claire : elle tend systématiquement à nier la différence entre la fonction paternelle et la fonction maternelle. Ce faisant, vous vous situez dans le droit fil des textes de destruction des institutions de la nation, de destruction des familles.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement no 145 .
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 161 .
Nous l’avons déjà dit hier, mais il faut le redire avec force : en voulant absolument figer nos définitions, nous risquons de figer les situations. Ce qui se voulait pragmatique, ce qui se voulait un geste d’ouverture à l’égard des tiers et des beaux-parents, risque d’aboutir à des blocages dans un plus grand nombre de familles. Or ce n’est pas le but que nous recherchons.
Il faut donner davantage de souplesse, je le répète. Je ne suis pas opposé, par dogme, à des évolutions, y compris lorsqu’il s’agit d’envisager une forme de mandat, mais ne figeons pas dans le marbre une définition d’inspiration jurisprudentielle. Laissons-nous des marges de manoeuvre. C’est tout l’objet de cet amendement qui vise à supprimer l’alinéa 3.
Alors que nous reprenons cette discussion, je forme le voeu que nous obtenions enfin des explications de la part de Mme la rapporteure et de Mme la ministre. Hier soir, non seulement nous sommes restés sur notre faim mais les explications qui ont été développées ont davantage contribué à créer de nouvelles difficultés conceptuelles qu’à éclaircir le débat, ce que nous ne pouvons que regretter.
Cet amendement a pour objectif de supprimer un alinéa qui fige singulièrement la définition de ce qu’est un acte important. Il ne faut pas que la définition légale proposée, dont on nous dit qu’elle est d’inspiration juridictionnelle, se révèle trop étroite.
L’expression « qui rompt avec le passé et engage l’avenir » laisse entendre que les conditions posées sont cumulatives alors que celles-ci doivent demeurer alternatives. Nous avons, au moment de la discussion générale autour de cet article, posé clairement cette question : or nous sommes toujours en attente de clarification. J’espère que nous allons enfin les obtenir !
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 391 .
Tout comme hier soir, j’aimerais revenir à des éléments concrets, car la loi sert aussi dans la vie quotidienne et traite de choses pratiques. J’ai donc une question à poser à Mme la ministre ou à Mme la rapporteure : prenons le cas de parents divorcés avec un enfant pré-adolescent de douze ans. Celui-ci ne change pas d’établissement scolaire et le problème de la garde a été traité, mais il se trouve que les enseignants en sport ont détecté chez ce jeune des capacités. L’établissement lui propose donc d’intégrer une section sportive, mais les deux parents ne sont pas d’accord : est-on en présence d’un acte « usuel » ou d’un acte « important » ? Voilà une question touchant à la vie quotidienne et que peuvent nous poser les parents d’élèves que nous rencontrons dans nos permanences.
Si c’est un acte « important », c’est le juge qui décidera si ce pré-adolescent intégrera ou non une section sportive. Où avez-vous rêvé cela ? En cherchant à définir trop précisément ce qu’est un acte important, vous figez celui-ci et ne laissez aucune marge d’appréciation.
Monsieur Binet, vous nous avez dit hier soir que nous faisions de la construction jurisprudentielle.
Pour ma part, je pense que c’est de la déconstruction jurisprudentielle que vous êtes en train de nous proposer ! Je propose donc, pour cette raison, non seulement de ne pas définir l’acte important ou l’acte usuel, mais surtout de déterminer qu’il n’y a pas besoin de l’accord exprès de l’autre parent.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 457 .
Sourires
; je salue également Mme la ministre, M. le président de la commission et Mmes les rapporteures. Je propose la suppression de cet alinéa parce que, comme je l’ai expliqué hier lors de la discussion générale, autant la notion de droits fondamentaux peut être claire et précise – le fait d’inscrire dans cet alinéa que constitue un acte important tout ce qui touche aux droits fondamentaux de l’enfant ne pose pas de difficulté –, autant le fait de procéder à une codification – qui est une forme de construction, cher collègue Binet ! – en incluant dans le droit des éléments jurisprudentiels nous fait toucher à la limite de l’exercice. En effet, je mets au défi quiconque de définir, avec la même précision que pour les droits fondamentaux de l’enfant, ce qu’est un « acte qui rompt avec le passé et engage l’avenir » ! Il peut y avoir sur ce sujet, à défaut d’une nomenclature ou d’une liste précise de ces actes, quelques indications de définition plus générales – ou au contraire plus précises, c’est selon. Mais en proposant d’écrire cela dans la loi, vous mettez en situation d’insécurité juridique tous ceux qui devront la lire !
Encore une fois, puisque personne n’est ici capable de nous fournir un espace de définition ou une liste, ou les deux, qui concernerait des actes engageant l’avenir de l’enfant ou rompant avec le passé, je considère que cet alinéa crée une forme d’insécurité juridique.
L’avantage de la jurisprudence, mes chers collègues, tient précisément à ce qu’elle est à la fois suffisamment précise et suffisamment souple pour que les juges puissent tout à la fois s’y référer et s’en écarter s’ils le décident. Le fait de codifier la jurisprudence rigidifie de manière exagérée des éléments qui ne méritent pas de l’être. Pour toutes ces raisons, je propose la suppression de cet alinéa.
Madame la ministre, chers collègues, nous avons hier soir longuement discuté de l’article 4, mais nous n’avons rien éclairé. Rien !
On ne sait toujours pas à qui s’applique l’article 4 ! Nous avons en effet débusqué – sans être démentis jusqu’à présent – le fait que cet article s’applique également aux familles unies. On imaginait initialement que cela ne concernait que les familles séparées, les couples brisés ; or cela s’applique également aux familles unies. On va donc compliquer la vie de millions de familles : voilà le sujet !
Monsieur Binet, vous aurez l’occasion de me répondre puisque, si j’ai bien compris, vous êtes le co-rapporteur…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Il n’empêche que cela concerne des millions de familles. Dès lors que l’on se place dans cette logique, les mots sont importants, non seulement pour les enfants dont les parents sont hélas séparés, mais également pour l’ensemble des familles françaises.
Le problème est que vous décidez dans cet alinéa de figer la jurisprudence. L’on pourrait a priori se dire que cela ne change rien, si ce n’est que cela fige les choses précisément alors que cette jurisprudence, ainsi que le rappelait mon collègue Poisson, a vocation à évoluer. Soyons donc le plus concret possible ! Nous avons ainsi découvert hier, parmi les exemples donnés par le conseil général de Seine-Saint-Denis, qu’une coupe de cheveux était un acte important qui engageait la personnalité d’un jeune – c’était explicitement énoncé hier soir !
Je pose donc des questions précises – même si, me direz-vous, je suis peu concerné par les coupes de cheveux !
Sourires.
Je pose des questions précises : un séjour chez les grands-parents durant les vacances d’été peut-il être qualifié d’important ? Exige-t-il l’accord du conjoint concerné ? C’est une vraie question, monsieur le président !
Autre question : la participation à un camp d’été, à une colonie, à une organisation de jeunesse durant l’été exige-t-elle également l’accord des deux parents ?
Ces questions me semblent légitimes, monsieur le président ; vous en convenez, je le sais !
Merci d’avoir posé votre question, cher collègue !
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 698 .
Je ne vais pas reprendre les différentes interrogations soulevées par la rédaction de cet article 4, et particulièrement de son alinéa 3. Elles montrent cependant que la rédaction de cette proposition de loi pose manifestement problème : l’absence d’avis du Conseil d’État comme d’étude d’impact explique que nous soyons complètement dans le flou. Toutes les questions posées fort opportunément par mes différents collègues, pour lesquelles nous attendons toujours les réponses, attestent de ce problème de rédaction ; nous attendons donc avec impatience vos réponses.
Si ma mémoire d’élue locale est bonne, lors des mariages – cela s’adresse donc à toutes les familles –, tous les maires prononcent la formule suivante : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs. » Puisque vous m’avez demandé si cela s’adressait à toutes les familles, je vous confirme qu’en effet l’autorité parentale concerne toutes les familles.
Je répète donc très gentiment que, dans les familles qui ne sont pas séparées, les parents prennent ensemble les décisions qui concernent l’enfant ; mais il est vrai que cette disposition concerne davantage les familles séparées.
Je crois avoir répondu à votre question : oui, cela s’adresse à toutes les familles et tous les élus locaux le savent puisqu’ils rappellent aux mariés que : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. » Vous aussi, vous l’avez lu, par conséquent vous le saviez ; ne venez donc pas me reprocher de ne pas l’avoir dit.
Vous avez par ailleurs évoqué les actes importants.
Le présent alinéa avait pour objectif de ne pas établir de liste. Selon certains professionnels du droit que nous avons rencontrés, il serait nécessaire de se fonder sur des listes pour pouvoir bien expliquer, bien objectiver et bien parler avec leurs clients ; ils nous ont donc demandé d’établir de telles listes. Tel n’est pourtant pas le choix que nous avons fait, car une liste a pour conséquence de graver les choses dans le marbre. De plus, elle pose le problème des zones « grises » existant entre les notions d’acte usuel et d’acte important.
En cas de différend, nous le savons bien, les parents saisissent le juge : nous voulons donc que celui-ci puisse se déterminer sans recourir à une liste. La définition que nous donnons est large et ouvre suffisamment la porte car l’acte important doit non seulement rompre avec le passé, mais également engager l’avenir : si nous avions écrit « ou engage l’avenir », le respect de l’une de ces deux conditions suffisait à qualifier l’acte d’important. Or l’on sait que lorsqu’un acte est important, il faut avertir l’autre parent et en parler avec lui.
Nous avons rétabli en commission une disposition visant à ce que, si vraiment les parents n’arrivent pas à s’entendre, comme il arrive parfois malheureusement, le juge reprenne la main. Nous ne le souhaitons pas, mais il doit être en mesure de le faire. Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable. Je crois avoir répondu à la totalité de vos questions.
Voici un exemple d’acte important : lorsqu’un parent déménage à huit cents kilomètres, cela change les modalités d’accueil de l’autre parent. Sans doute existe-t-il de bonnes raisons à cela ; peut-être cela se passera-t-il bien parce que l’autre parent sera averti et que les deux se mettront d’accord. Mais quand les modalités d’accueil sont changées au point qu’un parent se trouve empêché de voir son enfant ou doit revoir les modalités d’accueil, alors il s’agit bien d’un acte important, et il est préférable qu’ils en discutent. Voilà à quoi sert la médiation familiale : s’il est souhaitable d’être l’acteur de ce que l’on va changer, il peut néanmoins arriver que l’on fasse appel au juge.
Mesdames et messieurs les députés, vous avez posé un certain nombre de questions et vous avez fait part de vos craintes sur une éventuelle inflation des saisines de tribunaux en application de cette disposition.
Tout d’abord, je voudrais faire remarquer que l’inflation est sans doute déjà derrière nous : avant 1970, il était un temps assez simple où le père, chef de famille, avait l’autorité parentale sur les enfants et n’avait pas besoin de discuter avec qui que ce soit, et notamment pas avec la mère, de la mise en oeuvre des décisions concernant les enfants. Depuis 1970 se sont écoulées une quarantaine d’années au cours desquelles les juges ont été saisis de plusieurs litiges concernant précisément le consentement des deux parents.
La jurisprudence est d’ores et déjà construite ; nous pouvons donc, sans qu’il soit besoin de recourir à l’avis du Conseil d’État, nous appuyer sur divers articles de doctrine extrêmement précis qui précisent déjà la différence entre les actes usuels et les actes importants. C’est une bonne construction légistique que de prendre acte de la jurisprudence à un moment précis et de la codifier. Cela permet en outre de donner un appui au juge dans son travail, parce que les familles évoluent, les questions juridiques évoluent et, à partir d’une codification, d’autres questions se poseront au juge, que nous n’imaginons peut-être pas, et qui constitueront le droit positif.
Pour répondre à Mme Dalloz concernant l’élève s’inscrivant en section sportive : je peux lui indiquer qu’au regard des critères, on peut considérer que les décisions relatives à l’orientation, le choix des langues, des options, des sections, des filières ou du type d’enseignement, a fortiori le choix d’arrêter la scolarité à seize ans, nécessitent le consentement des deux parents. Cela revient à dire qu’une telle nécessité de consentement des deux parents caractérise un acte important, pour lequel le consentement n’est pas présumé pour les tiers de bonne foi.
Je souhaite également indiquer à ceux d’entre vous qui ont évoqué l’accord exprès que c’est un peu tard, car il a déjà été supprimé par un amendement hier soir.
Par rien. Nous avons retiré l’accord exprès ; il a simplement été remplacé par une formule indiquant que le consentement n’est pas présumé pour les actes importants.
Cela veut dire qu’il n’est pas présumé et que, par conséquent, il est requis, sans pour autant en indiquer la forme. La forme « accord exprès » n’est pas indiquée : le consentement des deux parents est requis, comme c’est le cas déjà aujourd’hui pour les actes importants, sans précision de forme.
L’un de vous a évoqué une liste d’actes usuels émanant du conseil général de Seine-Saint-Denis : je vous invite à ne pas confondre ce qui relève de l’aide sociale à l’enfance et des listes édictées par le conseil général de Seine-Saint-Denis ou de tout autre conseil général, qui sont destinées aux familles d’accueil, et qui déterminent ce qui relève de la famille d’accueil et ce qui relève des actes nécessitant l’accord des parents de l’enfant. Il ne faut donc pas pratiquer d’extension abusive en mélangeant aide sociale à l’enfance, protection de l’enfant et partage de l’autorité parentale dans une famille. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Je suis vraiment très surpris ! Vous connaissez l’adage populaire : là où il y a un flou, il y a un loup !
On se retrouve dans une situation où vous distinguez d’une part des actes usuels et d’autre part des actes importants. Si les professionnels du droit ont été nombreux à réclamer des listes, c’est bien parce que vous êtes en train de construire l’insécurité juridique, ainsi que Jean-Frédéric Poisson l’a rappelé tout à l’heure.
Vous n’avez apporté aucune réponse sur ce point clé qu’est l’insécurité juridique. Si nous défendons ces amendements, c’est justement parce que l’article 4 crée une insécurité juridique.
L’argumentation de Mme la rapporteure est intéressante. Hier soir, nous vous avons demandé si toutes les familles, notamment les familles unies – et Dieu merci c’est la majorité ! – seraient concernées par ces dispositions. C’est en tout cas ce que prévoit l’article 4 puisqu’il est écrit : « tout acte de l’autorité parentale ». Vous ne faites pas de distinction, ni entre les familles, ni entre les actes importants. Il faut que les familles de notre pays le sachent.
Par ailleurs, la mécanique d’écriture du droit est intéressante car vous dites : au fond on codifie la jurisprudence, comme ça le juge pourra à nouveau interpréter le droit pour faire de la jurisprudence sur de la jurisprudence codifiée. Très franchement, si c’est cela, il ne faut pas codifier la jurisprudence. Restons-en très simplement à ce qui se passe aujourd’hui, laissons le juge interpréter puisque de toute façon la future loi nécessitera de sa part une nouvelle interprétation. Donc cette codification en l’état ne sert absolument à rien.
Enfin, madame la rapporteure, l’article 4 précise que le changement de résidence de l’enfant est un acte important. Nous considérons que cela ne répond absolument pas à la nécessité de clarifier ces notions. Je le répète, cet article ne sert à rien, ni pour les familles, ni pour les juges.
Mme la secrétaire d’État semblait sous-entendre que nous serions nostalgiques d’une époque bénie dans nos rangs. Je la rassure, nous n’avons aucune nostalgie. La loi de 1970 s’applique, l’autorité est bien parentale et partagée – et pas uniquement par le « chef de famille ». Il nous paraît assez logique que l’interprétation de la jurisprudence ait pu évoluer en quarante ans pour être ce qu’elle est aujourd’hui.
Pas de grille, nous dit Mme la rapporteure. Effectivement, il n’y a pas de grille qui nous aurait enfermés dans un certain nombre de difficultés. Mais tel qu’il est rédigé, le texte est un nid à contentieux. Toutes celles et tous ceux qui voudront contester trouveront là matière à le faire. Les tribunaux auront alors à connaître de ces litiges, ce qui est bien légitime, et donc on aura immanquablement une interprétation, donc une jurisprudence qui évoluera. En voulant graver dans le marbre la jurisprudence, on la contraint à évoluer. Cette course à la jurisprudence devrait assez logiquement nous conduire, d’ici à quelques mois ou quelques années, à réinscrire dans la loi une autre interprétation pour caler la jurisprudence et lui donner un effet de droit positif au sens législatif.
Madame la rapporteure, votre réponse a au moins le mérite de la clarté. L’accord de chacun des parents s’appliquera à toutes les familles, y compris les familles unies pour lesquelles on risque de créer des problèmes. Voilà ma crainte. Ayez l’obligeance de la comprendre et de me rassurer.
Quel formalisme entraînera ces actes importants pour les familles unies ? Quelles preuves devront-elles fournir ?
On peut parfaitement comprendre que les actes importants, comme l’inscription dans une école, peuvent s’accompagner d’un certain formalisme. Mais Mme la secrétaire d’État va bien au-delà, puisqu’elle évoque les choix de langue, les options, les horaires. Ce sont des actes importants qui exigent un formalisme qui doit être vérifié par les tiers, c’est-à-dire par les réseaux scolaires en particulier, y compris pour les familles unies.
Je prendrai un exemple que le président de la commission comprendra, celui d’un enfant qui aspire à prendre pour option le breton.
Sourires.
Il devra recueillir l’accord de tout le monde, et le système scolaire devra vérifier que cet accord s’est formalisé. Madame la secrétaire d’État, je me demande si vous avez déjà vécu une rentrée scolaire avec plusieurs enfants. Une rentrée scolaire, ce sont des papiers dans tous les sens, des autorisations à demander partout.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Imaginez le degré de formalisme que cela va entraîner !
Je veux mettre l’accent sur une difficulté qui n’existait pas jusqu’à présent mais que vous allez créer pour les familles unies.
Mme la rapporteure nous dit avoir refusé, malgré la demande des avocats, d’établir une grille. Moi qui fais partie de la commission des finances, je suis habituée aux grilles. On range dans des cases, par exemple, les ménages ayant un revenu inférieur à 15 000 euros par an, ceux ayant un revenu supérieur à 50 000 euros, etc. Je ne pensais pas que la commission des lois élaborait des grilles pour savoir dans quel cas se trouvait un enfant. Vous avez refusé d’établir des grilles et nous en prenons acte.
À la question que j’ai posée, Mme la secrétaire d’État a répondu que l’intégration dans une section sportive était un acte important pour la vie d’un enfant et qu’elle nécessitait l’accord des deux parents. S’il y a désaccord parce qu’il y a séparation ou tension dans le couple, que se passe-t-il pour l’enfant ? Il appartiendra au juge de juger, nous dit-on. Mais sait-on quels sont les délais d’intervention de la justice dans ce cadre-là, en l’absence de référé pour de telles décisions ? Bref, cela dessert totalement l’intérêt de l’enfant, et je suis désolée que l’intérêt de l’enfant ne soit pas au coeur de ce débat.
Madame la rapporteure, imaginez que la mère déménage loin. Pour accepter un emploi, elle aura besoin de l’accord de son ex-mari. Si celui-ci veut lui nuire, il ne le donnera pas. Du coup, elle devra renoncer à son emploi. Je vous le dis franchement en tant que députée, mais aussi en tant que femme : la disposition que vous proposez aura pour conséquence de faire reculer la condition de la femme.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 195 rectifié et 458 .
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 195 rectifié .
À vrai dire, nous avons quelque peu anticipé le rejet des amendements identiques précédents. Aussi l’amendement n° 195 rectifié est-il un amendement de repli.
Sachant que l’alinéa 3 de l’article 4 est maintenu, il convient de faire des grilles, ou du moins d’expliciter les éléments. Il ne s’agit pas de mêler les sentiments et les affaires, de mêler le coeur et l’argent, mais, d’une certaine façon, de codifier, de sanctuariser ce qui concerne le patrimoine et d’en faire un acte important au même titre que le respect des droits fondamentaux de l’enfant.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 458 .
Cet amendement vise à apporter une précision sur deux points.
Le premier concerne les droits fondamentaux de l’enfant. On peut considérer que la propriété est un droit fondamental. Elle est d’ailleurs consacrée par la Déclaration des droits de l’homme.
Le deuxième élément a trait à son patrimoine. À l’évidence, le patrimoine est un élément qui peut permettre à l’enfant de construire son avenir. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’il est constitué par les parents, parfois dès sa naissance. Vous connaissez en effet cette pratique courante qui consiste à ouvrir un livret de caisse d’épargne à la naissance de l’enfant et à l’alimenter régulièrement, lors des anniversaires par exemple. Malheureusement, certains parents vont piocher abusivement dans ce pactole en cas de difficulté. On est donc en droit de considérer que ce qui touche au patrimoine de l’enfant est un acte important et que le modifier requiert l’accord des deux parents qui exercent l’autorité parentale.
Défavorable.
La gestion des biens et du patrimoine du mineur ne relève pas des dispositions dont nous traitons, relatives à l’exercice de l’autorité parentale vis-à-vis de la personne de l’enfant, mais d’autres chapitres du code civil.
Vous cherchez, paraît-il, la simplification. Vous craignez d’abonder une jurisprudence trop large. En même temps, vous introduisez une notion, celle du patrimoine, qui n’est pas extrêmement précise, qui serait un peu floue et qui, au quotidien de la vie de l’enfant et des familles, risquerait de compliquer les choses. Un enfant qui retire de son compte 20 euros prend-il une décision relative à son patrimoine ? Nous considérons que la notion d’acte important engageant l’avenir est suffisante pour distinguer ce qui serait, relativement au patrimoine de l’enfant, un acte usuel d’un acte important.
Avis défavorable, donc.
Madame la secrétaire d’État, votre argumentation est assez étonnante. Vous êtes en train de nous dire que ces amendements de précision vont accroître le flou. En disant cela, vous reconnaissez implicitement que l’article 4 est déjà extrêmement flou. Par ailleurs, je ne vois pas comment un amendement de précision contribuerait à augmenter le flou.
J’essayais de suivre votre raisonnement !
Je n’ai pas bien compris la réponse du Gouvernement. Dans certains cas, l’enfant mineur peut se retrouver à la tête d’un patrimoine non négligeable, puisque, je vous le rappelle, le législateur a encouragé les dons des grands-parents aux petits-enfants. Je crois que chacun pourrait donc convenir que ce qui touche au patrimoine de l’enfant doit être considéré comme un acte important. Pourtant, ce n’est pas ce que j’ai cru comprendre de votre part, madame la secrétaire d’État. Aussi, je souhaiterais que vous nous indiquiez très explicitement, au moins dans votre réponse si ce n’est dans la loi, que ce qui touche au patrimoine conséquent d’un enfant est un acte important. Cela pourrait orienter une jurisprudence à l’avenir.
Je crois que vous n’avez pas écouté ma réponse, monsieur le député ! Tout à l’heure, j’ai été très claire.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Les amendements identiques nos 195 rectifié et 458 ne sont pas adoptés.
La famille française est dans une situation accablante. L’éclatement des familles conduit à des situations troublées au coeur des foyers. Là où le bon sens prétendait jusqu’à maintenant faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant, nous glissons dans la concurrence égoïste entre parents et néo-parents.
L’article 4 de la présente proposition de loi néglige le besoin essentiel de repères propres à chaque enfant. Encore une fois, l’utopie essaimera les réjouissances de la multiparentalité, sujet véritable du texte.
Je veux m’arrêter un instant sur le déni de réalité toujours présent dans vos tentatives de saccage de la famille traditionnelle. Elles ont encore été mises en lumière par les associations familiales dans leur critique de votre texte. Les pères divorcés, les mères dans la même situation et jusqu’aux psychologues dénoncent les manquements, voire les dangers de ces propositions. À satisfaire quelques intérêts partisans, vous oubliez en permanence que le seul chemin vers l’union politique, c’est le bon sens, qui voudrait que vous rappeliez la priorité des liens biologiques dans la construction de la vie d’un enfant. Certes, les chocs biographiques peuvent interdire ce déroulement sain, mais pourquoi faire des maux de notre société l’horizon du modèle familial ?
Le code civil, dans son article 371, dispose encore qu’un enfant doit respect et honneur à ses parents. Si l’État a demandé que ce soit inscrit dans la loi, c’est bien que l’héritage, la loyauté, le sens de la continuité sont essentiels dans la construction d’une vie. Or vous omettez de préciser qu’il s’agit pour le législateur de préserver l’enfant des excès fréquents en ces situations délicates.
Ce que vous faites aux plus petits d’entre nous, vous me le faites à moi.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Puissions-nous préserver les enfants afin que nous ne les rendions pas otages des fantasmes partisans sur une famille nouvelle et utopique !
S’il est un problème délicat dans les séparations, c’est la relation entre l’enfant et sa famille, au sens large. Il n’y a pas que le père et la mère, il y a aussi, en particulier, les grands-parents. Les grands-parents aspirent à voir leurs petits-enfants, ce qui est bien normal, et les petits-enfants peuvent également aspirer à voir leurs grands-parents, mais l’un des membres du couple peut faire obstacle à cette relation.
Nous sommes dans le concret, madame la ministre, madame la rapporteure. Que se passe-t-il dans ces cas-là ? Une telle relation doit être encouragée parce qu’elle permet la transmission. La grande affaire de la famille, c’est la transmission : celle des patrimoines, bien sûr, mais c’est anecdotique, et, surtout celle de valeurs, d’un itinéraire. Si l’on fait partie d’un pays, on fait d’abord partie d’une famille, et c’est un ensemble de choses que l’on se doit de transmettre. Que peut-on donc faire pour que ce type de transmission soit non pas gêné mais au contraire encouragé ?
J’ai noté la convergence de vues entre M. Le Fur, M. Bompard et Mme Maréchal-Le Pen, qui ont présenté des amendements identiques.
Vous vous trompez de combat, mesdames, messieurs. Vous avez mené une bataille, vous l’avez perdue l’année dernière. Je suis défavorable à ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Contrairement aux auteurs de ces amendements, M. Bompard, Mme Marion Maréchal-Le Pen et M. Le Fur, je pense que les familles se portent bien. La famille en France est une cellule de solidarité heureuse et votre discours catastrophiste est décalé par rapport à la réalité de leur vie et de leur envie.
Je suis défavorable à ces amendements, dont je n’arrive même pas à comprendre la totalité des idées sous-jacentes.
Il se trouve, madame la ministre, que nous sommes à l’Assemblée nationale, et tous les parlementaires, quelles que soient les opinions politiques qu’ils professent, ont droit au respect. Vous pourrez sans aucun problème, si vous le souhaitez, ajouter le nom de Nicolas Dhuicq à la liste des auteurs de ces amendements.
Toutes les sociétés humaines ont mis en place un modèle familial, qui n’est pas forcément celui de la famille occidentale, éventuellement hérité de la bourgeoisie du XIXe siècle. Il n’en reste pas moins que ce modèle, qui pourrait être celui de la gens romaine, a quelques avantages, puisqu’il maintient la stabilité et permet la transmission du patrimoine, y compris immatériel.
Ce dont nous discutons est particulièrement important. J’ai évoqué cette nuit la question des actes médicaux, et l’on sait par exemple que certains professent l’interdiction des transfusions sanguines. Face à une société de plus en plus procédurière, certains actes, aux urgences, dans le travail des médecins, deviennent totalement impossibles. Je vous rappelle que nous n’aurons plus de gynécologues médicaux dans ce pays parce que plus personne n’osera faire une échographie, de peur d’oublier de signaler une malformation quelconque.
C’est pourquoi mes camarades et moi-même vous interrogeons encore et vous interrogerons sans cesse, madame la rapporteure, madame la ministre, parce que nous n’avons aujourd’hui aucune réponse à nos questions.
Ce n’est pas par votre mépris de surface, qui masque peut-être un déficit de pensée et de cohérence, que nous aurons avancé aujourd’hui.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Je ne comprends vraiment pas vos réponses, madame la ministre, madame la rapporteure. Je pose des questions précises sur la relation entre les grands-parents et leurs petits-enfants – relation légitime, vous en conviendrez, je l’espère.
Elle est fondée sur un lien de sang, un lien biologique. Employez les mots que vous voulez, mais c’est important pour nos familles et pour l’enfant, qui n’est pas construit par ses seuls parents, qui est construit aussi par toute sa famille. L’une des richesses de la vie sociale et l’une des chances de la vie, c’est de disposer de ce réseau initial quand bien d’autres réseaux, hélas, s’effondrent.
Vous avez raison, madame la ministre, la famille française se porte bien. Elle n’a jamais été plus appréciée par nos concitoyens, qui aspirent à des familles stables, unies, et qui vivent les séparations comme des traumatismes. Que pouvez-vous donc faire pour que l’on ne mette pas d’obstacle à ce type de relations, et qu’elles soient au contraire encouragées ?
Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 22 .
Voici un amendement qui devrait donner satisfaction, je l’espère, à l’ensemble de notre assemblée. Mme la rapporteure et Mme la ministre voulaient éviter le flou, afin d’éviter les loups, pour reprendre cette citation puisée aux meilleures sources de Lille et d’autres lieux du nord. Rassurez, les loups ne sont pas encore entrés dans Paris.
Mme Dalloz voulait tout à l’heure, et à juste titre, éviter la pression d’un « ex » sur son « ex », et finalement, un contentieux. Nous voyons bien la difficulté. Si la réponse doit être expresse, il peut être tentant, en cas de conflit entre les membres de l’ex-couple, de la faire attendre encore et encore, l’autre se trouvant évidemment coincé, démuni et en réalité incapable d’agir. Nous proposons donc, par cet alinéa que nous voulons insérer après l’alinéa 3, que le défaut de réponse de l’un des parents dans un délai raisonnable vaille acceptation. La réponse est présumée pour éviter des blocages. C’est une solution de bon sens pour éviter des contentieux et, surtout, pour permettre aux parents de continuer à agir dans l’intérêt de l’enfant.
Ces explications étant données, je pense que Mme la rapporteure, dans l’intérêt de l’enfant, aura à coeur de donner un avis positif à cet amendement.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement no 284 .
Cet amendement vise effectivement à éviter un contentieux en cas de défaut volontaire de réponse de l’un des deux parents. J’aimerais bien que, dans le cadre de nos travaux, nous puissions avoir un ministre qui nous réponde si ce n’est avec le sourire, au moins avec un minimum de respect.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Nous souhaitons éclaircir un peu le dispositif qui sera mis en oeuvre. Puisqu’il faut l’accord de chacun des parents sur tous les actes, la question, c’est de savoir ce qui se passera si l’un d’entre eux ne le donne pas. Nous proposons qu’à défaut de réponse dans un délai raisonnable, l’acceptation soit d’une certaine manière implicite.
On le voit bien, le texte a été mal rédigé. Vous avez refusé de le soumettre à l’avis juridique du Conseil d’État, de réaliser une étude d’impact. Nous sommes donc obligés de le compléter et nous attendons à nouveau votre réponse sur cette proposition.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 460 .
Rejoignant à titre tout à fait exceptionnel votre volonté de rigidifier de manière formelle des situations qui ne mériteraient pas de l’être, madame la rapporteure, nous sommes soucieux de faire en sorte que l’obstruction, la négligence, la mauvaise volonté ou toute autre forme d’échappatoire à un certain nombre de responsabilités, ce qui est malheureusement le cas parfois dans les situations familiales complexes, puissent être contournées par l’instauration d’un délai pour répondre.
Puisqu’il faut un accord exprès, il est nécessaire, dans votre propre logique, d’inscrire un délai pour donner une réponse. Dans l’hypothèse où il ne serait pas respecté, il n’y a que deux solutions. Soit on laisse courir, et il ne se passe rien, soit on considère que, passé ce délai, comme dans un certain nombre d’autres cas de notre vie publique ou privée, l’accord est présumé obtenu. Nous ne voyons pas d’autre possibilité de régler les situations difficiles que va créer votre propre rédaction.
Pour un acte important, il faut l’accord des deux parents. Si l’accord est obtenu tout de suite, tout se passe très bien, mais il y a des cas où tout délai peut nuire à l’enfant, et je vais prendre des exemples que vous avez donnés, madame la ministre.
Vous avez expliqué que, dans le système scolaire, le choix d’une option était quelque chose d’important qui exigeait l’accord des deux parents. Le choix d’une option, à la rentrée, se fait quasi immédiatement parce que certaines options sont recherchées et les places vite prises. Autre exemple, si un enfant mineur a la chance de trouver un maître d’apprentissage, ce qui est difficile en ce moment, il la perd s’il n’accepte pas dans l’immédiat ou dans un délai raisonnable de vingt-quatre ou quarante-huit heures. S’il n’a pas l’autorisation de son père et de sa mère, qui sont séparés, que se passe-t-il ? Ce sont des situations très concrètes. On risque de porter préjudice à l’enfant si la réponse n’est pas immédiate ou au moins extrêmement rapide.
Puisque nous sommes obligés d’envisager cette hypothèse, nous vous proposons, dans cet amendement de repli, que le défaut de réponse de l’un des membres du couple n’interdise pas à l’enfant de choisir l’option qu’il souhaite ou d’accepter un apprentissage.
J’avoue qu’a priori votre intention de codifier une certaine période peut-être bonne sauf que, si un parent veut mettre un enfant dans un établissement qui, dirons-nous, n’est peut-être pas le plus adapté, il peut toujours jouer avec la notion de délai raisonnable : est-ce un, deux ou trois mois ? En l’occurrence cette notion est trop floue pour être appréciée. Qu’est-ce qu’un délai raisonnable ? Je le répète, pour certains, cela peut être un mois, pour d’autres deux ou trois.
J’anticipe votre question : comment faire en cas de désaccord ? Malheureusement, soit on attend que l’autre parent se réveille, soit celui-ci se montre vraiment négligent…
…et, dans ce cas-là, on retourne voir le juge puisqu’il faut bien prendre une décision à un moment donné.
Vous l’avez dit vous-même, on ne part pas en apprentissage sur un claquement de doigt : …
…il est relativement difficile de trouver une place et les parents ont donc le temps d’en parler entre eux. Si l’un des deux se montre vraiment négligent, il est toujours temps de saisir le juge aux affaires familiales.
Nous parlons d’apprentissage. Je vous fais observer que le dernier chapitre du texte contient une disposition concernant l’émancipation de l’enfant, laquelle peut parfois constituer aussi une solution, ce dernier pouvant partir en apprentissage très loin de chez lui.
Je le répète encore : lorsque j’ai lu ces amendements pour la première fois, je le reconnais, je me suis dit qu’ils n’étaient pas mauvais,…
…sauf qu’in fine leur adoption reviendrait à créer plus de difficultés.
Il s’agit d’amendements de repli, mais qui reviennent un peu aussi sur ceux qui les ont précédés.
Si !
En effet, l’application du régime de l’autorisation tacite ou implicite pour les actes importants est identique à celui qui concerne les actes usuels revient à les traiter exactement de la même manière que les actes usuels. Il n’y a donc plus de distinction entre les uns et les autres.
En outre, vous évoquez un délai « raisonnable » au bout duquel un parent pourrait agir sans l’accord de l’autre – il n’est pas question de saisir le juge –, ce qui n’est pas la bonne manière de procéder puisque le délai n’est pas précisé et serait laissé à la libre évaluation de celui qui prend la décision et qui l’applique quasi-immédiatement. Où est donc le parent abusif ? Sur qui repose la charge de la saisine du juge et de la preuve ?
Le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.
Je regrette infiniment de n’avoir pas pu participer au débat d’hier soir alors que je l’avais prévu. Je m’aperçois ainsi que j’ai raté des moments vraiment extraordinaires au sein de cette Assemblée.
Vous avez certainement beaucoup avancé et travaillé mais dans un sens qui, à l’instar de cet après-midi, complique de plus en plus le dispositif que vous êtes en train de mettre en place.
Les amendements que nous essayons de soutenir et dont j’espère qu’ils seront adoptés sont en effet de repli et visent à atténuer les conséquences de la véritable usine en gaz que vous installez.
Je ne devrais pas les soutenir parce que, dans une vie antérieure, j’ai été avocat.
Pour mes confrères, que je continue de respecter infiniment, il y a dans votre texte une source d’enrichissement potentiel très bienvenu. Je me demande donc si, finalement, je vais voter ces amendements, car les avocats ont intérêt à ce que les contentieux augmentent.
Applaudissements et rires sur plusieurs bancs du groupe UMP
Je vous suggère donc d’augmenter à nouveau l’aide juridictionnelle dans le collectif budgétaire. Il faut que je pense à mes anciens confrères !
Sourires.
L’aide juridictionnelle a déjà explosé et nous ne savons pas comment la financer !
Quoi qu’il en soit, par ces amendements, nous tentons d’atténuer les effets dévastateurs de l’absence de réponse de l’un des deux parents concernant des actes importants. Il est absolument indispensable que des réponses soient apportées à de telles situations et que le délai raisonnable soit évidemment apprécié en fonction de l’acte en question : ce peut être dans l’heure, la journée, la semaine ou le mois, mais il faut qu’il y ait une réponse.
Mêmes les simples administrés ont droit d’obtenir une réponse tacite concernant des actes parfaitement anodins lorsque l’administration reste silencieuse – en l’occurrence, on admet qu’une réponse tacite est fournie au bout de deux mois. Mais respectez l’intérêt des enfants et acceptez de voir sanctifier,
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
au moins, la possibilité d’une réponse !
Oui, sanctifier. Les mots ont encore un sens, auquel je tiens.
Tout cela est très intéressant. Depuis le début de nos travaux, nous insistons sur le fait que cet article 4 crée de nouveaux problèmes au lieu d’en régler.
Lorsque nous vous poussons un peu dans vos retranchements à ce sujet, madame la rapporteure, que nous dites-vous ? Lorsque nous vous demandons ce que vous proposez, vous renvoyez M. Le Fur au dispositif concernant les mineurs émancipés. Mais, enfin, cela ne concernera pas tous les enfants !
En fait, nous en revenons toujours à la même situation : quand on vous écoute, vous reconnaissez volontiers – implicitement – que ce texte créera des problèmes. Vous ne les résolvez pas ou, plutôt, vous n’apportez qu’une solution très partielle – dans le cas où la disposition concernant les mineurs émancipés serait éventuellement adoptée. Encore une fois, ils seront très peu à être concernés.
Nous le voyons bien, en réalité – pardon de le dire de cette manière-là – vous nous proposez une belle usine à gaz. Lorsque nous vous demandons ce que vous proposez, finalement, il n’y a pas grand-chose.
C’est tout de même incroyable ! Depuis le début nous vous interrogeons sans obtenir de réponse. Si vous aviez travaillé différemment – et vous le pouviez –, l’avis du Conseil d’État eût été fortement utile sur un texte comme celui-ci.
Nous voyons bien que tout cela est fait dans la précipitation, et c’est dommage, parce que nous parlons de milliers de familles et d’enfants. Une telle précipitation est assez indigne !
Je reviens sur la question des actes médicaux, sur laquelle je n’ai toujours pas obtenu de réponse depuis maintenant plusieurs heures de discussion.
Voici quelques situations qui peuvent survenir, madame la ministre.
De deux personnes ayant un ou plusieurs enfants ensemble, l’une peut souffrir d’une pathologie assez lourde – son discernement pouvant être parfois aboli – ou être quérulent processif. Dans ces cas-là, certains ne veulent pas se séparer de leur conjoint, par sentiment de culpabilité parfois ou pour d’autres raisons personnelles.
Avec ce type de familles, vous allez en effet augmenter l’enrichissement de grands cabinets d’avocats parisiens, c’est certain.
Ils pourront vous remercier.
Deuxième cas : celui de parents qui servent la nation avec honneur – ce mot a été utilisé hier soir –, qui sont en opération extérieure et dont l’un des conjoints est en désaccord. Si vous n’inscrivez pas dans la loi la formule « délai raisonnable », que ferez-vous face à ce type de situation ? Faudra-t-il attendre que les médecins prennent des décisions et que le parent, de retour, leur intentent un procès, ou faudra-t-il sauver l’enfant ?
Vous le voyez, madame la ministre, vous serez confrontés à de nombreuses situations qui contribueront à rendre les rapports entre parents encore plus paranoïaques et qui compliqueront la vie des familles…
…puisque, comme vous l’avez dit pendant plusieurs heures, votre texte concerne toutes les familles de France, quel que soit le type de familles – je veux bien utiliser le pluriel puisqu’il est à la mode. Vous êtes dans une véritable impasse.
Il serait préférable de rejeter complètement un texte qui n’est ni fait ni à faire. J’espère que la prochaine majorité sera consciente de la nécessité de reconstruire le pays et de rebâtir le code civil : 1804, c’était une bonne période, madame la ministre.
L’accord des deux parents est donc nécessaire pour les actes importants. Parfois, il faut l’obtenir rapidement, chacun en conviendra.
Je reprends les exemples que vous citiez vous-même, madame la ministre : une option dans un établissement scolaire, le choix d’un maître d’apprentissage, voire, d’autres choix scolaires tout aussi essentiels. Que se passe-t-il ? Le parent qui a la garde de l’enfant à ce moment-là sollicite son « ex », comme on dit maintenant.
Sourires
Celui-ci peut ne pas répondre ou ne pas être joint. Il peut aussi considérer que l’enfant est pris en otage et utiliser le silence pour nuire à son ex-conjoint. Que se passera-t-il dans ces cas-là ? Vous voyez bien que cela aura des conséquences préjudiciables pour l’enfant ! Il risque de perdre son apprentissage, de ne pas avoir l’option qu’il souhaitait, de ne pas être inscrit dans le club de sport qu’il voulait, etc. Il y a là une vraie difficulté.
Et quelle est votre réponse ? l’émancipation ! On va émanciper des mineurs de quinze ans !
Combien dénombre-t-on de mineurs émancipés chaque année ? Très peu ! Cela ne peut constituer un élément de réponse !
Cela ne peut être valable que dans des cas extrêmement singuliers !
Donnez-nous donc des réponses de fond sur des cas très concrets ! Je constate que vous n’apportez pas de réponses aux questions que nous posons.
Très vives protestations sur les bancs du groupe UMP
S’il vous plaît, mes chers collègues ! J’ai compté 26 voix pour l’adoption et 27 voix contre.
Moi aussi, et jusqu’à preuve du contraire, c’est moi qui préside. Les amendements ne sont donc pas adoptés.
Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP.
Les conditions d’un vote équitable ne sont pas remplies. Nous avons constaté qu’aucune majorité ne s’est dégagée lors du vote. Je vous demande donc de faire procéder à un nouveau vote – sans tenir compte de nos collègues qui viennent de rentrer à l’instant dans l’hémicycle. Je vous le dis, monsieur le président, le compte n’y est pas.
Mon cher collègue, je vous prie de croire que je compte d’une manière très précise les entrées et sorties de l’hémicycle, à l’unité près. Je le fais depuis le début de notre discussion et je pense être le mieux placé, pour le faire sauf à ce que vous remettiez en cause la présidence, ce qui est autre chose.
Je confirme qu’il y a 26 voix pour et 27 voix contre. Nous en restons donc là.
Il m’appartient de présider et je vous confirme que les amendements sont rejetés.
Rappel au règlement
La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, je rappelle avec solennité que seul le président a la responsabilité du décompte des voix, que j’ai effectué très scrupuleusement depuis le début de la séance. Je ne peux accepter la contestation des résultats du vote, qui constitue une remise en cause de la présidence. Sachez que, si cela se reproduisait, j’en référerais à la conférence des présidents.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Rappel au règlement
Monsieur le président, nous n’avons nullement l’intention de contester la présidence, mais l’erreur est humaine… Notre collègue Alain Tourret nous ayant fait part de son abstention sur ce vote, je pense qu’il y a bien eu une erreur de décompte, et je le maintiens.
« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Mais nous serons beaux joueurs – et nous ne vous attaquons pas personnellement, monsieur le président.
Que les choses soient claires, monsieur Gosselin : il ne s’agit pas pour vous d’être « beau joueur ».
Je suis soucieux de présider avec la plus grande équité possible et j’ai pour habitude de compter de manière extrêmement précise les entrées et les sorties lorsque les scrutins sont serrés…
Si vous me permettez de poursuivre, une de vos collègues est sortie par la porte du haut, probablement sans que vous vous en aperceviez.
Je vous confirme donc le résultat que j’ai annoncé tout à l’heure. Il ne se prête à aucune interprétation et il est tel que je l’ai annoncé. Je vous propose donc d’en rester là et de poursuivre l’examen du texte dans de bonnes conditions.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, vous me permettrez de compléter mon précédent rappel au règlement par une pointe d’ironie. Je constate que les troupes réservistes sont arrivées : c’est donc qu’il y avait une vraie difficulté pour la majorité…
Ces insultes sont inacceptables ! Nous ne sommes pas des réservistes, mais des députés, comme vous ! Nous siégeons comme vous !
Nos collègues Erwann Binet et Marie-Anne Chapdelaine ironisaient hier soir sur la mobilisation de l’opposition, mais je constate que sur un texte qu’elle a elle-même déposé, la majorité est en grande difficulté.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Un mardi après-midi, toute la majorité devrait être présente et il ne devrait pas y avoir de rappel au règlement sur un décompte hasardeux. Or je constate que le compte n’y est pas et que la majorité n’est pas là pour soutenir son propre texte ! Cela montre bien dans quel état d’esprit se déroulent nos débats…
Le sang nouveau est arrivé, les troupes de réserve sont là : tout va bien ! Mais je me demande quelle commission a dû être interrompue, quelle audition malmenée, pour en arriver là. Et vous me permettrez, monsieur le président, de constater qu’il y a bien un malaise dans la majorité.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement no 49 .
Par cet amendement, nous voulons ajouter le mot « supérieur » après le mot « intérêt ». Nous nous devons de préserver l’intérêt supérieur des enfants, ce que ne fait malheureusement pas ce texte, qui vise à satisfaire les droits des adultes sur l’enfant. Il veut offrir à des adultes des droits concurrents et partagés sur un enfant dont l’intérêt supérieur est occulté.
La majorité, du moins lorsqu’elle est présente dans l’hémicycle, poursuit sa logique, que nous avions découverte lors du débat sur le mariage. Avec ce texte, nous continuons à procurer un droit à l’enfant, au détriment du droit de l’enfant. Les différents adultes se répartissent le temps de l’enfant et les actes concourant à son éducation. On se partage l’enfant sans prendre en considération le fait qu’il a besoin de structures et de repères, et non d’être ballotté en fonction des désirs de l’un ou de l’autre.
« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.
…je vous l’ai déjà dit hier : ce texte de loi répond à une position infantile d’adultes…
…dont le chef de l’État donne lui-même l’exemple, en négligeant les missions régaliennes attachées à sa fonction de Président de la République.
Poursuivant cette oeuvre, vous cédez au désir égoïste des adultes. Vous instrumentalisez les enfants, dont vous faites des objets, et vous oubliez totalement – j’y reviendrai dans des amendements qui arriveront plus tard dans la nuit – que l’enfant n’a pas forcément d’autonomie psychique avant un certain âge et qu’il est sous la dépendance de ses parents, ce qui vous fait entrer dans des contradictions permanentes. Si vous n’acceptez pas ces amendements relatifs à l’intérêt supérieur de l’enfant, madame la ministre, vous allez vous enfoncer sur ce chemin délétère. Nous l’avons dit depuis le début de l’après-midi : vous créez des sources de contentieux qui vont concerner toutes les familles de France, quelle que soit leur situation. Vous entrez dans un système fou et totalement ingérable, qui fera peut-être la fortune de quelques juristes, mais qui continuera à détricoter ce pays, qui est déjà très mal en point, avec des territoires qui souffrent terriblement.
Pour masquer votre incompétence gouvernementale, vous proposez des textes qui ont en ligne de mire ni plus ni moins qu’une révolution anthropologique. Vous cédez à ceux qui sont minoritaires démographiquement, mais majoritaires idéologiquement, pour créer une majorité artificielle en vue de 2017 et pour passer sur les décombres de la nation et de la famille. Madame la ministre, de grâce, ressaisissez-vous ! Rejetez ce texte et revenez au sens de la République.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 162 .
L’intérêt supérieur de l’enfant doit vraiment être au coeur de nos préoccupations, et j’ai le sentiment que ce texte privilégie les arrangements de situations – que l’on peut comprendre par certains aspects – au profit des adultes, qu’il s’agisse des parents, des beaux-parents ou de tiers. Or le vrai déterminant doit être l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est ce que nous rappelons avec force dans cet amendement qui précise la rédaction de l’alinéa 4.
Nous l’avons dit hier : un certain nombre de conventions internationales liées aux droits de l’enfant ont été ratifiées par notre pays. Elles ont force supérieure à la loi en vertu de l’article 55 de la Constitution, et la Cour de cassation, dans des arrêts de 2005, a également reconnu l’applicabilité directe de ces éléments. Il faut donc, par cohérence, préciser qu’il est bien question de l’intérêt supérieur de l’enfant dans ce texte qui a non seulement trait à l’autorité parentale, mais aussi à l’intérêt de l’enfant. Cela nous permettra d’être clairs sur le sujet.
L’objet de cet amendement est d’inscrire le mot « supérieur » après le mot « intérêt » à la seconde phrase de l’alinéa 4. Ainsi, il sera effectivement question de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce débat a commencé hier, et la ministre nous a dit que l’intérêt supérieur de l’enfant était présent dans d’autres textes. Mais il est clair qu’aujourd’hui, fort étrangement, l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas mentionné explicitement dans cette proposition de loi.
Cette proposition de loi se focalise beaucoup sur le monde des adultes, alors que la question centrale est la prise en compte des enfants et de l’intérêt supérieur de l’enfant. Si nous plaidons pour qu’il soit explicitement fait référence à l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est pour éviter toute ambiguïté.
Sans faire de procès d’intention, nous avons décelé à plusieurs reprises que la précision serait fort utile dans ce texte. Nous ne comprendrions pas pourquoi, alors que cette loi est extrêmement bavarde par ailleurs, vous refuseriez d’ajouter ce terme afin de faire clairement mention de l’intérêt supérieur de l’enfant.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement no 285 .
Ce texte a pour objectif de répondre aux demandes de minorités agissantes au détriment des familles de France et, évidemment, de l’intérêt des enfants. Cet amendement a donc pour objet de rappeler l’intérêt supérieur de l’enfant.
Madame la ministre, madame la rapporteure, lorsque vous acceptez d’argumenter, vous utilisez spontanément l’expression d’intérêt supérieur de l’enfant dans vos réponses. Nous vous proposons donc par cet amendement de faire figurer cette expression à l’alinéa 4. Il faut éviter que ce texte reste focalisé sur les membres adultes des familles qui oublient souvent l’intérêt de l’enfant.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 461 .
Mes collègues ont parfaitement développé les arguments en faveur de ces amendements, et je les reprends à mon compte. Je serais heureux d’entendre à nouveau l’explication que vous nous avez donné hier pour justifier votre refus d’ajouter l’adjectif « supérieur » aux mots « intérêt de l’enfant ».
Sans doute n’étais-je pas suffisamment attentif, mais ces raisons ne nous ont pas semblé entièrement convaincantes. Notre collègue Frédéric Reiss vient de rappeler que vous utilisez spontanément et avec facilité cette notion d’« intérêt supérieur » ; nous ne comprendrions pas que vous ne souhaitiez pas la graver dans le marbre du droit, d’autant que vous y avez gravé bien des choses beaucoup moins substantielles, beaucoup moins importantes et beaucoup plus compliquées à comprendre que celle-là. Nous ferions peut-être oeuvre utile de législateur en ajoutant ici cet adjectif.
Cet amendement pourrait faire l’objet d’un consensus, car ce sont des mots que vous utilisez et des idées que nous partageons tous. Que veut-on dire par « intérêt supérieur de l’enfant » ? Cela signifie que l’intérêt de l’enfant prévaut sur les autres intérêts. L’intérêt des parents existe, il n’est pas illégitime, mais il n’empêche que ce qui compte, c’est la défense de l’enfant, et la société à son mot à dire sur ce point.
Très concrètement, cela veut dire que l’enfant ne peut pas être un objet, l’otage de ses parents ou le jouet de leurs querelles. Il doit avoir son autonomie, mais aussi être défendu. C’est le sens de nos amendements.
Nous ne faisons que confirmer non seulement notre tradition juridique, mais également l’ensemble des conventions internationales, qui ont une valeur supérieure à la loi.
Il me semble que, si notre rapporteure le veut bien, l’occasion se présente d’affirmer un principe qui grandirait notre assemblée.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 699 .
Il est important de définir l’intérêt qui peut être retenu. De quel intérêt parlons-nous ? Est-ce un intérêt matériel, immatériel, moral, intellectuel ? Il peut être de toute nature. En ajoutant le mot supérieur, on précise la dimension de ce que l’on veut donner à l’enfant et l’intérêt qui lui est porté. L’enfant revient au centre du dispositif, au coeur de cet alinéa 4. C’est pourquoi il nous semble très important d’ajouter l’adjectif supérieur.
L’intérêt de l’enfant est déjà mentionné à l’article 373-2-6 du code civil, qui dispose que le juge aux affaires familiales doit statuer dans l’intérêt de l’enfant. Nous sommes tous d’accord pour parler d’intérêt supérieur de l’enfant, et personne dans l’hémicycle ne peut mettre cela en doute.
Je pense que nous pouvons être d’accord sur ce type de sujets. Je l’ai déjà dit : la famille n’est ni de droite, ni de gauche, et il en va de même pour l’intérêt supérieur de l’enfant.
Toutefois, lorsque le code civil mentionne l’intérêt, il est seulement question de l’intérêt de l’enfant. Si l’on écrivait ici « intérêt supérieur », cela pourrait être interprété a contrario comme créant un intérêt de moindre valeur dans d’autres articles. C’est pourquoi je donne un avis défavorable à ces amendements.
Tant le code civil que l’article tel qu’il est rédigé dans la proposition de loi évoquent l’intérêt de l’enfant. Vous ne pouvez donc pas en discuter comme si nous ne l’abordions pas.
Quel enjeu y a-t-il à spécifier « intérêt supérieur de l’enfant » ? À mon sens, vous vous appuyez sur la traduction française d’une convention internationale écrite en anglais, qui n’est pas tout à fait fidèle à l’esprit du texte. Le texte anglais évoque the best interest of the child, c’est-à-dire le « meilleur » intérêt de l’enfant. Le texte anglais est un peu plus subtil parce qu’il prend en compte le fait qu’il ne suffit pas de qualifier l’intérêt de l’enfant de supérieur pour qu’il s’objective.
Dans mes fonctions, je rencontre tous les jours des représentants d’associations, de mouvements familiaux, de familles, qui expliquent des choses éminemment contradictoires, toujours au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant. La formule en anglais – le meilleur intérêt de l’enfant – est bien plus proche de ce que nous recherchons, c’est-à-dire permettre aux juges, face à des parents et des mouvements qui défendent des choses contradictoires au nom du même intérêt, de déterminer quel est le meilleur intérêt de l’enfant. Il ne suffit donc pas d’ajouter « supérieur » pour que l’on en sache plus sur l’intérêt de l’enfant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Madame la ministre, je suis désolé, mais ce n’est pas très convaincant. Vous évoquez la formule the best interest of the child ; je ne veux pasme lancer dans une argumentation sur la manière dont elle peut être interprétée, mais, en réalité, dans la convention internationale, le terme d’intérêt supérieur peut également être utilisé. Ce n’est pas une erreur de traduction.
Il est intéressant de noter qu’hier, lorsque nous avons débattu des premiers articles qui remettent en cause un certain nombre de rédactions du code civil de 1804, vous nous aviez répondu que nous étions rétrogrades et qu’il fallait faire évoluer les choses. Mais maintenant, parce qu’il existe des conventions internationales qui créent clairement la nécessité de se référer à l’intérêt supérieur de l’enfant, vous avez une vision frileuse et vous vous repliez sur un raisonnement orthogonal avec les arguments que vous utilisez par ailleurs.
Ce qui me gène énormément, c’est qu’il n’y a pas de cohérence dans les arguments que vous utilisez pour accepter des amendements ou pour en refuser. Je respecterai toujours la cohérence. Mais votre refus de faire référence à l’intérêt supérieur de l’enfant montre que vous ne prenez en compte que les adultes. Vous essayez d’exclure l’enfant de ce dispositif.
Ce qui pointe de manière sous-jacente, c’est une vision totalitaire de la société.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Et il n’est que dix-huit heures quarante ! Qu’est-ce que ce sera à une heure du matin !
Vous essayez de faire en sorte que l’État se substitue aux parents, et cela, nous ne le voulons pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
À de nombreuses reprises, vous évoquez la notion d’intérêt de l’enfant au cours de nos débats. Mais la sémantique est vraiment pertinente en l’espèce, puisque nous sommes enfin en mesure de respecter les conventions internationales que notre pays a ratifiées et qui ont force de loi.
Vous avez indiqué que vous souhaitiez codifier la jurisprudence – c’est un concept intéressant –, vous pourriez donc codifier l’ensemble des jurisprudences récentes de la Cour de cassation qui a intégré la Convention internationale des droits de l’enfant dans l’ensemble des jugements qui s’y rapportent. Cette convention traite bien de l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est un terme tout à fait consacré qui ne replace pas uniquement l’enfant au centre de nos débats et au centre du texte que vous essayez de nous faire passer – ou avaler, peu importe le sentiment que l’on peut en retirer. En tous les cas, nous mettrions enfin le texte de la loi en cohérence avec des textes déjà ratifiés. Ce n’est même pas une question, c’est presque une obligation dès lors que l’occasion se présente.
Il me semble qu’à ce stade, nos débats deviennent purement factices, ce ne sont que des postures. L’UMP est en train de créer un pseudo-clivage qui n’existe pas.
Nos débats éclairent tout à fait l’intention du législateur. Nous considérons tous unanimement que l’intérêt de l’enfant est premier, qu’il doit être examiné prioritairement par le juge, qu’il peut s’examiner à l’aune des propos traduits par la ministre à l’instant au regard de la convention des Nations unies sur les droits de l’enfant. Cette convention a d’ailleurs été ratifiée sous une majorité de gauche…
La majorité de droite avait eu l’occasion de le faire pendant deux ans, madame, entre 1986 et 1988, et il me semble bien que c’est en 1989 que cette convention a été ratifiée.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Sourires.
Ce n’est pas moi qui ai abordé ce terrain-là…
Il me semble que nous pourrions poursuivre nos discussions sur le reste de la proposition de loi. Les juges pourront statuer au regard de ces travaux parlementaires, qu’il faut prendre au sérieux. Ils éclairent le sens que nous donnons à ce texte, qu’il comprenne ou non l’adjectif « supérieur » accolé au terme « intérêt ». Nous pourrions nous en tenir là plutôt que de raviver des clivages qui n’existent pas.
J’ai le plus grand respect pour la Chambre des Communes et la Chambre des Lords. Si le Speaker veut bien me donner la parole, je me tourne vers les honorables membres de cette assemblée et je rappelle à Mme la secrétaire d’État que nous avons, accessoirement, quelques désaccords avec le roi Henry V.
Sourires.
Nous avons, à deux reprises, fait deux royaumes, alors que nous aurions pu n’en faire qu’un !
Il se trouve que nous sommes la nation française, et qu’en 1804, le français était la langue de la diplomatie…
…parce que l’anglais s’intéresse à l’action et le français aux résultats. Le français était la langue de la diplomatie, madame la secrétaire d’État, parce qu’il est précis. Le Parlement français applique les lois en français, qui est la langue de la République et, comme vous le savez, la langue de la France depuis un certain édit.
C’est pourquoi je trouve choquantes ces arguties byzantines consistant à oublier que nous sommes le Parlement national français, et que le terme « supérieur », en français, définit l’importance des actes qui doivent être pris en compte dans votre texte de loi. Je ne comprends pas cette vision décadente de la nation, qui consiste à sous-estimer le Parlement britannique, lequel est un système cohérent.
Nous avons, nous, en France, un système qui obéit à une cohérence interne. Les Britanniques ont un système qui obéit, lui aussi, à une cohérence interne. Vous ne pouvez pas, lorsque cela vous arrange, intégrer benoîtement quelques éléments de jurisprudence britannique. Ou alors, je veux bien que nous devenions tous des citoyens de Sa Majesté, pour redevenir un pays normal !
Je suis un peu surpris, madame la secrétaire d’État, que vous fassiez l’apologie du droit anglo-saxon. C’est très bizarre et, en toute objectivité, quelque peu surprenant ici, dans cette assemblée. Je suis d’ailleurs étonné que Mme Taubira, garde des sceaux, ne participe pas davantage à nos travaux. Nous aurions peut-être eu des éléments de réponse un peu plus précis et un peu plus « nationaux ».
La convention que vous avez évoquée, nous l’avons adoptée en 89. M. Denaja l’a rappelé, et j’en conviens. Mais nous l’avons adoptée en français. C’est donc ce texte qui nous lie, rien d’autre !
Par ailleurs, la notion d’intérêt supérieur de l’enfant ne figure pas seulement dans la loi. La Cour de cassation l’utilise fréquemment dans sa jurisprudence, sans parler du Conseil d’État, que vous n’avez pas voulu consulter, alors que vous en aviez la faculté. Car même dans le cas d’une proposition de loi, nous pouvions, aux termes du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution, consulter le Conseil d’État.
Le Conseil d’État qui, lui, utilise régulièrement la notion d’intérêt supérieur de l’enfant.
L’argument que vous évoquez ne tient pas. On ne peut pas, pour rejeter un argument énoncé par des adversaires, évoquer une jurisprudence étrangère. Nous avons, en France, un texte qui s’applique. Ce texte est en français et il indique clairement que l’intérêt supérieur de l’enfant est une notion qui existe.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je ne comprends pas votre réticence à parler de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui existe déjà dans notre code. En effet, la notion de l’intérêt supérieur de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs, ainsi que le respect de ses droits qui doivent guider toute décision le concernant, figurent à l’article L. 112-4 du code de l’action sociale et des familles.
Nul besoin, donc, d’aller chercher le droit anglo-saxon. Il suffit de regarder ce qui existe dans nos textes. Je pense qu’il n’y a pas un spécialiste de droit, en ce moment, dans notre pays, pour dire qu’il serait inutile de donner, dans notre code civil, une définition de l’intérêt supérieur de l’enfant. Je le répète, je ne comprends pas votre réticence, si ce n’est pour une raison strictement politique, autrement dit parce que nous sommes dans l’opposition et que vous êtes dans la majorité. C’est regrettable.
Nous sommes face à une difficulté juridique, mais nous avons la chance d’avoir parmi nous le président de la commission des lois.
« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.
En revanche, nous n’avons pas eu l’occasion d’entendre la garde des sceaux. Nous ne savons pas pourquoi, d’ailleurs, puisque ce texte concerne directement le code civil. À défaut, le président de la commission des lois pourrait explicitement nous indiquer ce qu’il pense de l’interprétation, pour le moins anglo-saxonne, de la secrétaire d’État.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement no 625 .
La lutte contre les violences conjugales, s’agissant particulièrement des femmes – car c’est bien souvent de cela qu’il s’agit dans les faits –, doit être un objectif partagé par tous. Un objectif qui, comme le disait Mme la secrétaire d’État, doit nous guider lorsque l’on examine des articles comme celui-ci.
En moyenne, chaque année, plus de 200 000 femmes se déclarent victimes de violences conjugales – physiques ou sexuelles. En 2013, on a dénombré le décès de 121 femmes et 25 hommes, victimes de la violence de leur conjoint ou ex-conjoint.
Cet amendement vise à renforcer davantage encore l’encadrement du dispositif prévu par cet article. Il s’agit de s’assurer que le juge aux affaires familiales, chargé de trancher en cas de désaccord entre les parents concernant les actes importants de la vie de l’enfant, prenne en compte les violences qui auraient eu lieu au sein du couple.
L’objectif de cet amendement est de sécuriser le parent victime de violences conjugales, ainsi que le ou les enfants du couple, en apportant une attention toute particulière à ces situations.
L’amendement est intéressant car, nous l’avons dit, nous manquons de garde-fous pour les violences.
Toutefois, madame la députée, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, car nous allons examiner l’amendement n° 576 rectifié de Mme Buffet, auquel nous donnerons un avis favorable. Mais il va sans dire, madame Massonneau, que nous partageons l’esprit de votre amendement.
Même avis que Mme la rapporteure.
L’amendement no 625 est retiré.
…au profit de l’amendement n° 576 rectifié de Mme Marie-George Buffet, qui est bien meilleur.
L’amendement no 642 est retiré.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 576 rectifié .
Il est extrêmement important, dans le cadre de cette loi, de permettre aux femmes victimes de violences de se protéger. En protégeant ces femmes, on se préoccupe aussi de l’intérêt de l’enfant ou des enfants.
Notre amendement modifie la rédaction de l’exception prévue lorsque le changement de résidence ou d’établissement scolaire est lié à des violences exercées par l’autre parent sur l’enfant ou sur le parent qui souhaite changer la résidence ou l’établissement scolaire de l’enfant.
La rédaction actuelle de la dernière phrase de l’alinéa 4 prévoit que l’accord de l’autre parent n’est pas requis lorsque celui-ci a été condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou délit sur la personne du parent qui souhaite changer la résidence ou l’établissement scolaire de l’enfant. Cette rédaction présente l’inconvénient d’être automatique et d’exiger une condamnation, alors que celle-ci peut tarder à intervenir.
La rédaction proposée par notre amendement supprime l’automaticité. L’exception étant désormais accordée par le juge, on n’exige plus une condamnation pour que l’exception puisse jouer, la condition requise étant que le changement de résidence ou d’établissement scolaire soit en lien avec les violences exercées par l’autre parent.
Sur l’amendement no 576 rectifié , je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
Il faut, bien sûr, tenir compte des situations de violences. Avis favorable.
Sous réserve de quelques détails sur le plan de la rédaction, qui viseront à accommoder la rédaction de l’amendement avec ce que sera le code civil après l’adoption de la proposition de loi, je demande à l’Assemblée une sagesse bienveillante à l’égard de l’amendement de Mme Buffet.
La délégation aux droits des femmes a déposé un amendement n° 633 , qui viendra un peu plus loin et qui va dans ce sens. L’amendement de Mme Buffet répond à la forte préoccupation exprimée par la délégation aux droits des femmes, à savoir la prise en compte de la question des violences dans le changement de résidence. De plus, il a l’avantage de regrouper les dispositifs de changements de résidence dans un même article du code civil.
Nous soutenons donc cet amendement et nous retirerons le nôtre en son temps.
Dans l’amendement qui proposé, il est question à la fois des violences et des conditions de modification du lieu de résidence. Les amendements qui ont été retirés évoquaient les violences physiques ou les pressions psychologiques. Ici, il est fait uniquement état de violences au sens général du terme. J’aimerais savoir si cette modification a été soupesée.
L’idée est-elle de parler de violences physiques ? D’inclure également les pressions psychologiques, ce qui est peut-être plus difficile à caractériser objectivement ? Car où commence la pression psychologique ?
Cet amendement est plus ambigu et plus flou que ceux qui avaient été présentés auparavant. J’aimerais connaître les raisons qui ont poussé à sa rédaction.
Je vais demander à Mme la rapporteure de me dire si j’ai bien compris les termes de cet amendement.
L’alinéa 2 indique que le juge peut dispenser le changement de résidence ou d’établissement scolaire de l’enfant de l’accord de l’autre parent, si ce changement est motivé par les violences exercées par ce dernier. Cela signifie a contrario, dans les autres cas, qu’il ne peut pas dispenser le changement de l’accord de l’autre parent.
Ce qui est, pour les praticiens, l’évidence même d’un nid de contentieux. Quelle est la sanction en cas de non-respect de l’accord ? L’accord doit-il être préalable ? Quelqu’un qui est muté professionnellement devra, avant de pouvoir rejoindre son poste, obtenir l’accord de son ex-conjoint, sans que le juge puisse suppléer au désaccord de l’autre puisque le juge ne peut déroger à cet accord exprès qu’en cas de violences. Donc, en l’absence de violences, vous allez créer des situations totalement ubuesques.
On voit, une fois de plus, les difficultés auxquelles nous sommes confrontés et l’on ne peut que constater vos hésitations concernant les amendements.
Ainsi, notre collègue Binet, auteur d’un amendement qui valait ce qu’il valait, mais qui avait au moins le mérite de la clarté, s’est-il désisté, hier soir, au profit de l’amendement de Mme Buffet. Bien entendu, le problème n’est pas qu’il s’agisse de Mme Buffet ! Mais cela montre que l’on se trompe dans la rédaction des amendements. Nul ne conteste les difficultés, que vous avez pointées, à juste titre, en cas de violences conjugales. Vous l’avez dit et redit, et l’on ne peut qu’y souscrire.
Notre collègue Houillon vient de démontrer que cet alinéa 2 va créer, non seulement un nid de contestations, mais aussi l’impossibilité pour le juge de dispenser si les changements ne sont pas motivés par les violences exercées par le conjoint. Il y a une compétence liée dans cette rédaction. Je doute que ce soit ce que vous voulez mettre en avant, mais cette rédaction nous amène, pour des raisons juridiques, à rejeter cet amendement. Faute de quoi, nous serons dans une situation inextricable.
Je ne sais pas si le Gouvernement veut proposer une réécriture. En l’occurrence, nous sommes face à une vraie difficulté. Cela étant, ce n’est pas la première fois. Je pense à votre refus d’inscrire dans la loi l’intérêt supérieur de l’enfant et d’intégrer un délai raisonnable, ce qui aurait permis une acceptation par l’autre conjoint, sans contrainte ou sans faire durer les choses. Il faudrait remettre l’ouvrage sur le métier !
Il importe, mes chers collègues Gosselin et Houillon, de bien lire l’article dans son ensemble, car il distingue deux cas. En cas de désaccord, le juge statue dans l’intérêt de l’enfant. Le cas de dispense est en fait un cas particulier. En tout état de cause, le juge peut dispenser de l’accord sur l’acte important si des violences ont été exercées. Il existe bien deux cas et il n’y a donc pas lieu de considérer que le deuxième alinéa introduit par l’amendement de Mme Buffet est restrictif. En effet, le cas de désaccord d’ensemble sur lequel statue le juge demeure.
J’en profite pour dire qu’il est très sage d’évoquer des violences exercées sans dire comment on les prouve. Par exemple, on ne peut parler de signalement. Il ne suffit pas de faire un signalement pour que le juge soit tenu de dispenser, bien entendu. Au juge d’apprécier s’il y a eu violence ou non compte tenu de signalements, de témoignages et de tout ce qu’il sera en son pouvoir de prendre en compte.
J’aimerais néanmoins poser une question à Mme Buffet. A-t-elle en tête les violences exercées sur le conjoint et éventuellement l’enfant ? Si tel est le cas, ne faut-il pas évoquer les seules violences sur l’un ou l’autre, en excluant les violences exercées contre des tiers ? Après tout, un père peut être violent envers son voisin sans jamais l’être envers son épouse ou ses enfants. Il serait donc souhaitable de préciser que les violences sont exercées envers le conjoint ou l’enfant.
Je note l’effort consenti par Mme Buffet pour répondre à une question posée hier soir mais je maintiens ce que j’ai dit alors. La rédaction actuelle ne règle pas, me semble-t-il, le problème fondamental de sa contradiction avec la liberté constitutionnelle d’aller et venir.
Il y a là une difficulté majeure qui n’est pas résolue. En effet, si le juge peut dispenser de changement de résidence ou d’établissement scolaire et que l’accord de l’autre parent est nécessaire, il y a là un problème constitutionnel incontournable, je tiens à le répéter. Je salue les efforts consentis pour trouver la solution mais elle ne l’est toujours pas et le problème constitutionnel reste entier.
Je relève simplement à ce stade du débat que nos collègues de l’UMP, après une heure de docte leçon sur la primauté de l’enfant, …
…nous démontrent qu’il convient de donner la primauté au parent qui crée par sa décision de déménager la situation d’écartèlement de l’enfant.
Ce n’est pas tolérable. Ou bien on est soucieux de l’intérêt supérieur de l’enfant, pour reprendre l’exigence de l’UMP, ou bien on ne l’est pas, mais conservons un minimum de logique. De telles situations, nous en connaissons tous et la loi doit en effet créer les conditions d’une tentative par les parents, fussent-ils en conflit, de faire en sorte que l’enfant ne souffre pas des décisions qu’ils ont prises, fût-ce en raison d’une promotion professionnelle comme cela est fréquemment le cas. Si nous cherchons l’intérêt de l’enfant, nous devons en assurer les conditions dans la loi même.
Il est procédé au scrutin.
Que nos collègues de la majorité qui applaudissent ne se méprennent pas, l’adoption de l’amendement n’est pas la victoire d’un camp contre un autre dans la lutte contre les violences faites aux femmes !
L’objection soulevée par notre collègue tout à l’heure montre bien que la question n’est pas claire. Je souhaite réellement, et je l’indique à dessein, que le Sénat réécrive le texte quand il en sera saisi, car il y a là une vraie difficulté et un nid à contentieux.
L’amendement n° 198 tend à compléter l’article 4 par un alinéa porteur d’un éclairage nouveau et en tout cas d’un approfondissement de notre réflexion. Des désaccords importants peuvent se faire jour entre les parents, on le sait. Il s’agit ici de préciser que le juge aux affaires familiales est saisi en cas de déménagement ou de changement d’établissement scolaire de l’enfant et qu’il lui incombe de statuer selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant, que l’on s’est abstenu de qualifier de « supérieur » afin de ne pas relancer le débat précédent. Faire du juge l’arbitre définitif me semble être une solution sage à même d’éclairer la situation.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement no 288 .
Je suis d’accord avec ce que propose M. Gosselin, que l’on trouve déjà dans le texte de l’article. L’avis est donc défavorable.
Défavorable.
Voilà qui est assez surprenant, madame le rapporteur ! Il s’agit d’un amendement de précision qui a sa légitimité. Vous pouvez être contre l’amendement mais l’argument consistant à dire que le texte comporte déjà ce qu’il propose…
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 33 .
Nous revenons à un thème déjà abordé tout à l’heure, celui de la protection de l’enfance et sa place dans notre droit, plus particulièrement dans le code civil. Tel est l’objet de nos amendements, qui visent à compléter l’article 4 par deux alinéas complétant eux-mêmes, au reste, l’article 372-1-1 du code civil. Ils visent à donner sa place pleine et entière à la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant dont je rappelle qu’elle a été ratifiée par la France au mois de janvier 1990 et dont les effets ont été reconnus par deux arrêts de la Cour de cassation des 18 mai et 14 juin 2005.
Ses valeurs et principes sont rappelés avec force mais pour l’instant on ne les voit pas à la place effective qu’ils devraient occuper. Je ne reviendrai pas sur l’article 55 de la Constitution qui confère aux accords ratifiés une valeur supra-législative, mais il me semble que notre assemblée doit a minima assurer le respect de la hiérarchie des normes, c’est bien le moins ! En tous cas, nos amendements soulignent que le grand principe de la protection de l’enfance doit être réaffirmé, en particulier dans le code civil.
J’invite Mme Rohfritsch et M. Gosselin à retirer leurs amendements. La protection de l’enfance est un sujet auquel je suis attachée comme vous, chers collègues, mais il s’agit d’un sujet distinct de celui qui nous occupe aujourd’hui. Mieux vaut, à mon avis, en débattre dans le cadre d’une autre proposition de loi, sans doute en préparation au Sénat, qui traitera justement de la question. J’invite donc les auteurs des amendements à les retirer.
Avis défavorable. Ces amendements sont inutiles dans la mesure où l’enfant est une personne à part entière, conformément aux articles 16 et suivants du code civil qui contiennent déjà des dispositions spécifiques à la personne de l’enfant.
Nous sommes plusieurs signataires de ces amendements identiques. Comme nous l’expliquons dans notre exposé des motifs, la France a ratifié un certain nombre de conventions internationales relatives à l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cadre, afin d’être totalement cohérents en traitant d’un texte relatif à l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant, il faut plus que jamais affirmer avec force dans le code civil que la loi assure la protection de l’enfant, interdit toute atteinte à sa dignité, à son intégrité physique et morale, à sa construction physique et psychique et garantit le respect dû à sa personne et sa pudeur. Cela nous semble essentiel. C’est la raison pour laquelle nous avons du mal à comprendre que l’on envisage d’y surseoir au profit d’un autre texte. Encore une fois, si vous accordez de l’importance au texte que vous présentez, alors l’opposition a bien le droit de proposer des amendements comportant des éléments qui lui semblent importants.
À moins, bien sûr, que la protection de l’enfant ne fasse pas partie des sujets qui vous intéressent ! En tout cas, nous considérons pour notre part qu’il s’agit d’un sujet important. Par conséquent, dans un texte comme celui-ci, il faut a minima préciser les choses, d’autant plus que, comme je viens de l’indiquer, il existe un certain nombre de conventions internationales que la France a ratifié qui les précisent. Mettons donc notre code civil en cohérence avec elles !
En effet, le double langage de la majorité et du Gouvernement à propos des amendements déposés par l’opposition ne laisse pas de me surprendre. Il nous arrive d’adopter des amendements qui en fait font bavarder la loi, disposant que l’on fera un rapport ou que la loi offre une possibilité ou une faculté. Tout cela n’édicte rien. Rien de tel dans les amendements que nous présentons, qui sont au coeur du projet de loi dont je rappelle quand même qu’il traite, si l’on en croit son intitulé, de l’autorité parentale et de l’intérêt de l’enfant. J’ai bel et bien compris, chers collègues de la majorité, que vous ne voulez pas entendre parler de l’intérêt supérieur de l’enfant et que vous ne voulez parler en réalité de rien sinon de garde alternée et d’autorité parentale. Il n’en reste pas moins qu’au coeur de votre proposition de loi, on trouve l’enfant. Que vous écartiez ainsi ce qui devrait être en réalité le coeur de votre action n’a rien d’anodin.
Pourquoi découper ? Et quand bien même, si la loi devait dire deux fois la même chose et si l’on devait retrouver la protection de l’enfant dans un autre texte de loi, mieux vaut en traiter deux fois que l’ignorer totalement et se limiter à des changements techniques de résidence ou à des changements de tactique juridique ! En vérité, il ne faut pas perdre de vue le coeur de la proposition de loi, qui est bel et bien l’intérêt de l’enfant face aux violences susceptibles d’être exercées contre lui.
L’article 4, amendé, est adopté.
Il s’agit toujours de la protection de l’enfant. Pour assurer une protection qui soit effective et adaptée à notre temps, il est évidemment nécessaire de faire preuve de cohérence. Je tiens d’ailleurs à vous rappeler, chers collègues de la majorité, que vous étiez hier les premiers à affirmer que le code civil, rédigé en 1804, mérite un certain nombre de modifications. Si tel est votre postulat, il faut vous y tenir, par cohérence !
Si, partant de ce postulat, on poursuit le raisonnement jusqu’au bout, il est clair qu’un certain nombre de principes ayant été proclamés par des conventions telle la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, dont la ratification par la France en 1990 a donné lieu à tout un dispositif réglementaire, ont vocation à être inscrits clairement et explicitement dans notre droit positif – tel est l’objet de notre amendement.
J’espère que nous obtiendrons à ce sujet des explications un peu plus détaillées que celles que nous avons eues jusqu’à présent, de la part de Mme la rapporteure, mais aussi de M. le président de la commission des lois, dont nous aimerions avoir l’éclairage. Il est à noter que, depuis le début du débat, M. Urvoas ne s’est absolument pas exprimé sur le sujet, peut-être parce qu’il éprouve une certaine gêne à l’égard de ce texte – c’est l’une des hypothèses pouvant expliquer son silence. Quoi qu’il en soit, nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur ce point et, dans l’immédiat, attendons avec impatience de prendre connaissance des arguments que la commission et le Gouvernement vont nous exposer.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 32 .
Je serai bref, afin de laisser au président Urvoas plus de temps pour s’exprimer, car je vois bien que cela le démange, et je ne voudrais pas le pousser au désespoir.
Sourires.
Je veux simplement rappeler que l’effectivité de la protection de l’enfance est évidemment nécessaire et qu’il convient, pour la garantir, de veiller à maintenir la cohérence entre notre code civil et les conventions internationales que nous avons légitimement ratifiées – je pense en particulier à la Convention des Nations unies ratifiée par la France en 1990, à laquelle la Cour de cassation a reconnu, en 2005, des effets directs et immédiats.
Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, nous nous sommes déjà prononcés – il y a un an – de manière défavorable au sujet de ces amendements abordant la question de l’origine, et nous n’y reviendrons pas.
Avis défavorable. Nous préférerions nous concentrer sur l’objet même du texte, à savoir la proposition de loi telle qu’elle a été déposée par Mme la rapporteure
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je suis un peu étonné, car j’avais cru comprendre que le nouveau Premier ministre souhaitait instaurer un dialogue constructif avec l’opposition.
…et fait des propositions très concrètes visant à enrichir la proposition de loi, la majorité balaye nos propositions d’un revers de main : « Circulez, il n’y a rien à voir ! ». Si nous vous gênons, vous n’avez qu’à le dire, et nous vous laisserons entre vous,…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
J’aimerais pouvoir m’exprimer, monsieur le président – car, à la différence du président de la commission des lois, j’ai des choses à dire…
Sur le fond, Mme la rapporteure a dit une chose qui m’a choqué, à savoir que la question avait été tranchée il y a un an. En effet, cela signifie que le droit français est contraire à la Convention des Nations unies ratifiée par la France en 1990, alors que les conventions internationales ont une valeur supralégislative. Il y a là une contradiction que le juriste que je suis ne saurait accepter sans explications de votre part.
Notre amendement, qui me paraît relever du plus élémentaire bon sens – le droit de connaître ses parents, la responsabilité commune, le développement, l’intérêt supérieur de l’enfant –,…
…a tout à fait vocation à être adopté pour être intégré au texte et j’espère, madame la rapporteure, que vous n’avez aucune objection de fond à son encontre.
Si cet amendement vous paraît poser un problème juridique, j’aimerais que vous nous le précisiez de façon explicite : en clair, estimez-vous que la France devrait dénoncer la Convention internationale des droits de l’enfant ? J’espère que le problème de hiérarchie des normes qui semble se poser ici fera réagir le président de la commission des lois, ce qui aurait le mérite de permettre l’ouverture du dialogue entre la majorité et l’opposition.
Je ne comprends pas pourquoi vous dénigrez cet amendement, madame la secrétaire d’État. Le plus important n’est-il pas d’assurer une protection de l’enfance effective et adaptée à notre temps ? Pour cela, il est nécessaire d’introduire les grands principes de la protection de l’enfance dans le code civil, ce qui est l’objet de cet amendement en parfaite conformité avec le titre même de la proposition de loi : « Autorité parentale et intérêt de l’enfant ».
Je rappelle ce que j’ai dit hier, à savoir que l’intérêt de l’enfant, c’est de réaffirmer la place des deux parents ; et que, d’autre part, le beau-parent, qui occupe une place de fait, n’aura jamais vocation à se substituer au parent initial, biologique. Le beau-parent est présent parce qu’il a choisi d’être le nouveau conjoint du père ou de la mère, non parce qu’il a choisi d’être le parent de l’enfant. Je dénonce la situation dans laquelle vont se trouver bon nombre d’enfants, pris en otage dans un conflit parental.
Madame la secrétaire d’État, vous ne pouvez que soutenir cet amendement !
Madame la rapporteure, vous êtes en train d’illustrer ce que je disais tout à l’heure, à savoir que votre argumentation est à géométrie variable selon que les amendements sont portés par la majorité ou par l’opposition. En l’occurrence, l’argument selon lequel la question a été définitivement tranchée il y a un an témoigne d’un certain mépris à l’égard de l’opposition. En agissant de la sorte, vous posez une chape de plomb sur le droit français, alors que tous les membres de notre assemblée sont législateurs !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous ne pouvez pas vous retrancher derrière l’unique argument selon lequel la question a été tranchée il y a un an et qu’elle ne saurait être revue puisque vous avez toujours la majorité ! « Circulez, il n’y a rien à voir ! » n’est pas une méthode de travail acceptable au sein d’une assemblée ayant vocation à discuter de textes législatifs.
Votre attitude est révélatrice de l’écart entre les déclarations tonitruantes du Premier ministre, qui nous assure qu’un travail constructif va être effectué avec l’opposition dans une ambiance de respect mutuel. Pour le moment, ces discours sont en totale contradiction avec les actes de la majorité qui, en réalité, rejette tranquillement et sûrement tout le travail accompli par l’opposition. Franchement, ce n’est pas très sérieux, et ce n’est pas rendre service à la collectivité que d’agir ainsi.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la secrétaire d’État, je crois que je comprends la cohérence idéologique qui vous amène à refuser ces amendements. En effet, s’ils étaient adoptés, ils redonneraient une place au père et à la mère de l’enfant, c’est-à-dire au géniteur et à la génitrice. Évidemment, cela vous gêne, puisque votre texte s’inscrit dans un ensemble beaucoup plus vaste consistant à atomiser les individus, à faire en sorte qu’ils n’aient pas d’identité propre, mais soient totalement interchangeables.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
En vertu de ce texte, notamment de ses dispositions relatives aux beaux-parents, les enfants seront exposés à être ballottés de droite à gauche – principalement à gauche, en ce qui vous concerne –, au gré des humeurs des adultes qui sont à l’origine de leurs vies. Certes, on perçoit bien une logique derrière tout cela, celle qui a présidé à la réforme des rythmes scolaires, par exemple, celle qui veut que l’on retire les enfants de leur famille le plus tôt possible – dès l’âge de deux ans – pour les endoctriner, leur inculquer la morale républicaine.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Ah, je vois que la majorité se réveille enfin en comprenant que nous parlons d’idéologie ! Eh oui, madame la secrétaire d’État, ce texte est d’une nature profondément idéologique !
Mêmes mouvements.
Soit, comme nous l’avons dit hier, vous agissez sans comprendre ce que vous dites, parce que cela vous dépasse, et vous êtes de ces personnes que Vladimir Ilitch Lénine appelait, à juste titre, les « idiots utiles », soit vous agissez en toute conscience, et dans ce cas, votre attitude relève de la perversité ou de l’incompétence.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 345 .
Notre amendement n° 345 constitue une proposition d’amélioration de l’article 373-2 du code civil. Aujourd’hui, cet article dispose que l’information préalable par un parent de son changement de résidence doit être faite en temps utile, sans fixer aucune prescription quant aux modalités de cette information. De ce fait, l’information préalable est délivrée oralement, par lettre simple ou par tout autre moyen. Ces modes de délivrance ne présentent, pour le parent qui recourt, aucune garantie lui permettant de s’assurer que l’autre parent est réellement destinataire de cette information. Il s’ensuit que de nombreux parents peuvent être mis devant le fait accompli, leur ancien conjoint déménageant sans qu’ils en aient été informés.
Les moyens par lesquels l’information est aujourd’hui délivrée ne permettent pas d’apporter devant le juge une preuve de l’effectivité de cette information. Notre amendement vise donc à améliorer l’administration de la preuve. La plupart des parents séparés entretiennent des relations cordiales et ne sont donc pas intéressés par cette disposition, mais ceux qui ont la présence d’esprit de notifier leur changement d’adresse par lettre recommandée se trouvent, de fait, dans une meilleure situation. Certes, la loi n’intervient que dans les situations présentant un dysfonctionnement, c’est-à-dire celles où les parents séparés entretiennent des relations difficiles ou n’ont pas la présence d’esprit d’avertir leur conjoint de leur changement de résidence.
S’il est précisé dans la loi que l’information du changement de résidence doit se faire par lettre recommandée, le parent concerné pourra s’organiser en conséquence. La notification par lettre recommandée permet non seulement de faciliter la preuve devant le juge aux affaires familiales en cas de désaccord ou de litige, mais aussi et surtout de prévenir la commission d’une infraction prévue à l’article 227-6 du code pénal, aux termes duquel « le fait, pour une personne qui transfère son domicile en un autre lieu, alors que ses enfants résident habituellement chez elle, de ne pas notifier son changement de domicile, dans un délai d’un mois à compter de ce changement, à ceux qui peuvent exercer à l’égard des enfants un droit de visite ou d’hébergement en vertu d’un jugement ou d’une convention judiciairement homologuée, est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ». La mesure proposée permet d’assurer une communication minimale entre deux conjoints au sujet d’un événement concernant l’intérêt de l’enfant, et peut éviter à l’un des conjoints de se retrouver poursuivi pénalement.
Si je vois bien les intentions motivant cet amendement, je me vois contrainte d’en demander le retrait, car il pose un petit problème technique résultant de l’adoption de l’amendement n° 576 rectifié de Mme Buffet, qui réécrit l’alinéa 5 de l’article 4.
Même avis. Il serait préférable de retirer cet amendement, en partie satisfait par l’amendement de Mme Buffet.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mon amendement n’est que très partiellement satisfait par celui de Mme Buffet,…
Rires sur les bancs du groupe UMP.
…qui ne prévoit pas du tout de mettre en oeuvre un avertissement par lettre recommandée. Mon amendement n° 345 constitue, lui, un article additionnel destiné à améliorer le texte initial. Par conséquent, je le maintiens.
Dans ce cas, le Gouvernement émet un avis défavorable !
Monsieur le président, il n’est vraiment pas d’usage qu’une disposition législative prévoie une procédure de lettre recommandée, qui relève du domaine réglementaire. Veillons à ne pas défigurer le code civil !
L’amendement de Mme Buffet disant, entre autres, que « le troisième alinéa de l’article 373-2 est supprimé », je ne peux que réitérer ma demande de retrait de l’amendement n° 345 , qui pose de ce fait un petit problème technique.
L’amendement no 345 est retiré.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 633 .
Du fait de l’adoption de l’amendement de Mme Buffet, je retire le mien, monsieur le président.
L’amendement no 633 est retiré.
Ceux qui écoutent nos débats doivent se demander à quel degré de complexité nous allons arriver. L’adoption de l’amendement de Mme Buffet, qui avait, semble-t-il, pour objet de protéger chacun des conjoints des violences dont il pouvait être victime de la part de l’autre conjoint, pose en réalité beaucoup de problèmes à la majorité, notamment en empêchant l’adoption d’autres amendements, dont l’un visait à ce que les conjoints s’envoient des lettres recommandées à tout-va : il va falloir constituer des dossiers avec des preuves écrites, qui vont s’accumuler au fil des années, des rencontres et des séparations des parents de ces enfants qui devraient occuper une place centrale dans le texte.
Vous avez évidemment voulu supprimer le terme d’« intérêt supérieur de l’enfant », en sacrifiant à une forme d’anglophilie galopante – cela vous arrange – sans percevoir la cohérence et la sagesse des textes britanniques qui, eux, donnent au juge une capacité supérieure aux nôtres.
Je veux bien que nous refassions la révolution que les Britanniques avaient entreprise avant nous – pourquoi pas, mon cher Marc Le Fur, la Bretagne s’en trouverait tout à son aise.
Sourires.
Pour revenir à notre sujet, comme votre système ne fonctionne pas, comme, structurellement, il présente de multiples failles, il va falloir accroître les condamnations et les mesures coercitives à l’égard du ou des parents, du ou des beaux-parents qui ne respecteraient pas l’esprit du texte – que l’on a d’ailleurs du mal, madame la rapporteure, à cerner : on se demande même s’il est pourvu de la moindre once d’esprit, si je puis me permettre, sans vouloir, naturellement, douter de votre bonne foi. Nous avons d’ailleurs déjà évoqué ce sujet avec Mme la secrétaire d’État.
De deux choses l’une : soit ce texte ne sert à rien, et je ne comprends pas pourquoi vous l’avez rédigé ; soit il sert à quelque chose, mais alors pourquoi ne vous appuyez-vous pas, à cet article 5, sur l’existant et pourquoi avez-vous besoin de renforcer une fois encore les mesures coercitives, si ce n’est pour rendre encore plus paranoïaque la situation de nos compatriotes ?
Avec cet article 5, nous en arrivons aux amendes civiles. C’est évidemment quelque chose d’important, et je doute de l’adaptation de ces amendes au règlement des litiges familiaux. Je rappelle que cette mesure viendra s’ajouter à la peine, actuellement existante, sanctionnant le délit de non-représentation d’enfant. Cela va finir par être un petit peu lourd.
S’agissant des conflits familiaux, je crois que l’amende civile de 10 000 euros est loin d’être anodine et qu’elle est même excessive. C’est d’autant plus gênant que, comme vous le savez, sur le plan civil, les moyens de preuve sont moins affinés qu’en droit pénal. C’est une mesure à mes yeux excessive et, surtout, dangereuse, notamment pour le respect des droits de la défense.
Il ne s’agit pas de transformer les situations conflictuelles en situations idylliques, où tout devrait se gérer facilement, mais on doit garder un équilibre : au regard des insuffisances en matière de charge de la preuve, la mesure me paraît, je le répète, excessive et dangereuse. Cela constitue à mes yeux une vraie difficulté.
L’article 5 veut sanctionner la mauvaise volonté manifeste d’un des parents qui empêche l’autre parent d’exercer son bon droit. Nous connaissons tous des exemples mettant en présence un parent qui empêche l’autre d’exercer son droit de visite : c’est d’ailleurs la plus grande source de conflit entre parents.
Cette attitude, quand elle n’est pas motivée par une raison sérieuse, est inacceptable pour l’autre parent mais aussi pour l’enfant, qui a tant besoin de ses deux parents pour se construire. L’enfant se retrouve ainsi au coeur de ce conflit ; il est souvent pris à partie, chaque parent dénigrant l’autre pour lui ôter toute envie de le retrouver.
Ces cas d’aliénation parentale sont malheureusement plus courants qu’on ne le pense, mais la condamnation de cette attitude est déjà prévue par nos textes. La création d’une amende civile est-elle nécessaire alors que le délit de non-représentation d’enfant existe déjà au pénal ?
Cette mesure est-elle appropriée alors qu’elle va augmenter une nouvelle fois les sources de conflit ? Je doute que ce soit la solution.
Nous aurons besoin d’échanges supplémentaires sur la question de l’autorité parentale. Même s’il mériterait d’être explicité, on perçoit très clairement un point de divergence, à savoir la manière dont on considère l’autorité parentale.
Ce texte s’inspire sans nul doute de situations concrètes, à savoir le développement des séparations, mais, au lieu de considérer que les parents peuvent librement et légitimement exercer leur autorité parentale, il propose de recourir de manière plus spécifique, pour ne pas dire automatique, au juge des affaires familiales.
Ce faisant, on est en train d’opérer un glissement : alors que l’on se trouve au coeur de la cellule familiale, on place un sujet relevant de la vie privée dans la sphère publique, plus précisément étatique, car on va demander au juge de se prononcer.
Je suis un peu surpris que l’on n’évoque pas plus clairement cette question car, en fait, de manière sous-jacente – et nous le disons chacun avec nos mots – nous voyons apparaître une vision très étatisée de la politique familiale. Cela ne nous paraît pas du tout souhaitable, car, encore une fois, les familles ont préexisté à l’État.
Plus fondamentalement, ce n’est pas forcément sur le plan juridique qu’il convient de définir l’autorité parentale, au-delà de ce qui a déjà été fait. D’ailleurs, madame la rapporteure, vous êtes généralement la première à faire référence au droit positif, en particulier lorsqu’il s’agit de rejeter nos amendements.
J’espère que vous arriverez à nous convaincre de l’intérêt de cet article.
Madame la secrétaire d’État, je suis désolé de contrarier votre esprit de tolérance, mais je suis partagé entre le fait de vous faire plaisir, en n’intervenant plus, et d’honorer mes électeurs en les défendant, ce qui, en démocratie, me paraît prioritaire. Vous m’excuserez donc, mais je continuerai d’intervenir.
Devant cette proposition de loi, on a envie de prendre la défense de la paternité : pour ma part, j’en appelle volontiers à tous les pères.
Aujourd’hui, plus d’un enfant sur dix de couples divorcés ne voit plus son père. Pis, une analyse approfondie de ces questions indique combien les inégalités sociales aggravent ces situations, puisque l’INSEE nous apprend que 46 % des fils d’ouvriers divorcés ne voient plus leur père.
Je suis très inquiet devant les propositions de cet article parce qu’il ne prend pas la mesure de la souffrance sociale induite par de telles évolutions.
Ne vous piquiez-vous pas au cours des débats de l’année dernière de chercher à renforcer le cadre familial ? Vous n’avez pas attendu une année pour montrer à quel point votre objectif réel est bien la destruction du mariage…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
…puisque vous croyez seulement à la parenté sociale, voire distributive.
Par cet article 5, vous aviez l’occasion de chercher à défendre la place du père dans la construction identitaire de l’enfant. À l’inverse, vous l’abandonnez à un monde sans repère masculin, ou alors avec des repères multipliés, évolutifs et temporaires qui ne lui laisseront pas le temps de construire une relation édifiante avec le père.
L’intérêt supérieur de l’enfant – on en a beaucoup parlé –, c’est bien de pouvoir bénéficier de deux regards aimants et différents, en un mot d’avoir un cadre nourri par l’altérité sexuelle et la conviction que c’est son intérêt supérieur qui doit primer.
Cet article 5 veut faire la politique des bons sentiments, alors qu’il se plaît à valider une évolution néfaste.
Comme l’ont dit nos collègues, cet article prévoit malheureusement un dispositif supplémentaire, à savoir un mécanisme d’amende civile pour sanctionner le parent qui fait délibérément obstacle de manière grave et renouvelée aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, en empêchant l’autre parent d’exercer ses prérogatives.
Cette amende civile vient s’ajouter à l’actuelle peine sanctionnant le délit de non-représentation d’enfant. Vous en avez fixé le montant à 10 000 euros, ce qui est, me semble-t-il, bien excessif. Cette amende va essentiellement concerner les 10 % de parents qui sont en désaccord sur la résidence des enfants. En effet, dans 80 % des cas, les parents sont en accord sur cette question tandis que, dans 9 % des cas, ils n’en parlent pas.
Si l’on regarde de près, les 10 % de parents concernés sont essentiellement des femmes victimes de violences, qui sont encore souvent sous l’emprise de leur ex. Ce sont souvent des femmes économiquement exsangues, qui vont, du coup, se retrouver doublement pénalisées.
Par conséquent, ce sont les enfants, déjà traumatisés par le quotidien et parfois maltraités par l’un des conjoints, qui vont se trouver directement concernés et affectés par cette décision.
Aussi ne suis-je sincèrement pas convaincu qu’avec cette proposition, vous allez apaiser les situations conflictuelles.
Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chacun comprendra qu’un certain nombre de parents se heurtent à une véritable difficulté, car ils souffrent de l’impossibilité ne serait-ce que de rencontrer leurs propres enfants. Il y a là un problème de fond.
La réponse que vous proposez ne me semble pas adéquate. Il faudrait d’abord nous apporter la démonstration que la peine existante, en cas de non-représentation d’enfant, est inappliquée ou inapplicable. J’attends de vous des explications précises. L’amende civile ne se justifie en effet que dans la mesure où le dispositif pénal existant aujourd’hui n’est pas satisfaisant.
Par ailleurs, comme l’a dit à l’instant notre collègue, l’amende civile va porter essentiellement sur les femmes puisque, dans plus de 70 % des cas, la garde de l’enfant est confiée à la mère, et celui qui ne peut pas exercer ne serait-ce que son droit de visite, c’est le père.
Les 10 000 euros, il faut donc les rapporter aux revenus des femmes, qui sont déjà confrontées à de multiples difficultés. Le divorce en soi engendre une difficulté financière : combien de fois n’avons-nous vu dans nos permanences des gens qui vivaient modestement à deux puis, une fois séparés, pauvrement, ce qui les contraignait à élever pauvrement leurs enfants ? Ces 10 000 euros doivent donc, je le répète, être rapportés aux revenus des familles.
De surcroît, il est un peu paradoxal que cet argent aille au Trésor public, c’est-à-dire à l’État.
Objectivement, je ne comprends pas : si, au moins, vous aviez imaginé un dispositif permettant que cet argent soit recyclé pour servir à la politique familiale, pourquoi pas ? Mais on a ici l’éternelle réponse des socialistes : la méfiance, la sanction et l’impôt. Or, 10 000 euros, cela compte.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons adhérer à la logique qui sous-tend cet article. Nous ne nions pas la difficulté, nous ne nions pas le problème, nous ne nions pas qu’il y ait un nombre croissant de situations difficiles, mais encore faudrait-il, pour que nous envisagions d’autres hypothèses que celles prévues dans notre droit, que vous nous fassiez la démonstration de son insuffisance, ce qui n’a pas été le cas, faute d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État.
Voilà donc que votre texte vient user de la menace, en créant une amende civile, en ajoutant même, de manière bien inutile, me semble-t-il, que celle-ci est « proportionnelle à la gravité de l’entrave et aux facultés du parent ».
Je voudrais qu’on nous explique quels comportements seront visés – nous devons impérativement avoir des précisions à ce sujet –, comment sera caractérisée leur gravité et comment faire lorsque, par exemple, les obstacles proviennent de la volonté d’un enfant, ce qui arrive bien souvent en matière de divorce.
J’avais également parlé en commission des lois du fameux syndrome d’aliénation parentale. C’est un vrai problème pathologique, et je ne suis pas persuadé qu’une menace d’amende civile soit la réponse appropriée. La solution consistant à infliger une amende civile aux parents qui manquent à un devoir, certes fixé par la loi, mais qu’ils ne peuvent pas nécessairement respecter, me paraît manquer singulièrement d’humanisme. Il convient de régler cette question plutôt la médiation que par cette amende civile, qui me paraît complètement hors de propos dans un tel texte.
J’ai assisté aux auditions de la délégation aux droits des femmes, en particulier à la vôtre, madame la secrétaire d’État. Vous y avez clairement affirmé que votre volonté était de présenter un texte d’apaisement. Or, avec ces amendes civiles, je n’ai pas l’impression que vous avez obtenu ce que vous vouliez : ces amendes seront évidemment une source de conflits.
Une fois de plus, je m’interroge sur la place faite à l’intérêt de l’enfant. Cette proposition de loi est-elle faite pour les enfants ou pour les parents ?
Notre but est tout de même d’améliorer le sort des enfants. À cette fin, et mon collègue a tout à fait raison sur ce point, il faut encourager la médiation ; il faut toujqaours encourager la médiation. Il faut apaiser les tensions qui existent entre les parents et qui se répercutent sur les enfants. Je ne vois pas comment le dispositif supplémentaire que vous proposez, cette amende excessive, permettra de résoudre les problèmes.
Madame la secrétaire d’État, la vie est ainsi faite : la souffrance existe, et il faut la prendre en considération. Une amende supplémentaire ne permettra pas de l’adoucir. Je dirais même que la loi est impuissante face à la souffrance consécutive à une séparation, elle ne peut rien faire lorsque les gens n’arrivent plus à s’entendre ; ce texte n’apportera donc pas grand-chose. Ce n’est pas en augmentant sans cesse le montant des amendes que vous parviendrez à atténuer cette souffrance.
Madame la secrétaire d’État, j’aimerais que vous prêtiez attention à cet humanisme que nous appelons de nos voeux dans cette proposition de loi qui, malgré de bonnes intentions, risque de provoquer des effets contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant, alors que notre objectif à tous est de le protéger.
L’article 5 introduit une amende civile qui vient s’ajouter à l’actuelle peine pour délit de non-représentation d’enfant, qui est une infraction pénale.
Cette mesure me paraît être un très mauvais symbole : vouloir apporter des solutions à des situations litigieuses en matière d’autorité parentale, vouloir trouver au travers du numéraire, car c’est cela dont il s’agit, des solutions à des situations familiales contentieuses constitue à mes yeux un vrai danger. Pire encore : cela revient à introduire des flux financiers au sein des familles. N’est-ce pas fallacieux ? Ne devrait-on pas plutôt se tourner vers des mesures d’accompagnement, d’apaisement, de transaction ?
Par ailleurs, il est prévu de plafonner le montant de l’amende civile à 10 000 euros. Mais cette limite n’est-elle pas virtuelle ? Il est en effet prévu qu’elle s’applique lorsqu’un parent fait obstacle de façon grave aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Est-ce à dire qu’un parent qui fait obstacle à ces règles de manière grave à plusieurs reprises se verra condamné plusieurs fois au versement d’une telle amende ? En outre, il est précisé qu’elle s’appliquerait aussi pour un parent qui ferait obstacle de manière non grave mais renouvelée à ces règles. Est-ce à dire qu’en cas d’obstacle posé quatre fois, donc renouvelé à deux reprises, l’amende serait exigible deux fois ?
Cette disposition me paraît disproportionnée. Il n’est pas du tout souhaitable d’introduire des flux financiers dans le règlement de ces différends familiaux.
Nous en arrivons à un article qui porte une forte charge symbolique. Je voudrais vous faire part de mon incompréhension totale face à cette disposition.
Premièrement, vous aurez à expliquer à l’ensemble des personnes intéressées la différence entre l’amende pénale et l’amende civile.
Deuxièmement, il existe un principe absolu en matière d’amende : à la différence des peines de prison, il n’y a pas de confusion des peines. Par conséquent, lorsque deux, trois, quatre ou cinq faits, éventuellement graves, sont susceptibles d’être reprochés à un parent, il pourra lui être appliqué un nombre équivalent d’amendes.
Troisièmement, je me suis reporté à l’article 32-1 du code de procédure civile : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. » Vous rendez-vous compte que vous fixez ici le plafond à 10 000 euros alors que le maximum qui peut être réclamé dans le cadre du code de procédure civile est de 3 000 euros ? C’est agir au mépris du bon sens ! J’invite nos collègues de la majorité à rentrer dans leur bon sens !
Alors que vous êtes mus par de bonnes intentions, et je m’adresse en particulier à Mme la rapporteure, il me semble que l’on perd de vue la raison, que l’on part dans du n’importe quoi. Je vous en conjure, ne faites pas cela : tout le monde va vous tomber dessus à bras raccourcis au sujet de ce texte, qui est de plus une première en la matière.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Nous en venons aux amendements à l’article 5.
Je suis tout d’abord saisi de plusieurs amendements de suppression de l’article.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 135 .
Nous avons développé un certain nombre d’arguments qui ont introduit le doute au sujet de cet article. Les propos qui viennent d’être tenus, notamment au sujet du montant maximal retenu, peuvent laisser perplexe. Le plafond de 10 000 euros, une amende civile par obstacle : voilà qui peut aboutir à des montants démesurés, à des situations insensées. Si l’entrave à l’éducation des enfants se reproduit un certain nombre de fois, l’amende qui pourra être appliquée n’aura pas de sens.
Je le répète : il ne faut pas établir de lien entre des flux financiers et les difficultés qui peuvent exister au sein des familles, car ce seront in fine les enfants qui pâtiront de cette situation. Il n’est pas sérieux d’agir ainsi au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 199 .
Pour l’essentiel, mon argumentation pourrait reprendre celle qu’ont retenue Mme Capdevielle et ses collègues pour l’amendement no 646 qui sera défendu dans un instant.
Nos collègues sont pleines de sagesse : elles soulèvent les mêmes difficultés que celles que nous mettons en avant. La création de ces amendes civiles, cela a été excellemment répété durant de longues minutes, ne paraît pas être une solution adaptée. Cela présente des risques, ainsi que je l’indiquais tout à l’heure au sujet des moyens de preuve, qui sont beaucoup moins performants au civil qu’au pénal, et ne fait qu’ajouter de la difficulté, puisque le délit de non-représentation d’enfant existe déjà au pénal. Pour la bonne effectivité de ce texte, l’article 5 est vraiment inutile.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 646 .
Monsieur le président, chers collègues, depuis quelques décennies, le législateur a le souci de pacifier le règlement des différends familiaux et encourage les parties à régler ces litiges contractuellement. C’est le sens de la loi, de la jurisprudence et de la doctrine depuis des décennies.
En renforçant la judiciarisation, et même la pénalisation, puisqu’on parle d’une amende – plus qu’un symbole, il s’agit aussi d’une réalité lorsqu’elle est prononcée –, ce texte va à contre-courant de l’évolution du droit de la famille.
L’instauration d’une sanction financière est mal venue dans une matière familiale complexe, sensible et souvent douloureuse, et ce d’autant que cette amende serait susceptible d’être prononcée à un moment où, du fait de la séparation, l’un des parents ou les deux se trouvent dans une situation de grande précarité, notamment sur le plan matériel.
Je rappelle que, depuis longtemps, les juges aux affaires familiales ne condamnent plus au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’article qui porte sur les frais de justice, par souci d’équité mais aussi de pacification, même en cas de violation des règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale.
Le texte établit un lien entre la nature et la gravité de la violation du caractère conjoint de l’autorité parentale et le montant de l’amende.
Pourquoi retenir le plafond de 10 000 euros ? Pourquoi pas 20 000 euros ?
L’amende civile étant une sanction, les faits susceptibles d’entraîner la sanction doivent être interprétés de manière stricte. Or la rédaction de l’article est trop généraliste, l’amende étant exigible « lorsqu’un parent fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale ». Elle ouvre ainsi le champ à toutes les interprétations sur le caractère de gravité et le renouvellement ; deux occurrences suffiraient à l’établir. Cet article est donc susceptible d’entraîner une très grande différence d’appréciation en fonction des juridictions et accroît le risque de créer des inégalités entre les justiciables.
En outre, l’amende civile peut être prononcée à l’encontre de justiciables procéduriers, ce qui viendrait encore renforcer leur incompréhension face à une justice encombrée par un contentieux de masse. En tant que sanction, l’amende civile nécessite de surcroît une procédure supplémentaire appelant un juge déjà débordé à rendre une décision qui, par nature, générera davantage de dossiers, mais aussi davantage de conflits.
Je conclurai en me référant au rapport parlementaire de la sénatrice Mme Tasca, qui a été déposé sur le bureau du Sénat en février 2014 et que j’ai lu avec beaucoup d’intérêt. Aucune des propositions avancées ne visait à instaurer une telle amende.
Au contraire, ce travail parlementaire bien documenté insiste sur l’absolue nécessité de médiatiser tous les conflits familiaux.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Soyons clairs : nous nous sommes nous-mêmes interrogés sur l’amende civile.
Monsieur Gosselin, j’ai l’impression qu’à vos yeux il faudrait que nous arrivions pleins de certitudes. Pour ma part, ce n’est pas ainsi que je conçois le travail de législateur. J’écoute énormément, et c’est ce que j’ai fait pour ce texte.
C’est pourquoi il faut que vous écoutiez ce que nous disons dans la défense de nos amendements !
Madame Greff, nous avons adopté en commission un amendement de M. Poisson, sans difficulté. Pour avoir suivi les débats sous la précédente législature, je doute que vous en ayez fait autant. Refermons ici la parenthèse.
Cette amende civile répond à la préoccupation suivante : que peut-on faire lorsqu’un problème se pose dans l’application de l’autorité parentale ?
Laissez-moi parler, madame, car je vous ai laissé vous exprimer.
Lorsqu’un problème se pose, on a recours au pénal. L’idée était donc de donner des moyens coercitifs au juge aux affaires familiales pour qu’il puisse éventuellement s’en saisir ou s’en servir comme moyen dissuasif.
Dans quel cas un tel dispositif peut-il s’appliquer ? On sait que certains parents pourrissent la vie de leur ex-conjoint ou ex-conjointe en l’empêchant de faire tous les actes usuels, par exemple en remettant en cause auprès de l’institutrice l’arrangement conclu avec la voisine pour emmener l’enfant à l’école. C’est donc bien un moyen de sanctionner le parent, nous sommes bien d’accord. L’astreinte sera réglée à la personne qui a porté plainte. Songez-y, avant de supprimer cette disposition ou de vous y opposer de manière théorique !
J’entends aussi dire qu’il doit exister une concorde entre les membres d’une même famille, mais si c’était le cas, nous ne serions pas là. Si tout se passait bien, nous serions au pays des Bisounours ! S’il y avait un autre moyen de faire entendre à un parent que son comportement n’est pas correct et qu’il nuit à l’exercice de l’autorité parentale conjointe à l’égard de son enfant, je serais prête à le considérer.
Quant au plafond de 10 000 euros pour le montant de l’amende, je comprends qu’il puisse être considéré comme disproportionné. Il est toujours possible de le modifier. Néanmoins, si nous ne retenons pas un tel mécanisme, comment mettre fin aux situations dans lesquelles un parent empêche l’autre parent de faire tous les actes usuels ou s’immisce dans sa vie ? Ce moyen est dissuasif, certes, mais il a le mérite d’exister.
Cet article est à la fois important et innovant. Je veux rassurer les parlementaires qui s’inquiéteraient de l’origine de cette idée : elle n’est pas issue du Conseil d’État, certes, mais elle a été évoquée dans les réflexions du groupe de travail sur la coparentalité qui réunissait la direction des affaires civiles et du sceau ainsi que la direction générale de la cohésion sociale.
Des technos, oui, mais au Conseil d’État, il n’y a pas non plus que des gens totalement ébouriffés !
Sourires.
Vous pourriez donc adresser la même critique au Conseil d’État, dont vous ne cessez de requérir l’avis !
Cela dit, qu’en est-il du droit actuellement applicable ?
Aujourd’hui, la non-représentation d’enfant est passible de sanctions pénales. Je comprends vos interrogations, mais vous auriez pu déposer des amendements d’un autre ordre. Vous auriez pu proposer, par exemple, que le non-exercice du droit de visite et d’hébergement, qui est, d’un certain point de vue, le symétrique de la non-représentation d’enfant, soit lui aussi intégré dans la sanction pénale.
Par ailleurs, vous êtes visiblement – je le découvre ce soir –, dans cette partie de l’hémicycle, très rétifs aux sanctions, qui ne sont pas une bonne chose pour la société, et vous n’en tenez que pour l’apaisement et le dialogue.
J’en suis un peu étonnée, mais je suis prête à m’adapter si telle est votre nouvelle façon de voir le droit. J’espère que vous conserverez cette position sur les autres textes que vous aurez à examiner dans les semaines qui viennent.
Tout au plus un voeu, monsieur le député.
Puisque, disais-je, telle semble être votre position, vous pouviez aussi proposer de supprimer la sanction pénale.
En l’espèce, le texte, en créant une sanction civile, va permettre de sanctionner des comportements non respectueux des conventions passées entre les parents et homologuées par le juge. Cela concerne à la fois le non-exercice du droit de visite et d’hébergement, la non-représentation d’enfant, le non-respect de l’autorité parentale conjointe, voire le fait de manoeuvrer pour empêcher que l’autre parent continue d’exercer l’autorité parentale.
Quand on en arrive à ce point, on est au-delà de l’apaisement ; les voies de l’apaisement ont sans doute déjà été toutes explorées et tout a échoué. La sanction civile présente l’avantage de pouvoir être prononcée par le juge aux affaires familiales, lorsqu’il est saisi par l’un des parents. Il s’agit donc d’un rappel à la loi adressé aux parents qui n’exercent pas comme il convient leur autorité parentale ou qui ne respectent pas le rôle de l’autre parent et ne lui permettent pas de continuer à jouer son rôle. Je ne comprends donc pas vos réticences à l’égard de cet article.
Quant au montant de la sanction – 10 000 euros –, il est raisonnable.
L’article prévoit d’ailleurs que le juge peut adapter le montant de l’amende « aux facultés contributives du parent ». Pour certaines personnes, la somme de 10 000 euros sera justifiée ; si ce n’est pas le cas, le juge pourra adapter le montant.
Quoi qu’il en soit, cet article créant une amende civile est un élément important qui vient soutenir le parent victime de celui qui ne lui permet pas d’exercer son autorité parentale et d’accueillir l’enfant. Cette sanction sera infligée par le juge aux affaires familiales, bien plus facile d’accès que le juge pénal. Pour toutes ces raisons, je vous invite à réfléchir encore à cet article.
J’ai souvent parlé de la cohérence de ce texte. Eh bien, il existe de fait une cohérence entre l’article 4 et l’article 5. En l’occurrence, s’il existe bel et bien un problème, la solution que vous proposez ne nous semble pas adaptée. Le problème, d’ailleurs, tient à l’article 4, à travers lequel vous créez un droit de veto dont sera victime l’ancien conjoint, puisqu’un plaignant pourra s’opposer à tout changement de domicile.
Arguties !
Selon nous – le débat sur cette question a commencé hier –, cette disposition se heurte au principe du libre choix du domicile, lequel se rattache au droit au respect de la vie privée. La rédaction actuelle des articles 4 et 5 soulève donc un problème d’ordre constitutionnel. Le droit de veto que vous créez peut entraîner une réduction de la liberté de choisir son domicile, laquelle est une liberté publique fondamentale. Il y a donc, de toute évidence, dans l’articulation entre les articles 4 et 5, un problème d’ordre constitutionnel.
Madame le ministre, vous innovez tellement que l’on voit une députée de votre propre majorité vous appeler à revenir à la raison. Les Français et les Françaises qui nous écoutent doivent savoir que ces amendements de suppression sont défendus à la fois par l’actuelle opposition et par un nombre non négligeable de députés de votre majorité qui ont bien compris le caractère extrêmement novateur, pour ne pas dire « novlanguier » de cet article.
De fait, avec cet article, les amendes pourront se multiplier et se cumuler. Au bout du compte, il va vous falloir supprimer la dimension pénale de la non-représentation d’enfant, qui était tout de même, symboliquement, plus forte que sa dimension civile. Si vous persévérez dans la dimension « beau-parentale », si vous m’autorisez ce néologisme – vous n’êtes pas à ça près, je pense –, les recours et amendes se multiplieront et elles concerneront, non pas seulement les parents biologiques ou les parents ayant adopté un enfant, mais l’ensemble des parents.
Il va donc falloir avoir chez soi une multitude de dossiers, car cela concerne toutes les familles. Simultanément, vous devrez recruter un grand nombre de magistrats, lesquels, puisque ce sont des êtres humains, interpréteront le texte. En effet, paradoxalement, vous leur laissez une grande marge de manoeuvre. Dès lors, il y aura une inégalité totale, sur le territoire national, entre les justiciables.
Madame la secrétaire d’État, je comprends que vous ayez envie de bien faire les choses. De ce point de vue, je ne peux que vous suivre.
Je voudrais, pour ma part, m’adresser à nos collègues socialistes. Il faut bien mesurer les conséquences du vote que nous émettons aujourd’hui. En effet, au-delà de tout ce qui a été dit sur le plan juridique et constitutionnel, j’ai envie de me placer sur le plan humain.
L’après-séparation est toujours un moment difficile. Divorcer n’est jamais facile. Il y a des conséquences humaines sur le couple, mais aussi sur l’enfant. Les conflits, quand ils existent, portent parfois aussi sur les enfants, qui en subissent les conséquences. Je crains qu’en ajoutant à ces difficultés une peine d’ordre financier, on ne pousse certaines personnes à opter pour des solutions extrêmes. Mesurons bien les conséquences que notre vote peut entraîner. Je vous le dis sincèrement : nous devons être vigilants à ne pas ajouter trop de contraintes.
Je dois dire que j’hésitais un peu au début, car c’est là un sujet important. Mais, à l’instant présent, je n’hésite plus.
Premièrement, qui sera pénalisé par ces amendes ? Essentiellement des femmes,…
…comme l’ont dit nos collègues Mmes Lacroute et Capdevielle. De fait, ce sont elles qui, pour l’essentiel, ont la garde des enfants. Ce sont donc elles qui seront accusées de non-représentation.
Deuxièmement, les personnes divorcées se trouvent dans des situations financières pénibles, parfois même redoutables. Étant l’élu d’une circonscription essentiellement ouvrière et paysanne, je puis en témoigner : une jeune ouvrière travaillant, par exemple, dans l’agroalimentaire et qui élève seule ses enfants a du mal à s’en sortir. Et vous allez ajouter une amende !
Troisièmement, j’ai été très attentif à ce qu’a dit notre collègue M. Tourret – Me Tourret, devrais-je dire. Il s’agit, non pas d’une, mais de plusieurs amendes : autant de faits, autant d’amendes potentielles. Imaginez ce que cela peut représenter ! À l’évidence – d’autres que moi, sur divers bancs, l’ont dit –, la sagesse est de refuser une telle disposition.