La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité relatif à l'établissement du bloc d'espace aérien fonctionnel « Europe central » entre la République fédérale d'Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse.
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du Règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi, en application de l'article 106 du Règlement.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2013 (nos 235, 251).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 487 rectifié à l'article 9.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l'amendement n° 487 rectifié .
Si vous le permettez, madame la présidente, je défends également l'amendement n° 488 rectifié .
Ces amendements sont des « marronniers » parlementaires. Il n'empêche qu'aujourd'hui, compte tenu de la dernière note publiée par l'Observatoire français des conjonctures économiques, de la difficulté à contenir le déficit à 3 % du PIB et de l'annonce de nouveaux plans de licenciements dans notre pays, je crois que nous aurions intérêt à modifier substantiellement notre manière de financer l'économie.
L'objet de l'amendement n° 487 rectifié est de mette fin aux exonérations de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, des parts ou des actions d'une société transmise par décès ou entre vifs mentionnée à l'article 787B.
Le dispositif offre des possibilités d'optimisation fiscale d'une mise en oeuvre particulièrement simple puisqu'il suffit, pour bénéficier de l'allègement de la charge des droits de mutation dus lors de la transmission des entreprises, notamment familiales, de prendre un engagement collectif de conservation des titres de deux ans, dit pacte Dutreil, suivi d'un engagement individuel de conservation de quatre ans pris par les héritiers, légataires ou donataires.
Cette mesure ne vise au fond qu'à défendre le capitalisme familial, on pourrait dire « tant mieux »…
En revanche, monsieur de Courson, de grandes familles, héritières des maîtres de forges, ont à se repentir de ce pacte Dutreil, comme vous le savez. C'est une prime accordée à l'héritage et à la fortune et non au travail.
Vous les connaissez comme moi.
L'amendement n° 488 rectifié vise la suppression du dispositif ISF-PME dont le Conseil des prélèvements obligatoires a toujours estimé qu'il était générateur d'effets d'aubaine importants puisque l'investissement dans sa propre entreprise, pourtant déjà exonérée d'ISF, est admis et bénéficie ainsi d'un cumul d'avantages fiscaux.
Nous estimons pour notre part qu'il faut passer du système d'incitations fiscales tous azimuts qui prévaut et qui a conduit à la multiplication des niches à un système de subventions directes ou d'allocations de crédits à taux bonifié en faveur des PME innovantes ou des PME en difficulté. Cela permettrait de se garantir des effets d'aubaine et d'opérer un pilotage plus précis de la politique industrielle ambitieuse que nous appelons tous de nos voeux.
Face aux plans de licenciements qui se multiplient et aux dernières prévisions de l'OFCE, il est plus que temps de changer le financement de l'économie.
L'amendement n° 488 rectifié est donc défendu.
La parole est à M. Charles de Courson.
Mon cher collègue, il fut un temps où vous croyiez encore au communisme, à l'idée que la socialisation des moyens de production allait conduire à la prospérité et au développement de la culture. Tout cela a fini dans un cauchemar épouvantable et dans les camps de concentration soviétiques.
Certains des membres de ma famille y sont allés, je peux donc vous confirmer qu'ils ne valent pas mieux que les camps de concentration fascistes, dans lesquels d'autres membres de ma famille sont d'ailleurs allés.
C'est pitoyable de voir un tel amendement. Quel est l'intérêt du pays ? C'est d'avoir un capitalisme familial stable et digne de ce nom, c'est-à-dire sachant prendre des risques mesurés et développer le pays. Vous voulez supprimer le pacte Dutreil et que ces familles vendent ? À qui vont-elles vendre ? À de grands groupes français et surtout étrangers. Vous voulez que le pays continue à se désindustrialiser ?
Franchement, pour une fois que le gouvernement socialiste n'a pas fait l'inverse de ce qu'il fallait, c'est-à-dire qu'il a maintenu le dispositif, chers collègues, repoussons cet amendement !
La parole est à M. le rapporteur général pour donner l'avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur ces deux amendements.
Je comprends l'esprit de l'amendement de notre collègue. En première analyse, ce dispositif Dutreil peut sembler donner des avantages importants à ceux qui seraient assujettis à l'ISF.
Monsieur de Courson, vos propos sont évidemment excessifs…
…mais je vous rejoins sur un point : le Gouvernement n'a pas souhaité revenir sur ce dispositif pour le moment.
Pourquoi ? Avec les articles 5, 6 et 7, les entreprises – pas les petites, surtout les grosses – sont déjà sollicitées. Nous estimons qu'en matière de montée en puissance de la fiscalisation des entreprises – ce vocable recouvrant des réalités diverses –, il n'est pas opportun de toucher à un dispositif, que certains qualifient d'avantage, mais qui permet le transfert d'une partie de l'épargne vers le secteur économique. Avis défavorable à ces amendements.
La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements.
Le rapporteur général a dit ce qu'il convenait. Monsieur de Courson, il faut se garder de lier de tels amendements à des évocations historiques qui peuvent avoir leur intérêt mais qui n'ont pas grand-chose à voir ni avec le temps présent – le mur de Berlin est tombé – ni avec la gauche ni avec le parti communiste d'aujourd'hui.
Monsieur Sansu, nous pensons que ces dispositifs fonctionnent bien. Nous voulons vraiment changer le rapport entre fiscalité du travail et fiscalité du capital, ce que certains nous reprochent, mais nous pensons qu'il faut maintenir des dispositifs équilibrés qui contribuent à l'investissement. C'est la raison pour laquelle je soutiens totalement l'approche du rapporteur général. Avis défavorable.
(Les amendements nos 487 rectifié et 488 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Cet amendement vise à supprimer des alinéas qui créent une distinction au sein des biens professionnels entre ceux qui sont nécessaires à l'activité de l'entreprise et ceux qui ne le sont pas.
Si je comprends la logique de la disposition, je vois mal comment l'appliquer. Qui va décider de ce qui est nécessaire ou pas à l'activité de l'entreprise ? On aura toujours une zone grise qui va générer des contentieux et une inflation documentaire de la part de l'administration fiscale, ce qui n'est jamais bon pour les entreprises.
La théorie de l'abus de droit ne serait-elle pas suffisante pour traquer les fraudes les plus manifestes ?
Ce projet de loi a pour objectif de clarifier la situation applicable aux biens professionnels pour faciliter le contrôle fiscal et pour éviter les montages consistant par exemple, pour un contribuable, à faire porter par une société qu'il contrôle un bateau de plaisance non nécessaire à l'exploitation de son entreprise afin d'échapper à l'ISF.
Évidemment, toute ressemblance avec des personnages existants serait fortuite.
Il faut donc au contraire soutenir une disposition qui consiste à lutter contre l'optimisation fiscale pour ne pas dire davantage. J'émets donc un avis défavorable à votre amendement, mon cher collègue.
Même avis que le rapporteur général.
Nous sommes d'accord sur le principe, mais je vous repose la question : quels moyens va-t-on mettre en oeuvre pour vérifier tout cela ?
Nous avons eu, hier soir, un débat sur les oeuvres d'art. Un amendement proposait un plafond de 50 000 euros et l'obligation d'exposer l'oeuvre d'art pendant cinq ans. Charles de Courson a fait exactement la même réflexion : comment vérifie-t-on, avec quels moyens et pour quel résultat ?
Honnêtement, cela ne tient pas la route.
Je ne comprends jamais ce type d'argument. Sans le support législatif, évidemment on ne fera jamais rien. Avec le support législatif, on peut mettre les moyens en place pour agir.
On a décidé hier soir de ne pas le faire sur les oeuvres d'art !
(L'amendement n° 550 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l'amendement n° 489 rectifié .
Il s'agit d'un dossier que vous connaissez bien : l'intégration dans l'ISF de la valeur de la résidence principale et de l'abattement afférent. Nous sommes favorables à un ISF sans niches fiscales, comme le démontrent les divers amendements que j'ai défendus depuis hier soir.
Concernant la résidence principale, nous sommes favorables à un plafonnement qui ne soit plus exprimé en pourcentage mais en montant, ce qui permet de moins taxer les patrimoines moyennement importants et de davantage taxer les plus hauts patrimoines. Cela nous semble une mesure de bon sens.
Rappelons que le taux étant de 30 %, l'abattement de 300 000 euros proposé par notre amendement revient au même pour un bien d'un million d'euros. La veuve de l'Île de Ré doit à peu près s'en sortir avec un tel abattement ; celles et ceux qui ont quelques appartements avenue Foch seront peut-être un peu plus embêtés.
Nous avons eu de longs débats, et il n'est pas exclu que nous en ayons encore sur cette affaire de l'assiette de l'ISF.
C'est une storytelling, une longue histoire que cette question de la prise en compte de la résidence principale et éventuellement du taux d'abattement dont elle bénéfice.
Le Gouvernement considère que le dispositif actuel est stabilisé après un certain nombre d'évolutions du niveau d'entrée et du taux d'abattement. À cet instant, il n'est pas opportun de toucher à cet élément de l'assiette. A chaque fois que l'on a tenté de le faire, on a vu combien le sujet est sensible.
Avis défavorable donc, mon cher collègue, si vous maintenez votre amendement.
Je suis sensible à cet amendement mais il aura des conséquences non négligeables pour les propriétaires de résidences principales valant autour d'un million, ce qui, compte tenu de l'évolution des prix de l'immobilier, n'est pas rare. Même avis que le rapporteur général.
Pour les résidences autour d'un million, cela ne change rien du tout ! Un abattement de 30 % ou de 300 000 euros, c'est la même chose. Alors peut-être peut-on imaginer un abattement plus élevé, 500 000 euros par exemple, mais sur le principe, il faut un montant et non pas un taux.
Ce taux de 30 % vient d'une décision jurisprudentielle. Par ailleurs, il ne serait pas bon d'établir une règle basée sur une vision normative des conditions de logement de nos concitoyens. Il n'est pas absolument inattendu que des personnes assujetties à l'ISF puissent avoir une résidence principale qui dépasse le million d'euros. Et donc, il y a quelque chose d'assez absurde dans cet amendement : si l'on accepte le principe de l'abattement – parce qu'il peut aussi ne pas y en avoir – il s'exprime logiquement en pourcentage. Sinon, on entre dans des considérations totalement étrangères, évidemment de nature à alourdir l'impôt. J'ajoute que les conditions du marché de l'immobilier sont très différentes d'un endroit à l'autre et que ce qui pourrait paraître de bon sens dans une région ne le serait pas dans une autre. Vraiment, c'est un très mauvais amendement.
Lorsque nous avons eu de grands débats sur l'abattement – montant, pourcentage ou mélange des deux – j'étais pour un abattement à la base de 300 000 euros. Surtout pas un pourcentage ! Il est évident que lorsque vous possédez un hôtel particulier de 10 millions, le taux actuel réduit votre assiette de 3 millions, ce qui est sans commune mesure avec l'abattement pour un appartement beaucoup moins cher. La bonne solution aurait donc été un abattement de 300 000 euros, soit deux fois le prix moyen d'un logement en France.
Par ailleurs, je trouve triste que la loi ait été calquée sur une pratique jurisprudentielle. Ce n'est pas nous qui légiférons. Une nouvelle fois, nous nous sommes contentés d'acter… C'est aux parlementaires de fixer ce genre de règles.
(L'amendement n° 489 rectifié n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 387 .
C'est un petit amendement de coordination. On a fait passer hier le seuil de 1 310 000 euros à 1 300 000 euros, parce qu'il n'y a pas lieu qu'il soit revalorisé. Le seuil qui figure à l'alinéa 11 doit de la même façon passer de 1 410 000 à 1 400 000 euros.
Favorable. Cet amendement simplifie les choses et rend le dispositif plus lisible.
(L'amendement n° 387 est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 388 .
C'est exactement le même principe.
(L'amendement n° 388 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 80 .
Dans le calcul de l'ISF, il existe une réduction par enfant à charge. Elle fut d'abord de 150 euros par enfant puis, après la charge de notre collègue Mariton il y a peu, ce petit cadeau a été multiplié par deux et l'on en est maintenant à 300 euros.
C'est une véritable niche fiscale. Or, quand on parle d'ISF, on ne parle pas de politique familiale. Cette disposition a un coût de 21 millions. Elle concerne 50 000 ménages pour le moins aisés – chacun pourra adapter son adjectif. On fera de nouveau valoir qu'il y a parmi les redevables de l'ISF des gens qui ont de nombreuses charges de famille et peu de revenus…
Mais à partir de 1 300 000 euros de patrimoine, je crois qu'on n'a pas besoin…
J'assume. Cela coûte 21 millions ! Il faut supprimer cette réduction. En outre, il me semble que cette disposition ne concerne pas seulement les enfants, mais toute personne à charge. Elle va donc au-delà de la question familiale. Encore une fois, le patrimoine peut parfois servir à abonder les revenus quand on doit assumer des personnes à charge.
Hier, on nous demandait de supprimer des niches fiscales. En voilà une, qui est modeste. La proposition du rapporteur général va tout à fait dans le sens de ce qu'avait dit le Président de la République dans sa campagne au sujet de la politique familiale et de la réduction des inégalités. Il faut aller dans cette direction.
Hier, le rapporteur général nous a dit les questions qu'il s'était posées au moment de la restauration de l'ISF. Il y en avait beaucoup d'excellentes, mais il en est une qui lui a totalement échappé : la manière dont le calcul de l'ISF prend en compte la composition du foyer : familialisation, conjugalisation…
Existait depuis le départ une déduction par enfant à charge. Nous avons simplement souhaité, il y a un peu plus d'un an, actualiser cette disposition qui ne l'avait jamais été. Quel en est le sens ? Vous l'avez dit vous-même, il peut arriver qu'une personne redevable de l'ISF ait des charges de famille importantes, sans avoir des revenus considérables. Cette somme n'est pas méprisable du tout. Vous pouvez considérer que ce n'est pas un sujet, que les revenus, même moyens ou moyens supérieurs, que ces contribuables peuvent avoir sont par définition des revenus de riche… Voilà une vision bien étriquée de la société française. Mais pourquoi n'avez-vous pas pris en compte cette interrogation sur la structure du foyer, qui est tout de même un élément de la capacité contributive ?
Il ne s'agit pas d'un « cadeau » fait à des riches – le mot est assez méprisant – mais d'une mesure de justice dans le calcul de l'impôt. Je ne suis pas systématiquement hostile à l'existence d'un impôt sur la fortune, mais c'est le calcul qui compte. Et en l'occurrence, monsieur le ministre, cette disposition me paraît relever d'une très modeste modalité de calcul bien davantage que d'une niche.
En outre, sur l'océan des 70 milliards de niches auxquels le Président de la République devait s'attaquer, on constate qu'il n'y a vraiment pas grand-chose dans le projet de loi de finances pour 2013. À part une offensive sur les 20 millions d'une mesure qui paraissait juste…
Certes, la République n'est pas en cause, ce n'est pas tragique pour les personnes en question mais cette disposition constitue en outre un élément de lissage pour les gens qui entrent à peine dans le barème de l'ISF. La décote que vous introduisez…
…ne suffit pas à lisser le dispositif. Ce serait pourtant tout à fait raisonnable, alors que votre stratégie fiscale, comme on le voit dans cet exemple, …
…épargne largement les plus riches de nos concitoyens, ceux qui se font mieux entendre, ceux qui ont de meilleurs carnets d'adresse. Ceux qui sont en bas de la tranche sont manifestement mal vus par la majorité.
Monsieur Mariton, le seuil d'assujettissement est déjà à 1 300 000 euros, alors que votre majorité l'avait fixée à 800 000 !
Mais au départ, 800 000 euros, cela ne vous gênait pas. Je n'étais pas pour changer, j'avais proposé un amendement pour rester à 800 000 euros. Pour moi, la moindre des choses est donc que cette réduction disparaisse.
(L'amendement n° 80 est adopté.)
Le Gouvernement n'aime pas les familles ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 636 rectifié .
L'actuelle opposition a intenté un recours contre la loi de finances de juillet sur la contribution exceptionnelle. Cette disposition et l'ISF cumulés devraient rapporter 5,2 milliards en 2012, d'après notre rapporteur, ce qui est bien plus que le produit de la seule application des barèmes : avec 1 milliard supplémentaire suite à ce texte, nous en serons en gros à 3,3 ou 3,4 milliards.
En conséquence donc de la décision du Conseil constitutionnel, vous avez été obligé de plafonner le dispositif, de créer un bouclier. Car on n'échappe pas à la question du bouclier.
Bien sûr que si, c'est exactement la même chose. Le fait est qu'un ensemble d'impôts ne peut pas dépasser un pourcentage de votre revenu. Le problème, c'est de savoir quel revenu et quel pourcentage. Pour le revenu, vous avez gardé le revenu de référence, comme nous l'avions fait, et pour le pourcentage, vous avez choisi 75 %.
Il est assez amusant, pour ceux qui aiment l'histoire fiscale, d'observer les pérégrinations des taux du bouclier depuis 1980. Lorsque vous avez recréé l'ISF, le gouvernement Rocard avait proposé, de mémoire, un taux de plafonnement de 85 %. C'est le rapporteur du budget, un certain Dominique Strauss-Kahn, qui a fait passer un amendement pour le réduire, je crois, à 70 % – si je ne me trompe pas, monsieur le rapporteur général ?
Je demandais, c'est tout ! Quoi qu'il en soit, vous en êtes aujourd'hui à 75 %. Mais un tel taux est-il raisonnable, avec la chute de la rentabilité du patrimoine que nous connaissons depuis cinq ans ?
Que reste-t-il, lorsqu'on a un taux de rendement moyen de 3 ou 3,5 %, une fois qu'on a prélevé 75 % ?
Dans les faits, comment cela va-t-il se passer ? Ce plafonnement va coûter 665 millions…
…pour 6 662 foyers, d'après le ministre en commission. Va-t-on envoyer 6 662 chèques – ce qui fait une moyenne de 100 000 euros – dont certains de 10 ou de 15 millions ? Non, parce que vous avez fait un système d'imputation.
Je vous arrête là, monsieur le député. Quel est l'avis de la commission ?
M. de Courson devrait vous remercier de l'interrompre puisque, probablement un peu distrait, il vient de défendre l'amendement n° 632 . L'amendement n° 636 rectifié porte sur l'investissement au capital des PME.
Vous venez de dépasser votre temps de parole sur un autre amendement. Quand c'est à moi qu'il arrive d'être distrait, que de quolibets sur vos bancs !
Sur l'amendement qui est l'objet de cette discussion et que vous n'avez pas défendu, tout en donnant des leçons, la commission a émis un avis défavorable.
Je vais répondre sur la question du bouclier fiscal.
Vous assimilez le plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune à l'ancien droit à restitution des impositions directes que l'on appelait bouclier fiscal. Je ne suis pas favorable à votre proposition, et je veux m'en expliquer plus en détail.
D'abord, je vous rappelle que le mécanisme du bouclier fiscal a été supprimé par l'ancienne majorité tant il était injuste fiscalement et tant il avait été perçu comme tel par nos concitoyens. Évidemment, nous ne voulons pas le rétablir.
Ensuite, ces deux systèmes, bien qu'apparemment proches, présentent des divergences sérieuses, qui traduisent bien nos différences d'approche en matière fiscale. En effet, le mécanisme de plafonnement de l'ISF a pour but d'éviter que le total formé par l'ISF et certains impôts directs sur le revenu n'excède 75 % des revenus de l'année précédente. Le montant de la fraction de ce total excédant 75 % du revenu est déduit du montant de l'ISF, mais ce dispositif ne donne jamais lieu à restitution au redevable. Or, ce qui avait choqué profondément dans le mécanisme antérieur, c'était l'idée que l'on versait un chèque au contribuable.
Non, ce n'est pas du tout la même chose.
Par ailleurs, le champ des revenus à prendre en compte pour le calcul du montant du plafonnement est plus large que celui qui était retenu dans le cadre du bouclier fiscal.
Une autre grande différence concerne les impôts pris en compte. Pour le bouclier, il s'agissait de l'impôt sur le revenu, de l'ISF, des taxes foncière et d'habitation afférentes à l'habitation principale et des prélèvements sociaux. Pour le plafonnement que nous proposons, il ne s'agit que de l'impôt sur le revenu, de l'ISF et des prélèvements sociaux, soit un nombre plus restreint de prélèvements.
Enfin, je vous rappelle qu'en ce domaine la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous a donné la marche à suivre. La disposition que nous proposons s'inscrit parfaitement dans ce cadre.
Cela dit, je propose à mon tour le rejet de cet amendement n° 636 rectifié qui n'a pas grand rapport.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Puisque le ministre répond sur le fonctionnement du mécanisme de plafonnement, je veux lui poser quelques questions précises.
Tout d'abord, effectivement, ce plafonnement reprend l'essentiel de ce qui figurait dans le bouclier fiscal lors de sa mise en place en loi de finances pour 2006, c'est-à-dire qu'en plus de l'impôt sur le revenu et de l'ISF il intègre les prélèvements sociaux ; ce point est très important. Il n'intégrait pas les impôts locaux, mais vous vous souvenez tous que la prise en compte des impôts locaux a visé à une sorte de démocratisation du mécanisme de plafonnement, pour traiter notamment le « syndrome de l'île de Ré ». Il est vrai qu'il n'y avait que quelques milliers de bénéficiaires du plafonnement et que l'intégration des impôts locaux a multiplié leur nombre par dix. Cependant, cette multiplication par dix du nombre de bénéficiaires ne modifiait pas substantiellement la répartition du bénéfice de ce mécanisme : 1 % bénéficiait de 95 %.
Le parallélisme avec le bouclier est évident. Vous auriez d'ailleurs pu, monsieur le ministre, confirmer les montants, étonnamment proches. Le bouclier, en régime de croisière, représentait un montant de 600 à 700 millions d'euros par an, tandis que l'on prévoit que le plafonnement que vous proposez serait d'un montant de 660 millions d'euros, pour 6 000 bénéficiaires. Le remboursement moyen serait donc de 100 000 euros.
La nuit dernière, votre collègue Jérôme Cahuzac m'a indiqué qu'il me communiquerait, comme c'est le cas chaque année, la répartition des bénéficiaires en fonction de leurs revenus et de leur patrimoine. On se rend compte, à la lecture de ce tableau à double entrée bien connu, de l'hyperconcentration des remboursements sur la case des contribuables qui ont plus de 10 ou de 16 millions d'euros de patrimoine et qui ont un revenu fiscal important.
Il y a une différence importante entre le plafonnement proposé et le précédent système, et, sur ce point, je ne partage pas du tout votre point de vue, monsieur le ministre. La restitution sous forme de chèques procédait avant tout d'un souci de transparence. Elle permettait que l'on connaisse les montants. Il est vrai que cela a posé problème mais, avec le retour à l'autoliquidation, les choses…
…seront complètement dissimulées.
Je pense donc que l'autoliquidation n'est pas une bonne pratique. Il faudrait que ce bouclier fiscal soit le plus transparent possible, surtout lorsque le montant est important.
Il est une question importante sur laquelle je voudrais que vous nous éclairiez. Il s'agit de l'alinéa 18 de l'article 9.
À l'époque où Didier Migaud présidait la commission des finances, nous avons tous les deux proposé plusieurs amendements qui n'ont pas pu aboutir. On se rendait compte du fait que, pour se faire rembourser le montant le plus élevé possible, le contribuable cherche à mettre au dénominateur le revenu le plus faible possible, le numérateur étant la somme de l'impôt sur le revenu, de l'ISF et des prélèvements sociaux. Ce fut tout le problème du plafonnement, depuis sa création en 1989 jusqu'à l'époque où il fut rebaptisé bouclier. Nous avons donc essayé de faire en sorte que le revenu pris en compte fût un peu plus élevé. Se posaient notamment la question des revenus capitalisés dans une enveloppe d'assurance-vie et des revenus qui pouvaient être ceux d'une société intermédiaire, comme une holding financière.
Que nous dit l'alinéa 18 de l'article 9 ? Ce point est très important : « Pour les porteurs de parts ou d'actions d'une société passible de l'impôt sur les sociétés, et à proportion des droits du redevable », on prendrait en compte les revenus transférés à cette société ; « les distributions se rapportant à des bénéfices pris en compte pour l'application [de cet alinéa] » sont pris en compte dans le revenu.
Je voudrais que vous nous expliquiez de façon détaillée comment va fonctionner ce mécanisme de prise en compte de revenus capitalisés dans des personnes morales, au titre d'un impôt prélevé sur des personnes physiques. C'est une innovation importante, dont on n'a pas eu l'occasion, pour l'instant, de discuter. J'aimerais des précisions sur ce point, monsieur le ministre.
Merci, monsieur le président de la commission des finances.
Je vous rappelle toutefois que, sur un amendement, le temps de parole est en principe de deux minutes, même pour le président de la commission des finances. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Seul le ministre peut parler aussi longtemps qu'il le veut.
La parole est à M. Charles de Courson.
Je ne comprends pas très bien, mais, comme nous nous sommes couchés fort tard la nuit dernière, je n'étais pas très bien réveillé. Personne ne parle de l'amendement n° 636 rectifié que nous sommes censés examiner. Il traitait des investissements des personnes assujetties à l'ISF.
De quoi discutons-nous donc ? Votons déjà sur l'amendement n° 636 rectifié .
Monsieur de Courson, je vous ai justement redonné la parole parce que vous n'aviez pas défendu le bon amendement.
Je vous invite donc maintenant à défendre très rapidement votre amendement n° 636 rectifié .
Quand vous investissez dans des PME, vous avez droit à une réduction d'ISF, à hauteur, selon les termes du projet de loi de finances, de 50 % des sommes investies. L'amendement n° 636 rectifié a pour objet de revenir à une réduction de 75 %.
Vu ce qui se passe, si on ne soutient pas les capitaux propres des PME, on assistera à une dégénérescence économique.
J'abonde dans le sens de Charles de Courson et de Gilles Carrez. Le Gouvernement se livre à quelques contorsions, monsieur le ministre, à propos du plafonnement de l'ISF.
Le plafonnement, c'est le bouclier. C'est exactement la même chose, à quelques éléments près. Vous nous dites que c'est très, très différent. Je comprends que vous le prétendiez, mais, en fait, c'est très, très pareil. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
Il y a, c'est vrai, une petite différence de taux, je l'avoue ; 75 %, ce n'est pas tout à fait la même chose que 50 %. Il y a donc une différence de taux, je le reconnais, c'est votre choix, mais il y a bien un mécanisme de plafonnement. Ça s'appelle un bouclier, vous l'appelez plafonnement, mais c'est à peu près pareil.
Vous nous dites que c'est très différent parce que vous allez changer le périmètre et que ce n'est pas le même mécanisme. Or c'est, grosso modo, le même périmètre. Quant au mécanisme, entre l'autoliquidation et la restitution, c'est peut-être au contribuable de décider ce qu'il préfère. Cela dit, j'abonde dans le sens de Gilles Carrez : même si c'est peut-être plus compliqué à expliquer à l'opinion, restituer le trop-perçu au contribuable plutôt que de le laisser faire ce qu'il veut, c'est beaucoup plus clair.
Notons aussi que le coût est à peu près le même. Sur ce point aussi, c'est très, très différent, mais c'est très, très pareil.
Il s'agit d'environ 600 ou 700 millions d'euros. C'est très important.
S'agissant de l'ISF, c'est encore très, très différent, mais très, très pareil. L'ISF que vous votez aujourd'hui rapportera moins qu'en 2012. Certes, il y avait une contribution exceptionnelle, mais les recettes d'ISF dans le budget 2013 sont inférieures aux recettes d'ISF en 2012.
Il faut, dans ce débat, rappeler les chiffres. Ils ont le mérite de confirmer que la gauche n'aime pas les « petits riches » mais qu'elle aime bien les « gros riches ».
Cela a été rappelé, monsieur le ministre : avec ce retour du bouclier fiscal, ce sont plus de 600 millions d'euros qui seront restitués à 6 000 foyers. La plus grande part de cette dépense est consacrée aux foyers dont les patrimoines sont supérieurs à 10 millions d'euros.
Ces chiffres précis, qui sont ceux du rapporteur général, méritent vraiment d'être rappelés : 6 881 foyers bénéficieront de ce bouclier fiscal et la restitution moyenne sera de 100 000 euros, soit la même chose que le bouclier fiscal de la législature précédente. Et, plus intéressant, ceux qui profiteront de l'essentiel de cette restitution – 2 000 foyers – percevront un montant moyen de restitution de 250 000 euros. Et si l'on cherchait à affiner davantage au sein de ces 2 000 foyers, on trouverait des sommes bien supérieures encore.
C'est le retour du bouclier fiscal. Il faut que la gauche l'assume. Avec tout ce que nous avons entendu tout à l'heure, monsieur le rapporteur général, avec la remise en cause de la réduction sur l'ISF dont bénéficient les familles pour personnes à charge, nous en avons vraiment la démonstration.
Le dispositif que j'avais présenté répondait plutôt aux problèmes des personnes qui deviennent assujetties à l'impôt, ceux qu'on peut familièrement appeler les « petits riches ». Effectivement, les « gros riches » n'ont rien à faire des 300 euros de réduction par personne à charge, mais ils seront très contents de cette restitution de 250 000 euros qui bénéficie à 2 000 foyers.
Je souhaite expliquer très brièvement à mes collègues que la mesure qui est l'objet de cet article n'a strictement rien à voir avec un bouclier fiscal. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Eh oui ! C'est bien dommage pour vous !
La sémantique a parfois ses raisons qu'il convient de comprendre.
Non, non, ça n'a rien à voir.
Le bouclier fiscal, c'est une philosophie, qui va bien plus loin que la mesure elle-même. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Au-delà d'une mesure, c'est une conception de l'impôt selon laquelle certains contribuables devraient en être protégés.
Le plafonnement, c'est une mesure qui nous est demandée par le Conseil constitutionnel,… (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
…dont je cite exactement la décision du 9 août 2012 : « le législateur ne saurait établir un barème de l'impôt de solidarité sur la fortune tel que celui qui était en vigueur avant l'année 2012 sans l'assortir d'un dispositif de plafonnement ou produisant des effets équivalents destiné à éviter, etc. »
C'est ce que nous faisons d'une certaine manière. Nous satisfaisons les demandes du Conseil constitutionnel. Quand vous avez mis en place le bouclier fiscal, cela n'était pas justifié par une demande de ce type : vous n'avez fait que suivre l'opinion de ceux qui se sont retrouvés au Fouquet's un soir d'élection et qui ont décidé de protéger les plus gros contribuables de la fiscalité.
J'aurais pu dire tout à l'heure ce que je pense de cet amendement n° 636 rectifié , bien que ce n'était pas exactement celui-ci qui était défendu : peu importe.
Je répondrai à quelques questions sur le dispositif de plafonnement. D'abord, les quolibets lancés à M. Mandon sont tout à fait déplacés. Il a en effet dit quelque chose de très juste : le dispositif de plafonnement compris dans le projet de loi de finances initiale pour 2013 et le bouclier fiscal sont deux dispositifs qui n'ont rien à voir. Pardonnez-moi, monsieur Woerth : ils n'ont rien à voir !
En voici la preuve : vous avez créé un bouclier fiscal tout en maintenant le dispositif de plafonnement. C'est la preuve qu'il s'agissait bien, comme l'a dit Thierry Mandon, d'un autre dispositif, visant une autre finalité.
De la même manière, monsieur Woerth, vous avez eu l'honnêteté, et je vous en remercie, de rappeler qu'il y a quand même une différence très substantielle entre ces deux dispositifs : la différence de taux. Je m'en suis voulu de ne pas l'avoir mentionnée. Je vous remercie de m'avoir tendu cette perche, que je saisis, et surtout de votre honnêteté intellectuelle. Le bouclier fiscal consiste à rembourser des impôts déjà payés, y compris l'impôt sur le revenu, alors que le plafonnement ne fait que limiter l'ISF. Et pourquoi cela ? Vous n'ignorez pas que le Conseil constitutionnel s'est prononcé cet été sur le caractère confiscatoire de l'ISF. C'est évidemment une décision importante, dont le Gouvernement a voulu tenir compte. Cette contrainte, que nous avons intégrée bien volontiers dans le projet de loi de finances, est plus juridique que politique. Nous voulons en effet faire en sorte qu'il y ait plus de justice et de progressivité dans notre système fiscal.
Vous évoquiez par ailleurs, monsieur le président de la commission des finances, les risques potentiels en termes de transparence. Le Gouvernement y est évidemment très sensible. Je tiens à vous rassurer : le montant des restitutions sera clairement indiqué dans la déclaration. Sur ce point, je promets à votre commission toute la transparence nécessaire.
J'espère avoir démontré que ce dispositif n'est vraiment pas pareil au bouclier fiscal, et qu'au contraire ce sont deux objets politiques très différents. La transparence sera respectée, tout comme la décision du Conseil constitutionnel. Nous avançons bien selon notre propre logique fiscale !
Il ne s'agit, madame la présidente, ni de philosophie ni de casuistique. Il s'agit de clarté ! Puisque ce dispositif est un bouclier fiscal, je vous propose que le projet de loi de finances l'appelle par son nom ! C'est un bouclier fiscal, dont nous rappelons au passage qu'il aura pour conséquence de rendre au contribuable trois fois plus que ce que vous pensez lui prendre avec la taxe exceptionnelle à 75 %.
La démonstration de la justice de la politique fiscale du Gouvernement est manifestement à parfaire. Le Gouvernement et l'orateur du groupe socialiste citent la décision du Conseil constitutionnel. En effet, elle vous oblige à adopter un tel dispositif. Assumez-le néanmoins, et désignez les choses par leur nom ! Si vous n'aviez pas poussé la provocation, dans la loi de finances rectificative de juillet dernier, jusqu'à mettre en place des taux confiscatoires, vous n'auriez pas conduit le Conseil constitutionnel à préciser que cette contribution exceptionnelle pouvait passer pour une fois, mais ne devait pas être renouvelée et vous n'auriez pas eu à mettre en oeuvre son injonction.
Vous restaurez l'ISF dans sa formule initiale, en supprimant un certain nombre d'améliorations que nous avions apportées. Vous rétablissez le bouclier fiscal dans ce qu'il peut avoir de justifiable – nous l'avons mis en place, nous ne le brûlerons pas – mais aussi dans ses excès. La gauche et le parti socialiste préfèrent les gros riches aux petits riches. Autant donner son nom au dispositif que vous mettez en place : ça s'appelle un bouclier fiscal !
Plusieurs députés du groupe UMP. Excellent ! Implacable !
On peut toujours se faire plaisir en faisant des analyses étymologiques, en cherchant l'origine des mots, mais les mots ont un sens : à la différence du bouclier fiscal, le plafonnement ne donne pas droit à restitution, mes chers collègues. Il n'y aura pas de chèque signé par M. Cahuzac à l'adresse d'un quelconque assujetti. Il n'y aura pas de chèque adressé… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous en prie, monsieur le rapporteur général, c'est vous qui avez la parole.
J'essaye de m'exprimer, mais ces interruptions incessantes sont un peu fatigantes, madame la présidente !
Monsieur le président de la commission des finances a posé de bonnes questions. Il y a, en effet, des modifications dans le mode de calcul.
Plutôt que de jouer sur le sens des mots et de me livrer à un numéro de claquettes, je m'efforcerai de répondre aux questions précises et pertinentes posées par le président de la commission des finances.
L'impôt local disparaît du numérateur dans le calcul du taux de contribution, alors que les contributions sociales sont prises en compte. Cela permet, au passage, de calculer directement ce taux. S'il y avait un dispositif de bouclier, ce qui n'est pas le cas, on ne pourrait pas effectuer ce calcul. En effet, certains paramètres, notamment le montant des impôts locaux, ne seraient pas connus au moment de le faire. Le fait de ne plus inclure les impôts locaux est en outre légitime : en relevant le seuil d'assujettissement à l'ISF de 800 000 euros à 1,3 million d'euros, on ne touchait plus que des patrimoines pour lesquels les impôts locaux devenaient assez marginaux. C'est le syndrome de l'île de Ré, etc. Voilà pourquoi le montant total inscrit au numérateur a changé.
Comme vous l'avez remarqué, le dénominateur inclut les revenus réputés réalisés, tels que définis à partir de l'alinéa 14. Ces revenus comprennent les produits capitalisés sur des contrats d'assurance-vie, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ils comprennent aussi un certain nombre de plus-values non encore distribuées dans des holdings, ainsi que des éléments complexes de contrepartie de comptes courants, mais aussi les produits capitalisés dans des trusts à l'étranger. Là encore, toute ressemblance avec des cas existants ou ayant existé est tout à fait fortuite !
Je crois donc que le mode de calcul du plafonnement est plus juste et plus pertinent. Les éléments demandés permettent de calculer immédiatement le taux d'imposition atteint. S'il est supérieur à 75 % des revenus, le plafonnement le limitera à ce taux par le biais de réductions. Si vous assimilez ces réductions à des restitutions, vous pourriez tenir le même raisonnement sur l'ensemble des abattements ou dégrèvements concernant l'ensemble des dispositifs fiscaux de notre pays.
Voilà pourquoi il y a bien une différence entre le plafonnement que nous proposons et le bouclier fiscal. Je laisse aux linguistes et aux grammairiens le soin de se prononcer sur l'amendement de notre collègue Mariton ; j'émets pour ma part un avis défavorable.
Les revenus capitalisés sont théoriquement pris en compte.
On pourrait régler cela en aparté, quitte à reprendre cette question un peu plus tard s'il en est besoin.
M. le rapporteur général a apporté d'utiles précisions. Elles permettent de montrer que, pour limiter l'optimisation fiscale, plutôt que de réintroduire un mécanisme que l'on appelait le « plafonnement du plafonnement », nous avons choisi de proposer un dispositif que je crois plus intelligent et plus subtil que celui qui existait jusqu'alors.
Je m'adresserai plus particulièrement à M. Mariton : vous êtes quand même extraordinaire ! Vous savez, je suis fils de psychanalyste…
…et en vous écoutant j'ai pensé à une phrase de Jacques Lacan que j'aime beaucoup : « l'inconscient ne connaît pas la dénégation ». En nous expliquant que votre raisonnement n'était pas de la casuistique, vous avez exactement désigné le procédé rhétorique que vous utilisiez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Les débats de ce matin sont intéressants.
M. le ministre nous explique que le mécanisme qu'il propose est plus subtil que le précédent. M. le rapporteur général nous dit, lui, qu'il est plus juste et plus pertinent. Très bien !
Imaginons un instant que lorsque nous avons instauré le plafonnement de l'ISF, nous l'ayons appelé « plafonnement ». Vous auriez peut-être eu, aujourd'hui, la bonne idée de l'appeler « bouclier » ! Je veux dire par là que ce mécanisme est le même, à quelques variations près qui touchent à la base imposable. Très sincèrement, le dispositif que vous mettez en place est bien un bouclier fiscal ! Appelons un chat un chat !
C'est un bouclier fiscal, que cela vous plaise ou non ! Votre argument principal consiste à dire que le Conseil constitutionnel vous a imposé de mettre en place ce dispositif, et que vous n'y êtes pour rien. Mais il faut l'assumer ! Vous instaurez, très clairement, un bouclier fiscal !
Je déplore que vous préfériez, en matière de restitution, l'opacité à la transparence. Nous avions choisi la voie de la transparence : il est dommage que vous ne la suiviez pas !
J'ajouterai simplement quelques mots concernant la question du taux du plafonnement. Le choix d'un plafonnement à 50 % ou à 70 % est lié à la question suivante : quelle est la frontière entre ce qui est confiscatoire et ce qui ne l'est pas ? Nous avions considéré que ce seuil se situait à 50 % du revenu.
Mais ce n'était pas vraiment le revenu, vous le savez très bien : c'était le revenu imposable après les niches fiscales !
Dans ce cas on travaille la moitié de l'année pour la nation, et l'autre moitié de l'année pour soi-même. Vous considérez que ce seuil se situe à 75 % : c'est votre choix ! Nous considérons pour notre part que ce taux est trop élevé.
Il n'est pas seulement question du retour du bouclier fiscal, mais aussi de la définition de l'assiette de l'ISF. Je suis, sur ce point, le raisonnement du président de notre commission des finances.
Concernant l'alinéa 4, un élément m'a interpellé : il s'agit de la non prise en compte des dettes dans le calcul de l'assiette de l'ISF. On parle beaucoup des actifs taxables, mais la question de la prise en compte du passif est également très importante. Prenons l'exemple d'un chef d'entreprise qui possède des biens soumis à l'ISF, mais qui a contracté des dettes afin de financer son activité professionnelle. Si je comprends bien les dispositions du projet de loi de finances, dès lors que cette dette est contractée pour l'acquisition ou dans l'intérêt d'un bien qui ne rentre pas dans l'assiette de l'ISF, elle ne serait pas imputée sur la valeur de l'ensemble des actifs soumis à l'ISF. Est-ce bien cela ?
Nous avons déposé par deux fois, au cours de la législature précédente, une proposition de loi visant à supprimer le bouclier fiscal. Il se trouve que j'en étais le rapporteur. Je m'en souviens très bien. Nous avons toujours dit que si ce bouclier fiscal devait être supprimé, il faudrait conserver l'ancien plafonnement Rocard, qui était cohérent avec l'ISF, et n'était pas du tout un bouclier fiscal. En tout cas, ce plafonnement n'avait pas du tout les défauts du bouclier fiscal.
L'assiette du bouclier fiscal avait par ailleurs cela de scandaleux que les personnes totalement exonérées d'impôt sur le revenu, dont l'assiette imposable était de ce fait très réduite, pouvaient se faire rembourser non seulement leur ISF – le bouclier fiscal avait été conçu pour cela – mais aussi tous leurs autres impôts ! Tels sont les termes du débat que nous avons eu pendant cinq ans.
En maintenant ce plafonnement, nous sommes donc cohérents avec ce que nous avons toujours soutenu, et toujours défendu.
Je m'efforcerai de répondre à la bonne question posée par M. Carré. La réponse est oui ! Je reprendrai en donnant mon appréciation les différents éléments du dispositif, pour que les choses soient claires.
Un passif – une dette – n'est déductible de l'assiette de l'ISF que si elle a servi à acquérir un bien qui est assujetti à l'ISF. Vous avez raison de poser cette question, parce que, souvent, tel n'était pas le cas. La tentation était forte de détourner ce principe, qui me semble assez naturel.
Je vais donner deux exemples. Je reprendrai celui que vous avez cité, à savoir l'outil de travail. Une personne s'endette pour acheter des parts dans une société, laquelle n'est pas assujettie à l'ISF. Il n'y a aucune raison qu'elle déduise de l'assiette de l'ISF l'emprunt contracté. La réponse est claire. En revanche, si elle s'endette pour acquérir une habitation principale qui, elle, est assujettie à l'ISF, il est logique que la valeur déclarée soit diminuée du montant de la dette. Je dirai, et c'est un clin d'oeil, que cela a été utilisé pour bien d'autres achats, comme ceux d'oeuvres d'art. (Sourires.)
C'est là mon deuxième exemple. Avec le dispositif précédent, lorsque vous vous endettez pour acheter une oeuvre d'art, laquelle n'est pas assujettie à l'ISF, vous diminuez votre patrimoine du montant de la dette qui, une fois expurgée, fera de vous le propriétaire d'une oeuvre, non assujettie – choix auquel je me rallie, bien entendu, puisque telle a été la décision de cette nuit. Mais en profiter en plus pour diminuer le montant de l'ISF, c'est vouloir le beurre et l'argent du beurre !
La question de M. Carré est extrêmement pertinente. J'ai apporté ces précisions dont j'imagine qu'elles seront utiles en cas de contentieux.
Il est essentiel que l'on y voie clair. Je vais donc prendre un autre exemple. Un contribuable reçoit énormément de dividendes…
…il en investit une partie dans une société, l'autre partie demeurant sur son compte personnel. La partie des dividendes qui reste sur son compte personnel est, à l'évidence, prise en compte dans son revenu, alors que celle investie dans une société ne devrait pas l'être. Or, à la lecture que je fais de l'alinéa 18 sur lequel je n'ai obtenu aucune réponse, il semble que les dividendes versés à une société seraient pris en compte dans le revenu de la personne. C'est ce que je voudrais comprendre. C'est une première. J'aimerais donc en connaître le fonctionnement.
Veuillez nous excuser de faire un travail de commission, mais c'est un sujet important.
Quelle est mon interprétation ? Si c'est une société de type « gestion de patrimoine », les dividendes qui y seront versés seront pris en compte à proportion du taux de la part de cette société que le contribuable détient. Là encore, vous avez mis le doigt sur un certain nombre de pratiques totalement anormales. Il était donc utile d'apporter des précisions dans le texte et, ici, en séance.
Il est vrai que nous nous interrogeons.
Vous parliez tout à l'heure d'un passif qui pourrait grever un outil de travail ou son acquisition. Certes, ce dernier n'entre pas dans les bases de l'ISF. Pour autant, vous savez parfaitement que, pour l'acquérir, la personne contracte un emprunt et est très souvent contrainte d'hypothéquer sa maison. Il y a donc bien un passif qui, d'une certaine façon, est lié à un emprunt permettant d'acquérir l'outil de travail. Je ne comprends pas très bien votre raisonnement. Il est tout de même important, dans ce pays, que l'on puisse encore nous donner des moyens de créer de la richesse !
La réponse du rapporteur général sur les usufruits et nues-propriétés est, d'une certaine façon, logique. En effet, si l'on s'endette pour acheter une nue-propriété, laquelle n'entre pas dans le montant du patrimoine, il est logique que l'emprunt souscrit pour ce faire ne vienne pas en déduction. Si tel n'était pas le cas, on n'achèterait que des nues-propriétés et l'on n'aurait bientôt plus que des dettes au regard de l'ISF.
En revanche, la question posée par le président de la commission n'a toujours pas obtenu de réponse. Prenons le cas d'une holding et de ses filiales : Pour un contribuable qui a en propriété directe certaines de ces filiales, comment sera calculée la part des bénéfices, voire des réserves, réimputée dans son patrimoine ? Serez-vous obligé, dans certaines sociétés, de distinguer la partie professionnelle de celle qui ne l'est pas ? Je ne comprends absolument pas comment vous allez procéder. Il y aura de nombreux contentieux. Je suis, pour ma part, noyé et je n'en comprends toujours pas le fonctionnement. Mais nous y reviendrons, puisque nous allons examiner tout à l'heure deux amendements identiques – l'un du groupe UDI, l'autre du groupe UMP – qui portent sur ce sujet.
J'ai bien compris l'objectif poursuivi, mais, tel que l'article est rédigé, en quoi peut-il y avoir une différence entre des sociétés d'optimisation et des PME lambda dont le président actionnaire aurait des bénéfices distribuables au sens du code du commerce ? Je tenais à ce que les choses soient précisées.
Autant on perd parfois du temps, autant ce type de question est important. Il s'agit de sociétés de type opérationnel et qui sont définies comme telles. La notion de propriété est, bien sûr, connue à partir de critères tels que le seuil de détention. Nous l'avons quelque peu évoqué, hier, en commission, alors que nous examinions l'article 6. Tout cela fonctionne. Il peut y avoir, certes, des contentieux, car certaines personnes aiment cela. Il est, toutefois, possible, même si la structure est complexe – telle une participation soit dans la holding, soit dans ses filiales – de connaître exactement la proportion détenue par le contribuable. C'est un travail relativement basique que je suis, pour ma part, incapable de faire, tout en en comprenant au moins le principe.
(L'amendement n° 202 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 631 .
Si vous m'y autorisez, madame la présidente, je défendrai également l'amendement n° 632 , puisqu'ils sont liés.
Vous avez la parole pour défendre ces deux amendements, mon cher collègue.
Voici cinq ans, en juillet 2007, le groupe des centristes s'était battu pour que soit sorti du bouclier, ou plafonnement, l'ensemble des prélèvements de nature sociale comme la CSG et CRDS. Tout le monde sait, en effet, monsieur le ministre, que, dès l'année prochaine, vous allez augmenter la CSG.
Tout le monde sait ? Vous savez ce que l'on va faire, mais nous, nous ne le savons pas !
Monsieur le rapporteur général, ce sont des ministres qui l'ont déclaré ! Écoutez un peu les ministres, au lieu de rester dans votre coin !
Ma question est donc la suivante : que direz-vous aux parlementaires de l'opposition, dont je serai, lorsque la CSG sera augmentée et que les 6 632 bénéficiaires du bouclier ou du plafonnement en seront exonérés ? Comme expliquerez-vous cela, en termes de solidarité ? C'est pourquoi je me suis toujours tué, lorsque j'étais dans la majorité, et que je continue de le faire, maintenant que je suis dans l'opposition, à expliquer qu'il faut sortir la CSG et la CRDS du calcul du bouclier fiscal. Si vous le faites, comme ces cotisations, lorsqu'il s'agit des revenus du patrimoine, s'élèvent à 15, 5 %, il conviendra, par cohérence, de ramener le plafond de 75 % à 60 %. Si vous ne le faites pas, vous risquez de vous mettre dans une nasse, comme l'ancienne majorité, laquelle a dû préciser que, dans certains cas, l'augmentation n'entrait plus dans le calcul du plafonnement. Voyez les acrobaties auxquelles vous devrez vous livrer ! Êtes-vous favorable, monsieur le ministre, à l'abaissement du plafond de 75 % à 60 % et à la sortie de la CSG et de la CRDS, entre autres, du bouclier fiscal ?
Tel est l'objet de ces deux amendements.
La commission est défavorable à l'amendement n° 631 . Monsieur de Courson, il ne s'agit pas d'exempter de CSG, mais de la prendre ou non en compte dans le calcul du taux, afin de savoir si l'on est plafonné ou pas. Il n'est pas question de sortir la CSG du calcul du plafonnement. De plus, la jurisprudence du Conseil constitutionnel considère, depuis 1996, qu'il s'agit d'un impôt direct sur le revenu des ménages.
Beaucoup se sont interrogés – M. le ministre, M. Woerth, et moi-même avec mes services… – et, c'est légitime, sur le taux. Il a été fixé à 75 %. Considérant le changement des paramètres pris en compte au numérateur et au dénominateur, que j'ai précédemment précisés, il n'y a pas lieu de modifier le taux. La commission est donc également défavorable à l'amendement n° 632 .
Je me rallie tout à fait à ce que vient de dire le rapporteur général.
Vous m'auriez répondu que si vous deviez être amené à augmenter la CSG ou la CRDS, l'année prochaine ou l'année suivante, vous remonteriez le plafond, tout aurait été clair et j'aurais compris. Je vous le répète, donc, vous n'échapperez pas comme vous prédécesseurs, à ce problème.
(L'amendement n° 631 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 632 n'est pas adopté.)
Nous tentons, ici, d'obtenir une réponse au problème soulevé par notre rapporteur général. Nous avons commencé à comprendre l'interprétation de l'alinéa 18 de l'article 9. Cet alinéa 18 est extrêmement grave. En effet, seront taxées à l'ISF les réserves des entreprises, propriété de personnes redevables de l'ISF. D'un côté, on exonère le capital productif, c'est-à-dire l'outil de travail, et, de l'autre, on réintègre dans le patrimoine un prorata des réserves dans les sociétés qui ne sont pas « opérationnelles » – je reprends le terme précis que vous avez employé, monsieur le rapporteur général. Pouvez-vous nous expliquer votre concept d'« opérationnel » ? Par exemple, vous êtes propriétaire d'une entreprise au sein de laquelle vous exercez des fonctions de responsabilité. Dans cette entreprise, il y a des activités opérationnelles, mais il peut y en avoir d'autres que vous qualifierez de non opérationnelles. Je connais des PME où tout a été capitalisé et où aucun sou n'a jamais été distribué. Je connais des personnes qui ont capitalisé pendant trente ans dans leur entreprise.
Quand vous réintégrerez les réserves, quel sera le prorata entre réserves pour activités opérationnelles et non opérationnelles ?
Je n'ai pas pu regarder la télévision hier, comme un grand nombre d'entre vous, mais on m'a raconté ce matin que l'on avait parlé du poids des lobbys dans une émission assez connue qui passe tous les jours en fin d'après-midi et en fin de soirée.
J'avais reçu le même amendement que celui que vous venez de défendre, mes chers collègues, et je doute donc que l'idée ait spontanément germé dans votre esprit. Il a été envoyé par un organisme socioprofessionnel bien connu.
C'est peut-être à tort, je le reconnais, monsieur de Courson que j'ai parlé de sociétés opérationnelles. Il s'agit de celles qui concernent des biens professionnels, lesquels sont exclus de l'assiette de l'ISF. C'est une notion qui existe depuis 1982, que l'administration connaît parfaitement. Nous savons tous distinguer ces sociétés, actives, d'autres sociétés de type patrimonial ou des holdings constituées souvent, peut-être pas toujours, à des fins d'optimisation fiscale.
La réponse est connue depuis 1982, il y a exactement trente ans, monsieur de Courson, et je suis très heureux de vous l'avoir confirmée.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 140 .
Je profite de l'occasion pour demander paisiblement au rapporteur général et au Gouvernement s'ils peuvent répondre à la question que je posais tout à l'heure sur la conjugalisation de l'ISF.
L'amendement parlait de conjoints et de concubins. Il y a un vrai sujet. J'ai été attentif hier à vos propos, monsieur le rapporteur général, lorsque vous avez présenté l'ISF. Vous n'avez pas parlé de cette question. Vous paraît-elle totalement hors sujet, totalement illégitime ? On voit bien qu'il y a une forme d'optimisation fiscale par le choix de telle forme de conjugalité. Ce n'est pas très heureux. Le rapporteur général ou le ministre souhaitent-ils répondre ?
En général, les amendements ayant l'origine que j'évoquais tout à l'heure arrivent par paquets. Il s'agit du même sujet. Cet amendement est coordonné avec ceux que nous venons de rejeter. Il n'y a donc pas lieu de l'adopter.
La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l'amendement n° 380 .
C'est un amendement identique et le mépris du rapporteur général pour les lobbyistes est extraordinaire. Lui-même les reçoit et je ne le lui reproche pas. Cela permet d'éclairer toute une série de problèmes.
C'est un vrai problème que nous soulevons. Vous ne pouvez pas être favorable au maintien de l'ISF-PME, ce dont nous nous félicitons, et maintenir cette disposition très dangereuse pour les entrepreneurs qui ont maintenu dans leur entreprise tout ou partie des bénéfices et les ont capitalisés pour assurer le développement de l'entreprise. C'est un énorme problème pour le dynamisme des PME.
Défavorable, mais je pense qu'il y a une confusion, monsieur de Courson.
Cette disposition concerne des sociétés patrimoniales – inutile de donner des noms, il en fut et il en reste de célèbres –, qui reçoivent des dividendes d'un patrimoine en actions, neutralisent la plus-value et alimentent en tant que de besoin le destinataire in fine de ces dividendes. C'est légal mais il y a objectivement des revenus qui échappent à l'ISF, et c'est à cette dissimulation que nous souhaitons désormais mettre fin.
Il ne s'agit pas pour autant de juger toutes les sociétés patrimoniales à la même aune. Il faut encore que la personne destinataire in fine de ces dividendes possède 25 % de la société.
En conséquence, cela ne concerne évidemment pas les PME dès lors qu'elles versent les dividendes de leurs dirigeants dans une société opérationnelle, ce type de sociétés étant explicitement exclues. Si vous le souhaitez, nous pouvons affiner la rédaction avant l'examen du texte au Sénat, ou la CMP le cas échéant. Je suis prêt à voir la question avec vous. L'intention du Gouvernement n'est en aucune manière de procéder à une taxation dissimulée de profits qui servent aux PME. Que, sur ce point au moins, il n'y ait pas d'ambiguïté.
En revanche, il s'agit bien d'en finir avec un système d'optimisation fiscale, présenté comme tel, assumé comme tel, et en vérité non équitable dès lors que l'ISF existe, en faisant en sorte que ces plus-values, bien qu'elles soient dans un premier temps versées à la société patrimoniale, soient taxées pour ce qu'elles sont en réalité, c'est-à-dire un revenu destiné à une personne physique, qui, éligible à l'ISF, doit mettre dans l'assiette de l'ISF ce gain supplémentaire année après année.
J'espère que ces explications auront permis de lever au moins l'ambiguïté sur les PME et les sociétés opérationnelles, même si nous ne purgeons pas à cette occasion la question fondamentale de l'ISF. Vous en souhaitez la suppression, nous en restaurons le rendement, mais ce débat a été tranché d'une certaine manière à l'occasion du rejet des amendements de suppression.
Monsieur le ministre, il y a tout de même quelque chose d'assez étrange dans votre réponse. Ces fameuses réserves ne sont pas taxées à l'impôt sur le revenu, elles paient l'impôt sur les sociétés. Il y a donc une rupture de traitement. Vous majorez le revenu servant au calcul du plafonnement de l'ISF, c'est-à-dire que vous considérez que c'est un revenu, alors que ces sommes ne sont pas taxées à l'impôt sur le revenu.
Soyez alors cohérent jusqu'au bout. Expliquez-moi que ce sont des montages inacceptables et que vous allez soumettre ces montants à l'impôt sur le revenu, comme vous en tenez compte pour le plafonnement de l'ISF. Cette logique serait folle mais je la comprendrais.
Peut-on calculer des plafonnements au revenu sur un revenu qui n'existe pas au sens de l'impôt sur le revenu ? Il y a là quelque chose d'un peu invraisemblable. On calcule un plafonnement sur un revenu dont une partie n'existe pas. Pourriez-vous nous expliquer cette incohérence ?
C'est précisément parce que ces dividendes versés à la holding patrimoniale ne sont pas dans l'assiette de l'impôt sur le revenu qu'il y a un problème. S'ils y étaient, nous n'aurions pas besoin de prendre une telle disposition pour en tenir compte dans le plafonnement.
Tant que ces revenus sont dans cette société patrimoniale intermédiaire entre la société qui verse et le destinataire in fine, ils ne sont pas dans l'assiette à l'impôt sur le revenu et sont donc neutralisés dans le calcul du plafonnement, ce qui est inéquitable dès lors, encore une fois, que le principe de l'ISF est accepté, mais ne revenons pas sur le sujet.
Au titre de la transparence et de l'équité, nous souhaitons tenir compte de cette augmentation objective de revenus dès lors qu'il s'agit du plafond de 75 %. Ils ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés, pour les raisons que vous avez parfaitement indiquées, ils ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. Nous devons néanmoins en tenir compte dans le calcul du plafonnement à 75 %.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous apporter à votre tour des précisions sur un sujet important. Je voudrais préciser la question de Charles de Courson parce qu'il y a un problème que nous avons rencontré ces dernières années pour l'assurance-vie ou pour le type d'utilisation des résultats dont il est question ici.
Pour l'assurance-vie, dorénavant, on va considérer la variation annuelle de flux de produit d'assurance-vie.
On va donc l'ajouter ou le retrancher du revenu pris au dénominateur. C'est tout à fait logique parce que ces produits relèvent de l'impôt sur le revenu. En revanche, les dividendes non distribués logés dans une société holding relèvent, eux, comme l'a expliqué Charles de Courson, de l'impôt sur les sociétés. Ils seront donc ajoutés à un revenu qui, lui, relève de l'impôt sur le revenu. C'est un sujet qui sera regardé de près au Conseil constitutionnel et nous devons donc être bien clairs.
Comme il s'agit de calculer le plafonnement au titre d'un autre impôt qu'est l'ISF, on peut peut-être estimer admissible sur le plan juridique d'ajouter aux revenus relevant de l'impôt sur le revenu des revenus ayant relevé temporairement, en amont, de l'impôt sur les sociétés. C'est tout de même une première. On va additionner au dénominateur utilisé dans le calcul du plafonnement deux types de revenus fondamentalement différents. Autant je le comprends pour les revenus supplémentaires de l'assurance-vie, autant, là, cela me paraît tout de même poser un problème juridique.
Encore une fois, neutralisons la divergence de fond que nous avons sur l'ISF et admettons que, si c'est un impôt légitime pour les uns, il est en tout cas légal pour tout le monde.
La comparaison faite par le président de la commission des finances est judicieuse, à cela près que la société patrimoniale qui s'interpose – je ne dis pas qui fait écran – entre la société versant les dividendes et le destinataire in fine conserve le plus souvent la plupart de ces dividendes pendant la durée de vie du bénéficiaire. Ils ne sont pas versés en réalité et il n'y a donc jamais d'impôt sur le revenu, soit parce qu'ils ne sont pas versés, soit parce qu'ils sont transmis et ils relèvent alors de l'impôt sur les successions quelles qu'en soient les modalités.
Objectivement, il y a un montant stocké qui échappe à l'impôt sur le revenu et qui n'est pas pris en compte pour calculer le plafonnement à l'ISF. C'est cette anomalie que nous souhaitons corriger. Je peux comprendre que vous ne soyez pas d'accord, mais au moins qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur le mécanisme.
Non, de l'optimisation !
Votre réponse, monsieur le ministre délégué, montre bien ce que vous pensez de la création, aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, des personnes morales, cette grande innovation juridique, après que, des années durant, l'on avait contesté la possibilité de créer de telles entités. Vous êtes en train de dire que vous réintégrez certaines de ces personnes morales dans la personne physique.
Mais si, puisque le revenu de la personne morale doit être réintégré dans le revenu de référence ! Je pense que c'est une monstruosité juridique, qui aura en outre des effets catastrophiques sur le dynamisme économique.
Alors que vous défendez la thèse qu'il faut encourager les entreprises à capitaliser leurs bénéfices et non à les distribuer, en l'occurrence vous réintégrez ceux-ci. Il y a là, me semble-t-il, un énorme problème juridique.
Cela ne concerne, comme l'indique le président de la commission, que le 4°, c'est-à-dire l'alinéa 18 de l'article. Aux autres alinéas, qu'il s'agisse des plans d'épargne logement ou autres, il s'agit de revenus différés. Mais, dans ce cas précis, nous avons affaire à une entité morale distincte.
Monsieur de Courson, il n'est de pire sourd que celui qui ne veut entendre. Je vous ai dit et répété et je vous redis que cela ne concerne pas les PME opérationnelles. Vous êtes libre de ne pas l'entendre, mais je sais en conscience que je vous l'aurai dit.
Ensuite, il ne s'agit pas d'imposer quoi que ce soit au revenu : ce n'est pas possible. Et ce n'est pas de fraude qu'il est question, monsieur Lellouche : nous entendons mettre un terme à une optimisation légale qui a coûté très cher aux finances de l'État via le bouclier fiscal que vous aviez instauré. C'est avec ce mécanisme que nous souhaitons rompre.
(Les amendements identiques nos 371 et 380 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 79 .
Il s'agit de la question du seuil retenu pour que le redevable à l'ISF n'ait pas à remplir de déclaration spécifique. Ce seuil a été fixé à 3 millions d'euros, ce qui correspondait à la deuxième tranche du barème antérieur. Dès lors que le projet de loi supprime ce barème, le seuil de 3 millions d'euros n'existe plus. La commission propose donc de se caler sur le seuil de la tranche du barème la plus proche, c'est-à-dire 2,57 millions d'euros. Cela facilitera également les contrôles, avec des déclarations plus détaillées, à remplir par les redevables.
Favorable. Je précise que cela concerne environ 20 000 foyers fiscaux sur les 300 000 qui acquittent l'ISF, donc une minorité. Je crois la mesure de très bon aloi et je remercie le rapporteur général d'avoir déposé cet amendement.
(L'amendement n° 79 est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 141 .
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 141 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l'amendement n° 204 .
Monsieur le ministre délégué, cet amendement répond directement à un engagement que vous avez pris cette nuit.
Les engagements pris la nuit, vous savez ! (Sourires.)
Vous vous êtes engagé à transmettre à la commission des finances un tableau auquel vous étiez vous-même très attaché lorsque vous présidiez la commission, le fameux tableau présentant les montants moyens de restitution par catégories de contribuables, qui montre l'hyperconcentration des restitutions en faveur des contribuables les plus aisés.
J'aurais aimé que vous n'ayez pas à transmettre ce type de tableau, car il est très révélateur : il signale, comme l'a très bien expliqué Éric Woerth, que le plafonnement est peut-être très différent du bouclier fiscal mais en même temps très pareil. Les montants sont exactement les mêmes.
Le rapporteur général a indiqué que, du fait du retrait des impôts locaux, nous pourrions obtenir ce tableau beaucoup plus tôt. À l'occasion de cet amendement, qui propose un rapport sur le sujet, je souhaite donc savoir, puisqu'au lieu des restitutions vous proposez une autoliquidation, qui ne permettra pas la même transparence que la restitution par chèque, quand et dans quelles conditions vous pourrez nous communiquer le compte rendu des restitutions au titre de l'année 2013.
Le président de la commission a parfaitement expliqué le niveau d'informations dont nous pouvions disposer. Tous les gouvernements transmettent des informations au Parlement. Je ne vois aucun inconvénient à ce que cela passe par un rapport spécifique et je m'en remets donc à l'avis du Gouvernement. Sagesse.
Favorable. C'est le premier point.
Ensuite, dans quelles conditions ce tableau sera-t-il transmis au Parlement ? Dans les meilleures conditions possibles, monsieur le président de la commission. (Rires.) C'est un engagement du Gouvernement.
Un petit rappel, puisque je devine que cette volonté de transparence du Gouvernement à l'égard du Parlement est appréciée par l'ensemble des parlementaires, notamment par les députés de l'opposition : chaque année, j'obtenais de la part du ministère du budget les éléments relatifs aux conséquences du bouclier fiscal au mois de mars, à l'exception de l'année 2012, où ce document ne m'a été transmis qu'après le second tour des élections présidentielles. Quand j'ai vu son contenu, j'ai compris la raison de ce délai de deux à trois mois.
Il faudra qu'on ait le tableau avant les élections municipales, chers collègues !
Comme je vous sais très sensible à la transparence et à la loyauté à l'égard du Parlement, monsieur le président de la commission, par ma voix le Gouvernement s'engage devant l'Assemblée nationale à ce que ces éléments soient mis à la disposition des parlementaires, afin que chacun puisse en juger.
M. Mariton a fait référence à l'étude d'impact relative à cet article et transmise au Parlement. Le chiffre que nous donnons est impressionnant mais je suis convaincu qu'il est grandement majoré, car cette estimation a été réalisée avant que ne puissent être prises en considération les dispositions dont nous venons de parler et qui visent à lutter contre l'optimisation de l'ISF via les sociétés patrimoniales intercalaires entre la société distributrice de dividendes ou bénéfices et le destinataire final. Je ne crois donc pas que la restitution sera comparable, tant s'en faut, à celle dont nous avons été témoins ces dernières années.
Enfin, dernière remarque, c'est vous, la majorité précédente, qui avez généralisé le mécanisme de l'autoliquidation.
Peut-être pas tout à fait généralisé, mais, pour ce qui est de l'ISF, à compter de l'année 2011 et en 2012, grandement élargi, et il est vrai que cette auto-liquidation complique l'estimation du montant des restitutions. Il s'agissait d'un amendement du rapporteur général au Sénat.
On voit que cette affaire du « bouclier plafonnement », c'est le sparadrap du capitaine Haddock. Vous ne voulez pas des chèques de restitution car 6 662 chèques de 100 000 euros en moyenne, pour un coût global de 665 millions, cela vous gêne. Alors vous généralisez, dites-vous, l'amendement Marini. Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre délégué, que nous avons été quelques-uns, en commission mixte paritaire, à être défavorables à l'autoliquidation, car elle pose un problème de contrôle fiscal. Pourquoi pas l'autoliquidation de l'impôt sur le revenu, tant que nous y sommes ? Vous allez avoir, monsieur le ministre délégué, un énorme problème de contrôle fiscal. Êtes-vous prêt à prendre l'engagement, devant la représentation nationale, à contrôler, chaque année, chacun des 6 662 foyers fiscaux qui bénéficieront de l'autoliquidation ? Compte tenu du flou extraordinaire de votre nouveau concept de bouclier fiscal, les contentieux seront extrêmement nombreux. Vous engagez-vous à un tel contrôle ? Il y a tout de même 665 millions de recettes fiscales derrière.
En réalité, l'autoliquidation a assez peu marché, à cause de la peur du contrôle fiscal qu'elle provoquait. C'est une question qu'il faut traiter avec les services de contrôle.
J'ai une autre question à poser au ministre délégué, qui déborde un peu celle de l'ISF, et je m'en excuse. Ce matin, l'OFCE, cher au coeur de M. Muet, a indiqué que le déficit en 2013 ne serait pas de 3 % mais de 3,5 %. J'aimerais savoir si le Gouvernement partage cette opinion. Quel sera l'effort supplémentaire à consentir, et selon quelles modalités, si cette prévision se réalise ? Quelles économies, quel choc fiscal supplémentaires faudra-t-il infliger à la France ?
(L'amendement n° 204 est adopté.)
(L'article 9, amendé, est adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 640 tendant à insérer un article additionnel après l'article 9.
C'est un amendement un peu technique. Il existe actuellement un dispositif de sursis d'imposition des plus-values immobilières applicable dans le cadre des opérations d'aménagement foncier et d'échanges d'immeubles ruraux, pour favoriser le regroupement des terres.
Ce dispositif est limité aux échanges intervenant dans un ressort géographique limité, ce qui est un peu curieux. Or il arrive que des exploitants vendent des biens éloignés du siège de leur exploitation pour racheter des biens plus proches. Il ne s'agit pas alors, au sens strict, d'un échange, puisque le bien vendu peut l'être à un acheteur qui n'est pas le vendeur du bien racheté par l'exploitant. En outre, il s'agit par définition de biens éloignés les uns des autres et qui ne remplissent donc pas la condition de proximité géographique actuellement exigée.
Il conviendrait donc, dans cette hypothèse, d'instituer un régime de report d'imposition des plus-values réalisées par l'exploitant cédant, à proportion des sommes réinvesties, dans un délai de douze mois, avant ou après la cession, dans l'acquisition d'un bien immobilier affecté à son exploitation.
Je remercie M. de Courson de nous avoir lu mot pour mot l'exposé sommaire de son amendement. Ce n'est pas la première fois qu'il le présente, et sa proposition a régulièrement été rejetée. Pour les mêmes raisons qu'alors, j'en demande à nouveau le rejet. Il existe déjà un dispositif d'exonération des plus-values immobilières pour les biens ruraux dans le cadre d'opérations d'aménagement foncier. Cet amendement étend exagérément ce dispositif de soutien aux remembrements ruraux, alors qu'on ne nous pas signalé de problèmes.
Défavorable. Je remercie le rapporteur général d'avoir donné à M. de Courson les explications qui s'imposaient avec autant de coeur que M. de Courson en avait mis à nous lire son exposé sommaire. (Rires.)
(L'amendement n° 640 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 641 rectifié .
Dans le régime actuel, lorsque les plus-values professionnelles constatées sur des parts de sociétés de personnes ont été mises en report à la suite de la cessation d'activité de l'associé ou du changement de régime fiscal de la société et que ces parts font l'objet d'une transmission à titre gratuit, le report est maintenu, dans l'intérêt de la poursuite de l'activité de l'entreprise. La plus-value en report peut être définitivement exonérée si la société poursuit son activité et si les parts sont conservées par le bénéficiaire de la transmission pendant au moins cinq ans. Mais cette exonération ne s'applique que si le bénéficiaire de la transmission exerce son activité principale dans la société au sens des dispositions relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune. De ce fait, un problème se pose très fréquemment, surtout dans l'agriculture mais aussi dans d'autres secteurs, en cas de donation-partage : lorsque celle-ci bénéficie à plusieurs héritiers dont l'un seulement exerce son activité professionnelle principale dans la société, les autres bénéficiaires de la transmission ne peuvent pas se prévaloir de l'exonération des plus-values en report, même s'ils conservent leurs parts pendant plus de cinq ans. Par exemple, si les frères et soeurs de l'exploitant décident au départ de ne pas céder leurs parts pour maintenir l'exploitation, même s'ils ne vendent qu'au bout de cinq ans, ils sont tout de même taxés selon le régime du droit commun. Je rappelle que beaucoup revendent progressivement à l'exploitant.
C'est pourquoi, sans modifier le champ d'application du report d'imposition des plus-values prévu à l'article 151 nonies du code général des impôts, je propose de ne plus réserver l'exonération de ces plus-values au seul bénéficiaire de la transmission qui exerce son activité dans la société, mais de l'étendre à l'ensemble des bénéficiaires de la transmission, et ce pour maintenir l'exploitation.
Cet amendement est un « marronnier » dont mon prédécesseur comme les précédents gouvernements ne souhaitaient pas l'adoption car il étendrait exagérément un dispositif spécifique d'exonération de plus-values professionnelles en diluant les engagements collectifs de conservation qui doivent être souscrits. On ne peut pas vouloir bénéficier d'avantages fiscaux sans respecter les conditions posées par le législateur. L'avis est donc défavorable.
Toute la représentation nationale a été in fine d'accord avec les pactes Dutreil, et ceux-ci ont exactement le même objet que mon amendement : maintenir la pérennité de l'entreprise. Dans l'agriculture, il s'agit de biens immobiliers, de terres. C'est exactement la même logique que le dispositif Dutreil dont je note que l'actuelle majorité ne veut nullement le remettre en cause.
(L'amendement n° 641 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 744 et 743 rectifié .
La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l'amendement n° 744 .
Il ne s'agit pas de vouloir maintenir un avantage fiscal pour la Corse, mais de constater qu'il ne serait ni juste ni équitable de ramener l'île au droit commun de la taxation des successions alors même que nous sommes très loin de la remise en ordre à laquelle la loi de 2002 s'était engagée. En effet, le législateur avait voulu à l'époque faire aller de pair, ce qui était logique et légitime, le titrage des propriétés et le retour au régime de droit commun d'imposition. Il avait évidemment prévu une progressivité puisqu'il pressentait que le titrage prendrait beaucoup de temps. Près de la moitié des propriétés ne sont toujours pas aujourd'hui titrées ou demeurent sous le régime de l'indivision quasi-perpétuelle. J'ai d'ailleurs noté que M. le président de la commission des finances avait fait le même constat lorsque celle-ci a examiné les deux amendements.
Par ailleurs, depuis plus de quinze ans, la Corse progresse considérablement vers une meilleure appréhension des bases fiscales et les taux de recouvrement s'améliorent. Je le dis pour éviter que l'on nous taxe – si j'ose dire ! – de mauvais payeurs d'impôts. Les communes mettent à jour les bases fiscales, les taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu sont proches aujourd'hui de la moyenne nationale et les élus corses eux-mêmes prennent parfois des initiatives en ce domaine. Ainsi, j'ai proposé récemment un redressement fiscal majeur sur la taxe sur les transports, qui a été rendu possible grâce à l'inspection générale des finances diligentée à ma demande par le ministre de l'époque, François Baroin, que je tiens à remercier ici.
Notre objectif n'est donc pas d'échapper à l'impôt, mais qu'il soit juste ! Je rappelle que la même loi appliquée à des situations différentes crée l'injustice. La connaissance de l'immobilier en Corse progresse, mais dire qu'elle est identique à celle du continent serait tout à fait inique.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement n° 743 rectifié .
Je confirme ce que vient de dire Paul Giacobbi : il n'y a pas de volonté de la part des Corses d'échapper à l'impôt, même si certains ont pu le penser. Au contraire, ils veulent rentrer dans le droit commun. Pour des raisons historiques, depuis 1802, les droits de succession étaient traités différemment en Corse grâce à M. Miot. J'anticipe ce que va dire Charles Amédée de Courson : j'ai commencé ma carrière d'inspecteur des impôts à Calvi, c'est donc un sujet que je connais un peu.
Depuis 1954, l'administration française n'était pas en capacité de donner les modalités de calcul des bases d'imposition dans l'île, ce qui, suite à une décision du Conseil d'État, rendait impossible le calcul des droits de succession. La volonté de tout le monde, c'est de rentrer dans le droit commun ; il faut juste un peu de temps pour élaborer des actes qui n'existent plus depuis des décennies, voire des siècles.
Mon amendement propose donc de proroger le régime fiscal actuel afin de laisser encore un peu de temps au GIRTEC, mis en place en 2009 pour élaborer les actes de propriété. Il travaille plutôt bien puisqu'il a déjà finalisé plus de 3 000 actes. Ainsi, il pourra terminer la rédaction des actes qui permettront de rédiger les déclarations de succession.
La commission a été sensible aux arguments développés puisque aucun député n'a voté contre et un a voté pour, les autres s'abstenant. Elle a donc adopté ces amendements. J'avais pour ma part donné un avis de sagesse. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Je pense que l'argumentation de Paul Giacobbi et de François Pupponi aura convaincu l'Assemblée puisque les choses avancent : il y a plus de connaissances et plus de mises à jour concernant l'ensemble des éléments nécessaires pour calculer les droits de mutation.
Un prolongement du délai prévu ne serait donc pas inutile pour que l'on puisse revenir à une situation tout à fait alignée sur la normalité. Mais pour ne pas donner lieu à de mauvaises interprétations, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée. (Mouvements divers sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai joué un petit rôle dans l'abrogation de l'arrêté Miot puisque celle-ci est due à un amendement de Courson, qui a d'ailleurs divisé la majorité – j'étais dans l'opposition, c'était sous le gouvernement Jospin – et même provoqué une crise gouvernementale. On a réussi à le faire voter grâce à la gauche responsable et à l'opposition responsable. Monsieur Pupponi, contrairement à ce que vous dites, l'arrêté Miot n'a jamais exonéré les biens immobiliers situés en France : il supprimait les sanctions à la non déclaration dans les successions des biens situés en Corse. Je rappelle que cette disposition ne bénéficiait pas qu'aux Corses mais à tous les citoyens qui avaient une résidence sur l'île. Si on avait une résidence secondaire là-bas, les héritiers ne payaient pas de droits de succession. Juridiquement, ils devaient en payer, mais comme il n'y avait pas de sanctions… C'est resté ainsi pendant deux siècles. Des collègues ont dit : « C'est la faute à l'État ! ». Je sais, c'est toujours la faute à l'État, mais je rappelle que l'État c'est nous, mes chers collègues.
MM. Pupponi et Giacobbi disent qu'il n'y avait pas d'évaluation des biens en Corse. C'est à mourir de rire. Nous avons en la personne de notre collègue Pupponi un inspecteur des impôts qui a sévi quelque temps en Corse dans ses jeunes années, et il ne peut ignorer que tout le monde sait quelles sont les valeurs des biens immobiliers en Corse. Trêve de plaisanterie. On dit qu'il y a beaucoup d'indivisions sur l'île mais, mes chers collègues, il y en a aussi beaucoup sur le continent. La proportion d'indivisions en Corse n'est supérieure que de 30 % à 40 %.
Voici ma position par rapport à ces amendements : je ne les voterai pas. Le rapporteur général a dit que personne n'avait voté contre : si, Charles de Courson.
Je suis ouvert sur cette question, mais cela a trop duré. Il ne faut pas montrer de faiblesse. Je constate d'ailleurs que M. Eckert est très hésitant. Quand un rapporteur général donne un avis de sagesse, cela veut dire qu'à titre personnel, il n'est pas favorable, mais qu'il subit de telles pressions des lobbies – comme il l'écrit dans son blog – qu'il ne veut pas appeler à voter contre.
Monsieur Charles Amédée de Courson, la question n'est pas l'indivision mais l'établissement des titres de propriété. Il y a un problème civil alors que l'indivision peut tout à fait s'organiser. Nous sommes dans le cadre de la loi du 22 janvier 2002. J'ai participé moi-même, à l'époque, aux discussions dites de Matignon. On a établi le principe, basé sur un article du code général des impôts, de la réfaction de la valeur vénale taxable pour les bois et forêts en France. Nous avions demandé la réfaction la plus large dans un premier temps. La loi susmentionnée prévoyait un délai puisque, malgré la commission Badinter, personne n'avait réussi à apporter une solution au problème de la reconstitution ou de la constitution des titres de propriété, si bien qu'il a fallu un travail de méthodologie. Nous avons commencé à pouvoir utiliser ce délai à partir du moment où, sur instruction de Nicolas Sarkozy, l'inspecteur général des finances Jean-Claude Hirel a trouvé la réponse : constituer un groupement d'intérêt public, le GIRTEC, pour établir les titres de propriété. Ce groupement a été créé par la loi « Successions et libéralités ». C'est donc à partir de 2008 que nous avons pu engager ce travail. Il est en cours. L'inspecteur général Hirel a dit lui-même qu'il faudrait dix ans. C'est pourquoi, dès 2007, j'avais déposé un amendement proposant l'année 2018. – malheureusement, on m'avait demandé de le retirer –, et c'est en 2008, sur un amendement du Gouvernement, que la date butoir a été fixée à 2012. Je sais que certains n'en avaient pas soutenu le principe, mais on a toujours le droit de changer d'avis. On voit aujourd'hui que le travail a bien avancé mais qu'il faut encore ce que j'avais prévu initialement : fixer l'année de l'objectif à 2018.
Je demande à tous mes collègues de bien comprendre qu'on est en train de régler un problème que beaucoup de services de l'administration n'avaient pas su résoudre. Grâce à une expertise et à des personnes qualifiées, nous sommes en train d'atteindre l'objectif. Il est donc sain de ne pas se tromper d'objectif. Deuxièmement, sachez que depuis 2002…
Ce dernier point est important, madame la présidente, car il permet de comprendre la totalité du raisonnement.
Depuis 2002, toutes les mutations à titre onéreux établies en Corse ne bénéficient plus de cette exonération des droits de succession par décès. C'est simplement par décès que sont aujourd'hui exonérés les biens, car une grande partie d'entre eux ne sont pas titrés. Croyez-moi, le produit attendu est tellement insignifiant qu'aujourd'hui je demande à l'opposition comme à la majorité de soutenir cet amendement. J'aurais préféré que Paul Giacobbi nous y associe, l'ensemble de la Corse étant unanime sur cette question. Il est temps à présent de voter et de donner une réponse claire !
Je voudrais dire avec beaucoup de considération et d'amitié à notre collègue Charles de Courson qu'il connaît certes le sujet, mais pas intimement comme peuvent le connaître Camille de Rocca Serra et François Pupponi ainsi que moi-même.
Comme l'a dit à l'instant Camille de Rocca Serra, la question, c'est le titrage des propriétés. Je déplore que le GIRTEC ait mis sept ans à se mettre en oeuvre, mais je rappelle que nous n'étions pas chargés de sa mise en oeuvre !
Nous sommes toujours rendus responsables d'une incurie qui n'est pas la nôtre. Il ne faut quand même pas exagérer ! Aujourd'hui le GIRTEC fonctionne. Je participe à ses travaux et contribue à son financement au titre de la collectivité territoriale que je représente. Je peux vous dire que les choses avancent.
Ma maison, monsieur de Courson, qui est dans ma famille depuis six siècles, porte toujours le nom de mon arrière-grand-père, qui était lui-même député de la Corse.
Vous voyez donc que c'est une question complexe qui s'inscrit dans le temps long.
(Les amendements identiques nos 743 rectifié et 744 sont adoptés.)
L'amendement n° 483 vise à rouvrir un débat que nous avons eu lors du collectif de juillet. Il propose de ramener de 100 000 à 60 000 euros l'abattement sur les droits de mutation en ligne directe. Il s'agit par là de revenir au montant de l'abattement de 2007 qui avait été modifié par la loi TEPA. Il était en effet à l'époque de 56 000 euros, nous proposons donc de le revaloriser à 60 000 euros. Sauf erreur de ma part, 88 % des successions sont aujourd'hui exonérées de droits en raison de cet abattement.
La réponse est dans le propos même de notre collègue Sansu. Nous avons revu les abattements et le montant des droits de succession lors du collectif du mois de juillet. Nous sommes revenus sur l'augmentation exorbitante votée dans le cadre de la loi TEPA. Nous estimons avoir respecté nos engagements. Il n'y a pas de raison d'aller au-delà. Vous l'avez signalé vous-même, la proportion de successions exonérées est aujourd'hui proche de 90 %. C'est, nous semble-t-il, la bonne proportion. Nous avons longuement eu ce débat au mois de juillet, je ne souhaite pas le rouvrir. J'émets un avis défavorable.
Un avis défavorable. Je crois que nous sommes parvenus cet été, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, à un système équilibré, sur une disposition qui avait beaucoup évolué : 50 000 euros avec un délai de reprise de six ans en 2006, 150 000 euros avec un délai de reprise de six ans en 2007 dans le cadre du paquet TEPA, puis de dix ans quand il a bien fallu que la majorité précédente trouve quelques subsides après en avoir tant dépensés de façon assez inefficace économiquement.
Avec le projet de loi de finances rectificative, nous sommes passés à 100 000 euros avec un délai de reprise de quinze ans. C'est équilibré. Gardons un peu de stabilité en la matière et faisons le bilan dans quelques années, nous verrons alors s'il est temps soit de rallonger ou raccourcir le délai de reprise, soit d'augmenter ou diminuer le montant des donations et successions pouvant être transmises en franchise. Le système actuel est selon moi satisfaisant, je suggère de ne pas y toucher. Avis défavorable si l'amendement est maintenu.
Vous parlez d'équilibre, monsieur le ministre. L'OFCE, justement, a fait savoir hier que pour atteindre l'objectif de 3 %, il faudrait ajouter 22 milliards aux 30 que vous nous imposez dans ce projet de budget. L'OFCE précise que cette stratégie amputerait l'activité économique dans l'Hexagone de 1,2 % en 2013 et engendrerait une hausse supplémentaire du taux de chômage de 1,3 %, soit 200 000 emplois détruits en France. Vous voyez que votre budget ne permettra pas d'atteindre les 3 %.
Puisqu'il est question d'équilibre, comment allez-vous atteindre l'équilibre de nos finances ? Comment allez-vous atteindre cet objectif de 3 % ? Et comment réagissez-vous à cette annonce extrêmement grave puisqu'elle prouve qu'en réalité votre budget, tel que vous nous le présentez aujourd'hui, ne permettra en aucun cas d'atteindre l'objectif que vous vous fixez officiellement ?
Merci, monsieur Fasquelle. Je rappelle que nous sommes en train de débattre de l'amendement n° 483 .
Si j'ai bien compris mon collègue Fasquelle, il est d'accord avec moi pour augmenter les droits de succession afin de permettre au Gouvernement de tenir l'objectif des 3 % (Rires). Je maintiens donc bien entendu mon amendement.
(L'amendement n° 483 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 633 .
Nous avions créé un système d'exonération de la transmission des entreprises à hauteur de 75 % de la valeur taxable des biens professionnels. Mais ce dispositif ne s'applique pas à l'agriculture, domaine dans lequel le capital foncier est souvent distinct de la société d'exploitation. On aboutit donc à cette situation bizarre : si vous mettez les terres dans la société lors de la succession, vous bénéficiez des 75 %, mais si elles sont extérieures à la société, vous n'en bénéficiez qu'à hauteur d'un plafond de 102 000 euros, pour faire simple, et qui en outre n'a pas été revalorisé depuis de très nombreuses années.
Je ne vous propose pas, vu la situation des finances publiques, d'appliquer la règle des 75 % au capital foncier, qu'il soit ou non en société. Je propose simplement dans cet amendement une légère remontée de la tranche à 75 %, au-delà de laquelle on passe à 50 %, de 102 000 à 150 000 euros, dans le cadre de la facilitation et du maintien du caractère familial des exploitations.
Défavorable. Il n'y a pas lieu de remettre en cause et en débat ce qui a été voté en juillet dernier concernant les abattements pour les droits de mutation, baux ruraux compris.
Défavorable. J'en profite pour répondre à M. Fasquelle, qui reprend à son compte l'interrogation d'Éric Woerth. Vous êtes parfaitement en droit de faire fond sur les interrogations de cet organisme, dont vous avez d'ailleurs longtemps ignoré les préconisations et contesté les prévisions quand vous aviez la majorité. Je ne contesterai pas la qualité des prévisions de cet organisme. Je dis simplement que le Gouvernement, au nom de la France, s'est engagé à respecter l'objectif de 3 %. Nous respecterons cet objectif de 3 % parce que nous croyons à cette croissance de 0,8 %. Vous êtes parfaitement légitimes à contester cette hypothèse de croissance. Je vous rappelle simplement, monsieur Fasquelle, que les porte-paroles du groupe auquel vous appartenez ont indiqué en commission des finances que, par principe, ils ne contesteraient pas ce niveau de croissance. Le débat sur la croissance n'a rigoureusement aucune relation avec l'amendement de M. de Courson, mais vous souhaitiez une réponse, en voilà une ; elle s'adresse également à Éric Woerth auprès duquel je m'excuse de ne pas lui avoir répondu plus tôt.
On ne va pas en effet se battre sur des prévisions de croissance, car c'est un débat qui peut vite tourner en rond. Cela étant, on est au coeur de la discussion d'un PLF. Quand nous étions au gouvernement, vous nous appeliez sans arrêt à rectifier nos prévisions, considérant que nos budgets n'étaient pas sincères. Combien de fois nous avez-vous dit ça !
Sans tomber dans cette caricature, je voudrais dire que cette information est importante. C'est en effet sur l'OFCE et ses prévisions que vous vous êtes appuyé pendant longtemps. M. Muet, très régulièrement, nous a donné les chiffres de l'OFCE comme des chiffres incontestables. C'est donc une information importante qui nous arrive ce matin au coeur d'une discussion budgétaire. Ce budget est-il sincère ou pas ? Allez-vous à un moment donné le rectifier et dans quelles conditions, sachant qu'il s'agit de sommes considérables ? Je n'ai pas regardé le détail des calculs et je ne sais pas comment l'OFCE est arrivé à cette somme de 20 milliards supplémentaires, peut-être pourra-t-on nous le dire, mais il y faut une réaction plus solide.
Un tour de vis fiscal se prépare ! Le matraquage est en route !
(L'amendement n° 633 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 638 .
C'est un dispositif d'amélioration du système, que maintient d'ailleurs le Gouvernement, sur les FCPI et les FIP. Nous avons eu de grands débats sur le temps qu'il faut entre le moment où on investit dans un FIP et le moment où cet argent est investi effectivement. Un deuxième débat porte sur la part de cet investissement qui doit aller vers les PME. Nous avions fixé cette proportion à 60 % et, après de longs débats, à seize mois la période entre le moment où vous investissez et le moment où le fonds doit être investi dans des entreprises pour bénéficier des avantages fiscaux.
Ce qui vous est proposé, c'est d'augmenter la proportion qui doit aller vers les PME, laquelle passerait de 60 % à 70 %, et d'allonger en contrepartie le délai de seize à trente-six mois. Pourquoi ? Nous sommes dans une situation qui n'est pas très simple et tous les responsables de ces fonds disent que le montage des opérations d'investissement est de plus en plus long. Il s'agit donc d'allonger la période dont on dispose pour investir, mais en augmentant en contrepartie la part des fonds allant vers les PME de 60 % à 70 %. C'est donc un amendement en faveur des PME.
Défavorable. L'amendement concerne une partie du dispositif Madelin qu'on appelle le « direct Madelin ». Je rappelle, afin d'éclairer la représentation nationale, qu'il s'agit du délai dans lequel est autorisé l'investissement ouvrant droit à un certain nombre de réductions d'impôt. Le sénateur Jean Arthuis, quand il était président de la commission des finances du Sénat, était très sensible à ce délai et avait souhaité le raccourcir. C'est d'ailleurs à son initiative que ce délai avait été raccourci. À l'époque, monsieur de Courson, vous aviez dû voter ce raccourcissement. Vous nous proposez maintenant de faire le chemin inverse.
Je pense qu'il y a effectivement un problème. Je ne crois pas qu'on le règlera dans cette partie du projet de loi de finances. Je vous suggère, monsieur de Courson, de retirer votre amendement. Il faudra s'occuper de cette affaire dans la deuxième partie de la loi de finances. Le Gouvernement en a l'intention. On verra à ce moment-là dans quelles conditions. Si vous ne le retirez pas, je serai obligé de m'y opposer. Non que je conteste la réalité des difficultés que vous soulevez et dont j'ai souligné l'origine, c'est-à-dire une disposition votée par la précédente majorité à l'initiative du groupe centriste. Mais faisons cela en deuxième partie de la loi de finances, plus propice pour traiter de ces affaires, plutôt qu'aujourd'hui en première partie.
Je suis prêt à le retirer, mais il faut bien voir quel en est le but. Le but, c'est d'attirer davantage de fonds vers les PME en remontant le quota de 60 % à 70 %. Si le ministre, tel que je crois l'avoir compris, n'est pas défavorable à cette idée, tant mieux ! Mais il faut accorder une contrepartie aux fonds. Il faut leur dire qu'à ce moment-là, on lâche un peu de lest sur la durée. Je pense en effet que la position de Jean Arthuis n'est plus adaptée à la situation actuelle. Je retire donc mon amendement mais je le déposerai à nouveau en deuxième partie.
(L'amendement n° 638 est retiré.)
Cet article 10 porte sur la question des plus-values immobilières sur le bâti et le non bâti. Je ne vais pas revenir sur la réforme faite par la majorité précédente, que l'on pouvait comprendre quant à la partie bâti mais qui génère beaucoup de problèmes quant au non bâti en renforçant la rétention foncière contre laquelle vous vous proposez de lutter et contre laquelle nous avions, sous la législature précédente, déposé des amendements.
Je suis en plein accord avec le Gouvernement sur l'objectif : lutter contre la rétention foncière. Cependant, il me semble que la mesure proposée va produire l'effet inverse.
Vous choisissez d'alourdir la fiscalité en vigueur, et vous imaginez que vous allez générer un choc d'offre par l'annonce de l'instauration future, à partir de 2015, d'une fiscalité encore plus lourde. Autrement dit, vous augmentez aujourd'hui la fiscalité sur les plus-values immobilières, tout en pariant que la perspective d'une augmentation encore plus importante d'ici à trois ans incitera les propriétaires à vendre maintenant.
Malheureusement, vous savez comme moi que le raisonnement fiscal concernant les terrains à bâtir se fait à beaucoup plus long terme. Au final, les mesures que vous proposez vont produire l'effet inverse de celui que vous attendez : elles vont figer le marché et personne ne vendra plus demain, et encore moins après-demain. Les vendeurs potentiels miseront plutôt sur un changement de la fiscalité dans trois ou quatre ans.
Même si nous partageons tous la volonté de permettre la construction d'un plus grand nombre de logements en France, comme Benoist Apparu, je reste sceptique quant à l'efficacité de la mesure proposée par le Gouvernement.
Je me fais le porte-parole d'un très grand nombre de maires qui se heurtent concrètement et localement à de grandes difficultés pour délivrer des permis de construire, à la multiplication des recours, à un nombre de normes sans doute trop important, et à l'évolution d'une jurisprudence que nous ne maîtrisons plus. C'est le cas dans ma commune et dans plusieurs autres de ma circonscription du Pas-de-Calais.
Il me semble en conséquence que, plutôt que celle qui nous est proposée, la mesure efficace pour faciliter le développement du logement consisterait à déverrouiller le système et à faciliter la délivrance des permis de construire.
Les objectifs poursuivis par cet article sont plutôt heureux ; les modalités proposées posent toutefois des problèmes de principe assez sérieux.
La mise en place de l'abattement exceptionnel pour 2013 est une bonne chose tant le poids de la réforme de la fiscalité des plus-values, adoptée il y a quelques mois, a été lourd pour certains de ses aspects.
S'agissant de la soumission au barème progressif de l'impôt sur le revenu des plus-values de cession de terrains à bâtir, je prends acte des bonnes intentions qui animent cette réforme. Je demande cependant à l'ensemble de mes collègues, de la majorité comme du groupe UMP, de faire attention : on commence aujourd'hui par légiférer sur les terrains à bâtir, mais l'on pourrait demain en venir à mettre en cause la spécificité de certains autres régimes de plus-values immobilières. Je ne sais pas jusqu'à quel point il faut confondre les deux débats, celui de la fiscalité des plus-values et celui de la politique urbaine. Une trop grande confusion peut poser un problème.
La volonté de fiscaliser la rétention de terrain peut répondre à objectifs bienvenus de politique urbaine. Il y a toutefois un moment à partir duquel elle pose un véritable problème en matière de droit de propriété. La rétention, en français courant, c'est aussi parfois la propriété.
J'ai bien écouté nos collègues de l'opposition. Un accord assez large semble se dégager sur le dispositif que propose le Gouvernement pour en finir avec la législation en vigueur en matière de plus-values immobilières. Aujourd'hui, la fiscalité favorise la rétention foncière ; elle favorise celui qui garde son terrain plutôt que celui qui le met à disposition pour construire. Il s'agit d'un pas en avant ; il aurait pu être fait plus tôt.
Il est aujourd'hui nécessaire de créer un choc d'offre afin de favoriser la mise sur le marché d'un certain nombre de terrains constructibles. En défendant mes amendements, je tenterai de vous convaincre d'améliorer encore le dispositif qui nous est proposé.
M. Mariton a évoqué le droit de propriété. Je rappelle que selon le premier article du code de l'urbanisme, le foncier est le patrimoine commun de la nation. Notre pays est confronté à ce que l'on qualifie de crise du logement – même si j'hésite à continuer d'utiliser le mot « crise » pour qualifier un phénomène qui dure depuis tant d'années – alors que, d'un côté, nous disposons de terrains à bâtir qui ne sont pas construits et que, de l'autre, la liste des demandeurs de logements s'allonge d'année en année sans que l'offre suive.
À la période de la Libération, obligation avait été faite aux propriétaires qui laissaient en friche des terres cultivables de les cultiver, parce que c'était une nécessité pour le pays. D'un certain point de vue, nous devons être aujourd'hui dans le même état d'esprit pour ce qui est du logement.
Mes chers collègues, on change tout le temps ! Comment voulez-vous qu'un propriétaire foncier puisse anticiper quelque peu sur l'avenir ?
On aime bien les mots, le choc des mots. Ainsi l'exposé des motifs de l'article 10 évoque un « choc d'offre ». Mais croyez-vous que vous puissiez obtenir un choc d'offre en durcissant le dispositif après l'avoir assoupli pour une période d'un an ? Le rapporteur général est bien conscient du problème…
Précisément, le rapporteur général a proposé d'amender le texte du Gouvernement, qui prévoyait un an, en proposant une période d'assouplissement de deux ans.
Si nous voulons mettre en place un dispositif clair, il faut que nous nous engagions tous à ne plus toucher à la fiscalité des plus-values immobilières pendant la durée du mandat. Il faut que la période d'incitation coure non pas pendant un ou deux ans, mais pendant cinq ans ; comme il y aura probablement ensuite une nouvelle majorité, soit elle prolongera ce dispositif, soit elle proposera autre chose. Sans cela, comment voulez-vous que les propriétaires prennent des décisions alors que les textes changent en permanence et que l'on passe allégrement de la carotte au bâton ?
Monsieur de Courson, je suis d'accord avec vous pour dire que les dispositions que nous adoptons doivent s'inscrire dans la durée. Leur efficacité serait en effet menacée si certains pensaient qu'elles vont être modifiées.
Mais, en l'espèce, les intentions du Gouvernement me semblent claires. Elles s'appuient sur un double dispositif : la suppression de l'abattement pour durée de détention – cela reprend, monsieur Apparu, les propositions qui étaient les vôtres lorsque vous étiez membre du Gouvernement, même si l'Assemblée en avait décidé autrement –, et la soumission d'ici à deux ans au barème de l'impôt sur le revenu qui se traduira par un alourdissement considérable de la fiscalité sur les terrains à bâtir.
S'il y a détermination et consensus, si nous gardons le cap, j'estime pour ma part que le choc d'offre peut avoir lieu ; il faudra bien sûr l'évaluer.
Le dispositif proposé par le Gouvernement permet en tout cas d'éviter un autre risque : celui de favoriser la spéculation – ce qui n'aurait pas été le cas si un système dégressif avait été choisi. Il s'agit d'éviter des ventes rapides et spéculatives des terrains à bâtir qui généreraient une hausse considérable des prix. Sur ce plan, le dispositif gouvernemental me semble bien calé. Il est clair, en revanche, qu'il faut qu'il s'inscrive dans la durée.
Je suis maintenant saisie d'un amendement n° 639 visant à supprimer l'article 10.
La parole est à M. Charles de Courson.
Il faut choisir : soit on va encore plus loin que ce que propose le rapporteur, on passe de deux à cinq ans, soit on en reste à la situation actuelle.
Nous ne pouvons pas nous en tenir à l'article 10 qui propose une sorte d'entre-deux et ne laisse pas assez de temps aux propriétaires fonciers pour prendre des décisions.
De nombreuses interventions ont déjà évoqué l'intérêt de l'article 10 ; le supprimer n'aurait pas de sens. Avis défavorable.
Le Gouvernement est défavorable.
On se souvient dans quelles conditions le dispositif actuellement en vigueur, que nous vous proposons de réformer, a été instauré. Ce n'était pas pour inciter à bâtir ni pour fluidifier le marché, mais uniquement comme une mesure de recettes, devant rapporter environ 1 milliard d'euros, dans le cadre du plan Fillon II. Il s'agissait d'ailleurs d'un alourdissement d'impôt pour les propriétaires, que la majorité précédente avait voté sans barguigner... (Murmures sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)
…ou peut-être en barguignant, mais elle l'avait néanmoins votée, le résultat étant exactement le même.
Il en résulte des conséquences assez préjudiciables pour la politique du logement. En effet, instaurer une durée de trente ans comme condition d'exonération totale de la taxation sur les plus-values, c'est évidemment une très forte incitation à la détention longue de terrain à bâtir.
Cela ne contribue certainement pas à fluidifier le marché en favorisant les ventes.
Je constate que l'ancien ministre du logement approuve mon point de vue et je devine qu'il avait dû, à l'époque, être battu lors d'un arbitrage interministériel. Ce sont des choses qui arrivent, monsieur le ministre, il faut prendre cela avec le sourire.
C'est presque pire ! (Sourires.) Puisque j'ai maintenant connu les deux cas, je peux dire que c'est presque pire.
Il me semble clair qu'il faut revenir sur le dispositif en vigueur. Nous avons en effet un véritable problème en matière de logement. Les entreprises du BTP connaissent une situation délicate. Il faut absolument fluidifier ce marché.
C'est l'objectif de l'article 10. J'espère que chacun des parlementaires présents pourra approuver, ou au moins comprendre, notre démarche, qu'il s'agisse de l'abattement de 20 %, des incitations prévues pour un ou deux ans, ou de la perspective d'imposer les plus-values au barème de l'impôt sur le revenu à partir de 2014. Tout cela a pour finalité d'inciter à dégeler un marché du foncier et des immeubles qui connaît aujourd'hui une fluidité tout à fait insuffisante au regard des besoins du pays.
(L'amendement n° 639 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 685 .
Cet amendement tend à compléter le dispositif souhaité par le Gouvernement, qui ne vise que les terrains à bâtir. Je propose de permettre que les mesures incitatives de l'article 10 puissent également s'appliquer à l'ensemble des terrains comportant des constructions destinées à être démolies en vue de la construction de logements.
Monsieur Goldberg, on comprend l'idée que vous défendez. Votre amendement me semble néanmoins présenter beaucoup trop de dangers en termes de sécurité.
Il suffirait de demander une autorisation d'urbanisme, un permis d'aménager – pas même un permis de construire –, documents qui ne sont pas très complexes, pour qu'une cession permette l'application des mesures incitatives de l'article 10, sans qu'il y ait aucune vérification du fait que le droit à construire aura bien été utilisé. Cet amendement ouvrirait donc une brèche dans laquelle je crains que ne s'engouffrent quelques propriétaires malveillants. Il en existe,…
…même si beaucoup sont tout à fait respectables. Avis défavorable, donc.
Monsieur Goldberg, le Gouvernement émet un avis défavorable à l'amendement n° 685 , pour les raisons exposées par le rapporteur général ; je compléterai son propos par un argument qui, je crois, vous convaincra de le retirer.
En effet, il suffirait que la demande d'autorisation d'urbanisme en vue de la construction intervienne après la cession du terrain concerné pour que celle-ci échappe au régime que vous souhaitez lui appliquer. Le dispositif est donc trop facilement contournable. En outre, je ne crois pas qu'il soit intéressant d'assimiler cession de terrains à bâtir et cession de terrains bâtis ; le régime serait insuffisant pour l'une, excessif pour l'autre. Je comprends la finalité de votre amendement et j'approuve votre volonté de nous aider à fluidifier le marché et à faciliter la politique du logement, mais je ne crois pas que cet amendement y contribuerait. L'enfer est pavé des meilleures intentions. Certes, ce ne serait pas l'enfer, mais je crains que le dispositif que vous proposez ne soit contreproductif.
Dans la logique du Gouvernement, l'amendement n° 685 pose un vrai problème. Il serait en effet tout aussi intéressant d'acheter un très grand terrain sur lequel se trouve une petite maison, de raser celle-ci et de construire un immeuble.
Il est vrai que votre amendement est mal rédigé, monsieur Goldberg : si vous aviez prévu que la vente d'un terrain comprenant une maison dans le but de détruire celle-ci et de reconstruire serait soumise à un contrôle a posteriori et imposée en cas de détournement, tous les arguments du rapporteur général tomberaient. Mais il n'en demeure pas moins que, dans beaucoup de zones denses, les constructions se font sur des terrains déjà bâtis, après destruction des bâtiments existants. Le Gouvernement ne me paraît donc pas très ouvert.
Après avoir écouté les arguments du rapporteur général et du ministre, je retire mon amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 685 est retiré.)
Je suis saisie de deux amendements, nos 191 rectifié et 690 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l'amendement n° 191 rectifié .
Cet amendement vise à proposer une véritable progressivité de la fiscalité : l'abattement serait important la première année et diminuerait les années suivantes, de façon à produire le choc d'offre préconisé par le Gouvernement.
Je rappelle que l'article 10 comporte une première partie consacrée au foncier non bâti et une deuxième partie consacrée au foncier bâti. Or, le Gouvernement propose, afin de générer un choc d'offre, un abattement de 20 % en 2013 sur le seul bâti. Ce choc d'offre ne se produira donc pas sur le non bâti, d'autant que, pour 2013 et 2014, le Gouvernement aggrave la fiscalité sur la plus-value et prévoit, à partir de 2015, de la soumettre au barème de l'impôt sur le revenu, soit une taxation de presque 60 % avec l'application du taux maximum qui a été voté hier et les cotisations sociales. Du reste, le texte du Gouvernement prévoit des recettes supplémentaires en 2013 et 2014. Comment pourrez-vous générer un choc d'offre en alourdissant la fiscalité en 2013 et 2014 ?
Un amendement similaire a déjà été examiné sous la législature précédente. Il avait été retiré pour des raisons liées à un détail technique. Celui-ci ayant été réglé depuis, je le propose à nouveau.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 690 .
Ainsi que je l'ai indiqué, j'approuve le dispositif proposé par le Gouvernement. Toutefois, je crains qu'il ne soit pas suffisamment incitatif pour les terrains qui seraient amenés à devenir constructibles. Mon amendement vise donc à renforcer le choc d'offre pour les années 2013 et 2014 et à inverser la logique actuelle, qui favorise la rétention foncière, à partir de 2015, afin d'éviter un nouveau blocage du système.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 191 rectifié et 690 ?
Merci de cette contribution au débat, monsieur Lellouche. Je peux être plus précis, si vous le souhaitez : soit on prévoit une exonération immédiate et limitée dans le temps, soit on prévoit une sanction pour plus tard. J'espère que vous appréciez cette explication, comme vous avez pu apprécier les précédentes grâce à votre présence assidue depuis le début de nos débats. Le Gouvernement a fait le choix de supprimer les abattements pour une durée de détention. Le dispositif proposé par M. Apparu est trop avantageux, puisqu'il permettrait qu'une plus-value spéculative de court terme soit totalement exonérée d'impôt, ce qui n'est pas acceptable. Avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 690 , il ne répond pas entièrement à l'objectif du Gouvernement, qui est de créer un choc d'offre en 2013 et 2014. Le dispositif du projet de loi est plus incitatif. En outre, puisqu'il supprime tout abattement pour durée de détention, il n'y aura, de manière permanente, aucune incitation fiscale à garder longtemps un terrain à bâtir. J'ajoute que l'amendement aurait un coût qui, sans être très important, ne serait pas négligeable, pour une utilité qui ne nous semble pas complètement avérée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 191 rectifié et 690 ?
Le Gouvernement émet un avis défavorable aux deux amendements, tout en comprenant l'intention de leurs auteurs. Pour que la représentation nationale soit bien informée, je vais tenter d'expliquer le système proposé, qui est un peu complexe.
Il existe deux cas de figure : celui des terrains bâtis et celui des terrains à bâtir. Le droit actuel incite à une détention longue de ces terrains, puisque l'abattement sur la plus-value n'est complet qu'au bout de trente ans. Dès lors, au-delà d'une certaine durée de détention – vingt-cinq, vingt-six, vingt-sept ans –, il va de soi que les propriétaires ne cèdent pas leurs terrains, préférant attendre la date plus très éloignée à laquelle la plus-value qu'ils pourront réaliser sera totalement détaxée. Tel était le vice profond du dispositif adopté par la majorité précédente, dont les conséquences se font actuellement sentir. Force est en effet de constater le gel actuel des transactions sur le foncier.
Nous souhaitons donc rompre avec cette situation, qui n'est pas favorable à la construction de logements. Cependant, nous ne traitons pas de la même manière le terrain à bâtir et le terrain bâti. S'agissant du terrain bâti, nous souhaitons créer un choc d'offre en 2013, en prévoyant un abattement supplémentaire de 20 %. Les propriétaires qui n'auraient pas décidé de profiter de cette opportunité se verront appliquer le régime actuel, c'est-à-dire une exonération de la plus-value réalisée sur la cession d'autant plus importante que la durée de détention sera longue. Les propriétaires de terrains bâtis devront donc choisir entre céder leurs terrains en 2013 et bénéficier d'un abattement supplémentaire de 20 % – ce n'est pas rien – ou les conserver et attendre pour les vendre, sachant que, plus ils attendront, moins la plus-value sera taxée.
Pour les terrains à bâtir, nous supprimons totalement l'abattement progressif en fonction de la durée de détention pour 2013 et 2014, avec, sur les revenus constatés en 2014, l'application en 2015 du barème de l'impôt sur le revenu. Il s'agit donc d'une double incitation à céder : d'une part, parce qu'en cédant vite, les propriétaires bénéficient d'un abattement dont ils ne bénéficieraient pas à droit constant et, d'autre part, parce que, s'ils ne vendent pas, leur plus-value sera ensuite soumise au barème de l'impôt sur le revenu.
Dans les deux cas, en tentant de respecter la spécificité de ces deux marchés, le Gouvernement propose une incitation équilibrée, alors que les deux amendements produiraient, me semble-t-il, dans un cas, une absence d'incitation et, dans l'autre, un effet d'aubaine, très important avec l'amendement de M. Apparu, moins important mais réel avec celui de M. Goldberg. Le Gouvernement souhaite donc que l'Assemblée nationale en reste au dispositif qu'il propose et rejette ces deux amendements.
M. le rapporteur général a raison d'indiquer que deux logiques peuvent être suivies. La première, celle de M. Apparu, c'est la logique de la carotte : si vous vendez votre terrain rapidement, vous bénéficierez d'un allégement de la taxe sur la plus-value. La seconde, celle du Gouvernement, c'est la logique du bâton : si vous ne vendez pas votre terrain rapidement, la fiscalité sur la plus-value sera considérablement alourdie. L'avenir nous dira laquelle de ces deux logiques est la plus efficiente. Cependant, un amendement du rapporteur que nous examinerons ultérieurement prévoit une petite carotte, puisqu'il prévoit que la taxe sur la plus-value puisse être allégée pour les terrains à bâtir, tout en supprimant par ailleurs – nous en débattrons tout à l'heure – l'allégement sur la vente des terrains bâtis.
Ces deux logiques peuvent être combinées. En tout état de cause, il me semble important de noter que la logique du Gouvernement ne favorise pas la spéculation, alors que celle proposée par M. Apparu pourrait avoir un effet spéculatif important, qui aboutirait à une augmentation des prix.
C'est entendu, nous avons le choix entre la carotte et le bâton. Ce que je ne comprends pas, c'est que le Gouvernement choisit la carotte pour les terrains bâtis et le bâton pour les terrains non bâtis. Monsieur le ministre, si vous acceptez de majorer de 20 % l'abattement en 2014, c'est bien que considérez que, pour créer un choc d'offre, il faut que les propriétaires soient incités par une carotte à vendre rapidement leurs terrains bâtis. Je comprends les raisons pour lesquelles vous souhaitez créer ce choc d'offre : actuellement, le marché de l'immobilier – le bâti – est en rupture, puisque nous sommes passés de 800 000 à 500 000 transactions par an, et les collectivités locales vont donc pâtir d'une chute des droits de mutation. Je comprends et je soutiens votre démarche.
S'agissant des terrains non bâtis, nous partageons le même objectif – pour répondre à la crise du logement, il faut remettre des biens immobiliers non bâtis sur le marché – et le même constat : la fiscalité actuelle ne le permet pas et a figé le marché. Mais vous proposez une fiscalité qui, pendant deux ans, sera plus dure que la fiscalité actuelle, en imaginant que, parce qu'elle le sera encore plus à partir de 2015, les propriétaires vendront en 2013 et 2014. Je crains, hélas ! Que, les durées de détention des terrains immobiliers non bâtis étant très longues, les propriétaires n'attendent et que votre dispositif n'aboutisse à figer le marché du non bâti.
S'agissant de mon amendement n° 690 , j'ai bien entendu les arguments du rapporteur et du ministre. Par ailleurs, j'irai dans le sens de notre collègue Benoist Apparu : j'avoue avoir un doute quant à l'efficacité du dispositif concernant les terrains à bâtir.
Néanmoins, je veux laisser sa chance au dispositif proposé par le Gouvernement en 2013 et 2014, d'autant plus que celui que je propose avec mon amendement n° 690 aurait vocation à être pérenne : il continuerait de s'appliquer à partir de 2015 et constituerait, de mon point de vue, une véritable incitation à remettre sur le marché un certain nombre de terrains devenus constructibles.
Afin de laisser sa chance au dispositif gouvernemental, au moins en 2013, je vais retirer mon amendement. Toutefois, si à la fin de l'année 2013 ce dispositif n'était pas apparu pleinement incitatif, (Sourires)…
…l'examen du projet de loi de finances de l'année prochaine m'offrirait l'occasion de réitérer ma proposition.
Nous sommes au moins d'accord sur les terrains bâtis, monsieur Apparu, et c'est uniquement sur les terrains à bâtir que nous avons une divergence, non pas sur le fond, mais en termes de compréhension du dispositif.
Je récuse votre métaphore de la carotte et du bâton : il n'y a pas de bâton, mais uniquement une carotte en moins, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
Sur ce point, on pourrait discuter à l'infini, mais vous conviendrez qu'entre supprimer une carotte à quelqu'un et lui donner un coup de bâton, il existe une réelle différence dans le traitement infligé à son prochain : dans la hiérarchie du désagrément, il me semble que l'un des deux l'emporte tout de même sur l'autre. (Sourires.)
Cette précision apportée, je souhaite m'expliquer sur le fond avec Daniel Goldberg et Benoist Apparu. Dès lors que l'on supprime les abattements pour durée de détention, les propriétaires n'ont plus aucun intérêt à attendre – c'est la suppression de la carotte. Par ailleurs, s'ils ne profitent pas de l'opportunité de deux ans qui leur est offerte, ils seront fiscalisés au titre du barème de l'impôt sur le revenu, mais à l'issue d'un délai de réflexion suffisant pour qu'ils se rendent compte qu'ils n'ont aucun intérêt à attendre pour vendre. Les ventes qui résulteraient de cette incitation seraient une bonne nouvelle pour les collectivités locales ainsi que pour les opérateurs, qui attendent des terrains pour bâtir.
En résumé, je le répète, il n'y a pas de bâton, mais simplement une carotte en moins, parce que nous estimons que cette carotte incite à un comportement opposé à ce que nous souhaitons apparemment de façon consensuelle, c'est-à-dire une certaine fluidité du marché. La seule chose en laquelle vous pourriez éventuellement voir un bâton, c'est la perspective d'un retour au droit commun en matière de plus-values.
Très franchement, je pense que le cumul du délai de deux ans, de la perspective affichée d'un retour au barème de l'impôt sur le revenu et de l'intérêt à céder dès maintenant peut être suffisant. Si ce n'était pas le cas, nous nous adapterions. Le marché concerné étant très réactif aux dispositifs fiscaux incitatifs ou désincitatifs, nous verrons très vite si notre objectif commun – fluidifier le marché – est atteint. Nous nous adapterons en conséquence et, le cas échéant, le Gouvernement soumettra de nouvelles dispositions au Parlement.
En tout état de cause, le Gouvernement a bien l'intention d'être très réactif sur ce sujet, car l'objectif de construire est un objectif impératif, bien sûr pour les droits de mutation à titre onéreux, mais aussi et surtout pour le secteur économique, à commencer par celui du BTP, ainsi que pour l'offre de logement, cruellement insuffisante.
Je souhaite que M. Goldberg et même M. Apparu – je me plais à l'espérer – consentiront, sous le bénéfice des explications que je viens de donner, à retirer leurs amendements. Si ce n'était pas le cas, le Gouvernement appellerait au rejet de ces amendements.
M. Goldberg a déjà indiqué, me semble-t-il, qu'il retirait son amendement n° 690 .
Il est exact, monsieur le ministre, que nous poursuivons le même objectif avec des techniques différentes.
Je vais retirer mon amendement au bénéfice de ce que vous venez de nous dire à l'instant, à savoir que si cela ne marche pas, vous proposerez immédiatement autre chose. Cela étant, dans l'hypothèse où le dispositif que vous proposez fonctionnerait, j'attire votre attention sur un vrai problème : le fait que ce dispositif n'est pas zoné, mais s'applique partout en France de la même manière. Or, sur certains marchés, tels ceux de ma circonscription, il ne faut surtout pas mettre sur le marché de nouveaux terrains à bâtir ! Autant en Île-de-France, PACA, Gironde, Aquitaine…
…c'est-à-dire dans les zones tendues, on a besoin de terrains à bâtir pour construire de nouveaux logements, autant, dans le grand quart nord-est de la France, l'arrivée de terrains à bâtir sur le marché serait une catastrophe absolue, car on y construit déjà trop. Je vous invite par conséquent à introduire, lors de l'examen du projet de loi devant le Sénat, une disposition visant à zoner votre dispositif. Croyez-moi, il est vraiment nécessaire de le faire.
(L'amendement n° 191 est retiré.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 143 .
Favorable.
(L'amendement n° 143 est adopté.)
Dans le droit fil de la discussion que nous venons d'avoir, l'amendement n° 230 se situe dans l'esprit de ce que propose le Gouvernement, à savoir la suppression de l'abattement dans l'objectif de créer un choc d'offre foncier pour les années 2013 et 2014, avec une imposition à partir de 2015. Mon amendement suggère simplement d'aller un peu plus loin, en faisant en sorte que l'imposition pratiquée à partir de 2015 ne soit pas forfaitaire, mais progressive, afin qu'il soit moins avantageux de vendre en 2020 qu'en 2015. Nous prolongerons ainsi le principe du choc foncier, y compris pour ceux qui auraient attendu 2015 et les années ultérieures.
Puis-je considérer que vous avez également défendu l'amendement n° 536 rectifié , madame Linkenheld ?
Oui, madame la présidente : l'amendement n° 536 rectifié est un amendement de cohérence.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 230 et 536 rectifié ?
Si nous poursuivons tous le même objectif, toute la question est de savoir par quel moyen l'atteindre. Bien que les amendements nos 230 et 536 rectifié partent d'une bonne intention, la commission ne les a pas retenus car il lui a semblé que les modalités d'augmentation étaient trop complexes et peu opérationnelles. De plus, en 2015, les plus-values immobilières sur les terrains à bâtir seront soumises au barème, ce qui rend votre proposition peu utile.
La commission est donc, je le répète, défavorable à ces deux amendements.
L'augmentation de 0,2 % du taux forfaitaire d'imposition pour chaque année de détention jusqu'en 2020 ne me paraît pas suffisante. En l'état actuel, le dispositif prévu par l'article 10 me semble, lui, équilibré et suffisant. Je réitère mon engagement à revoir les choses dans l'hypothèse où le dispositif que nous proposons se révélerait insuffisant. Vous seriez alors associée, ainsi que M. Goldberg, M. Caresche – que je remercie pour son intervention – et M. Apparu, aux réflexions qu'il conviendrait de mener en vue de mettre au point un dispositif plus efficacement incitatif. Sur un sujet majeur, d'intérêt général et faisant consensus au sein de cette assemblée – il n'y en a pas tant que cela dans la loi de finances –, je veux m'efforcer de préserver ce consensus autant que possible.
Dans l'immédiat, madame la députée, je vous saurais gré de retirer vos amendements.
Je les retire, madame la présidente.
(Les amendements nos 230 et 536 rectifié sont retirés.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 142 .
Favorable.
(L'amendement n° 142 est adopté.)
Avec l'alinéa 25 de l'article 10, le Gouvernement cherche à créer un choc d'offre afin que des biens soient mis sur le marché. Même si cela part d'une intention louable, à savoir débloquer un marché foncier immobilier qui s'est un peu refermé depuis le début de l'année, à la suite de la réforme sur la fiscalité des plus-values immobilières, je crains qu'une fois l'effet de cette mesure produit, le marché ne se referme à nouveau, nous obligeant à introduire une mesure similaire dans trois ou quatre ans.
Il faut accepter que la réforme que nous avons menée se traduise par une restriction de l'offre durant un certain temps, durant lequel le marché immobilier doit retrouver seul son équilibre. Le problème posé par le système de stop and go est que l'on va donner à l'État la maîtrise du fonctionnement du marché de l'immobilier, avec la tentation de prendre des mesures très ciblées, soit sur certains lieux, soit sur certains types de biens, en faisant en sorte que les propriétaires y perdent un peu de leur liberté de vendre ou de ne pas vendre, et surtout qu'ils n'aient pas le choix du moment, du fait d'une fiscalité dissuasive. On va encore complexifier le droit fiscal et surtout en faire un instrument d'économie administrée, ce qui va à l'encontre de mes idées politiques.
Monsieur Tardy, vous souhaitez alourdir la fiscalité que le Gouvernement souhaite, de son côté, alléger. Si la chose peut sembler amusante, j'invite tout de même la représentation nationale à ne pas suivre M. Tardy dans sa volonté d'augmenter les impôts. (Sourires)
(L'amendement n° 551 n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 82 .
Pour reprendre une image utilisée tout à l'heure, la commission n'a été totalement convaincue par ce qui constitue la carotte du dispositif. En effet, cette carotte est donnée à tout le monde, alors qu'elle devrait être réservée aux vendeurs de terrains à bâtir si l'on souhaite vraiment l'arrivée de tels terrains sur le marché. Dans un premier temps, la commission n'avait donc pas souhaité adopter cette disposition constituant l'un des deux volets du plan prévu par l'article 10.
Soyons clairs : si l'objectif est de fluidifier le marché d'une façon générale, l'alinéa 25 de l'article 10 peut jouer un rôle positif. Mais si l'objectif est de dégager du terrain à bâtir, il va surtout offrir une opportunité pour certains de s'affranchir d'un certain nombre de contributions.
Si, car l'amendement n° 82 a un double objet, monsieur Apparu : d'une part, supprimer l'abattement de 20 % au titre de 2013, d'autre part, utiliser la moitié de l'économie ainsi réalisée pour cibler les seuls terrains à bâtir en 2013 et en 2014.
J'ai bien entendu que le marché était bloqué – M. Apparu a indiqué que nous étions passés de 800 000 actes signés à seulement 500 000 – mais il ne faut pas perdre de vue l'impératif de parvenir à équilibrer les finances publiques : de ce point de vue, la somme de 260 millions d'euros n'est pas négligeable, mes chers collègues. La responsabilité de la commission des finances est de s'assurer que la dépense sera effectivement rentable par rapport à l'objectif poursuivi.
Si cet objectif consiste à fluidifier le marché immobilier dans son ensemble – toutes les propriétés bâties, qu'il s'agisse des résidences secondaires ou des immeubles de rapport, les résidences principales étant exclues –, je peux comprendre le principe de la mesure, même si je trouve que son coût est élevé. En revanche, s'il s'agit de dégager des terrains à bâtir, ce qui était bien notre objectif initial, je suis à peu près persuadé que cet article ne permettra pas de dégager de nombreux terrains disponibles à la construction.
En dépit de l'avis favorable de la commission, il me semble, à titre personnel, qu'il conviendrait de réfléchir à la durée de deux ans, c'est-à-dire la période 2013-2014. C'est en effet parce que nous avions gagné une recette que nous avions pu prévoir deux ans au lieu d'un.
Je me souviens que nous avons eu à traiter exactement de la même question il y a un an. Je m'étais alors opposé aux propositions de Benoist Apparu, alors ministre du logement.
Le problème est le suivant : c'est dans les zones tendues que nous avons besoin de construire des logements. Or, il est difficile de trouver encore à bâtir dans ces zones, car elles sont déjà construites : on n'y trouve pratiquement plus de terrains urbanisables, imposés localement au foncier non bâti dans la catégorie « terrains à bâtir » – et considérés comme tels dans les POS ou les PLU. Par conséquent, dans ces zones tendues, la construction se fait surtout par densification. On connaît bien cela en région parisienne, par exemple : autour de Paris, il y a de nombreuses zones pavillonnaires, construites notamment entre les deux guerres, où les transports en commun sont arrivés entre-temps et où l'on peut densifier le bâti.
Mais les mesures pour inciter à vendre des terrains à bâtir, cela ne marche pas.
Ce qui marche, en revanche, monsieur le rapporteur général, c'est l'abattement de 20 % au titre des plus-values sur les mutations, sauf que cela coûte très, très cher ! L'an dernier, quand on avait proposé cette mesure, j'avais donc dit que l'on ne pouvait pas l'accepter pour des raisons de coût. Pour autant, je suis parfaitement conscient que des mesures portant sur les terrains à bâtir stricto sensu n'ont pas beaucoup d'intérêt en zones tendues. Voilà le problème auquel nous nous sommes sans cesse heurtés ces dernières années.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement défendu par le rapporteur général, lequel fait d'ailleurs preuve de beaucoup de loyauté envers les pouvoirs publics. En effet cette mesure rompt avec la logique du dispositif gouvernemental ; c'est un autre système. Je comprends parfaitement que la représentation nationale ait à se prononcer sur ce sujet, mais, je le répète, c'est un autre système.
Vous me permettrez de défendre l'économie du projet gouvernemental, qui consiste à différencier clairement terrain bâti et terrain non bâti, tout en favorisant le premier, pour lequel nous proposons un abattement supplémentaire de 20 %.
Le rapporteur général et, si j'ai bien compris, la commission proposent une autre économie. Je ne vous cache pas – que les parlementaires de l'opposition ne me tiennent pas rigueur si je m'adresse plus particulièrement à la majorité – que je vous demande, tout en comprenant la logique qui a pu prévaloir un temps au sein de la commission, de préserver l'économie voulue par le Gouvernement.
C'est une disposition sur laquelle nous avons beaucoup réfléchi avant de la soumettre au Parlement. Je vois bien l'intérêt qu'aurait cet amendement pour le Gouvernement, en termes de finances publiques, mais, pour autant il a été décidé de proposer le système retenu dans le PLF. Dès lors, monsieur le rapporteur général – vous voyez bien que je suis très gêné de vous le dire –, mais je préférerais beaucoup que le système gouvernemental soit privilégié.
Je suis plutôt favorable, pour ma part, à l'amendement du rapporteur général. Je reprendrai en partie ce qu'a dit le président de la commission des finances : le dispositif qui nous est proposé par le Gouvernement sur les terrains bâtis peut, il est vrai, relancer le marché de l'immobilier dans l'ancien, lequel se trouve actuellement confronté à une situation difficile. Pour autant, soyons clairs : cela ne créera pas un seul logement nouveau.
Ce dispositif va peut-être inciter à ce qu'il y ait plus de transactions, ce qui n'est pas négligeable – c'est même un objectif qui peut être tout à fait intéressant, je ne le nie pas –, mais il ne créera pas le moindre logement nouveau.
Le rapporteur général nous propose quant à lui de faire basculer sur les terrains à bâtir la moitié de l'avantage fiscal prévu pour les terrains bâtis, avec pour objectif de créer des logements nouveaux ; c'est un peu la carotte que demandait tout à l'heure M. Apparu.
Il nous faut donc faire un choix : notre politique consiste-t-elle à essayer de tout faire pour relancer la construction dans ce pays – or je crois avoir compris que c'est dans cette direction que se dirige le Gouvernement –, auquel cas l'amendement du rapporteur général est parfaitement adapté, ou bien veut-on – ce qui peut tout à fait être aussi un objectif – relancer la vente de logements, qui est aujourd'hui en panne ? Si l'on cherche à construire des logements nouveaux, je répète qu'il faut voter l'amendement du rapporteur général.
Je voudrais simplement faire un commentaire sur ce qui vient d'être expliqué, notamment par M. Caresche, dont je partage en partie l'analyse.
En réalité, nous avons besoin des deux. Il nous faut, aujourd'hui, relancer le marché de l'ancien, comme en témoignent les chiffres que je citais tout à l'heure : on est passé de 800 000 transactions à 550 000 ou 600 000. Il y a un effondrement des marchés. À cet égard, j'attire l'attention des élus, présents dans cet hémicycle, qui sont encore cumulards, sur les graves conséquences de cette chute des marchés en termes de droits de mutation pour nos collectivités locales. Il est donc logique que le Gouvernement souhaite maintenir cet abattement de 20 % sur les biens anciens.
Cela dit, je rejoins l'argumentation de M. Caresche et de M. Eckert sur le fait que nous avons aussi besoin d'un choc d'offre sur le marché des terrains à bâtir pour produire des logements. Autrement dit, ce qu'il nous aurait fallu, c'est un abattement de 20 % sur l'immobilier et sur les terrains à bâtir.
Il s'agit là d'un débat d'experts. Or je n'ai pas une connaissance approfondie du marché immobilier. Ce que je comprends de la volonté du Gouvernement, que vient d'exprimer Jérôme Cahuzac, c'est qu'il est plutôt – reprenez-moi si je me trompe – dans une logique consistant à essayer, pendant une année, de relancer le marché de l'immobilier. De fait, il y a de moins en moins de ventes, on le voit très bien sur le terrain, dans nos collectivités locales ; il faut donc remonter le marché et le fluidifier. Cet abattement de 20 % est une aide ponctuelle, qui a pour vocation d'aider à relancer le marché. Ce n'est pas ici une affaire de terrains à bâtir. Si tel est bien le but de cette mesure, évidemment, je l'approuve.
C'est un sujet très difficile. J'entends bien les arguments des uns et des autres et, encore une fois, l'objectif est le même ; ce ne sont que les modalités pour l'atteindre qui diffèrent.
Je demande aux parlementaires d'en rester au texte gouvernemental, au bénéfice de l'engagement que j'ai pris envers M. Apparu, de Mme Linkenheld et du rapporteur général, et que je suis prêt à prendre aussi envers M. Caresche et tous ceux qui pourraient douter. Mettons en oeuvre le dispositif que propose le Gouvernement puis évaluons-le, sinon en temps réel, en tout cas dans les délais les plus brefs. Je m'engage, au nom du Gouvernement, à adapter le dispositif – si l'on constate que c'est nécessaire – dans le cadre d'une loi de finances rectificative, et cela dès que les résultats de l'évaluation seront connus.
Je suis profondément convaincu que ce que propose le Gouvernement est préférable. S'il est vrai que le dispositif est onéreux – M. le rapporteur général et M. le président de la commission ont eu raison de me le faire observer –, nous estimons que c'est le prix à payer pour relancer ce marché. Si cela ne fonctionne pas aussi bien que nous sommes en droit de l'espérer, nous travaillerons ensemble à un dispositif qui pourrait faire consensus sur tous ces bancs, ou qui recueillerait, en tout cas, l'assentiment sans réserve des parlementaires de la majorité.
Je demande donc encore une fois à la représentation nationale d'en rester au texte gouvernemental et de rejeter l'amendement. Je crois que, grâce à l'engagement que j'ai pris d'évaluer ensemble ce dispositif et de le corriger dans l'hypothèse où il ne donnerait pas satisfaction, la représentation nationale peut suivre le Gouvernement.
(L'amendement n° 82 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 669 .
Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps l'amendement n° 674 , qui répond à la même logique.
L'amendement n° 674 vise simplement à proroger un dispositif qui existait jusqu'à la fin de l'année 2011 et qui permettait d'exonérer totalement les plus-values pour les personnes physiques cédant un terrain au bénéfice d'un organisme de logements sociaux. Ce dispositif a existé pendant plusieurs années. Il n'a pas été prorogé au-delà de la fin de l'année 2011, alors qu'il avait donné des résultats significatifs. C'est pour cela que je propose de le prolonger jusqu'en 2014, pour lui donner un nouveau départ tout en prévoyant une fin, afin d'examiner l'ensemble des résultats.
L'amendement n° 669 vise quant à lui à étendre ce dispositif aux personnes morales. D'une certaine manière, ce serait une extension du projet de loi sur le logement que nous avons adopté, dont le but est de mettre du foncier à disposition pour construire du logement social.
Le dispositif en question a existé jusqu'à la fin 2011. D'une façon générale, même si ce n'est pas entièrement votre avis, on considère que son efficacité a été assez limitée. En fait, il s'agit d'une sorte de niche fiscale – je sais que cela ne fait pas plaisir quand on le dit – qui s'est révélée peu utile, puisque le dispositif n'a quasiment pas fonctionné. La commission des finances et son rapporteur général estiment donc qu'il n'y a pas lieu de le reprendre, que ce soit pour les personnes physiques ou pour les personnes morales. Avis défavorable sur les deux amendements.
Sur l'amendement n° 669 , monsieur Goldberg, je crois que l'argumentation du rapporteur général doit être retenue : c'est un dispositif coûteux dont l'efficacité est contestable. J'ajoute que, s'il s'agit d'aider les bailleurs sociaux, le fait d'encourager le cédant n'est peut-être pas la meilleure méthode qui soit. Je connais le problème que les bailleurs sociaux vont rencontrer. Je pense qu'il faudra trouver un mécanisme permettant de les aider, mais je ne crois pas que ce que vous suggérez soit le plus efficace, surtout au vu de la dépense qui, elle, est réelle.
Sur l'amendement n° 674 , j'ai, là encore, entendu l'argument du rapporteur général. J'ai des doutes quant à l'efficacité du dispositif, mais, comprenant l'intérêt qu'il peut présenter pour les personnes physiques, je m'en remets à l'avis que les uns et les autres peuvent avoir en conscience. Je peux comprendre celui du rapporteur, mais votre opinion, monsieur Goldberg, me semble tout à fait respectable. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée.
Je voudrais dire un mot sur la manière dont ces amendements sont rédigés. En effet, ils ne concernent que les bailleurs sociaux. Dans le texte que nous avons examiné il y a quelques semaines et dont Mme Linkenheld était rapporteure, nous avions souhaité, me semble-t-il, que, dès lors que l'on produit du logement social, on puisse bénéficier d'un certain nombre d'avantages.
Je vous rappelle que 30 % des opérations sont aujourd'hui réalisées sous forme de vente en état futur d'achèvement. Or ces amendements ne couvrent pas cette possibilité ; ils ne concernent que les bailleurs sociaux. Si l'on adopte un régime de ce type, il faut le faire pour construire du logement social et non en visant exclusivement les bailleurs sociaux.
En outre, il me semble que l'argument du Gouvernement et du rapporteur général ne tient pas, dans la mesure où l'on change totalement le dispositif.
Comment peut-on, dès lors, tirer argument du fait que l'ancien dispositif, qui prévoyait un abattement pour les bailleurs sociaux, n'était pas efficace ? Ce régime n'avait rien à voir avec celui que l'on nous propose d'adopter. Permettez-moi donc de vous dire que je ne comprends pas cet argument ! Le dispositif était peut-être peu performant dans un régime où il y avait un abattement important ; si l'on supprime totalement la durée de détention et l'abattement qui lui était lié, on aura une mesure efficace.
Puisqu'on parle de sagesse, j'en ferai preuve et je retire l'amendement n° 669 . En revanche, je maintiens l'amendement n° 674 , qui vise à remettre en place le dispositif qui a pris fin au 31 décembre 2011. Je suis sensible aux arguments de Benoist Apparu sur les ventes en VEFA. Je n'ai pas la possibilité de sous-amender mon amendement, mais je suppose que nos collègues du Sénat seront attentifs à ce dispositif, si toutefois notre assemblée le vote.
(L'amendement n° 669 est retiré.)
(L'amendement n° 674 est adopté.)
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 678 .
L'article 10 prévoit un dispositif transitoire, afin de créer un choc d'offre. Ainsi, les plus-values réalisées lors de la cession de terrains ayant fait l'objet d'une promesse de vente avant le 1er janvier 2013, à condition qu'elles donnent lieu à la signature de l'acte de vente avant le 1er janvier 2014, resteront sous l'ancien régime d'imposition.
Il me semble que ce délai de douze mois peut être contraignant, notamment si des fouilles archéologiques, des diagnostics ou une dépollution du terrain doivent être réalisés. Cet amendement vise donc, tout en maintenant au 1er janvier 2013 la date butoir pour la promesse de vente, à reporter la date butoir de signature de l'acte authentique au 1er janvier 2015.
Tout a été dit ou presque. La commission a accueilli favorablement cet amendement.
Même avis.
(L'amendement n° 678 est adopté.)
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 681 .
Dans la même logique, la période retenue par le Gouvernement pour le dispositif transitoire s'appliquant aux plus-values soumises au barème progressif de l'impôt sur le revenu ne semble pas être suffisante. Cet amendement vise donc, dans le cas où une promesse de vente a été conclue avant le 1er janvier 2014 et que la cession n'a pu intervenir avant le 1er janvier 2015 du fait d'une raison indépendante de la volonté du vendeur, à prolonger ce délai jusqu'au 1er janvier 2016.
J'entends bien l'intention de notre collègue. Néanmoins, la réforme ne s'appliquera qu'en 2015, ce qui laisse un temps suffisant pour s'adapter. D'autre part, invoquer une « raison indépendante de la volonté du vendeur » pourrait ouvrir grand la porte des cabinets d'avocats. La notion paraît beaucoup trop floue pour figurer dans la loi. Avis défavorable.
L'analyse du rapporteur général me semble juste. Même avis.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2013.
Je rappelle que nous commencerons par l'examen des articles 6 à 8, précédemment réservés.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron