La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’amendement no 137 n’est pas défendu.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 203 , 622 , 1018 , 623 et 1037 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 203 , 622 et 1018 sont identiques, de même que les amendements nos 623 et 1037 .
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 203 .
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué au budget, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, cet amendement, que j’ai déposé avec mon collègue Régis Juanico, vise à résoudre deux problèmes concernant la TVA applicable aux structures de jeux tubulaires dans les parcs d’attractions.
Premièrement, l’on constate que les différents services de la DGFIP divergent dans leurs appréciations et appliquent de ce fait à ces structures un taux de TVA soit de 5,5 %, soit de 19,6 %. J’ai sous les yeux des comptes rendus d’intervention de cette direction provenant pour deux d’entre eux du nord, pour deux autres de l’est et un de l’ouest : certains établissent un taux à 5,5 %, d’autres à 19,6 %, et ce alors même qu’un courrier de Christine Lagarde, ministre de l’économie et des finances à l’époque, datant de 2010, précisait bien au rapporteur général du Sénat, M. Marini, que le taux qui devait s’appliquer était celui de 5,5 %. Je demande donc à M. le ministre une clarification sur ce point, conformément au principe défendu par le Président de la République dans sa conférence du 16 mai dernier, selon lequel une ligne claire doit être appliquée sur l’ensemble du territoire, sur la base de textes eux-mêmes clairs.
Deuxièmement, les structures tubulaires dans les parcs d’attractions, selon qu’elles sont considérées comme démontables ou non, sont soumises à des taux de TVA différents : 5,5 % ou 19,6 %. Nous demandons que ces parcs soient traités comme des parcs forains et que le taux à 5,5 % s’y applique. Nous avons, là aussi, constaté des différences d’appréciation de la part de l’administration fiscale.
Je suis sur la même longueur d’onde que Mme Rabault. Il y a une vraie pagaille sur les taux de TVA applicables aux parcs, comme le montrent les nombreux amendements déposés à ce sujet. On ne sait plus quel taux s’applique, car celui-ci varie selon les directions départementales des finances publiques, ce qui est évidemment insupportable pour les exploitants de parcs, particulièrement de parcs d’attractions couverts pour enfants, qui font l’objet de traitements différenciés. Je n’entrerai pas dans le détail sur la nature des jeux qui peut déterminer le taux de TVA – selon que le contrôleur considère qu’ils sont animés ou pas, qu’il y a un thème ou qu’il n’y en a pas, que c’est un manège démontable ou non démontable… –, mais on n’y comprend plus rien. Surtout on voit ces parcs, qui accueillent des millions d’enfants un partout en France, à des tarifs évidemment nettement moins chers que les grands parcs d’attractions, fermer. C’est dommage pour l’emploi bien sûr, mais aussi pour les enfants.
Je souhaite donc que l’on clarifie les choses, afin que les exploitants ne soient pas à la merci de contrôles variables au terme desquels on applique un taux puis un autre. Je ne milite pas nécessairement pour un taux réduit – le taux intermédiaire, à 10 %, pourrait même convenir – mais il faudrait au moins arrêter de balader les gens et surtout éviter des fermetures dues uniquement à l’application d’un taux de TVA.
En résumé, je souhaiterais une clarification et une homogénéité de traitement sur l’ensemble du territoire national.
La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement no 1018 .
Je partage les préoccupations exprimées par Mme Rabault et M. Woerth, mais je milite, quant à moi, pour un taux réduit. On compte en effet environ 300 parcs de ce genre sur tout le territoire, avec à la clef beaucoup d’emplois. En outre, Éric Woerth l’a rappelé, ces parcs pratiquent des tarifs beaucoup plus bas que ceux des grands parcs d’attractions, alors même que le taux de TVA de ces derniers est beaucoup plus faible. Un taux réduit s’imposerait donc en la matière.
Et puis il y a autre chose : les revirements de l’administration fiscale. Aujourd’hui, nombre d’établissements font l’objet d’un redressement, et certains ont déjà fermé pour cette raison. La position de l’administration a été à certains moments précisée, par écrit de surcroît, mais il y a eu ensuite des changements de pied, de sorte que les exploitants ne savent pas le taux qu’ils auraient dû appliquer et font l’objet de redressements pour des sommes particulièrement importantes car, bien évidemment, le taux réduit et le taux de 19,6 %, ce n’est pas du tout pareil.
J’ai eu l’occasion de visiter des parcs, dans le département du Nord mais aussi dans l’Aisne, et on m’a interpellé sur cette question fiscale. Je ne vois pas comment leurs exploitants peuvent faire des prévisions et stabiliser les emplois si on ne précise pas, une fois pour toutes, le cadre fiscal.
Tels sont les motifs de cet amendement : taux réduit et précision du cadre fiscal.
Vous le voyez bien, monsieur le ministre : ce sujet dépasse largement les sensibilités ou les clivages partisans. Il est d’intérêt public que l’on précise, une fois pour toutes, ce qu’il en est.
La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement no 1037 .
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces cinq amendements en discussion commune.
Je ferai au préalable observer que tels qu’ils sont rédigés, ces amendements ne conduiraient pas à l’application du taux réduit mais à celle du taux intermédiaire.
La situation de ces parcs pose deux problèmes. Le premier, c’est un problème d’égalité, qui n’est pas nouveau, entre les parcs à thèmes et les autres, la différence se faisant concrètement souvent sur le critère de la taille, les gros n’étant pas traités comme les petits. La réponse est alors malheureusement budgétaire. Le second problème, semble-t-il plus récent, provient de l’interprétation administrative. Pour le SPACE – le Syndicat des parcs d’attractions couverts pour enfants –, une vingtaine de parcs auraient fermé en 2012 sous l’effet de redressements fiscaux, l’administration faisant selon ce syndicat, depuis quelques années, une interprétation plus restrictive des règles applicables à ces parcs et, de plus, variable suivant les régions.
Si l’on peut être sensible aux difficultés de ces entreprises, les amendements proposés, de par leur rédaction extrêmement précise, risquent d’introduire d’autres discriminations par rapport à d’autres parcs ou centres de loisirs. Si les difficultés sont liées à une évolution de l’interprétation de l’administration, ne pourraient-elles pas plutôt se régler par instruction ?
Je m’interroge sur ce point. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée et aux propositions du Gouvernement.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
Je reconnais bien volontiers que toutes les interventions qui soulignent un problème d’interprétation susceptible d’avoir des conséquences réelles pour le fonctionnement et pour les emplois des parcs à thèmes ou des parcs pour enfants soulèvent un vrai sujet. Il faut traiter cette question. Quelle est la situation actuelle ?
Pour ce qui concerne tout d’abord les structures gonflables, je tiens à confirmer de manière tout à fait explicite qu’elles bénéficient du taux réduit, comme le prévoit la doctrine administrative aujourd’hui opposable. Il n’y a pas sur ce point d’ambiguïté.
S’agissant des autres jeux tubulaires, seuls les jeux forains bénéficient du taux réduit. Mais la frontière entre les deux types de structures est parfois très ténue, ce qui crée une incertitude.
Par conséquent, je pourrais engager très rapidement une concertation avec l’ensemble des représentants de la profession qui utilisent ces structures – des professionnels doivent être reçus à Bercy dans les jours qui viennent – de manière à examiner concrètement les conditions dans lesquelles nous pourrons stabiliser la réglementation pour que les sujets que vous évoquez soient définitivement réglés, et qu’à la stabilité soit associée la visibilité, quelles que soient la nature, la structure et les particularités morphologiques des jeux concernés.
Sourires.
Je vous propose donc, compte tenu des éléments précis que je viens de porter à votre connaissance, de retirer ces amendements. En contrepartie, je le redis, je m’engage à régler cette affaire.
Je veux bien retirer mon amendement, monsieur le ministre, si un groupe de travail se réunit rapidement. Vous avez dit « stabilité » et « visibilité » : j’y ajouterai « viabilité ». Il faut en effet maintenir la viabilité de ce secteur créateur d’emplois.
Monsieur le rapporteur général, vous dites qu’il n’est pas question d’un taux réduit dans nos amendements, mais quand on reprend les instructions fiscales, et pas seulement celle donnée par Christine Lagarde – je pense que notre collègue Rabault tient les documents à votre disposition –, il est bien précisé que les prises de position formelles de l’administration fiscale, c’est-à-dire écrites, autorisaient bel et bien l’application d’un taux réduit de TVA, sur le fondement soit du b nonies de l’article 279 du code général des impôts, relatif aux parcs à décors animés, soit du b bis du même article. La défense de mon amendement s’appuie donc sur l’interprétation fiscale qui a été développée à l’époque.
J’ai bien entendu ce qu’a dit le ministre – j’ai une tendresse particulière pour les ministres du budget–
Sourires
et si une concertation est menée avec le syndicat des exploitants, il faut évidemment en profiter pour établir une harmonisation sans chercher à complexifier les choses : la TVA n’est pas un terrain de jeu. Il faut établir des règles les plus cohérentes possible à partir d’un taux réduit ou d’un taux intermédiaire
À cet égard, j’ai du mal à oublier mon passé de ministre du budget, cher collègue.
Sourires.
Quoi qu’il en soit, il faut qu’un taux qui ne soit pas le taux normal soit appliqué à tous ces exploitants
J’ajoute, s’agissant de la circulaire de Mme Lagarde, que je n’y suis personnellement pour rien.
Je me permets de préciser une nouvelle fois que, tels qu’ils sont rédigés, les amendements visent effectivement le deuxième alinéa du b bis de l’article 279 du code général des impôts, qui renvoie au taux intermédiaire.
Si le travail annoncé par le ministre conduit à une autre décision, nous nous y rallierons, bien sûr, mais je voulais préciser que, tels que rédigés, les amendements conduiraient à appliquer le taux intermédiaire.
Je suis plus en accord avec le ministre qu’avec le rapporteur général !
Je vous remercie, monsieur le ministre pour la clarification que vous avez apportée s’agissant des structures gonflables, quelle que soit leur morphologie. (Sourires.)
Puisque vous nous proposez de réunir un groupe de travail qui statuera de manière extrêmement précise sur les structures tubulaires des parcs d’attractions couverts – dont je rappelle que nous voulons qu’elles soient traitées comme celles des manèges forains et se voient appliquer un taux de TVA qui ne soit pas le taux normal –, je vais retirer mon amendement.
Soyons précis sur les échéances : nous recevrons le syndicat SPACE vendredi prochain et je m’engage à ce que les parlementaires qui ont déposé des amendements sur ce sujet soient reçus ensuite par mon cabinet, qui leur donnera toutes les informations.
Mes chers collègues, je déduis de vos interventions que l’ensemble des amendements sont retirés.
Pour défendre cet amendement, je vais prendre l’exemple d’un de nos compatriotes qui prend sa voiture diesel – qu’il va d’ailleurs devoir payer un peu plus cher – et s’arrête au bord de la route pour prendre un café.
Eh bien, le taux de TVA applicable à ce café sera un peu plus élevé que celui applicable au café qu’il aura pris à son domicile.
Au-delà de l’anecdote, le fait de ne pas appliquer le même traitement fiscal à un café pris à son domicile, considéré comme un bien de première nécessité et taxé au taux de TVA le plus faible – c’est-à-dire à 5,5 % et non pas à 5 % puisque nous évoluons dans ce sens – et à un café pris dans un distributeur…
…pose une vraie difficulté. Où est la cohérence ? Peut-être allez-vous nous la démontrer.
Mon cher collègue, tout amendement est respectable et je ne dénie à personne le droit de déposer des amendements.
Mais, tout d’abord, on peut se demander pourquoi vous déposez un amendement sur le café et non sur le thé ou le chocolat, voire la soupe, que l’on trouve aussi parfois dans les distributeurs automatiques.
Ensuite, le café que vous évoquez est tout de même un produit préparé. Si l’on suivait votre raisonnement, toute nourriture élaborée à base de produits taxés à 5,5 % devrait subir le même traitement ; ce serait s’engager dans une analyse pour le moins novatrice et étonnante.
Cet amendement ne peut donc en aucun cas être adopté par notre assemblée, même si je peux comprendre les motivations de son auteur. Avis défavorable.
Monsieur le député Le Fur, comme vous le savez, certains produits de consommation courante, comme le café, sont taxés au taux réduit de TVA. Dès lors que vous les achetez pour les consommer vous-même, vous bénéficiez de ce taux réduit.
En revanche, lorsque ces mêmes produits sont préparés à des fins de distribution dans des machines électriques, des cafés ou ailleurs, c’est le taux intermédiaire qui s’applique.
Vous proposez d’appliquer le taux réduit pour le café préparé. Pourquoi seulement le café ? Vous pouvez, en famille, consommer un café préparé, mais certains membres de la famille peuvent préférer le thé ou le chocolat.
Ainsi, ne pas taxer ces produits au même taux reviendrait à introduire une discrimination entre les membres de la famille, donc à porter atteinte à l’unité de celle-ci, ce qui devrait fortement vous déplaire.
Sourires sur les bancs du groupe SRC.
Dès lors que nous ne voulons pas discriminer les boissons selon leur mode de préparation et les préférences des membres de la famille, je ne vois pas comment nous pourrions accepter cet amendement.
L’amendement no 95 n’est pas adopté.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, premier orateur inscrit sur l’article.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons aborder un sujet que tout le monde n’appréhende pas de la même façon et sur lequel je vais essayer d’être concret : les droits de succession en Corse.
Pour commencer, je vais poser une question simple : peut-on fiscaliser un bien qui n’est pas déterminé et dont on ne connaît pas le propriétaire ? Si vous répondez par la négative, vous avez raison. Cela veut dire que pour passer de la situation actuelle, qui est bien connue, au droit commun, il nous faut nous organiser.
Le 30 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a censuré le texte de l’Assemblée nationale qui prorogeait de cinq ans l’exonération totale des droits de mutation par décès. Pour les raisons que j’ai indiquées précédemment, cette décision n’est pas applicable.
Face à l’impossibilité matérielle de mettre en oeuvre une décision du Conseil constitutionnel, que personne ne peut discuter et qui s’impose à nous, le Gouvernement – vous-même, monsieur le ministre, et le ministre de l’économie et des finances – a pris une première initiative, en publiant une directive ministérielle, une instruction fiscale, afin de retarder de vingt-quatre mois l’application de cette décision.
C’était sage, mais vous êtes allés plus loin et, dès le mois de janvier 2013, vous avez proposé de mener une réflexion globale sur la situation du foncier en Corse, qui est un véritable imbroglio. Ce groupe de travail, constitué de membres de la direction générale des finances publiques et de professionnels du foncier en Corse, a rendu ses conclusions, qui sont devenues officielles puisque, dès la semaine dernière, vous avez permis leur publication.
C’est sur la base de ces conclusions, monsieur le ministre, que nous vous proposons de sortir définitivement de cette situation ; nous ne voulons pas laisser perdurer l’imbroglio du domaine foncier en Corse.
Nous savons que le droit commun va s’appliquer en ce qui concerne la fiscalité des droits de succession et du foncier en général, mais nous vous demandons d’aménager un délai, afin que cette mesure rétroactive au 1er janvier 2013 permette d’atteindre progressivement, d’ici au 31 décembre 2022, le taux de 50 % de fiscalité en matière de droits de succession par décès. Au-delà, bien sûr, nous rentrerons dans le droit commun.
Mais pour atteindre cet objectif, comme le groupe de travail l’a fait sous votre autorité, nous proposons de suivre une autre piste, parallèle à celle-ci, qui consiste à user des donations entre vifs. En effet, au rythme des successions par décès, l’établissement des titres de propriété prendra vingt ans, comme l’indique l’expertise mentionnée dans le rapport.
Si nous passons par les donations entre vifs, nous pourrons réduire ce délai de moitié. Pour le foncier, les actes successoraux et l’organisation du patrimoine et des successions, il est préférable de ne pas attendre le décès.
En outre, en raison de l’exonération il n’y a pas eu, en Corse, de donations-partages, de donations entre vifs. Une fiscalité incitative peut contribuer, d’une part, à réduire le délai d’organisation des successions et, d’autre part, à encourager les donations entre vifs, améliorant ainsi les successions. Cela représente une modification des comportements, un changement de culture, de logiciel, dirai-je, qui aura un impact économique majeur.
Sur le continent, nos compatriotes pouvaient utiliser les deux moyens – donation ou succession par décès – alors que la Corse ne connaissait que la succession par décès. Je vous demande de nous permettre d’organiser notre patrimoine et sa transmission, en vertu du parallélisme des formes, en prenant le même modèle que la transmission par décès, et en apportant, dans le même délai avec les mêmes indices, une réponse en matière de donation entre vifs.
C’est utile pour que le foncier puisse être définitivement organisé et que nous puissions affirmer que le droit pourra s’imposer en Corse comme ailleurs.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole des orateurs inscrits sur un article est de deux minutes. Vous avez très largement dépassé ce temps de parole, monsieur de Rocca Serra, mais je ne vous ai pas interrompu, parce que vous n’êtes pas coutumier du fait et que le sujet est un peu complexe. Néanmoins, j’invite les orateurs suivants à respecter leur temps de parole.
La parole est à M. François Pupponi.
Je serai bref, madame la présidente, car mon collègue et ami Camille de Rocca Serra a dit beaucoup de choses. Nous vivons un moment solennel et historique, et je veux saluer la manière dont le Gouvernement a abordé ce sujet complexe, qui fait couler beaucoup d’encre depuis plusieurs décennies et qui a été remis au-devant de l’actualité par la décision du Conseil constitutionnel de l’année dernière.
Le Gouvernement, en particulier les ministres Cazeneuve et Moscovici, a abordé le sujet de la meilleure manière qui soit, en réunissant un groupe de travail qui, de manière objective, après avoir mené des travaux sérieux et constants depuis un an, a constaté le désordre juridique existant.
C’est fort de ce constat incontestable que nous avons déposé des amendements qui ont une base et un exposé des motifs sécurisés et affirmer deux choses : la Corse connaît un désordre juridique qui est le fruit de l’histoire ; celui-ci n’est pas le fait des seuls Corses.
Pour conclure, je souhaiterais tordre le cou à certaines déclarations que nous entendons depuis des années, y compris au sein de cet hémicycle, selon lesquelles les Corses ne voudraient pas payer d’impôts. Je tiens à démentir d’une manière un peu solennelle ces affirmations, car, si certaines railleries ou petites blagues peuvent parfois être sympathiques, il faut dire les choses telles qu’elles sont, et ce rapport le fait très bien.
Je remercie officiellement le Gouvernement et le Président de la République qui, en Corse, a déclaré que le travail parlementaire devait se dérouler ainsi, d’avoir pris cette sage décision qui nous permet enfin de travailler sérieusement sur ce sujet.
Je vais nécessairement être bref puisque mes deux collègues et amis ont tout dit. Cependant, je voudrais rappeler à l’Assemblée nationale que cette matière est compliquée, que la situation est injuste – la Corse ne peut aucunement être mise en accusation parce que l’État a laissé perdurer pendant deux siècles une incurie sur les titres fonciers – et que nous voulons en sortir, mais de manière réaliste.
En ce qui concerne le principe d’égalité, je ne vous ferai pas l’injure, mes chers collègues, de vous rappeler qu’il consiste à appliquer les mêmes droits et devoirs à des situations semblables et qu’appliquer à deux situations totalement dissemblables une même règle cela s’appelle de la discrimination. Quant à dire que la situation des titres fonciers est la même en Corse que sur le continent, ce serait méconnaître non seulement la réalité mais aussi, désormais, grâce au ministre Bernard Cazeneuve et au travail qu’il a mis en place, les constatations faites par un groupe de travail comprenant des experts venus de l’administration et des experts venus de Corse, d’ailleurs nommés par Bercy. La réalité est simple : plus de la moitié des propriétés n’ont pas fait l’objet d’une publication, et les deux tiers des propriétés en Corse sont au nom de personnes décédées et se trouvent dans une indivision de fait, parfois sur plusieurs générations.
Par ailleurs, il est extraordinairement difficile de rattraper les choses en un jour ni en quatre ans, puisque le GIRTEC, créé par la loi de 2002, a commencé à travailler en 2009. En quatre ans, vous imaginez bien qu’il ne peut pas remonter toutes les successions depuis 1802.
Tout cela est tout de même extrêmement simple et, aujourd’hui, ce que nous souhaitons, c’est revenir à la normale. Entre le chétif avantage que le ministère ne chiffre pas, l’économie que feraient, en droits de succession, les Corses, qui est infime, même pas quantifiable ni quantifiée par le groupe de travail, et l’inconvénient majeur qui résulte tant pour les personnes privées – nous en avons tous l’expérience à titre personnel – que pour les personnes publiques – j’y insiste, car l’acquisition publique, par voie d’expropriation ou par voie amiable, s’en trouve considérablement compliquée –, il y a un monde : d’un côté, un avantage extrêmement chétif, qui n’est d’ailleurs pas chiffré ; de l’autre, un monde d’inconvénients. De toute façon, là n’est pas la question : nous souhaitons revenir à la normale.
Comment donc ? Tout d’abord, soyons réalistes. Aujourd’hui, de toute façon, le ministère l’a reconnu lui-même, par une instruction fiscale, on ne peut pas appliquer ce qui est inapplicable en pratique ni, Camille de Rocca Serra l’a dit à l’instant, ce qui est inapplicable en droit. Comment voulez-vous, légalement, constitutionnellement, qu’on vous fasse payer des droits sur quelque chose dont on ne sait pas si ça vous appartient ou non, d’autant que, du fait de la situation, vous ne bénéficiez pas des droits afférents à la propriété, qui sont l’abusus, le fructus et l’usus ? Vous n’avez en tout cas sûrement pas l’abusus parce que vous ne pouvez pas vendre une propriété indivise, surtout quand il y a deux cents indivisaires.
Aujourd’hui, les solutions présentées sont de deux natures, Camille de Rocca Serra l’a dit : d’une part, une solution réaliste, mais qui consiste à taxer dès le début, c’est-à-dire dès l’année 2013 ; d’autre part, un travail sur les donations qui serait de nature à accélérer le processus de titrage par l’incitation.
On peut raisonnablement espérer mettre fin, en s’appuyant sur ces deux piliers, à deux siècles d’incurie.
Je suis élu de l’Aisne et, pourtant, ce sujet m’intéresse en tant que député de la nation. Il est vrai que quand on ne connaît pas la Corse, on ne comprend pas bien des problèmes tels que celui-ci. Cela a été dit par les différents orateurs qui m’ont précédé : les Corses veulent revenir à une situation de droit commun. Ceux qui ne connaissent pas la Corse ne comprennent pas et prétendent le contraire.
Mais la décision rendue par le Conseil constitutionnel à la fin de l’année dernière a créé une situation qui nourrissait nombre d’interrogations et nombre d’inquiétudes. Pourquoi donc ? Parce qu’on ne peut pas faire les choses dans la précipitation. Il ne s’agit en aucun cas, pour les Corses, de gagner du temps ; il s’agit de pouvoir faire les choses sérieusement, pour que personne ne soit lésé.
Les amendements qui seront présentés témoignent bien du souci de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel pour l’année 2013 mais aussi, pour l’avenir, de faire un travail que je qualifie de sérieux, en ayant le temps – pas trop de temps mais le temps nécessaire – pour que l’on puisse sortir de cette situation qui, c’est vrai, sortait de l’ordinaire. Je veux aussi rendre hommage à la méthode utilisée, au groupe de travail, constitué de manière sérieuse, qui a fait un travail sérieux et qui indique, par les orientations proposées, la façon d’en sortir.
Je pense simplement qu’il faut aller plus loin. La question des donations portée notamment par Camille de Rocca Serra et qu’a évoquée à l’instant Paul Giacobbi nous permettrait d’aller plus vite et de faire mieux encore. Elle permettrait une réelle incitation pour que tout le monde soit exactement dans la même logique.
En ce qui me concerne, je suis donc tout à fait d’accord sur la démarche concernant les successions, mais je pense qu’il faut dès maintenant aller plus loin, en y ajoutant la question des donations. Nous montrerons ainsi qu’il y a une volonté d’aller vers le droit commun dans les meilleures conditions, et, aussi, dans les meilleurs délais.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 829 , tendant à supprimer l’article 8.
Au nom du groupe UDI, je retire cet amendement. J’ai bien noté la démarche transpartisane de nos collègues. Surtout, j’ai entendu ceci, qui est important : sur l’ensemble du territoire de la République, il n’y a pas de régime particulier, tout le monde doit converger vers la même justice. Nous approuvons ces propos, et nous retirons l’amendement.
L’amendement no 829 est retiré.
La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 1023 .
L’amendement no 1023 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je ne veux pas alourdir le débat. Dans la mesure où les uns et les autres se sont exprimés, je ne vous infligerai pas une quatrième interprétation. Il s’agit simplement, quand même, et c’est un peu particulier, de faire en sorte d’ajouter une mesure incitative en déduisant de l’assiette les frais engagés en faveur de la reconstitution des titres.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 1041 .
Je crois que le problème a été très largement exposé.
L’objet de cet amendement est d’étendre aux donations la possibilité de déduire de la valeur d’un bien les frais de reconstitution des droits de propriété. Il s’agirait de rendre les frais de reconstitution des titres de propriété d’un bien déductibles de la valeur de ce bien soumis aux droits de mutation à titre gratuit, comme cela est prévu par l’article pour la détermination de l’actif successoral. Cette disposition répond à l’objectif visé par l’article.
Toutefois, si le propriétaire est en vie, ce qui est le cas dans les donations, il est tout de même moins légitime de l’aider que d’aider des héritiers qui subissent cette situation. Je suis donc plutôt défavorable à l’instauration d’un régime dérogatoire car, si j’ai bien entendu nos collègues parler d’un régime incitatif, il me semble quand même que c’est plutôt un régime dérogatoire, qui s’ajouterait aux dispositions prévues par l’article, sur lesquelles nous sommes globalement d’accord, moyennant peut-être quelques petits aménagements. Cette extension aux donations nous paraît fragile, et je ne souhaite pas fragiliser un article qui a déjà fait l’objet de beaucoup de discussions.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
En écoutant tout à l’heure François Pupponi remercier le Gouvernement, je me demandais s’il ne fallait pas aussi, d’une certaine manière, remercier le Conseil constitutionnel. En effet, chaque année, depuis vingt et un ans que je suis député et que je siège ici, j’ai entendu parler du retour au droit commun, et notre collègue Charles de Courson, qui n’est pas présent, nous faisait toujours des tirades enflammées sur le sujet. La décision rendue par le Conseil constitutionnel accélère vraiment le retour au droit commun.
Pour ma part, je pense que l’article 8 donne satisfaction. Comme Xavier Bertrand, je pense que ce groupe de travail et le Gouvernement ont fait un bon travail. Je trouve cependant que l’idée d’une incitation pour les donations est vraiment intelligente. Comme la décision du Conseil constitutionnel oblige à faire rapidement, en quelques années, même si un délai de vingt-quatre mois est prévu, ce qu’on n’a pas fait depuis les arrêtés Miot ou presque, on a intérêt à avoir un volet incitatif, Paul Giacobbi et Camille de Rocca Serra l’ont très bien dit, qui accélère les choses.
Le rapporteur général estime qu’il existe peut-être un petit risque juridique. Pour ma part, je n’en suis pas si sûr. La décision du Conseil constitutionnel est elle-même une décision d’incitation, qui oblige à avancer. L’idée d’une dérogation partielle, temporaire, sur les donations, me paraît donc vraiment intelligente.
Quel est l’objectif de ces amendements ? Il s’agit de faire en sorte que l’on accélère la reconstitution des titres de propriété. Je peux d’ailleurs comprendre la logique qui veut que l’on favorise, pour cela, les donations, qui sont de nature à conduire les membres d’une même famille, dès lors que l’un d’entre eux est le bénéficiaire de la donation, à accélérer la reconstitution des droits. Cependant, la décision du Conseil constitutionnel, à laquelle le président de la commission des finances vient de rendre hommage en la présentant comme une incitation à aller dans la bonne direction et que j’ai lue, demande, en gros, de faire très attention au principe d’égalité, et aussi, surtout, à celui d’unité et d’indivisibilité de la République, sous le signe duquel se placent souvent les interventions de Charles de Courson. Il s’agit là d’un principe constitutionnel très fort.
Dès lors que vous mettez en place pour les donations en Corse un régime qui déroge au droit commun, vous risquez de fragiliser tout ce que nous essayons de faire au terme des réunions du groupe de travail pour avancer dans la bonne direction. Et, comme je l’ai dit aux trois parlementaires qui se sont exprimés, MM. Giacobbi, Pupponi et de Rocca Serra, notre objectif est d’avancer et de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel pour sortir de cette difficulté et créer les conditions de la reconstitution de ces titres de propriété le plus rapidement possible.
Je partage donc le sentiment du rapporteur : il y a un risque juridique, et il vaut mieux consolider ce que nous faisons, plutôt que de le fragiliser. Je propose non pas de remettre en cause la logique de ce qui a été défendu mais d’articuler les choses dans le temps de manière à ne pas compromettre la sécurité juridique de ce que l’on peut obtenir tout de suite sous le prétexte qu’on pourrait en obtenir davantage. Sinon, nous risquons ne rien obtenir du tout.
Monsieur le ministre, nous pouvons être d’accord sur l’objectif d’une sécurisation. En revanche, je ne partage pas l’idée que ces amendements créeraient une rupture d’égalité. La rupture d’égalité, elle existe ! Les donations n’avaient effectivement aucun usage en Corse puisque les successions y étaient exonérées de droits. Les amendements tendent donc au contraire à réintroduire un critère pour aller vers plus d’égalité.
Ensuite, il ne s’agit pas de l’ensemble des donations. Que mes collègues le comprennent : ce que nous faisons aujourd’hui tient compte de la loi de 2002, laquelle a exclu de l’exonération des droits de succession tous les biens acquis depuis 2002. Nous parlons donc bien des biens acquis antérieurement, c’est-à-dire du désordre foncier. Si nous voulons améliorer les choses et aller plus vite pour régler le désordre foncier et reconstituer les titres de propriété, il faut effectivement utiliser l’outil fiscal comme un moyen d’incitation. La mesure ne porterait pas sur toutes les donations, elle profiterait seulement aux biens non titrés à ce jour. En vertu du parallélisme des formes, faire de même pour les donations que pour les successions présente un intérêt : nous divisons par deux le délai. Combien de fois nous a-t-on critiqués, comme le rappelait le président Gilles Carrez, en alléguant que nous voulions gagner du temps !
En l’occurrence, on vous le dit : on ne veut plus gagner du temps, on veut résoudre le problème dans sa globalité. Sur le continent, tous nos compatriotes ont pu recourir aux deux moyens pour organiser leur patrimoine : les donations, et les successions. Cela n’a pas été le cas en Corse jusqu’à présent, en raison de l’exonération des droits de succession. Nous sortons de ce régime, pour entrer dans un dispositif que vous pourrez qualifier de vertueux. Eh bien, allons-y ensemble, sur la globalité de l’organisation de la transmission du patrimoine, et résolvons le problème foncier définitivement ! Nous ne faisons là que suivre le groupe de travail, que vous avez mis en place.
Je vous remercie d’avoir fait publier le rapport de ce groupe de travail. Nous ne sortons pas de cette logique.
À cause de la décision du Conseil constitutionnel, nous nous trouvons dans une situation paradoxale. Si nous voulons respecter le parallélisme des formes, nous devons appliquer en Corse la même règle que sur le continent.
Sur le continent, la donation comporte un avantage fiscal incitant à ne pas attendre la succession par décès. En Corse, le droit existant est différent : on a intérêt à attendre le décès pour transmettre des biens, puisque les donations sont surtaxées par rapport aux successions.
Le désordre juridique est là : il existe une inégalité. Contrairement aux continentaux, les Corses n’ont pas intérêt à effectuer des donations. Mon amendement vise à appliquer en Corse le même régime que sur le continent, à savoir instaurer des droits de succession et favoriser les donations. Ce dispositif présente un autre avantage : il accélérera le titrage et permettra de sortir du désordre juridique actuel. Paradoxalement, nous proposons de rentrer plus vite dans le droit commun !
Cependant, monsieur le ministre, j’entends votre argument tout à fait pertinent sur le risque juridique causé par la décision du Conseil constitutionnel. Il serait quand même paradoxal – pour ne pas dire surprenant – qu’une disposition visant à faire entrer la Corse plus vite dans le droit commun soit censurée pour inégalité ! Le risque existe : doit-on le prendre ? Si j’ai bien compris votre position, monsieur le ministre, vous nous invitez à nous concentrer sur les successions et à ne pas prendre de risque tout de suite sur les donations – même si le raisonnement garde toute sa valeur sur ces dernières.
Sans le problème posé par la décision du Conseil constitutionnel, je pense qu’il n’existerait pas de désaccord entre nous. Notre débat porte plus sur la stratégie, la logique et les moyens de mettre en oeuvre une disposition que sur le principe. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous bien préciser votre proposition ? Celle-ci consisterait peut-être à réfléchir encore sur les donations, et à régler dès maintenant le problème des successions ; il ne s’agirait pas d’une fin de non-recevoir et, bien entendu, je serais prêt à retirer mon amendement.
Le rapport du groupe de travail présidé par maître Spadoni est le document sur lequel nous allons nous appuyer pour cheminer ensemble. Je veux le dire à M. de Rocca Serra : je désire que nous cheminions tous ensemble sur ce sujet. Nous nous sommes vus, nous nous sommes parlé et j’ai reçu les membres du groupe de travail.
Quelles sont les conclusions du rapport de maître Spadoni ? Il indique qu’il existe un désordre juridique en Corse, résultant de la difficulté dans laquelle se trouve l’île pour établir la totalité des actes de propriété permettant la taxation des Corses au titre des droits de succession à l’occasion d’un décès ; à ce titre, il est important de donner à la reconstitution des titres de propriété le temps nécessaire, de sorte que la taxation dans les conditions du droit commun puisse être progressivement mise en oeuvre.
Je confirme les propos de nos amis parlementaires corses : il n’y a pas de volonté des élus corses d’échapper aux droits de succession, mais simplement une volonté de leur part – que nous faisons nôtre après les travaux du groupe de travail – de créer les conditions matérielles de l’élaboration des titres de propriété pour pouvoir procéder à la taxation. Voilà ce que nous avons entre les mains !
Il s’agit d’ailleurs, messieurs les députés, d’un élément nouveau par rapport à l’an dernier qui pourrait corroborer l’exposé sommaire de vos amendements et confirmer leur pertinence ; le Gouvernement fait siens ces arguments. Cependant, le désordre juridique évoqué à l’instant par François Pupponi et ses collègues est tel que nous sommes dans une situation où tout ce qui paraît aller de soi en France ne va pas de soi en Corse, et tout ce qui paraît ne pas aller de soi en France est considéré comme pertinent en Corse.
La Corse est en France, monsieur le ministre ! Ne dites donc pas « en France », mais plutôt « sur le continent » !
Il en est ainsi des propositions concernant les donations. Je partage les propos de Camille de Rocca Serra : encourager aujourd’hui les transmissions par donation revient à inciter les familles qui procèdent à ces donations à reconstituer les titres de propriété ; c’est une bonne manière d’accélérer cette reconstitution, de raccourcir la durée de vie du groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse et de faire en sorte que l’impôt puisse être perçu dans les mêmes conditions que sur le continent. Je comprends parfaitement cela.
Notre objectif est de cheminer avec vous pour aboutir à une solution, mais je propose que nous ne prenions aucun risque juridique qui viendrait fragiliser la démarche que nous avons engagée ensemble. N’attendons pas les mois ou les années qui viennent, mais profitons de notre discussion actuelle sur le projet de loi de finances pour continuer à travailler les uns avec les autres de manière à sécuriser juridiquement le dispositif. Évitons de nous exposer, par une volonté d’aller trop vite ou de trop élargir le périmètre de l’amendement, à un risque d’inconstitutionnalité qui compromettrait, y compris en voulant bien faire, la réussite de tout ce que nous avons engagé.
Nous n’avons pas de désaccord sur l’analyse, mais il existe un principe de prudence juridique qui doit guider nos travaux sur tous les sujets. C’est la meilleure manière de faire en sorte que dans tous les villages de Corse – y compris à Cognocoli-Monticchi –, les titres de propriété des familles qui restent encore aujourd’hui en situation de partage puissent être reconstitués.
Monsieur le ministre, je veux prolonger le débat et clarifier les choses. Vous partagez l’analyse des députés ayant déposé ces amendements, reprise notamment par Gilles Carrez à l’instant. Vous pensez que l’incitation par le biais des donations a du sens ; votre seule interrogation n’est pas de nature budgétaire, mais uniquement juridique. Est-ce bien cela, monsieur le ministre ? J’aimerais vous entendre là-dessus.
D’un point de vue stratégique, cela signifie-t-il que vous nous donnez rendez-vous d’ici la fin de la discussion budgétaire parlementaire, jusqu’à la commission mixte paritaire ? Ou considérez-vous que cette question devra être réglée dans le cadre de la prochaine loi de finances rectificative qui interviendra ? Nous avons besoin de le savoir précisément.
Je ne suis pas juge constitutionnel mais, d’un point de vue juridique, on peut s’interroger sur la possibilité de sortir d’un système dérogatoire par une mesure dérogatoire. Je pense que c’est possible si celle-ci revêt un caractère temporaire, ce qui est le cas dans le dispositif présenté par les uns et les autres.
Monsieur le ministre, vous êtes visiblement d’accord sur la finalité. S’agissant des modalités, visez-vous la fin de la discussion parlementaire ou le prochain rendez-vous budgétaire ?
La Corse a souvent divisé ; aujourd’hui, je constate avec bonheur qu’elle unit.
Sourires.
Le seul élément dont nous débattons encore n’est pas un point de divergence, mais de stratégie, d’analyse, presque de tactique : doit-on sécuriser une partie de la mesure, c’est-à-dire le régime de retour au droit commun et son rythme ? Il me semble que l’application du droit commun en Corse fait l’objet d’un consensus
Sur le fond, il existe un autre consensus concernant la mesure que nous avons, avec François Pupponi, Camille de Rocca Serra et d’autres, proposée conjointement. Comme l’a excellemment expliqué Xavier Bertrand, il conviendra d’instaurer un régime dérogatoire de donation permettant de sortir plus vite d’une situation dérogatoire dont nous ne voulons plus.
Effectivement, la mise au point de ces dispositions demandera peut-être un peu de temps : le ministre devra nous indiquer si, à son sens, ce temps est celui de la loi de finances actuelle ou celui d’une loi de finances rectificative. Il faut aller au fond des choses, de manière à ne pas perdre l’usage de l’outil indispensable que constituent les donations, l’un des piliers du système qui permettrait d’aller plus vite. Dans ce cas, les donations auront probablement beaucoup de succès en Corse : elles seront utilisées dans le cadre de nombreuses successions anciennes, puisqu’il s’agit de biens acquis avant 2002.
« Chi va piano va sano. »
Je sais, mais cela pourrait y ressembler ! (Sourires.)
Dès lors que nous sommes d’accord sur le but et que nous ne sommes pas en désaccord sur les moyens – loin de là ! –, nous devons prendre ensemble des précautions pour atteindre notre objectif. Je ne propose pas de travailler pour le XXIIIe siècle, même si prendre autant de temps pourrait arranger un certain nombre d’entre vous. Faisons en sorte qu’à la fin de la discussion de ce texte, nous ayons réussi à trouver avec nos services des solutions intelligentes, pour peu qu’elles existent, en prenant toutes les précautions juridiques et avec toute la rigueur nécessaire, afin que les titres de propriétés soient reconstitués le plus vite possible et que la fiscalité puisse s’appliquer dans les conditions du droit commun – c’est d’ailleurs le souhait du Conseil constitutionnel.
Agissons ensemble. Nous avons commencé à nous voir et vous avez pu constater la disponibilité des services. Il est tout à fait normal que le Gouvernement ne veuille rien faire qui soit de nature à conduire le Conseil constitutionnel à censurer les dispositions qu’il proposerait et que vous voteriez. Prenons le temps de bien faire ! Je ne parle pas du temps long de l’histoire, mais du temps de la discussion budgétaire en loi de finances.
Restons-en aux deux premiers amendements ! Je retire l’amendement no 1041 .
L’amendement no 1041 est retiré.
Je comprends la position du ministre. Il faut distinguer deux parties dans nos propositions.
La première partie, qui concerne les successions à l’occasion d’un décès, doit être maintenue. Sur ce point, nous sommes d’accord : les amendements correspondants doivent aller au terme de notre débat aujourd’hui.
Quant à la partie concernant les donations, je tiens compte de l’approbation du ministre, mais aussi de ses réserves en termes de sécurité juridique. Sur ce point, nous avons le temps de poursuivre notre discussion.
D’ailleurs, le sujet des donations n’appelle pas une réponse immédiate. Au-delà de la question du temps, monsieur le ministre, nous sommes en train de réparer ce qui a été une rupture d’égalité : les donations n’ont jamais été pratiquées puisque les Corses n’y avaient pas intérêt. Nous rétablissons donc un équilibre ; nous avons le temps de le faire d’ici à la fin du débat sur le projet de loi de finances initiale, voire dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative – je n’en ferais pas un drame ! Nous avons jusqu’à la fin de l’année pour agir. Il s’agit d’un dispositif global. L’incitation doit être manifeste.
S’agissant des donations, j’ai proposé deux dispositifs dans deux amendements. Je n’impose ni l’un ni l’autre : c’est à nous d’étudier quelle serait la meilleure option pour garantir la sécurité juridique tout en instaurant un mécanisme efficace.
Monsieur le ministre, celui qui connaît Cognocoli-Monticchi connaît bien la Corse et les problématiques dont nous parlons, puisqu’il les vit lui-même. En favorisant les donations, nous changeons le logiciel et les comportements : nous faisons en sorte que les successions par décès ne soient plus l’objectif principal – c’est ce qui compte ! En même temps, nous savons que les donations sont un élément de la dynamique économique et qu’elles sont indispensables à la résolution de l’ensemble de ces problèmes. J’espère pouvoir compter sur vous et sur le Gouvernement jusqu’à la fin de ce débat.
L’amendement no 774 est retiré.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 1038 .
Pardonnez mon hésitation, madame la présidente, mais l’amendement examiné par la commission a été découpé par le service de la séance en trois amendements distincts. Cela nécessite donc un peu de réflexion.
C’est la raison pour laquelle je suis intervenue à plusieurs reprises pour m’assurer que tout le monde, au-delà des députés très concernés par le sujet, comprenne nos échanges.
L’amendement no 771 nous pose problème en raison, non pas de son objectif mais de sa rédaction. Nous lui préférerions l’amendement no 772 , qui a le même objet mais dont la rédaction plus opportune, plus rigoureuse, nous permettrait d’éviter des problèmes.
Je suis d’accord avec le rapporteur général sur le fait que le but est bon. Dès lors, il ne faut pas l’hypothéquer par une rédaction qui ne serait pas parfaite. Je propose donc de retenir plutôt l’amendement no 772 .
Monsieur Giacobbi, retirez-vous l’amendement no 771 au profit du no 772 ?
L’amendement no 771 est retiré.
L’amendement no 1038 est retiré.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 1039 .
Sourires.
Je m’étais montré favorable à ces amendements. J’en approuve le II, mais la rédaction du I – « substituer aux mots "la parcelle" les mots "l’immeuble" – me pose un problème, que l’on avait d’ailleurs soulevé en commission.
Néanmoins, nous pourrions adopter l’amendement en l’état, quitte à le corriger plus tard, car le problème n’est pas que rédactionnel. Allez, avis favorable !
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 1040 .
L’article 8, amendé, est adopté.
La parole est Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir le sous-amendement no 1106 .
Ce sous-amendement s’inscrit dans la même logique que celle qui a été exposée à l’instant, lors de la discussion sur les donations en Corse : il s’agit de sécuriser l’amendement de M. Giacobbi et de M. Pupponi – puisqu’ils sont identiques.
L’objet de ce sous-amendement est de limiter la portée des deux amendements et d’en garder les deux éléments essentiels : d’une part, l’exonération dégressive sur dix ans des droits de succession sur les biens et droits immobiliers situés en Corse, permettant ainsi un retour au droit commun à partir de 2023 ; d’autre part, l’aménagement du rôle de la commission mixte collectivité territoriale de Corse-État, qui serait chargée d’étudier les mesures fiscales à même de faciliter la reconstitution des titres de propriété.
Les autres dispositions relatives à l’allongement du délai de dépôt des déclarations de succession ainsi que celles relatives à l’exonération du droit de partage sont supprimées par ce sous-amendement.
Ces dispositions faisaient courir un risque juridique aux amendements proposés : il semble plus sage de s’en tenir aux deux éléments essentiels des amendements de mes collègues.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 1042 .
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques et sur le sous-amendement no 1106 ?
À la différence des dispositifs antérieurs, ces amendements mettent en place un système dégressif, puisqu’ils proposent de prolonger l’exonération de droits de mutation à titre gratuit sur les successions jusqu’en 2022 : 85 % de 2013 à 2016, 70 % de 2017 à 2019, 50 % de 2020 à 2022, puis 0 % en 2023.
J’espère que cette cadence sera considérée comme suffisamment incitative, sans être trop favorable. La commission s’est prononcée en faveur de la sagesse sur ces amendements.
Je pense que le sous-amendement de Mme Pires Beaune sécurise et améliore encore les amendements proposés, puisqu’il comporte des éléments de sécurité juridique très appréciables.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée. Bien entendu, je vous répète que nous disposons de tout le temps consacré à l’examen, du projet de loi de finances pour conforter cela ensemble.
Le sous-amendement no 1106 est adopté.
Sourires.
Il s’agit de modifier l’article 750 ter du code général des impôts et de préciser que les droits de mutation à titre gratuits sont imposés à raison du domicile fiscal du donateur ou du défunt. En effet, il ne paraît pas très cohérent de prendre en compte le domicile fiscal du bénéficiaire.
Le droit existant – que l’on voudrait modifier – cherche probablement à lutter contre des comportements abusifs, mais nous pensons qu’en réalité, cette protection supposée encourage l’exil fiscal.
Le rapporteur général est farouchement opposé à cet amendement, qui viserait à supprimer la possibilité d’imposer les biens soumis aux droits de mutation à titre gratuit des héritiers qui ont leur domicile fiscal en France.
En effet, le champ d’application territorial des droits de mutation à titre gratuit dépend du lieu de domicile fiscal du défunt ou du donateur, et du lieu de domicile fiscal des héritiers ou donataires, depuis la loi de finances pour 1999. Cet amendement vise à supprimer cette possibilité au motif que cela entraînerait de l’évasion fiscale. Une telle justification est pour le moins curieuse, dès lors que cette mesure a justement été adoptée afin de lutter contre la délocalisation fiscale des détenteurs de revenus et de patrimoines.
Elle vise des personnes physiques qui transféreraient leur domicile fiscal dans le seul but d’effectuer des donations ou de préparer leur succession : sans cette mesure, l’ensemble de leurs biens mobiliers et immobiliers sans assise en France échapperaient aux droits de donation et de succession.
La démarche des auteurs de l’amendement n’est évidemment pas cohérente avec les efforts réalisés par la France pour parvenir à un accord avec les pays voisins, notamment la Suisse, dans le cadre de l’imposition des successions. Avis très défavorable.
L’amendement no 997 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 123 .
L’amendement, qui pourrait être, à tort, qualifié d’amendement de repli, porte également sur l’article 750 ter du code général des impôts. Outre qu’elle permettrait de résoudre les difficultés évoquées par M. Mariton, la disposition proposée dans cet amendement a vocation à être inscrite dans les conventions que la France conclurait avec d’autres États.
Lorsqu’une personne étrangère résidant à l’étranger décède, ses héritiers résidant en France sont imposés sur l’intégralité des biens reçus, y compris les biens mobiliers, lesquels appartenaient souvent à leurs parents étrangers ou ayant toujours vécu à l’étranger. Cela pose de véritables problèmes. Puisque vous avez évoqué la Suisse, monsieur le rapporteur général, je vous rappelle que d’âpres négociations sont en cours avec ce pays, car les Suisses estiment qu’ils n’ont pas à être imposés par la France sur leurs biens, y compris mobiliers, situés en Suisse.
Il est vrai que certaines personnes peuvent s’expatrier pour des raisons fiscales ou liées à leur succession. C’est pourquoi nous considérons que, si le défunt s’est exilé peu de temps avant son décès, son héritier doit être imposé par la France.
En revanche, nous proposons que ceux qui vivent à l’étranger depuis longtemps soient exonérés de tout impôt de succession en France.
En tout état de cause, il nous faut vraiment agir dans ce domaine si nous ne voulons pas créer de tensions avec nos voisins.
Madame Schmid, vous défendez en quelque sorte un amendement de repli, en proposant de ne pas retenir le critère de résidence de l’héritier pour l’imposition des successions lorsque celui-ci n’a pas eu son domicile fiscal en France pendant au moins six ans au cours des dix dernières années passées.
J’ai la même position sur cet amendement que sur les amendements précédents, puisque la condition de durée de résidence introduite ne change pas l’appréciation des effets de la suppression : elle exonérerait de fait les personnes qui seraient parties à l’étranger pour échapper aux droits de succession.
J’ajoute qu’il faut peut-être laisser aux accords internationaux le temps de se conclure. J’ai bien pris connaissance des travaux en cours. Je pense que légiférer aujourd’hui sur cette question ne serait pas de nature à favoriser les conditions d’un accord entre la France et la Suisse – mais vous avez raison de préciser que ce pays n’est pas le seul concerné : ne stigmatisons personne.
En l’état, j’émets un avis défavorable.
Nos collègues corses indiquaient, tout à l’heure, que les Corses ne voulaient pas échapper à l’impôt. Ce n’est pas non plus notre objectif.
Pourquoi tous les biens d’étrangers n’ayant jamais vécu en France seraient imposés par la France ? Il en va de même pour les Français qui vivent à l’étranger depuis très longtemps : ils ne sont pas partis pour échapper à l’impôt. Quand on vit depuis trente ou quarante ans à l’étranger, on n’est pas parti pour échapper à l’impôt ! En imposant uniquement l’héritier d’un défunt parti vivre à l’étranger depuis moins de six ou huit ans – choisissez le délai qui vous convient –, vous permettriez à toutes les personnes non françaises de ne pas être imposées par la France sur leur héritage.
L’amendement no 123 n’est pas adopté.
L’amendement no 956 est retiré.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 1044 .
L’amendement no 1044 est retiré.
Nous revenons, par cet amendement, sur les droits de mutation des détenteurs de patrimoine. Actuellement, une personne propriétaire d’immeubles protégés au titre des monuments historiques agrées par le ministère des finances ou labellisés par la Fondation du patrimoine bénéficie de multiples avantages, tels que, par exemple, la déduction à 100 % des travaux de rénovation ou d’entretien. Ces avantages peuvent se justifier par la nécessité d’entretenir notre patrimoine en bon état. Pour quelle raison, en revanche, ces biens seraient-ils exonérés des droits de mutation, alors même que la différence de patrimoine est la première cause de l’inégalité en France ?
En effet, ces immeubles sont considérés, aujourd’hui, comme ouverts au public s’ils peuvent être visités cinquante jours par an, dont vingt-cinq jours non ouvrables, d’avril à septembre, ou quarante jours par an pendant les mois de juillet, août et septembre. Avouons que ces quelques jours de visite rendent difficilement compréhensible le fait que ces biens, dont l’entretien, la réparation et la rénovation sont financés par l’État, soient exonérés de droits de mutation.
Cet amendement vise, en conséquence, à appliquer un taux de droits de mutation à titre gratuit de 10 % sur ces bâtiments.
Nous avons déjà eu ce débat ce matin à propos de la déductibilité des travaux s’agissant des monuments historiques. Cet amendement est plus modeste que celui que vous avez défendu en commission, puisque vous proposez de substituer au droit en vigueur un taux de 10 %. Mon argumentation sera la même que ce matin et en commission. Vous le savez pour l’avoir vous-même rappelé, l’exonération est subordonnée à la conclusion d’une convention à durée indéterminée par les héritiers avec les ministres de la culture et des finances prévoyant le maintien des meubles dans l’immeuble, les conditions d’accès au public et les conditions d’entretien de ces monuments.
Ces derniers font souvent l’objet de travaux importants afin d’être préservés. Des contraintes sont souvent imposées par les Monuments historiques, ce qui renchérit, bien évidemment, le coût de leur sauvegarde. Je vous rappelle qu’en cas de non-respect des obligations, ces monuments redeviennent imposables aux DMTG. Le nouveau régime intermédiaire entre le droit commun et le régime des monuments historiques ainsi créé complexifierait encore un peu plus les choses.
Tous les arguments que je viens de vous exposer prouvent qu’il convient d’opter, en la matière, pour une certaine stabilité, sachant que le régime actuel a donné lieu à des discussions et des négociations et qu’il semble aujourd’hui faire l’objet d’un assez large consensus. Avis défavorable, donc
L’amendement no 594 n’est pas adopté.
Cet amendement a pour objet de rétablir le seuil et le barème de l’impôt de solidarité sur la fortune dans la rédaction qui prévalait avant la réforme de 2011. Il est ainsi proposé d’abaisser le seuil d’imposition à 800 000 euros, contre 1, 3 million, et de rétablir le taux marginal de 1,8 %, contre 1,5 % actuellement.
Bercy table, cette année, sur un produit de l’impôt de solidarité sur la fortune de 4,3 milliards d’euros, après 4,1 milliards en 2012. Pour 2014, le budget est construit sur la base d’une prévision de recette d’ISF de 4,7 milliards d’euros, soit une hausse de près de 10 %, évaluation fondée sur l’évolution prévisionnelle des marchés et des prix de l’immobilier et sur le renforcement des mesures de lutte contre la fraude.
Cette dynamique rend d’autant plus regrettable, pour ne pas dire frustrant, le fait d’avoir opté l’an passé pour un retour seulement partiel sur la réforme de 2011. Un simple retour à la situation antérieure à cette réforme permettrait de dégager des recettes supplémentaires sans que ce surcroît d’impôt pèse sur les classes moyennes et les classes modestes.
Cette mesure est d’autant plus justifiée que les inégalités de patrimoine n’ont cessé de s’accroître. Selon les données de l’INSEE, en 2010, les 10 % des ménages les plus aisés détenaient 50 % du patrimoine total des ménages alors que le patrimoine net moyen des ménages s’élevait à 229 000 euros et que 90 % de la population détenait un patrimoine inférieur à 552 300 euros.
Encore faudrait-il nous attaquer parallèlement aux niches fiscales dont cet impôt est truffé, pour l’équivalent de la moitié de son rendement, afin d’en faire un impôt juste et efficace en termes de rendement budgétaire et de réduction des inégalités de patrimoine. Je crois me souvenir, monsieur le ministre, que cette mesure n’est que la reprise d’une disposition adoptée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 sous la houlette de Mme Bricq, alors rapporteure générale.
Il me semble aussi qu’en ces moments où nos concitoyens peuvent parfois douter des conditions réelles dans lesquelles s’effectue la redistribution et en tiennent d’ailleurs quelque peu rigueur au Gouvernement et à tous les partis de gauche, adopter cet amendement serait adresser un signe fort aux classes moyennes et modestes.
Nous proposons, dans le même esprit, de revenir totalement et non partiellement sur la réforme de 2011. La loi de finances rectificative de juillet 2012 et la loi de finances pour 2013 indiquaient la volonté de l’exécutif de revenir sur l’allégement de l’impôt sur la fortune décidé en 2011. Pourtant, aucune de ces deux lois n’a revu le seuil d’entrée, seuil qui s’élevait jusqu’en 2011 à 800 000 euros et que la réforme de 2011 a sensiblement relevé en le portant à 1,3 million.
Alors que la TVA, qui touche tous les ménages, va augmenter au 1er janvier 2014, nous proposons de revenir, conformément aux engagements pris lors de la campagne électorale, au seuil de 2011, soit 800 000 euros de patrimoine. Ainsi, les contribuables disposant des patrimoines les plus élevés participeront, comme le précise la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en raison de leurs facultés à la solidarité nationale.
La commission n’a pas retenu ces amendements. Un débat nourri et approfondi s’est déroulé l’année dernière, qui a permis de redonner un contenu à un ISF qui avait été totalement vidé de sa substance par nos prédécesseurs. Les prévisions de recette de cet impôt pour 2014 sont de 4,7 milliards. Nous avons débattu de son seuil, de son taux et des trous, puisque vous avez fait allusion aux trous et aux niches. La discussion a été vive et passionnée – votre serviteur en sait quelque chose !
Il n’y a pas lieu de revoir cet impôt tous les ans. Cela n’empêche pas, bien sûr, le débat, qui est toujours intéressant. Mais si nous évitions de répéter les mêmes choses pour arriver aux mêmes conclusions, nous gagnerions en efficacité, en stabilité, en lisibilité, voire en acceptabilité. Je vous propose, en conséquence, de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Je maintiens cet amendement et je tiens à répondre au rapporteur général que, l’an passé, les conditions n’étaient pas les mêmes : le CICE n’existait pas.
Il y en a un, monsieur Carré, puisque le choix a été fait de diminuer l’impôt sur les sociétés et de modifier l’architecture fiscale du pays.
Aujourd’hui, on frappe les ménages en augmentant la TVA de 6 milliards. Nous aurions donc pu leur envoyer un signe politique fort en revenant à l’ISF d’avant la réforme de 2011.
L’amendement no 885 n’est pas adopté.
L’amendement no 538 n’est pas adopté.
Cet amendement a trait à la fiscalité applicable aux oeuvres d’art. Ce débat est toujours révélateur des sentiments profonds des uns et des autres. Il existe, en ce qui concerne les d’oeuvres d’art, un certain nombre de singularités dont je considère qu’elles tournent aux privilèges. Ce matin, déjà, nous avons abaissé la TVA sur les oeuvres d’art importées – on augmente la TVA sur tous les produits, mais là, on la minore !
Il existe également une spécificité en matière de plus-values ; nous y reviendrons. Encore une fois, certaines particularités deviennent des privilèges lorsqu’il s’agit de l’ISF. Je ne suis pas un fanatique de l’ISF,…
…mais, dès lors qu’il existe, il me semble assez logique que les patrimoines, quelle que soit leur nature, soient traités de la même façon. Or les oeuvres d’art échappent totalement à l’ISF. Au reste, nos compatriotes connaissent bien cet élément de l’histoire fiscale : cette mesure est un péché originel puisque, déjà, au temps de l’impôt sur les grandes fortunes, donc dès 1982, cette exonération – chacun peut y associer des noms de personnalités – avait été inscrite dans le marbre de la loi.
C’est faux et vous le savez bien ! Le président Carrez a eu le courage de le dire !
Toujours est-il qu’aujourd’hui les oeuvres d’art ne sont pas soumises à l’ISF. Or il est particulièrement désagréable, en ces périodes de difficultés économiques, que celui qui investit son patrimoine dans une PME – sans en être gestionnaire, car il serait alors épargné – soit considérablement touché par l’ISF…
…alors que, s’il avait réalisé le même investissement dans des oeuvres d’art, il aurait été totalement épargné.
Mon amendement vise donc à revenir sur ce privilège. On me répondra que les oeuvres d’art ne rapportent pas. mais la résidence principale ne rapporte pas davantage ! Elle figure néanmoins dans l’assiette de l’ISF. Soyons logiques ! Il fut un temps où une excellente collègue députée, devenue aujourd’hui ministre de la culture, me soutenait dans cette démarche. Je rappelle également qu’il avait été envisagé de ne pas faire entrer les oeuvres d’art dans l’ISF, dès lors qu’elles sont accessibles au public. C’était cohérent, mais cette éventualité a disparu du débat.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 701 .
Je compléterai les propos de mon collègue Marc Le Fur. Je dépose cet amendement depuis plusieurs années maintenant. On parle souvent de justice sociale. Nous devons donc nous interroger sur cette exonération au moment où l’on demande des efforts aux uns et aux autres, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur général ? L’origine de cette exonération a été très bien été rappelée.
Le 29 septembre 2010, suite à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a mis fin à la distinction entre les biens productifs de revenus et les autres biens, considérant qu’« en instituant un impôt de solidarité sur la fortune, le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et de droits. […] La prise en compte de cette capacité contributive n’implique pas que seuls les biens productifs de revenus entrent dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune. »
Nous ne menons pas une bataille contre la culture, la création et les artistes, tant s’en faut. Mais il existe des activités spéculatives en la matière et vous les connaissez fort bien comme nous, monsieur le rapporteur général. Comment se fait-il que la résidence principale, même s’il existe un abattement, et les biens meublants qualifiés à hauteur de 5 % du patrimoine environ entrent dans l’assiette de l’ISF et que ce ne soit pas le cas pour une oeuvre d’art référencée ? C’est une anomalie.
Pour conclure, je pense qu’il faut réfléchir à cette réponse du Conseil constitutionnel, qui nous montre la voie à suivre. Il a été entendu sagement tout à l’heure s’agissant des transmissions de patrimoine en Corse. Il conviendrait de le suivre également sur ce point.
Je serai très bref, puisque le débat a déjà eu lieu. Vous enfoncez une porte ouverte, monsieur Le Fur. Je ne siégeais pas dans cet hémicycle à l’époque, mais, pour avoir longuement discuté de la genèse de cette dispense d’assujettissement à l’ISF, je sais que beaucoup reconnaissent, y compris dans votre famille politique, que ce à quoi vos insinuations semblaient faire référence n’est, en fait, qu’une légende.
Je vous ferai une confidence. L’année dernière, nombreux sont ceux qui sont intervenus auprès de moi, y compris des membres de votre famille politique, pour me dire que ce que je proposais n’était pas bien. Eh bien, alors que j’étais catalogué, au sein de ma famille politique, parmi ses amis, la personne à laquelle vous venez de faire très directement allusion ne s’est pas permis un seul appel direct ou indirect sur ce sujet. Vous n’êtes pas obligé de me croire, mais je vous le dis. On pourrait reprendre le débat épique que nous avons eu l’année dernière, mais il a été très approfondi et la question a été tranchée. On ne va pas le rouvrir tous les ans.
Vous connaissez mon point de vue personnel. Je maintiens mon avis défavorable sur ces amendements.
Il est vrai que le débat a eu lieu l’année dernière lors de la discussion budgétaire, comme d’ailleurs à d’autres occasions. Sur le principe, Eva Sas l’a souligné avant moi, nous voulons continuer à reformater progressivement l’impôt de solidarité sur la fortune. L’an dernier, un travail important a été réalisé par notre majorité, dans le sens de la justice, contrairement à ce qui avait été fait auparavant. Nous proposons par l’amendement d’Eva Sas de poursuivre ce travail, ce qui me semble assez légitime dans une période de grandes difficultés économiques, sociales et budgétaires, où l’on demande des efforts à l’ensemble de nos compatriotes.
Sur le principe, et sans alimenter à mon tour le débat, je veux simplement exprimer le souhait de mon groupe que les oeuvres d’art soient intégrées dans l’assiette de l’ISF.
Le débat a eu lieu, mais il nous avait permis de progresser sur la méthode et l’objectif.
Nous devions nous réunir pour mettre à plat un certain nombre d’éléments. Or non seulement nous ne nous sommes pas réunis, mais nous avons pris des décisions ce matin en matière de TVA applicable aux oeuvres d’art. J’ai bien noté le propos du président : nous nous réunirons, et c’est très bien.
Il avait également été décidé de prendre en compte comme critère d’exonération le fait qu’une oeuvre d’art est accessible au public. Or, la plupart de nos oeuvres d’art, et en particulier les plus chères, sont au troisième sous-sol des coffres des banques.
Je me rappelle le mot du général de Gaulle, qui reprochait aux communistes d’être communistes et aux socialistes de ne pas l’être !
J’irai dans le sens de Marc Le Fur, en rappelant qu’un ancien ministre du budget avait souligné que, bien souvent, les oeuvres d’art n’étaient contemplées que par les parois d’un coffre-fort.
Alors que le maître mot, le fil rouge de votre action, c’est la justice,…
…là, vous nous dites que les oeuvres d’art sont un sanctuaire dans lequel il ne faut surtout pas rentrer. Comment voulez-vous que l’on vous croie ?
Accordez-nous que l’achat d’oeuvres d’art peut avoir un caractère spéculatif. S’il y a des revenus particuliers, qu’ils soient soumis à la fiscalité comme les autres ! La précédente majorité a favorisé des convergences très fortes entre les revenus du travail et ceux du patrimoine, et vous avez poursuivi dans cette voie, à laquelle l’UDI est favorable. Pourquoi faire une exception pour les oeuvres d’art ?
J’espère que vous ne pensez pas, monsieur le rapporteur général, que le débat est clos pour la législature ; nous y reviendrons chaque année.
Protestations sur les bancs du groupe UDI.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement no 764 .
Cet amendement a trait au sort et au statut de ce que l’on appelle les holdings animatrices, qui sont bien entendu différentes des holdings financières dans la mesure où elles agissent dans le cadre de la gestion d’un groupe d’entreprises, partagent la détention des titres et interviennent dans les domaines comptable, immobilier et dans la gestion en général.
Il a pour objet de faire reconnaître le caractère opérationnel de ces holdings animatrices, afin qu’elles puissent être intégrées de manière claire, au sens du code général des impôts, dans l’ensemble des actes de gestion d’une entreprise et d’un entrepreneur et, à ce titre, bénéficier de réductions d’impôt, d’abattements et de régimes incitatifs tels que ceux dont nous discutons dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
Il s’agit donc de reconnaître la nature entrepreneuriale, et non financière, de ces holdings animatrices.
Je comprends bien l’esprit de l’amendement, monsieur Fromantin. J’ai moi-même été alerté sur le fait que, lors de certains contrôles, on ne voulait pas considérer les holdings animatrices comme des sociétés opérationnelles. Malheureusement, votre amendement est plutôt mal rédigé et ne permettrait pas de répondre totalement à votre souci, qui est légitime. Cela dit, les instructions données à l’administration fiscale permettent d’y répondre. Si le ministre s’exprimait ici, ses propos pourraient peut-être conforter cette analyse, appuyer des recours ou clarifier les choses lors d’éventuels contentieux, mais inscrire cette instruction dans la loi ne nous paraît pas sain, d’autant que la formulation retenue ne nous semble pas exempte de tout reproche.
Le problème est posé. Je confirme ici – si tant est que ma voix puisse être éventuellement entendue par un juge, mais je laisserai le ministre dire ce qu’il en pense – que les parts de sociétés holdings animatrices sont considérées comme des parts de sociétés opérationnelles et sont exonérées au même titre que celles de sociétés opérationnelles bien connues.
Je suis donc défavorable à votre amendement.
Monsieur le député, vous proposez de légaliser la doctrine administrative qui prévoit l’éligibilité des parts et actions d’une société holding animatrice au régime des biens professionnels en retenant la définition jurisprudentielle déjà reprise d’ailleurs dans la loi pour le dispositif ISF-PME.
Je comprends, comme le rapporteur général, le sens de cet amendement, le besoin de sécurisation pour l’accompagnement des PME-PMI, dans l’innovation notamment.
La loi exclut du régime des biens professionnels les parts ou actions de sociétés ayant pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier. Dans le cas d’une société holding animatrice de son groupe, ces dispositions ne trouvent pas à s’appliquer dans la mesure où son activité principale n’est justement pas la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier. Autrement dit, dès lors que les participations détenues par la société holding ne font pas l’objet d’une gestion patrimoniale mais constituent le moyen de diriger, d’animer son groupe, le régime des biens professionnels est totalement applicable. Par conséquent, la loi, en l’état actuel des choses, est claire.
Par ailleurs, il n’est pas certain que la proposition que vous formulez constituerait une réelle avancée pour les redevables dans la mesure où l’appréciation du caractère animateur d’une holding ne peut, quoi qu’il en soit, se faire qu’à la lumière d’une situation de fait.
En tout état de cause, l’inscription dans la loi ne changerait rien. Elle ne saurait faire obstacle à une éventuelle remise en cause par l’administration dans le cadre de l’exercice de son action de contrôle du caractère animateur d’une holding après examen factuel de la situation particulière en question. En revanche, je partage pleinement votre souci d’assurer la plus grande sécurité juridique aux redevables et je vous assure de la très grande vigilance de mon administration sur ce point.
Je regrette que nous ne profitions pas de cette occasion pour clarifier vraiment la situation.
La holding animatrice est une opportunité donnée à des entrepreneurs d’organiser, de mutualiser un certain nombre de services génériques qui pourraient être logés dans l’entreprise, afin, dans un souci de développement, d’améliorer la rentabilité, la compétitivité d’un groupe d’entreprises ou d’un entrepreneur. Nous avions une occasion intéressante de clarifier ce statut, de le reconnaître comme élément opérationnel d’une stratégie d’entrepreneur et, dans la mesure où c’est déjà admis dans un certain nombre de cas, de l’inscrire dans la loi. Cela n’aurait pas empêché que des contrôles soient opérés. Nous aurions pu envoyer un signal aux entrepreneurs ayant de telles holdings animatrices, qui, encore une fois, sont souvent confondues avec des holdings financières, lesquelles ont bien entendu un tout autre objet.
Je comprends votre réponse, monsieur le ministre : vous estimez qu’il faut en quelque sorte procéder à une analyse au cas par cas. Mais – et je ne sais pas, monsieur Fromantin, si c’est le même type de problèmes dont vous avez eu connaissance – le cas suivant paraît assez fréquent. Une holding animatrice détient des participations dans une dizaine de sociétés mais, pour l’une d’entre elles – qui ne représente que 5 % par exemple du total des participations –, la fonction animatrice ne peut pas être démontrée ou peut être mise en question. Dans ce cas, l’ensemble des participations sont déclassifiées, et cela pose problème.
Je ne sais pas, monsieur le ministre, si vous pouvez répondre à cette question précise, mais je crois que c’est l’une des difficultés que l’on rencontre aujourd’hui.
La question que vous soulevez, monsieur le président de la commission des finances, est d’une autre nature que celle qui est posée par M. Fromantin, puisqu’elle porte en réalité sur ce qu’est une holding animatrice. C’est un point qui doit être clarifié sur le plan juridique par la doctrine ainsi que par des dispositions que nous pourrions prendre nous-mêmes, ce qui éviterait qu’un examen de la situation au cas par cas ne donne le sentiment que l’administration peut, de façon discrétionnaire et aléatoire, appliquer des doctrines différentes à des cas semblables.
Je propose donc, si vous en êtes d’accord, que nous travaillions dans ce sens. Nous pourrons alors apporter toutes réponses utiles à la question de M. Fromantin, éventuellement d’ailleurs lors d’une réunion de la commission des finances.
L’amendement no 764 n’est pas adopté.
Cet amendement vise, comme notre amendement précédent, à revenir entièrement, et non pas seulement partiellement, sur la réforme de l’ISF de 2011.
Avant la réforme de 2011, le taux marginal était de 1,8 %. Nous sommes revenus à ce taux dans la loi de finances rectificative de 2012, grâce à la contribution exceptionnelle sur la fortune. Et là, surprise : dans le projet de loi de finances 2013, le taux marginal est abaissé à 1,5 % !
Comme l’a indiqué François de Rugy, notre président de groupe, dans sa précédente intervention, nous souhaitons dans un souci de justice fiscale, revenir au taux marginal de 1,8 %, que personne ne pourra considérer comme confiscatoire ou exagéré puisqu’il était en vigueur pendant toute la première partie du mandat de l’ancienne majorité.
Nous avons eu quasiment le même débat tout à l’heure et j’ai rappelé les chiffres de progression de l’ISF. Il est légitime – je réponds à M. Vigier – de rouvrir les débats tous les ans : libre aux parlementaires de le faire. Plus de mille amendements ont été déposés sur cette première partie : c’est un record absolu. Si nous en recevons 1 500 l’année prochaine, nous ferons avec. Avis défavorable.
L’amendement no 541 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Tout d’abord, monsieur le ministre, dans le débat sur la fiscalité corse, tout à l’heure, votre langue a fourché puisque vous avez parlé de l’impôt en France et de l’impôt en Corse. Sans doute était-ce un lapsus.
Cet amendement concerne la dimension familiale de l’ISF. On a parlé hier de la décote, et il existe dans notre système fiscal des curiosités, aux deux bouts : la décote n’est pas conjugalisée l’ISF non plus. Cet amendement porte sur les enfants et non sur la conjugalisation. Je présenterai sans doute, en seconde partie, un amendement sur la conjugalisation ; ce serait cohérent car la situation est aujourd’hui assez aberrante, le fait d’être marié ou pacsé étant pénalisant pour l’ISF.
Cet amendement pose la question de la prise en compte des enfants. Depuis la création de l’impôt sur les grandes fortunes, il existait un abattement par enfant, que la gauche, en son temps, n’avait pas supprimé. Cet abattement n’avait jamais été actualisé ; nous y avons remédié au moment de la réforme de l’ISF. L’an dernier, le Gouvernement n’avait pas proposé sa suppression, mais un amendement parlementaire, dont notre rapporteur général était très fier, l’a supprimé. Ce n’est guère juste, d’autant que la réforme de 2011 n’était pas parfaite et avait un effet assez malheureux au tout début de l’entrée dans l’ISF, compte tenu du fait que l’on ne paie cet impôt qu’à partir d’un patrimoine de 1,3 million mais que le barème commence à 800 000 euros. Pour les patrimoines du début de l’ISF, qui sont assez souvent des foyers avec enfants, cet abattement, pour le coup, contribuait au lissage d’un nouveau barème assez malheureux.
Bref, il serait juste, monsieur le ministre, comme le Gouvernement l’avait à l’esprit l’an dernier, de prévoir un abattement pour enfant. Peut-être pourriez-vous nous indiquer également vos intentions sur les perspectives d’une conjugalisation de l’ISF, qui serait, comme pour la décote, une mesure juste.
Je voudrais remettre les choses à leur place. Votre goût pour la famille, monsieur Mariton, dépasse l’entendement,…
…puisque vous proposez de réduire l’ISF de 300 euros par personne à charge. Connaissant les montants des patrimoines à partir desquels se déclenche l’ISF, je pense que vous n’êtes pas cohérent : vous auriez dû proposer 3 000 euros !
Vous auriez également pu prévoir une réduction variable en fonction du patrimoine, puisque vous êtes attaché à ce que le coût d’une personne à charge – nous avons eu le débat hier assez longuement – soit proportionnel au niveau de vie de la famille.
L’adoption de cet amendement nous coûterait cher, puisque c’est la bagatelle de 24 millions d’euros que vous souhaitez remettre dans le circuit. J’éviterai tout qualificatif pour cette proposition, afin de ne pas vous provoquer, car cette séance se passe plutôt bien. Avis défavorable.
L’ISF a fonctionné environ trente ans avec un abattement pour enfant, qui faisait partie de la conception même du système. J’imagine que ceux qui ont voté et appliqué ces dispositions pendant tant d’années n’étaient pas tous des crétins. Je trouve donc votre réponse extrêmement méprisante pour les ministres et parlementaires, de droite et de gauche, qui ont pendant plusieurs dizaines d’années voté et appliqué un dispositif de ce type.
Ce n’est pas non plus très aimable à l’égard du présent gouvernement qui n’avait pas proposé de le supprimer l’an dernier, mais j’ai bien compris que la majorité, qui trouve que le Gouvernement n’en fait jamais assez sur ce terrain, a souhaité, par votre entremise, en rajouter. Je trouve que ce n’est pas heureux.
Le sujet, vous le savez, monsieur le rapporteur général, ce n’est pas seulement le patrimoine mais aussi le revenu. L’ISF doit être payé à partir de revenus et non à partir du patrimoine ; c’est un impôt de stock payé par des flux. Il n’est donc absolument pas négligeable pour des familles de bénéficier d’un tel abattement. Le législateur et les gouvernements successifs l’ont ainsi compris pendant une trentaine d’années ; je ne crois qu’ils étaient plus bêtes que nous.
Monsieur Mariton, quand l’ISF faisait l’objet d’une réduction pour enfants à charge, le taux était différent.
L’entrée dans l’ISF n’était pas au même niveau non plus : 800 000 euros contre 1,3 million aujourd’hui. Ces éléments devraient vous inciter à plus de modestie.
L’amendement no 998 n’est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 282 .
Cet amendement extrêmement important résulte d’une réflexion constante sur le plafonnement de l’ISF. Ce dernier est plafonné de façon que le quotient de l’impôt payé, au numérateur, divisé par les revenus, reste inférieur à 75 %, le Conseil constitutionnel jugeant qu’au-delà de ce taux il serait confiscatoire. La question porte sur les revenus et les assiettes qui doivent être pris en compte.
Le Conseil constitutionnel – je connais déjà les arguments qui vont m’être opposés car j’ai lu la presse – avait annulé une disposition portant cinq types de revenus au dénominateur : les intérêts des plans d’épargne-logement, la variation de la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation des contrats d’assurance-vie ainsi que des instruments financiers de toute nature visant à capitaliser les revenus, les produits capitalisés dans des trusts à l’étranger, le bénéfice distribuable par les porteurs de parts ou d’actions d’une société assujettie à l’IS à condition que le contribuable ait contrôlé cette société, ainsi que les plus-values ayant donné lieu à sursis d’imposition et les gains ayant donné lieu à report d’imposition. Le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition inconstitutionnelle.
Je propose de réécrire l’article en ne prenant en compte qu’un seul placement, en partant du principe suivant : tous les revenus ayant donné lieu au paiement d’une contribution sociale, qu’ils soient réalisés ou non – il s’agit notamment de plus-values réalisées dans des contrats d’assurance vie –, peuvent être assimilés à des revenus réalisés et figurer au dénominateur de la fraction.
Cela s’appuie sur la pratique qui était celle du bouclier fiscal, dans sa méthode de calcul, à laquelle le Conseil constitutionnel n’avait rien trouvé à redire. La disposition telle que je l’envisage ne semble donc pas courir le même risque d’inconstitutionnalité, puisqu’il s’agit de s’aligner sur une pratique qui n’a pas été jugée inconstitutionnelle.
Pardon d’avoir été un peu long, mais, pour le cas où le juge constitutionnel se saisirait de ce point, il est important que figure cette argumentation, car certains pourraient justement penser que l’amendement présente une certaine fragilité constitutionnelle. Il me semble d’ailleurs que le président de la commission des finances, qui n’est pas là à cet instant, avait considéré en commission que ce raisonnement était tout à fait cohérent.
J’ai pris au mois de juin une instruction sur ces matières, reprenant des dispositions incluses dans un amendement de Gilles Carrez présenté il y a quelques années, en 2011, je crois, sur les modalités de mise en oeuvre du bouclier fiscal. Ces dispositions avaient été déférées au Conseil constitutionnel, qui ne les a pas jugées contraires à la Constitution. Le rapporteur général propose d’inscrire dans le projet de loi de finances les dispositions de l’instruction. Dès lors qu’elles sont contenues dans l’instruction, je pourrais légitimement considérer qu’il n’est pas nécessaire qu’elles figurent dans le projet de loi de finances. En même temps, elles ne sont pas contradictoires avec l’instruction et je ne peux donc que m’en remettre à la sagesse de votre assemblée.
L’amendement du rapporteur général est cohérent avec la décision du Conseil constitutionnel, la réponse du ministre est prudente. Je souhaite cependant quelques précisions.
Vous avez pris, monsieur le ministre, une circulaire le 14 juin dernier. Vous avez donc donné instruction à vos services d’appliquer des règles pour la définition du dénominateur intégrant à la fois les plans d’épargne-logement et les bons de capitalisation, règles contradictoires avec la décision du Conseil constitutionnel, et différentes au demeurant, s’agissant de l’avenir, de ce que propose le rapporteur général aujourd’hui. J’imagine que, pour l’avenir, vos services appliqueront la mesure que nous votons si nous suivons le rapporteur général. Ma question porte par conséquent sur l’application du droit en 2013. Comment les déclarations sont-elles appréciées ? Votre circulaire n’est conforme ni à l’amendement, mais ce n’est pas grave puisque celui-ci concerne l’année à venir, ni à la décision du Conseil constitutionnel.
Que font vos services ? Respectent-ils la décision du Conseil constitutionnel mais pas votre circulaire, ou respectent-ils votre circulaire sans tenir compte de l’avis du Conseil ? Comment fonctionnent concrètement, aujourd’hui, les services de Bercy dans l’appréciation du plafonnement ? Pour le dire autrement : anticipent-ils l’amendement du rapporteur général et s’en tiennent-ils à ce cadre qui est recevable ou appliquent-ils une instruction dont la constitutionnalité pose manifestement problème ?
Ma réponse sera simple. Tout d’abord, je considère que l’instruction que j’ai prise, au terme des travaux conduits en liaison avec mes services, ne heurte aucun principe constitutionnel. Ensuite, comme cette instruction a été prise tardivement, je le reconnais, et pour éviter tout préjudice, il n’y aura aucune pénalité pour les déclarations rectificatives. Enfin, celle-ci ne s’oppose en rien à ce que vient de proposer le rapporteur général dans son amendement : mon instruction s’applique pour 2013 ; en 2014, ce sera cet amendement.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
À l’occasion de cet amendement, monsieur le ministre, je voudrais vous renouveler la demande que je vous ai exposée par écrit il y a trois semaines : quel est le coût du plafonnement au titre de 2013 ? Compte tenu de la circulaire publiée le 14 juin 2013, soit à la veille de la date limite pour les déclarations d’ISF, et compte tenu également du fait qu’un certain nombre de contribuables ont contesté au contentieux ses termes par rapport à la décision du Conseil constitutionnel, je souhaiterais savoir où en est la situation aujourd’hui. Il me semble me souvenir qu’un report de la date limite au 15 octobre avait été décidé.
S’agissant de l’amendement du rapporteur général, si l’on regarde de près la décision du Conseil constitutionnel, celui-ci n’a pas fait le tri entre les différents revenus différés : sa décision est générale. Toutefois, dans le cadre du calcul du bouclier fiscal, auquel s’apparente le plafonnement, il avait été décidé par une mesure législative, il y a trois ou quatre ans, que, puisque les prélèvements sociaux sur la partie en euros des contrats d’assurance-vie étaient acquittés chaque année et pouvaient donc être portés au numérateur pour le calcul du bouclier, il était logique que l’assiette de revenus à laquelle s’appliquaient ces prélèvements soit portée au dénominateur. C’est ce que reprend l’amendement du rapporteur général.
Comme le président Carrez, je voudrais savoir quel est l’état des contentieux relatif à l’application de cette circulaire du 14 juin. Sont-ils nombreux ? Quand leur résolution est-elle attendue ?
Je donnerai à MM. Carrez et Mariton deux éléments de réponse. Je m’applique à répondre, en y apportant un soin tout particulier, à toutes les questions du président de la commission des finances, avec précision et célérité si possible, lorsque les questions ne sont pas trop compliquées. Il y va en effet de la qualité des relations entre l’exécutif et le Parlement. De plus, les questions du président sont toujours très pertinentes et pointues, ce qui est tout à fait stimulant pour mes équipes, en sus de l’intérêt que cela possède pour la conduite de notre propre politique.
Nous avons bien enregistré votre demande, monsieur Carrez, et notre objectif est de vous donner une réponse précise à la fin de la première partie de notre discussion. Tout ce que vous avez évoqué concernant le plafonnement était inclus dans l’amendement à l’article 8 de la loi de finances pour 2011, amendement dont vous étiez l’auteur. J’ai constaté en lisant le compte rendu des débats de la commission des finances que vous aviez articulé votre intervention avec celle du rapporteur général pour considérer comme légitime ce que nous faisions. Or ce qui est inclus dans l’amendement du rapporteur général n’est rien d’autre que la reprise de l’esprit de l’instruction. S’agissant par ailleurs des contentieux évoqués également par M. Mariton, sachez que j’en apporterai les éléments en même temps que je donnerai à la commission des finances la réponse sur les sujets évoqués par son président.
L’amendement no 282 est adopté.
Ces trois amendements ont trait au financement des PME et des PMI. Vous savez, monsieur le ministre, l’attention que nous portons, sur tous ces bancs, à ces entreprises dont nous avons tant besoin. Chacun connaît les concernant les différences qui existent entre la France et l’Allemagne, notre premier client et concurrent. Chacun sait aussi combien la structure des PME-PMI mérite d’être confortée. Avec mes interventions et celles de Jean-Christophe Fromantin, vous avez d’ailleurs pu constater tout au long de la discussion de la loi de finances que les propos de notre groupe vont dans ce sens.
Même si vous le savez tous, je rappelle que la loi TEPA avait permis une réduction importante de l’ISF en cas d’investissements dans les PME-PMI, grâce à un abattement pouvant atteindre 50 000 euros, limite ramenée en 2011 à 45 000 euros. Vous allez m’opposer, monsieur le ministre, la création du CICE et le soutien de la BPI, mais le mois d’août a été marqué par un nombre considérable de faillites et les besoins des financements des PME-PMI n’ont jamais été aussi importants qu’aujourd’hui. Chacun peut voir dans sa circonscription que les banques ne sont pas toujours présentes pour accompagner ces entreprises dans leur développement, en particulier en faveur de l’innovation, qui est certainement l’un des leviers sur lesquels il faut s’appuyer, comme le préconise le rapport Gallois. Rappelons aussi que cette loi TEPA a permis de rediriger un milliard d’euros de l’ISF vers les PME-PMI.
Je rappel également que le Président de la République avait dit, le 20 septembre 2012, que tous les dispositifs existant pour aider les PME-PMI seraient maintenus voire confortés. C’est ce que nous souhaitons faire par le biais de ces trois amendements.
Le premier d’entre eux tend à porter à 90 000 euros la capacité de défiscalisation pour les contribuables payant l’ISF et qui ont la chance d’avoir un patrimoine important dont ils « flèchent » une partie vers les PME-PMI. Pour donner encore plus de force à ce geste patriotique, nous proposons par un autre amendement que ce fléchage bénéficie à des entreprises qui ont leur siège social en France. Nos propositions, monsieur le ministre, vont dans le sens d’un certain nombre de mesures que vous avez prises. Nous devons porter une attention toute particulière à ces entreprises et nos dispositifs ont la vertu d’accompagner leur développement.
Le deuxième amendement porte le montant maximum de la défiscalisation à 50 000 euros, au lieu de 45 000 euros à l’heure actuelle, en spécifiant que le fléchage se fait sur des entreprises qui ont leur siège social en France. Le troisième amendement est un amendement de repli, qui propose une défiscalisation également limitée à 50 000 euros, mais sans condition liée à l’implantation du siège social en France.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements que M. Vigier a eu l’amabilité de nous présenter simultanément ?
Ces amendements proposent de développer plusieurs aspects des possibilités de déduction au titre de l’ISF-PME. Votre proposition semble moins avantageuse que le dispositif Madelin. Or, L’ISF-PME est plus favorable que ce dernier, puisque son champ est plus large, visant toutes les PME quand le dispositif Madelin ne vise que les sociétés en phase d’amorçage. Son plafond est également plus élevé – 45 000 euros par an contre 18 000 euros – et il n’est pas intégré au plafond global de 10 000 euros.
Compte tenu, en outre, de la réforme extrêmement favorable de l’imposition des plus-values sur valeurs mobilières, je m’interroge sur le bien-fondé du cumul de l’avantage à l’entrée, que constitue le dispositif Madelin, et de l’avantage à la sortie que constitue le nouveau régime d’exonération des plus-values de valeurs mobilières. Ne faudrait-il pas proposer la même réflexion en ce qui concerne l’ISF-PME ? Vous qui connaissez bien ces questions, monsieur Vigier, vous avez dû comprendre qu’il vaut mieux laisser les choses en l’état, même si le dispositif des plus-values est beaucoup plus favorable qu’avant. Vous proposez d’aller plus loin, mais je pense qu’il vaut mieux en rester là. Avis défavorable.
Le rapporteur général a déjà dit beaucoup de choses et j’irai à l’essentiel. Nous avons arrêté au terme des assises de l’entrepreneuriat un dispositif qui fait l’objet de mesures présentées en loi de finances. Ce dispositif répondra mieux, monsieur Vigier, à votre demande récurrente de stabilisation du paysage fiscal. Avis défavorable.
Monsieur Vigier, vous abordez avec le financement des PME une question intéressante.
Cependant, selon notre bonne méthode française, on l’aborde toujours de la même manière : soit par le maintien, soit par l’agrandissement des niches fiscales. On nous parle beaucoup de l’Allemagne, mais ce que l’on oublie de nous dire, c’est que 40 % du produit net bancaire est le fait de banques publiques, les Landesbanken, dont il existe toute une gamme. Ce sont ces banques-là, monsieur Vigier, qui financent principalement les PME, et non pas telle ou telle niche fiscale.
Pour ce qui est de la situation française, je suis tout à fait opposé à cet amendement, parce que nous constatons cette année un affaissement de l’utilisation du capital-investissement – les possibilités sont supérieures à l’offre et à la demande – et que le ministre des finances vient de mettre en place les fonds « Novo » qui permettront aux PME de souscrire des obligations à sept ans avec deux ans de différé, à des taux compris entre 3,5 et 4,5%. J’espère que ce dispositif fonctionnera, car nous avons rarement vu quelque chose d’aussi pertinent et d’aussi favorable aux PME. Faisons donc ainsi, et réapprovisionnons au fur et à mesure ces fonds, puisque nous avons les moyens de le faire. Nous ne sommes pas obligés de passer par un affaissement de l’impôt sur la fortune, qui semble être une obsession sur certains bancs.
Monsieur Emmanuelli, sachez que j’ai proposé tout à l’heure d’élargir l’assiette de l’ISF, notamment aux oeuvres d’art, mais vous n’étiez pas là.
J’ai donc de la suite dans les idées.
En second lieu, monsieur le ministre, si vous avez raison de plaider pour la stabilité fiscale, j’espère qu’au nom de la cohérence vous nous direz la même chose quelques jours après avoir supprimé l’EBE et alors que vous allez bientôt présenter, si j’ai bien compris, un impôt exceptionnel sur les sociétés pour 2014. Au titre de cette cohérence, je ne vois pas pourquoi nous devrions nous abstenir de toucher aux règles fiscales, alors que le Gouvernement ne se prive pas de le faire.
En troisième lieu, je veux dire à Henri Emmanuelli que, si j’ai parlé de l’Allemagne, j’aurais aussi bien pu évoquer l’Angleterre, où l’on peut défiscaliser jusqu’à un million de livres. J’en discutais hier au conseil régional du Centre : pour assurer leur financement, les PME font face à un problème récurrent, qui tient au fait que les banques ne sont, malheureusement, pas suffisamment au rendez-vous. Vous le savez d’ailleurs très bien, cher collègue Emmanuelli, vous qui êtes élu local et présidez un conseil général. Si nous demandons un renforcement de ce dispositif, c’est qu’il a montré une réelle efficacité, en permettant de drainer un milliard d’euros. Mes chers collègues, cela montre, a posteriori, que cette loi TEPA ne présentait pas que des inconvénients.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Vigier, vous avez évoqué la stabilité fiscale et la nécessité d’adopter des mesures fiscales pertinentes. Personne ne considère ici que notre volonté d’offrir un paysage fiscal stabilisé signifie qu’il faille maintenir des impôts imbéciles, lorsqu’il est reconnu par le plus grand nombre qu’ils le sont. De fait, aux yeux du monde de l’entreprise, les impôts qui taxent le chiffre d’affaires avant que le résultat n’ait été constitué sont des impôts stupides.
L’objectif, c’est ce que nous nous sommes dit en commission des finances avant-hier : suivre un chemin de réforme de la fiscalité des entreprises qui permette de lutter contre l’optimisation fiscale des grands groupes, dont je vous rappelle qu’elle conduit certains d’entre eux, aux résultats significatifs, à ne pas payer l’impôt sur les sociétés, alors que des PME-PMI qui investissent le paient, et parfois le voient s’alourdir. Aussi notre objectif est-il de clarifier le paysage fiscal pour le stabiliser. Il n’y a pas de contradiction entre ce que nous nous sommes dit en commission des finances, la réforme de la fiscalité que nous proposons et notre volonté de stabiliser ce paysage fiscal.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 995 .
Cet amendement a pour objet d’étendre l’exonération des droits de mutation à titre onéreux aux cessions de biens issus des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministère de la défense, dans le cadre des opérations de restructuration qui le concernent. Ces immeubles peuvent en effet faire l’objet de cessions à l’euro symbolique aux communes les plus fortement affectées par les restructurations.
Le présent amendement tend à exonérer de droits de mutation à titre onéreux les cessions de ces biens aux sociétés publiques locales ou aux sociétés publiques locales d’aménagement agissant en tant que concessionnaire de l’opération d’aménagement. Je rappelle que les territoires qui subissent ces opérations de restructuration subissent non seulement – on le sait – une perte d’activité militaire mais doivent également reconvertir ces sites militaires : j’en ai d’ailleurs connu autrefois à Cergy-Pontoise et je sais que ce sont des opérations compliquées, difficiles à équilibrer. Cette mesure permettrait de renforcer la capacité des collectivités à mettre en oeuvre des opérations d’aménagement de qualité sur ces anciens sites militaires.
Le Gouvernement émet également un avis favorable et lève le gage.
L’amendement no 995 , modifié par la suppression du gage, est adopté.
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 9.
La parole est à M. Marc Le Fur.
Nous abordons l’un des articles les plus surprenants de ce texte. En effet, mes chers collègues, vous en êtes en train de créer un « OFNI », un objet fiscal non identifié.
Sourires.
La mesure que vous proposez consistait, à l’origine, en la création d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu, et se transforme à présent en une pseudo-taxe sur les entreprises.
Il s’agissait à l’origine d’un engagement du candidat Hollande – d’un engagement très démagogique puisqu’il s’agissait d’instituer une tranche maximale d’imposition de 75 % sur les revenus supérieurs à un million d’euros. L’an dernier, à la même époque, la mesure est votée par l’Assemblée nationale. En décembre dernier, le Conseil constitutionnel, faisant preuve d’une certaine logique, censure cette disposition. Toutefois, le Président voulant absolument faire passer son idée quitte à la transformer fondamentalement, il est créé une taxe sur les entreprises, en lieu et place d’un nouvel impôt sur les personnes physiques.
Cela signifie que, quand vous êtes moyennement riche ou riche tout court, vous payez l’impôt, mais que, quand vous êtes très riche, votre entreprise le paie pour vous ; il fallait être socialiste pour inventer un dispositif pareil !
Rires sur les bancs du groupe UMP.
C’est exactement cela : quand vous êtes très riche, la tranche marginale de l’impôt sur le revenu est mutualisée au sein de votre entreprise, avec tout ce que cela pourra entraîner en termes d’inégalités devant l’impôt.
Quelles sont les catégories les plus aisées ? Les grands avocats ne paieront pas : ils n’ont pas d’employeurs et les honoraires ne sont pas concernés par notre affaire. Les grands artistes du cinéma ne paieront pas davantage, monsieur le ministre, puisqu’ils ne sont pas salariés : ils signent divers contrats. Les grands chefs d’entreprise, ne nous leurrons pas, ne paieront pas non plus, parce qu’ils sont à la tête de plusieurs entreprises et pourront répartir entre elles leur salaire de façon à ce que leurs divers employeurs ne soient pas soumis à cette taxe.
Par conséquent, je comprends la réaction des équipes de football : ce ne sont finalement guère que ces dernières qui paieront !
Au Paris-Saint-Germain, vingt et un salariés perçoivent des salaires supérieurs au million d’euros ; je comprends que, pour la première fois, un dispositif fiscal fasse la une du Monde (L’orateur brandit un exemplaire du journal L’Équipe)…
… la une, non pas du Monde, en effet, car c’est classique, mais de L’Équipe, ce qui est tout à fait extraordinaire. Autant je considère qu’il ne faut pas exagérer au sujet du football, autant ils ont en l’occurrence un peu raison, puisque les footballeurs seront en dernière analyse les seuls à payer,…
…même si vous avez imaginé le dispositif des 5 %, sur lequel je reviendrai tout à l’heure car il crée en réalité plus de problèmes qu’il n’en résout. Mettons donc un terme à cet OFNI, à cet objet fiscal non identifié.
Mes chers collègues, je vous invite à ne pas brandir de document, car c’est interdit par l’Instruction générale du Bureau.
Je ne reprendrai pas l’excellent exposé de notre collègue M. Le Fur, mais nous avons le sentiment que la taxe de 75 % est un peu pour vous ce qu’était le sparadrap pour le capitaine Haddock, chers collègues : vous ne savez pas comment vous en défaire !
Vous en avez présenté une première mouture lors du projet de loi de finances pour 2013, qui a été censurée par le Conseil constitutionnel. Vous revoilà avec une nouvelle mesure dont on perçoit bien l’inefficacité et, surtout, l’incohérence, puisque certains paieront l’impôt de leur propre poche tandis que d’autres le feront payer par leur entreprise. Pis, dans l’étude d’impact que vous avez établie pour accompagner cet article de loi, il est question de 1 000 salariés et de 470 entreprises, mais ces salariés et ces entreprises sont depuis longtemps déjà partis s’installer ailleurs !
Je vous donne un exemple : une société de distribution a délocalisé vingt de ses principaux dirigeants vers le Brésil. Et, paradoxalement, c’est aujourd’hui non pas de la France, où le siège social se situe généralement, mais du Brésil que la holding est gérée. Même si j’estime que cette taxe est un mauvais symbole, j’attends avec gourmandise, avec impatience de savoir combien de salariés et d’entreprises, parmi ceux et celles que vous avez mentionnés, s’en acquitteront réellement.
Quant aux footballeurs, ils ont mauvaise presse et sont attaqués de toutes parts, ce qui est bien arrangeant. Par conséquent, les taxer à 75 % fait partie des coups qu’on peut leur porter.
Ce qui est un peu surprenant, et je conclurai ainsi mon propos, madame la présidente, c’est qu’on dépense 160 millions d’euros pour rénover les stades de football des clubs professionnels en vue de l’Euro 2016 et que, dans le même temps, on taxe ces clubs d’environ 40 millions d’euros par an, soit 80 millions d’euros au total. Quelle est la cohérence de tout cela ? On voudrait que les clubs professionnels de football soient compétitifs, on leur donne la possibilité de rénover leur stade, et dans le même temps on ponctionne 80 millions d’euros sur leurs fonds propres. Du fait de cette incohérence, l’article 9 n’a ni queue ni tête.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je suis saisie d’une série d’amendements de suppression.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 29 .
Je crois avoir démontré, mais vous démontrerez peut-être l’inverse, monsieur le ministre, que cette taxe touchera très inégalement les hauts revenus. En effet, les hauts revenus non salariaux, curieusement, sont épargnés, tandis que les revenus salariaux sont taxés.
Un certain nombre de grands patrons pourront y échapper, alors que les équipes de football devront payer. Pourquoi pas ? À la condition cependant qu’il y ait un peu de justice. Vous avez donc imaginé une sorte de contre-feu, sans doute le résultat d’un échange entre certains membres du Gouvernement et les responsables qataris du PSG – on parle beaucoup du Qatar en ce moment –, un club bien concerné par le dispositif puisque vingt et un de ses salariés touchent un salaire qui dépasse la barre du million d’euros. Vous avez donc décidé d’écrêter l’impôt à payer à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, ce qui bénéficiera en particulier au PSG : le club, qui devait s’acquitter d’un montant de 40 millions d’euros, ne devra payer qu’un peu plus de 20 millions d’euros, si je crois ce qu’indique la presse sur le sujet.
Cela vaut également pour d’autres clubs, comme Bordeaux ou Marseille. En revanche, les petits clubs ne bénéficieront pas de cet écrêtement, parce que seuls un, deux ou trois de leurs joueurs perçoivent des revenus qui dépassent le million d’euros et que la masse totale de l’impôt à payer n’atteindra donc jamais le niveau des 5 % du chiffre. Vous créez donc un système aberrant où l’on protège les gros clubs sans épargner les petits.
Il y a également un autre problème, que l’on connaît bien mais qui est sans doute insoluble : le club de Monaco est épargné, mais je dois reconnaître que vous n’y êtes pour rien. Cela crée cependant une difficulté au sein de la Ligue 1.
Ce n’est pas le même sujet, j’en conviens. Le vrai sujet, c’est que seules les équipes de football professionnelles sont vraiment visées par ce texte et que le mécanisme d’écrêtement des 5 % du chiffre d’affaires n’est pas une solution satisfaisante. Ne vous obstinez donc pas à réaliser une promesse du Président de la République. Il aurait simplement fallu créer une nouvelle tranche d’imposition sur le revenu avec un taux non pas de 45 %, mais de 50 %, ce qui aurait été bien plus clair que votre système, qui aboutit à une aberration. Je vous proposerai donc cette formule. Sans être un fanatique de la tranche maximale d’imposition à 50 %, je pense qu’elle constitue une solution beaucoup plus propre, claire et juste que celle que vous nous proposez aujourd’hui.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 833 .
Je voudrais compléter l’excellent propos de M. Le Fur.
Je rappelle que le Président de la République, alors candidat, s’était en quelque sorte piégé lui-même le 27 février 2012 lorsqu’il avait affirmé sur le plateau de l’émission « Parole de candidat » qu’il créerait une tranche à 75 %. On s’est d’ailleurs aperçu que Jérôme Cahuzac, son futur ministre du budget, n’était même pas au courant ; il a donc fallu rétablir les choses.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, l’engagement no 14 du Président de la République contient notamment la promesse suivante : « Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail. » Avec la proposition de la tranche d’imposition à 75 %, comme cela a bien été expliqué tout à l’heure, ce sont les entreprises et non les particuliers qui paient et les revenus du patrimoine n’y entrent pas, ce qui est parfaitement injuste.
En outre, les revenus des personnes qui gagnent deux millions d’euros par an sont à 90 % des revenus du patrimoine, donc du capital, et non du travail, ce qui constitue une autre injustice.
Enfin, dernière injustice, comme cela a été très bien dit tout à l’heure, le problème est celui de l’attractivité de la France. Nous souhaitons tous relever le défi de la compétitivité, de l’attractivité du territoire, et attirer les investisseurs. Mais quel signal faisons-nous passer avec une telle mesure ! C’est d’autant plus regrettable que la France reste un pays attractif pour toutes les raisons que l’on connaît.
Je conclurai au sujet des clubs sportifs, et je parle ici notamment au nom de mon ami François Rochebloine, dont vous connaissez l’attachement au sport en général et au football en particulier.
Comme l’a très bien expliqué Marc Le Fur, ce sont une fois de plus les grands, les gros, les plus riches qui seront les plus préservés du fait du fameux écrêtement des 5 %. Monsieur le ministre, franchement, pour toutes les raisons qui ont été exposées, sachant que vous êtes attaché à la justice fiscale et à la cohérence,…
L’attachement des uns et des autres à la compétitivité des entreprises françaises n’est pas à mettre en compétition, puisque nous le partageons tous. D’ailleurs, vous auriez été bien inspiré de le faire vivre plus tôt…
De même, notre attachement au sport et aux clubs sportifs est parfaitement identique au vôtre, qu’il soit cocardier ou régionaliste, car chacun a sa conception du sport, quels que soient les niveaux de salaires des clubs sportifs. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le plafond qui a été fixé concerne bien d’autres types d’entreprises que les clubs de football professionnels ; j’appelle votre attention sur ce point. Et même si nous l’avions voulu, nous n’aurions pas pu légiférer pour les seuls clubs de football, car cela aurait été contraire à l’égalité devant l’impôt ; la question ne se pose donc pas.
Nous verrons en examinant les amendements que certains dispositifs permettent des améliorations. Vous avez souligné que le seuil de 5 % ne bénéficierait qu’aux très gros, chers collègues, mais nous rencontrons le même problème chaque fois qu’il s’agit d’écrêtement : un tel système consiste en effet à estimer qu’à partir d’un certain niveau la charge devient non pas confiscatoire – ce terme n’est pas pertinent ici –, mais à tout le moins déstabilisante pour la structure.
Si on avait instauré une tranche supplémentaire, on n’aurait pas ce problème !
Cela ne vous choque-t-il donc pas que nous ayons imposé un seuil de 75 % pour l’ISF ? Ce plafond ne bénéficiera effectivement qu’aux très gros patrimoines, tandis que celui qui paie un petit montant d’ISF ne bénéficiera d’aucun plafonnement. On pourrait faire la même objection chaque fois qu’un système de plafonnement est mis en place. C’est très simple, c’est tout bête : il nous a paru qu’au-delà de 5 % du chiffre d’affaires la taxe pouvait être de nature à mettre en danger l’équilibre de la société concernée.
Enfin, pour conclure, cette taxe a un objectif de rendement, chers collègues.
Il ne faut pas non plus se cacher derrière son petit doigt ! Nous ne sommes pas seulement là pour parler d’un engagement du Président de la République ; il y aussi un objectif de rendement. Le contexte qui nous est imposé requiert que chacun fasse des efforts. Personne n’aurait compris que les niveaux de rémunération extraordinaires, pour ne pas dire extravagants, ne soient pas eux aussi appelés à contribuer au retour à l’équilibre budgétaire.
Monsieur Le Fur, nous pourrons avoir ce débat lors de la discussion de vos amendements.
L’avis de la commission est naturellement défavorable.
Si vous m’y autorisez, madame la présidente, j’aimerais dire quelques mots de ces amendements de suppression et des propos qui ont été tenus à leur sujet.
Leurs défenseurs ne seront pas surpris que le Gouvernement n’y soit pas favorable. Je souhaite néanmoins en exposer rapidement les raisons, qui sont à la fois politiques et techniques.
Premièrement, je confirme ce que vient d’affirmer le rapporteur général : la taxe que nous proposons a un objectif budgétaire. Nous sommes dans une période de redressement des comptes publics, et dans ce contexte nous appelons les Français à contribution. Je précise également que nous faisons dans le projet de loi de finances pour 2014 80 % d’économies en dépenses. Par conséquent, cette taxe vise à faire participer les plus riches de nos entreprises au rétablissement des comptes publics.
Est-ce fondamentalement anormal de le faire ?
Deuxièmement, les rémunérations qui relèvent de la taxe ne sont pas des rémunérations anonymes : ce sont des rémunérations qui dépassent un million d’euros.
Le versement de telles rémunérations par un certain nombre d’entreprises témoigne de leur capacité contributive. Cette taxe ne peut donc pas être présentée, contrairement à ce que j’ai entendu, comme une disposition confiscatoire pour les entreprises, dès lors que celles-ci sont en situation de verser des rémunérations d’un tel niveau.
Quant aux professions libérales, elles sont soumises à la présente taxe au titre des rémunérations qu’elles octroient à leurs salariés. Il n’y a donc pas de rupture du principe d’égalité.
J’y viens, monsieur Le Fur, ne vous inquiétez pas.
Lorsque ces professions libérales exploitent un fonds libéral sous la forme individuelle ou assimilée, la quote-part de bénéfices qu’elles tirent de l’exploitation ne constitue pas une rémunération susceptible d’être déductible. Elle n’entre donc pas dans le champ des rémunérations soumises à la présente taxe. Faire autrement aboutirait à créer une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu et ne manquerait pas d’entraîner une censure du Conseil constitutionnel,…
…compte tenu de sa jurisprudence récente que vous semblez ignorer dans votre démonstration.
De plus, le taux a été arrêté pour garantir un certain niveau de rendement de la taxe. Votre argument selon lequel le taux moyen des cotisations patronales est d’environ 40 % n’est pas recevable. Les rémunérations entrant dans l’assiette de la taxe sont soumises à des prélèvements sociaux de nature et de taux différents, ce qui rend inadapté un quelconque exercice arithmétique.
Enfin, je ne pense pas que les entreprises assujetties à la taxe délocaliseront leurs activités du fait de la mise en oeuvre de cette contribution.
En effet, au-delà de cette taxe de caractère temporaire, le Gouvernement a introduit d’autres dispositifs qui, eux, sont pérennes – par exemple le CICE –, et qui peuvent permettre aux entreprises d’améliorer leur compétitivité.
Je voudrais conclure, après avoir donné ces éléments techniques, en insistant sur deux ou trois points.
Premièrement, il ne s’agit pas là d’une taxe sur le succès. Dans notre pays, on a la possibilité de réussir, y compris dans l’entreprise et en ayant des niveaux de rémunération élevés. Les entreprises qui souhaitent rémunérer leurs salariés en raison de leur haut niveau de compétence peuvent le faire. Cela étant, nous sommes dans une période de redressement de nos comptes ; nous demandons un effort des fonctionnaires, des administrations et, plus largement, de tous les Français. Il est donc tout à fait normal que ceux qui ont une capacité contributive importante soient appelés à participer davantage que d’autres – cela s’appelle la justice.
Deuxièmement, en ce qui concerne les clubs de football, j’ai bien entendu vos déclarations et j’ai vu le journal que vous avez brandi, monsieur Le Fur.
Sa manchette qualifie, non pas l’attitude du Gouvernement, mais celle de ceux qui, dans l’outrance, prennent des positions qu’ils ne devraient pas prendre. Nous sommes tous attachés à nos clubs de football. Lorsque les joueurs sont sur le terrain, notamment dans les grandes compétitions, ils portent haut et loin les couleurs de notre pays.
Dans des moments comme ceux que nous connaissons, il n’est pas scandaleux que les clubs participent raisonnablement à l’effort de redressement du pays. J’entends d’ailleurs beaucoup de joueurs qui le comprennent et qui le disent avec modération et tempérance. Ne mettons pas de l’opposition et de l’antagonisme partout. Essayons de mettre, sur ces sujets, dans une période difficile où, encore une fois, nous devons redresser les comptes de notre pays, du bon sens et de la pondération. Cela s’appelle l’esprit d’équilibre ; cela s’appelle aussi, lorsqu’il s’agit de la fiscalité, l’esprit de justice.
Nous avons entendu dans la bouche du ministre un concept nouveau. Il a parlé, en effet, des « plus riches de nos entreprises ». Il va vous falloir définir le concept d’entreprise riche, monsieur le ministre !
Au demeurant, l’expression est assez intéressante : vous êtes partis des contribuables riches, en tout cas si l’on en juge d’après le flux très important de leurs revenus ; ensuite, comme vous avez décidé de ne plus taxer les contribuables, vous taxez les entreprises. Toujours à la recherche d’une justification morale, qui n’est pas totalement irrecevable, d’ailleurs – j’y reviendrai –,…
…vous parlez des « plus riches de nos entreprises », concept inédit et par conséquent à définir.
Dans ce débat, au départ, et si l’on reprend les engagements du Président de la République, il y a bien une approche morale, qui ne me paraît pas totalement irrecevable.
L’explosion de certaines rémunérations, mais aussi le fait que le nombre de ces rémunérations très élevées soit devenu très important, soulèvent un vrai problème de cohésion de notre société. À cet égard, le propos du Président de la République, bien qu’excessif, posait le problème moral de manière intéressante.
Il se trouve que, si je comprends bien, vous partez d’un engagement moral durable pour en arriver à une mesure de rendement à durée déterminée. Voilà une curieuse manière de mettre en oeuvre l’engagement du candidat François Hollande.
Ma question est donc la suivante : le Gouvernement a-t-il totalement abandonné ce terrain moral, qui me paraît intéressant pour le débat ? Certes, l’impôt n’est pas nécessairement l’outil le plus approprié pour régler le problème – il peut y avoir, par exemple, des comités des rémunérations –, mais il y avait là une réflexion intéressante sur un vrai sujet de cohésion sociale. Ou bien…
Vous devriez approuver mes propos, monsieur Emmanuelli !
Ou bien, disais-je, vous limitez-vous strictement, comme vous semblez l’indiquer, à une mesure de rendement ?
Enfin, monsieur le ministre, j’ai eu beau regarder l’évaluation préalable de l’article, je n’y ai pas trouvé d’élément très instructif sur l’impact de cette mesure, quand bien même ne serait-elle que transitoire.
Entraînera-t-elle le départ d’un certain nombre de compétences de notre pays ? Vous répondez que non, mais ce n’est pas ce que l’on entend dans un certain nombre d’entreprises, car il y a un signal, comme vous aimez à le dire, et un effet concret. Il paraît tout de même indispensable que nous connaissions l’impact de cette mesure. Or, au motif que le dispositif est transitoire, on ne nous dit rien de son effet. C’est un peu court !
Je voudrais, sur cet article, et à l’occasion du débat que nous avons maintenant, apporter le soutien le plus total de notre groupe à la disposition que propose le Gouvernement.
D’abord, c’est une promesse de campagne.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il est souvent de bon ton de dire que les promesses faites en ces occasions ne sont pas tenues.
Certes, il a fallu réécrire le dispositif parce que, l’année dernière, des contestations se sont élevées, mais le Gouvernement n’abandonne pas le sujet ; c’est tout à son honneur de présenter de nouveau la disposition dans le projet de loi de finances de cette année.
Ensuite, la formule proposée aujourd’hui par le Gouvernement est sans doute la plus pragmatique et la plus juste, puisqu’il s’agit bien d’un prélèvement payé par les entreprises, ce qui est logique. En effet, certains salaires sont indécents, dépassent l’entendement.
Ce ne sont pas tant, d’ailleurs, ceux qui perçoivent ces salaires qui doivent être montrés du doigt que ceux qui les versent.
Il a toujours été dit que ce serait un effort temporaire pour contribuer au redressement des comptes, qui l’est lui aussi, du moins l’espère-t-on.
Monsieur Mariton, vous avez parlé de la cohésion nationale et vous avez bien fait. Mais il y a aussi la cohésion dans les entreprises.
Or, aujourd’hui, de nombreuses entreprises sont engagées dans des plans de redressement parfois très durs et demandant des efforts considérables aux salariés. Soyons concrets, donnons un exemple : le P-DG de Renault-Nissan, M. Carlos Ghosn, est sans doute un dirigeant doué d’une grande vision. Je ne le conteste pas.
Les résultats de son groupe, en revanche, sont plus discutables. Il faut le reconnaître : c’est ainsi. Ce n’est pas là une accusation personnelle. Il touche un salaire annuel qui dépasse très largement le montant dont nous parlons, puisqu’il dépassait à une certaine époque, me semble-t-il, les 10 millions d’euros par an. Or le groupe Renault-Nissan, implanté notamment en France, a demandé des efforts très importants aux salariés – aux ouvriers comme aux ingénieurs et aux cadres –, qui sont, quant à eux, très éloignés de telles rémunérations. Eh bien, oui, la contribution de cette entreprise participe d’un effort de redressement des comptes publics. Mais il s’agit aussi de revenir à une forme de cohésion dans l’échelle des salaires de l’entreprise.
Par ailleurs, je parlais de pragmatisme car ce que vous appelez l’écrêtement – le plafonnement à 5 % du chiffre d’affaires – vise à ne pas déstabiliser des entreprises très particulières, notamment les clubs de football. En revanche, dans l’exemple que je prenais précédemment, vous voyez bien qu’il s’agira non pas d’écrêter, mais d’ouvrir le débat sur des rémunérations qui, dans un certain nombre de cas, sont démesurées. Cela vaut aussi pour d’autres entreprises, moins connues, qui ne sont pas sous les feux de l’actualité et dont on ne parle pas dans les médias.
Les réponses de M. le ministre et de M. le rapporteur général nous ont finalement réorientés sur l’objectif de cet article 9.
Nous étions partis de la campagne de M. Hollande pour en arriver à la rédaction de cet article, censé constituer un symbole. À cet égard, François de Rugy a, de son côté, évoqué le principe de la cohésion dans les entreprises – j’y reviendrai dans quelques instants.
Or on vient de nous dire qu’il s’agit surtout, en fait, d’un dispositif de rendement. Mais ce rendement – on l’a dit, surtout de ce côté de l’hémicycle d’ailleurs – ne sera pas au rendez-vous, pour de multiples raisons. De ce point de vue, monsieur le ministre, et contrairement à ce que vous avez laissé entendre, nous n’avons jamais dit que les entreprises allaient délocaliser leur activité. Il n’empêche que la plupart des dirigeants qui pourraient être soumis à cet impôt sont en train de quitter la France ou l’ont déjà quittée au vu des mesures contenues dans le PLF pour 2013 et sont déjà à l’abri dans d’autres pays, en particulier d’Amérique du Sud – j’en ai donné un exemple tout à l’heure. Nous attendons donc de voir quel pourra être le rendement de cette disposition.
J’en reviens au symbole. Monsieur le ministre, un symbole, cela ne s’écrête pas. Un symbole écrêté ou limité dans la durée est un non-sens. Un symbole doit exister dans sa plénitude. On ne peut pas décider de procéder à un écrêtement au motif que l’on devine certains mouvements.
Par ailleurs, ce symbole a ses limites et – vous me pardonnerez de vous le dire – vous raisonnez de façon un peu trop franco-française. Vous avez fait référence aux joueurs de l’équipe de France qui évoluent avec le coq brodé sur leur maillot. Mais, monsieur le ministre, la grande majorité, sinon la quasi-totalité d’entre eux ne jouent pas sur le sol français. Ils sont tous dans des clubs étrangers.
Or je vous assure qu’une mesure comme celle-là ne les incite en aucune façon à revenir jouer en France.
Monsieur le ministre, vous nous dites qu’il faut de l’argent. On peut parfaitement le comprendre. Vous nous dites aussi qu’il faut de la morale. Cela aussi, on peut parfaitement le comprendre. Mais pourquoi, dans ces conditions, ne pas avoir créé une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu ?
C’était tellement plus simple ! En la fixant à 50 %, cela ne posait pas de problème. Vous n’aviez pas à craindre une censure éventuelle du Conseil constitutionnel, puisque celui-ci a censuré à 75 %. L’intérêt d’une tranche supplémentaire, c’est que vous auriez pu ainsi imposer le capital comme le travail – ce que vous prétendiez aussi faire il y a un an.
Vous auriez également pu traiter le problème posé par les honoraires de l’avocat, ou des revenus des stars du cinéma, qui sont totalement en dehors du champ de cet article. Ainsi, le dispositif n’aurait pas été centré sur un ou deux secteurs dans lesquels certains salariés touchent de gros salaires.
Le vrai problème, c’est que vous aviez à votre disposition un outil très simple. C’était d’ailleurs l’idée initiale du Président de la République, alors candidat ; il fallait la mettre en oeuvre. Comme vous vous êtes emberlificotés dans cette affaire des 75 %, vous en êtes arrivés à un impôt sur les entreprises calculé sur une assiette comparable à celle d’un impôt sur le revenu. C’est pourquoi je dis et confirme qu’il s’agit là d’un OFNI, un objet fiscal non identifié, à mi-chemin entre l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. De fait, cette mesure a quelque chose d’objectivement aberrant, injuste, et qui devrait être clairement identifié par le Conseil constitutionnel.
Je voudrais apporter quelques éléments de réponse rapides aux interventions des orateurs de l’opposition.
D’abord, M. Le Fur nous explique, comme M. Lamour, qu’avec une tranche supplémentaire à 50 % de l’impôt sur le revenu nous aurions réglé le problème tout en respectant la décision du Conseil constitutionnel. Ce n’est pas exact.
Je vais reconstituer le raisonnement pour que vous mesuriez avec nous la difficulté que pose votre proposition. Admettons que nous créions une tranche à 50 %. Si vous ajoutez les 4 % de la contribution Fillon sur les hauts revenus, cela fait 54 %. Ajoutez maintenant les prélèvements sociaux, dont vous savez qu’ils sont à 15,5 % ; nous en sommes à 69,5 %, ce qui est supérieur à 66 %, à savoir le seuil à partir duquel, selon le Conseil constitutionnel, la contribution devient confiscatoire. Vous voyez bien que, constitutionnellement, votre affaire ne marche pas.
Si elle avait marché, elle aurait pu nous inspirer.
Vous affirmez avec force et autorité qu’il fallait instaurer une tranche à 50 % : je suis au regret de vous dire que cette mesure aurait été annulée par le Conseil constitutionnel, au vu de la décision qu’il a prise l’an dernier. Abandonnez cette idée : elle ne fonctionne pas, et c’est pourquoi elle n’a pas été retenue. Les chiffres que j’ai donnés sont suffisamment clairs.
Par ailleurs, qu’est-ce qu’une entreprise riche ? C’est une entreprise dont la capacité contributive est suffisamment importante pour pouvoir verser des rémunérations élevées, dans un contexte de crise et alors que l’on nous explique que la compétitivité exige que l’on serre tous les boulons.
Enfin, il me semble que l’on raisonne à l’envers lorsque l’on dit qu’il est tout à fait légitime de quitter le pays alors que celui-ci connaît des difficultés. Ce n’est pas la première fois de son histoire, mais les forces de la France ont toujours su se rassembler. Et aujourd’hui, alors même que notre pays est en mesure d’offrir des parcours de réussite qui font notre fierté, qu’il fait beaucoup en matière d’éducation, d’accès à la connaissance universitaire et à la recherche, il faudrait féliciter ceux qui partent et blâmer l’État qui tente de se redresser ? Quel est le fondement éthique d’un tel raisonnement ?
Nous le regrettons ! Nous préférerions qu’ils restent et qu’ils paient leurs impôts en France !
Il ne convient pas, sous prétexte de les retenir, de les faire payer moins, ce qui reviendrait à faire payer plus ceux dont la capacité contributive est faible ! Le principe de la justice fiscale dans le redressement existe.
Encore une fois, et j’insiste sur ce point, il ne s’agit pas de condamner la réussite et de dire à ceux qui réussissent qu’ils n’ont qu’à payer et à se taire. Au contraire, j’estime que nous devons les remercier, et c’est ce que je fais en tant que ministre du budget. Mais je ne peux aller jusqu’à soutenir le raisonnement selon lequel, dans cette période difficile, il serait légitime pour certains de partir, alors que l’on a tant besoin de leurs talents et de leur capacité de contribution.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Nous avons eu un débat presque similaire l’an dernier sur l’instauration de cette taxe. L’article 9 pose deux problèmes : la nécessaire participation des plus fortunés du pays au redressement des comptes publics et l’explosion des inégalités de rémunération, qui doivent être encadrées.
Dans les années 1960, l’écart entre les revenus était de 1 à 30 ou à 40. Aujourd’hui, dans les très grandes entreprises, notamment celles du CAC 40, l’écart moyen est de 1 à 100, et peut même atteindre 1 à 300. Nous pouvons certes constater une amélioration dans les entreprises publiques, mais nous devons encore progresser sur le plafonnement des rémunérations dans les entreprises privées.
Sans doute ce dispositif permettra-t-il de dissuader quelque peu les entreprises de verser des rémunérations excessives, mais, dans la plupart des cas, elles passeront outre, puisque ce sont les dirigeants qui décideront que l’entreprise contribuera pour leur propre part. Il est tout de même étrange et choquant que l’individu qui perçoit la rémunération ne soit pas appelé personnellement à l’effort collectif !
Comme l’ont dit M. Le Fur et le groupe écologiste lors de l’examen de l’article 2, la bonne solution, monsieur le ministre, aurait été d’instaurer une nouvelle tranche. J’ai fait un rapide calcul : instaurer une tranche à 47,1 % répondrait aux critères du Conseil constitutionnel et permettrait de régler cette question, ainsi que le problème des clubs de foot dans lequel nous nous sommes empêtrés.
Bien entendu, je voterai cet article, mais je reste persuadé qu’il existait une solution plus simple.
Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu avec l’habileté que l’on vous connaît à la question que nous vous posions sur l’engagement no 14 du candidat Hollande : imposer les revenus du capital comme ceux du travail.
Or ce sont les revenus du travail que vous taxez ici, sans taxer les revenus du patrimoine au même niveau. Vous protégez donc les rentiers et tapez sur ceux qui travaillent et ont la chance de bien gagner leur vie. François de Rugy n’a pas été tout à fait cohérent dans le début de son intervention ; il aurait fallu justement une équivalence entre taxation sur les revenus du travail et taxation sur les revenus du patrimoine, ce que ne permet pas l’établissement de cette taxe.
Par ailleurs, vous avez dit qu’il fallait un symbole – politique, cela va de soi. Quelque part, il vous faut vous débrouiller pour afficher une taxe à 75 %. À l’époque, il s’agissait de contrer Jean-Luc Mélenchon qui, au milieu de la campagne présidentielle, paraissait se renforcer…
Monsieur le ministre, vous avez beaucoup insisté aussi sur la nécessité de la cohésion sociale et du redressement des comptes. Pourquoi, alors, avez-vous, avec votre collègue Marisol Touraine, repoussé d’un revers de main mon amendement à la réforme des retraites ? Celui-ci visait à taxer les retraites chapeau et les stock-options, qui échappent actuellement, lorsqu’elles sont inférieures à 300 000 euros, à la CSG et à la CRDS ? Il aurait fait entrer de l’argent dans les caisses. Vous manquez de cohérence !
Enfin, il existe un risque d’optimisation fiscale, chacun le sait, puisque les chefs d’entreprise pourront payer leurs salariés 950 000 euros et compléter ce montant par des stock-options ou une retraite chapeau. En sanctuarisant cette taxe à 75 %, vous créez de l’injustice et renforcez le sentiment d’injustice fiscale.
M. Mariton m’a interpellé sur les comités des rémunérations. Soyons sérieux ! Il se trouve que mandat m’a été donné, par vous tous ici, pour présider celui de la Caisse des dépôts et consignations, établissement public. Je puis vous dire qu’il a été excessivement difficultueux d’abaisser la rémunération de certaines personnes de 850 000 euros à 350 000 euros, somme qu’elles jugeaient tout à fait inconvenante. Si les parlementaires n’avaient pas été là, cela aurait été chose impossible.
L’endogamie, que vous connaissez bien, monsieur Mariton, et qui est propre au système français, fait que si vous attendez que les comités des rémunérations règlent la question, vous attendrez longtemps !
Pour rester dans le groupe Caisse des dépôts, vous trouverez, siégeant au comité des rémunérations de la Caisse nationale de prévoyance, l’homme qui a le plus résisté à la baisse de son propre salaire. Cela m’étonnerait qu’il aille baisser celui des autres !
Par ailleurs, monsieur Vigier, ce débat mérite d’autres considérations. Si le niveau de certaines rémunérations choque la morale, il peut aussi avoir des effets très pervers. Compte tenu des distorsions qui existent entre le secteur industriel et le secteur financier, beaucoup de nos plus beaux cerveaux ont préféré partir faire du trading à Londres ou s’occuper de sociétés de gestion de fonds plutôt que de faire de l’innovation ou du process industriel. Cela mériterait un débat long et sérieux. Vous vous contentez de nous ressortir Mélenchon ou Hollande. Je ne vous parle pas de l’époque où Sarkozy voulait mettre à bas le capitalisme !
M. Le Fur nous propose de créer une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu à 50 %. Il y a de cela un an, presque jour pour jour, nous examinions l’article 3 du projet de loi de finances pour 2012 qui, je vous le rappelle, instaurait une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu à 45 %. Évidemment, l’UMP n’a pas voté cette tranche. Quant à l’UDI, son amendement proposant d’instaurer une tranche à 50 % a été retiré en séance.
Vous dénonciez alors une imposition-sanction, une imposition qui, selon Mme Kosciusko-Morizet, relevait d’un « sacrifice » demandé aux Français. Votre suggestion, aujourd’hui, n’est qu’une argutie, un argument de circonstance auquel vous ne croyez pas une seconde !
L’instauration d’une taxe de 75 % sur les revenus aurait correspondu, effectivement, à l’esprit de la déclaration de François Hollande. Mais puisque, comme l’a rappelé le ministre, l’on ne peut dépasser les 66 %, la taxe qu’instaure cet article relève de cet esprit et joue son rôle : dissuader les très hautes rémunérations.
La crise que le monde a traversée a deux caractéristiques en commun avec celle de 1929 : les dérives financières et l’explosion des inégalités, qui a conduit, dans les deux cas, à un rapport de 1 à 300 entre les plus basses et les plus hautes rémunérations.
Après la crise de 1929, le président Roosevelt a instauré une taxe de 80 % sur les rémunérations dépassant un million de dollars, ce taux passant même à 90 % pendant la guerre. Cette taxe a été maintenue jusqu’aux années Reagan. Le capitalisme américain n’en est pas mort et la plupart des pays européens, après la guerre, ont instauré des prélèvements très élevés sur les hautes rémunérations. Pendant les Trente glorieuses, l’écart des rémunérations n’était plus que de 1 à 30. Je ne pense pas que cela ait nui au développement économique, puisque c’est la période de croissance la plus formidable que l’on ait connue.
Il y a une vingtaine d’années, la mondialisation a entraîné une nouvelle explosion des rémunérations. Personne ne peut justifier que la rémunération d’un dirigeant soit 300 fois plus élevée que le salaire le plus bas de son entreprise, quand, dans une PME, le rapport est de 1 à 3.
Prendre des mesures de ce type a un sens. Il est dommage que d’autres pays ne le fassent pas systématiquement, car on renouerait alors avec la logique économique de ces années où un chef d’entreprise ne se préoccupait pas que de rentabilité financière, mais surtout du développement de son entreprise. Cette taxe joue parfaitement son rôle.
Je voudrais d’abord dissiper tout doute et indiquer que le groupe RRDP considère que la taxation, quelle que soit sa forme, des plus hauts revenus, notamment à titre transitoire et en période de crise, est totalement justifiée.
Au-delà de l’expérience fiscale du New Deal qu’a rappelée notre collègue Pierre-Alain Muet, on se souviendra qu’une taxation élevée a été publiquement réclamée aux États-Unis par toute une série de personnes parmi les plus riches du pays, à la tête desquelles figurait M. Warren Buffett. Ce dernier, qui ne peut être considéré comme un modèle de totalitarisme financier, s’étonnait, à juste titre, de constater que son taux d’imposition était très largement inférieur à celui de son assistante, certainement bien payée, mais mille ou dix mille fois moins que lui.
Cependant, notre groupe a déposé cet amendement, concernant spécifiquement les clubs sportifs, non pas pour empêcher cette imposition, mais pour éviter que son application, en quelque sorte rétroactive, ne place dans une situation très difficile les clubs qui auraient déjà signé des contrats. Je pense d’ailleurs davantage aux clubs médians qu’aux plus riches, dont les ressources financières sont quasi illimitées grâce à certains pays…
L’amendement vise simplement à n’appliquer cette mesure qu’aux nouveaux contrats, pour en exclure ceux déjà signés au moment de la promulgation de la loi. Les contrats des clubs sportifs se renouvellent à une telle allure que cette disposition ne devrait pas empêcher votre mesure de s’appliquer assez rapidement tout de même.
Rappelons par ailleurs que le rapport d’information sur « Le fair-play financier européen et son application au modèle économique des clubs de football professionnel français », déposé le 3 juillet 2013 devant cette Assemblée et dont le rapporteur était Thierry Braillard et les co-rapporteurs Marie-George Buffet, Pascal Deguilhem et Guénhaël Huet, énonce la recommandation suivante, no 24 : « Préserver l’économie générale des contrats conclus par les clubs avec les joueurs en appliquant un principe de stabilité fiscale, les nouvelles mesures devant s’appliquer aux rémunérations fixées par les contrats conclus à compter de leur promulgation ».
Cet amendement vise à éviter la rétroactivité du dispositif. Il serait convenable, s’il devait s’appliquer, qu’il concerne les rémunérations versées en 2014 et pas celles versées en 2013. M. Emmanuelli a parlé tout à l’heure de personnes qui se trouvent à Londres. La deuxième partie de ma question sera moins ingénue qu’elle n’y paraît. Monsieur le ministre, selon l’article 9, les entreprises individuelles, les personnes morales, les sociétés, les groupements etc, qui exploitent une entreprise en France, acquittent une taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations versées en 2013 et 2014. Comment interpréter ce texte ? J’ai bien compris qu’il concernait les entreprises qui, en France, versent des hautes rémunérations, mais vise-t-il seulement les salariés en France ou peut-il être étendu à ceux vivant à l’étranger ? La rédaction de cet article n’est pas claire, rien n’étant dit de la localisation des bénéficiaires de ces hautes rémunérations. Une entreprise basée en France qui verse de hauts revenus à des salariés travaillant à Londres est-elle taxée ? Ces situations sont loin d’être rares et marginales.
Cet amendement tend également à éviter l’application immédiate du dispositif, comme l’ont proposé mes chers collègues, mais je voudrais simplement revenir sur les propos de M. Emmanuelli qui considère que les comités de rémunération ne fonctionnent pas.
Faites donc ce que proposent un certain nombre d’entre nous : que les plus grosses rémunérations soient décidées au niveau de l’assemblée générale des actionnaires. Le dispositif sera alors transparent, lisible et devrait permettre de censurer un certain nombre d’initiatives.
Vous nous aviez par ailleurs habitués, monsieur le ministre, à plus de précision. Vous évoquez le taux de 66 % mais celui-ci n’émane pas du Conseil constitutionnel. Le Conseil a censuré le texte initial qui prévoyait un taux de 75 % et ce n’est que par la suite que le Conseil d’État, interrogé, a évoqué le taux de 66 %. Nous ne sommes donc pas liés par cette proposition qui n’est qu’un avis. On peut s’en inspirer, mais ce n’est en aucun cas une décision du Conseil constitutionnel. Vous aviez, dès lors, parfaitement le droit de prendre une mesure claire, comme nous vous l’avons proposé, quitte à toucher les grosses rémunérations, le capital, les honoraires des avocats, les rémunérations des stars et j’en passe, en taxant, non pas l’entreprise mais le revenu, ce qui aurait été plus propre et plus simple. Contrairement à ce que vous nous expliquez, il n’était pas impossible de retenir la règle de 66 %, car elle n’a pas du tout été posée par le juge constitutionnel.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 834 .
Je voudrais rappeler à M. Mandon que cela fait cinq années que, régulièrement, année après année, je dépose des amendements pour créer une nouvelle tranche marginale d’impôt sur le revenu à 45 %. Vous ne pouvez pas dire le contraire. Le groupe socialiste ne les a d’ailleurs pas toujours votés.
J’ai par ailleurs bien entendu les propos de M. Muet. C’est vrai, ce n’était pas au départ l’idée du Président de la République, qui voulait taxer les revenus du patrimoine et du travail de la même façon. J’ai d’ailleurs déjà dénoncé ce point tout à l’heure sans obtenir de réponse une fois de plus : pourquoi écarter les revenus du patrimoine, dont on sait qu’ils sont les plus importants une fois le seuil du million d’euros atteint ?
Quant à la rétroactivité, monsieur le ministre, je vois mal comment ce ne serait pas y déroger que de changer la règle du jeu en cours d’année. Je vous sais pourtant attaché à la stabilité fiscale.
Enfin, monsieur Mandon, n’ai-je pas proposé en commission de créer une tranche à 50 % en supprimant les contributions exceptionnelles de 3 et 4 % ? Las, vous n’avez pas voté l’amendement ! Vous êtes pris en flagrant délit : vous dites une chose, mais vous faites son contraire. Qui sont les députés favorables à la proportionnalité ? Nous !
Monsieur Le Fur, vous avez tort. La décision de fixer le plafond à 66 % ne ressort pas d’un avis du Conseil d’État,…
…mais d’éléments qui étaient passés plus inaperçus que d’autres dans la décision du Conseil constitutionnel relative à cette fameuse taxe de 75 %. Se prononçant en effet sur d’autres points de la loi de finances de l’époque, il avait considéré qu’une taxation supérieure à 66 % de certains types de revenus serait confiscatoire. Le Conseil constitutionnel a bien évoqué ce taux et le Conseil d’État s’est appuyé sur le même type d’arguments.
S’agissant du principe de rétroactivité, le débat n’a pas lieu d’être ! Nous avons toujours décidé en fin d’année des modes de taxation des revenus de l’année. Nous en avons discuté des dizaines de fois et il n’y a pas lieu d’y revenir aujourd’hui, sauf à vouloir faire des effets de manche.
Je suis en revanche plus sensible à l’argument de M. Giacobbi qui pointe le risque d’insécurité au moment de la signature d’un contrat. Cela étant, les parties peuvent très bien prévoir une clause par laquelle un changement de fiscalité s’applique à l’une des parties sans engager l’autre comme l’on peut par exemple en rencontrer dans des contrats de concession. De surcroît, cette taxe présente un caractère temporaire. Je comprendrais mieux que l’on soit tenté d’adopter son amendement si cette taxe était définitive.
Pour toutes ces raisons, la commission a rendu un avis défavorable à l’ensemble des amendements.
Je me suis déjà exprimé sur ce sujet. Même avis.
L’amendement no 515 n’est pas adopté.
L’amendement no 162 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il faudra que M. le rapporteur général me précise à quel endroit de sa décision le Conseil constitutionnel vise le taux de 66 % ! Ce n’est pas dans la décision du Conseil constitutionnel, mais dans un avis complémentaire du Conseil d’État, dont nous pouvons bien sûr discuter, à condition d’être clair.
Par ailleurs, la décision du Conseil d’État est bien différente : l’ensemble des hauts revenus devront être taxés équitablement, qu’ils proviennent du patrimoine ou du travail ! Nous retrouvons là le problème que M. Vigier, moi-même et bien d’autres ont soulevé, celui de l’égalité. Si l’on attache de l’importance à la décision du Conseil d’État, il faut la considérer dans son intégralité.
Enfin, vous n’avez pas répondu à la question de M. Mariton : que se passe-t-il quand un même grand patron reçoit des rémunérations en France et à l’étranger ? M. Ghosn n’est pas aimé des écologistes, si j’ai bien compris, mais il dirige à la fois Renault et Nissan.
On peut le remplacer sans problème, celui-là ! Ce ne sera pas une grosse perte !
Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il quand une entreprise a des sièges en France et à l’étranger ? Vous créez un dispositif qui fait que très peu de gens devront payer. Je finis par comprendre l’irritation d’un certain nombre de clubs de football. Des salariés y sont très bien payés, peut-être trop, mais au moins n’ont-ils qu’un employeur et vivent-ils sur notre territoire, avant qu’ils ne le quittent parfois. De fait, vous épargnez les revenus du patrimoine, un certain nombre des revenus du travail comme les honoraires des avocats ou les rémunérations des vedettes de cinéma. Votre logique n’est pas satisfaisante, elle crée des inégalités et pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. S’il faut dénoncer les rémunérations excessives, nous devons utiliser les bons outils, en particulier celui de l’impôt sur le revenu.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 835 .
M. Le Fur l’a très bien dit : si une entreprise compte plusieurs filiales, comme cela se produit souvent dans l’industrie, la tentation d’optimiser ne sera-t-elle pas grande ? Notre question est simple : y aura-t-il une consolidation par salarié ? Celui-ci pourrait par exemple percevoir cinq rémunérations de 500 000 ou de 800 000 euros, ce qui rendrait le total supérieur à unmillion.
Par ailleurs, M. le ministre a déclaré tout à l’heure qu’il était nécessaire de prendre des mesures durables et ne pas changer la règle du jeu. Or, M. le rapporteur général vient d’annoncer que ce dispositif ne devrait pas durer si longtemps que cela, sinon ils en auraient choisi un autre. Sans vouloir stigmatiser les footballeurs, admettez que le champ concurrentiel est ouvert. Regardez les rémunérations en Italie ou en Allemagne, pour ce sport comme pour d’autres d’ailleurs. Faut-il vraiment que les talents évoluent à l’extérieur ? Il faut faire travailler les talents ! Nous avons la chance d’avoir des hommes et des femmes qui veulent vivre en France et y donner le meilleur d’eux-mêmes, profitons-en !
D’ailleurs, lorsque les basketteurs gagnent la coupe d’Europe, ils sont reçus à l’Elysée le soir-même.
Cet amendement tend également à supprimer l’alinéa 23 qui instaure un bouclier fiscal à destination de quelques clubs de Ligue 1, car tous seront soumis à cette taxe mais certains y gagneront et d’autres pas. Je comprends que M. Rochebloine ait cosigné cet amendement car Saint-Etienne sera désavantagé par rapport au Paris-Saint-Germain. C’est tout simplement cela, la réalité.
Permettez-moi d’ajouter une chose. Comme l’a dit M. Giacobbi, la mission d’information sur le fair-play financier des clubs de football, dont notre collègue Braillard était le rapporteur, a donné lieu à la publication d’un rapport extrêmement intéressant qui aborde notamment les problèmes de surendettement des clubs, la question des transferts et celle des salaires parfois astronomiques des joueurs. Michel Platini, d’ailleurs tire lui aussi la sonnette d’alarme depuis l’UEFA. Il faudra également résoudre ces problèmes.
Rappelons quelques chiffres. La Ligue de football professionnel a considéré que la mise en place de cette taxe coûterait 82 millions d’euros aux clubs, dont 45 millions pour le PSG. On peut penser que cette mesure est mauvaise et qu’il aurait mieux valu recourir à l’impôt sur le revenu, mais il est tout de même étonnant et fiscalement injuste qu’un club puisse acheter un joueur et ne pas s’acquitter de l’impôt dans ce contexte.
En tout état de cause, il me semble que le Paris-Saint-Germain, via ses soutiens financiers, pourrait s’acquitter de cette taxe dans son intégralité.
À ce stade du débat, je voudrais faire la remarque suivante : je suis assez surpris que les commentaires des uns et des autres ne portent que sur la question du football.
Je vous en prie, monsieur Le Fur ! Vous avez une autre attitude lorsque vous êtes au perchoir… Mais peut-être le comportement habituel de M. Mariton déteint-il sur vous… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je le répète, vos questions ne portent que sur les clubs de football, du Paris-Saint-Germain aux clubs régionaux et même aux contrats des joueurs – je suppose que vous ne tarderez pas à donner leurs noms… Chacun est certes libre de ses interventions, mais je voulais y insister.
J’en viens à l’argument de M. Vigier sur l’utilisation éventuelle de filiales. Figurez-vous que l’article a justement été conçu de telle sorte que lorsque les frais de gestion – les management fees qu’une société implantée à l’étranger verse à l’un de ses salariés mis à la disposition d’une filiale établie en France – ne sont pas remboursés par la filiale en question, l’administration pourrait y voir un acte anormal de gestion par lequel une filiale rémunèrerait un travail effectué dans une autre filiale. De ce point de vue, l’article est bien construit et répond à votre légitime préoccupation.
De même, l’article est bien construit pour ce qui concerne l’assiette des rémunérations prises en compte. Vous évoquez les joueurs et les clubs sportifs, mais chacun a à l’esprit les autres secteurs qui peuvent être concernés : les stock-options, les attributions gratuites d’actions, en somme tous ces éléments que certains ont tenté pendant un temps de ne pas inclure dans l’assiette pour ne pas atteindre le seuil du million d’euros.
Pour conclure, j’émets donc un avis défavorable à ces amendements.
Permettez-moi de réitérer une remarque à laquelle le ministre n’a pas répondu. Sauf erreur, un salarié d’une entreprise britannique touchant une rémunération d’un million d’euros en France échappera au dispositif que vous nous proposez. En revanche, il s’appliquera à une entreprise française rémunérant au même montant un salarié en Grande-Bretagne. Ce n’est guère cohérent !
Si j’ai évoqué les clubs de football professionnel, monsieur le rapporteur général, c’est en raison de l’alinéa 23 qui, me semble-t-il, ne peut concerner que ce type d’entreprises.
J’attends toujours du rapporteur général qu’il nous cite le passage exact de la décision du Conseil constitutionnel où est évoqué le taux de 66 % de l’imposition. Il me semble que seul l’avis du Conseil d’État le mentionne explicitement ; nous ne sommes donc pas liés.
J’ajoute, monsieur le rapporteur général, que nous n’avons pas parlé que des clubs de football, mais aussi des grandes entreprises et, plus généralement, de tous ceux qui ne paieront pas – artistes ou grands avocats, par exemple – qui perçoivent pourtant une rémunération très élevée.
S’agissant du football, cette affaire a en réalité été négociée avec les grands clubs. À Valenciennes, seuls trois joueurs perçoivent une rémunération supérieure à un million d’euros ; un seul à Guingamp. Ces clubs n’atteindront donc jamais l’écrêtement des 5 %, et seront de ce fait défavorisés par rapport aux grands clubs qui bénéficieront des avantages prévus. Tout cela est pour le moins contestable. Au fond, votre texte est mauvais et vous le savez ; vous vous sentez donc obligés d’introduire une forme d’exception dans l’exception sous la forme d’un écrêtement qui crée des problèmes. Sortez de ce dispositif et adoptez une mesure plus nette concernant l’impôt sur le revenu, qui permettrait de toucher l’ensemble des contribuables percevant des rémunérations de ce niveau, quelle qu’en soit l’origine.
Cet amendement vise à abaisser le plafond de la taxe à 2,5 % du chiffre d’affaires, afin de protéger un plus grand nombre d’entreprises – au-delà des clubs de football – de cette contribution.
Je saisis cette occasion pour rappeler à M. le ministre qu’il n’a toujours pas répondu à ma question, laquelle n’a pourtant rien de vicieux, sur la cohérence et l’effectivité du dispositif s’agissant des entreprises françaises employant des salariés à l’étranger. Je puis me tromper, mais seule votre réponse m’éclairera.
Dans sa décision rendue le 29 décembre 2012, monsieur Le Fur, le Conseil constitutionnel a non seulement annulé la disposition relative à la taxe de 75 %, mais aussi une autre disposition qui consistait à taxer les plans d’options de souscription ou d’achat d’actions et les avantages liés à la valeur des actions attribuées gratuitement. Le Conseil a en effet estimé que, pour un contribuable célibataire percevant 150 000 euros de revenus, de tels produits aboutissaient à un taux confiscatoire.
Une fois saisi par le Gouvernement, le Conseil d’État s’est appuyé sur cette décision du Conseil constitutionnel en rappelant que, sur les produits censurés, le taux de taxation cumulée atteignait les deux tiers.
Nous sommes d’accord : c’est bien l’analyse du Conseil d’État, et non une décision du juge constitutionnel.
Vous êtes bien bavard…
Le Conseil d’État a donc estimé que le Conseil constitutionnel jugeait confiscatoire un taux de taxation supérieur à 66 % – ce qui ne signifie nullement qu’il s’agisse là d’un plancher. L’avis du Conseil d’État a été rendu public par le Gouvernement.
S’agissant des amendements, le débat sur le taux de 5 % a déjà eu lieu : avis défavorable.
M. le ministre nous dit que l’on ne saurait adopter une mesure ayant une incidence financière car il faut redresser les comptes publics : nous entendons cet argument et vous ne sauriez nous reprocher de ne pas toujours vouloir redresser les finances publiques. Toutefois, vous ne m’avez pas répondu sur la possible modification des comportements et de la structure des revenus – aux salaires s’ajouteront en effet des stock-options et des retraites-chapeau, par exemple – que nous devrons bien constater dans le rendement de la taxe.
Autre question restée sans réponse : pourquoi n’êtes-vous pas allés plus loin dans la taxation des revenus du patrimoine ? Vous êtes pourtant à la recherche de financements pour équilibrer la fiscalisation des revenus du patrimoine avec celle des revenus du travail.
Enfin, pourquoi avez-vous balayé d’un revers de la main la proposition de créer une tranche d’imposition à 50 % avant même qu’elle soit explorée ?
La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 1109 .
Il vise à rendre la taxe de solidarité non déductible de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés. En commission, j’avais défendu un amendement, qui a d’ailleurs été adopté, consistant à interdire la déductibilité de cette taxe dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Il s’agit là d’un dispositif exceptionnel, même s’il n’est pas sans précédent – il a par exemple été appliqué à l’imposition sur les stocks de produits pétroliers. En tout état de cause, il n’est pas d’usage de prendre une telle mesure de non-déductibilité de l’impôt sur les sociétés.
Après concertation, j’ai donc décidé de vous présenter une version moins sévère qui consiste à conserver à cette taxe son caractère déductible de l’impôt sur les sociétés mais, en revanche, de la rendre non déductible de la surtaxe prévue à l’article 11, dont le taux est fixé à 10,7 % en l’état actuel des choses.
En effet, c’est une version adoucie de la non-déductibilité de l’impôt sur les sociétés.
Les arguments de M. le rapporteur général sont pragmatiques et son amendement est le fruit d’un travail approfondi. Je suis donc favorable à cet amendement.
Avant toute chose, je remercie M. le rapporteur général pour les explications qu’il nous a données sur le taux de 66 %, car les choses sont claires : il s’agit bel et bien de l’interprétation qu’a faite le Conseil d’État d’une décision du Conseil constitutionnel. Le chiffre n’a donc pas été explicitement mentionné par le juge constitutionnel et, dans ces conditions, nous n’y sommes pas liés.
S’agissant de l’amendement de M. le rapporteur général, j’y adhère sans difficulté mais j’y décèle tout de même une légère contradiction : puisque vous souhaitez sanctionner les entreprises qui offrent de trop gros salaires, comment, dès lors, accepter la déductibilité au titre de l’impôt sur les sociétés ? Cette remarque de forme n’empêche pas que l’amendement est acceptable sur le fond.
Dans la version initiale de l’amendement du rapporteur, celle adoptée en commission, était visés à la fois l’IS et l’impôt sur le revenu. Je souhaiterais savoir quel type de contributeurs sont exclus globalement du nouveau dispositif alors qu’ils étaient visés par le premier, indépendamment de l’effet masse décrit par le rapporteur.
Par ailleurs, sur la question des salariés d’entreprises françaises à l’étranger, ou inversement, je crois comprendre que le Gouvernement avait une réponse à nous donner.
Pour ce qui concerne les entreprises françaises qui ont des salariés à l’étranger, elles paient la taxe, ce qui est assez logique. Pour ce qui concerne les entreprises étrangères, elles paient aussi la taxe si elles ont une activité stable en France. Car rattacher artificiellement des salaires qui correspondraient en réalité à une activité réalisée au bénéfice d’une entreprise française pourrait les exposer à un double risque : outre qu’elles se verraient appliquer la taxe, elles feraient l’objet d’un redressement pour ne pas avoir accepté les règles.
Je vais répondre à la question de M. Mariton et donner quelques précisions sur un autre point.
L’amendement que je vous ai présenté ne porte que sur les entreprises assujetties à l’IS puisque la contribution exceptionnelle ne porte que sur ces entreprises. Elle sera donc toujours déductible pour celles qui relèvent de l’IR et celles qui sont à l’IS la déduiront du paiement de l’IS, mais la rajouteront pour calculer les 10,7%.
Le produit de cette taxe représentera entre 10 et 15 millions d’euros.
Je souhaite préciser un deuxième point : la contribution exceptionnelle n’est pas exigible pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 millions d’euros, ce qui veut dire que les petites et moyennes entreprises continueront à la déduire de l’IS. Et comme elles ne paient pas la contribution exceptionnelle, cela ne changera rien pour elles. Ce dispositif épargne donc les petites et moyennes entreprises.
L’amendement no 1109 est adopté.
L’article 9, amendé, est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article. La parole est à Mme Karine Berger.
Avec cet article, nous abordons la fiscalité des entreprises puisque l’article, qui va être profondément modifié par un amendement du Gouvernement, visait à créer une assiette large de taxation des entreprises, c’est-à-dire une assiette reposant sur l’EBE.
Cet article pose de bonnes questions.
L’impôt sur les sociétés, en France, est source de nombreux soucis. D’abord, son assiette est totalement mitée. Autrement dit, beaucoup d’entreprises échappent complètement à l’impôt sur les sociétés parce que l’assiette est complètement trouée. Cela amène, mécaniquement, pour des raisons de rendement fiscal, à toujours augmenter le taux facial, sans forcément avoir des effets très massifs sur le taux effectif.
Une étude de la Direction générale du Trésor de 2011, dans le numéro 88 de Trésor-Eco, a fait le calcul du taux effectif d’imposition sur les sociétés en France. Il apparaît que les grandes entreprises sont celles qui ont le taux effectif le plus faible – de mémoire environ 18 %. Plus ennuyeux, les entreprises qui ont le taux effectif d’impôt sur les sociétés le plus élevé sont, de très loin, les entreprises de taille intermédiaire, c’est-à-dire précisément les 4 000 entreprises en qui nous, parlementaires, fondons nos espoirs pour leur capacité à développer la croissance économique de demain. Cela s’explique simplement, par le fait que les entreprises de taille intermédiaire sont celles dont la capacité à rentrer à l’international est la plus faible et dont, par conséquent, la capacité d’optimisation fiscale est aussi la plus faible. Ce sont en même temps des entreprises bénéficiaires et profitables qui sont assujetties à l’IS.
Nous devons absolument commencer à réfléchir pour créer une nouvelle imposition sur les sociétés qui remette de l’ordre dans la maison, avec un taux effectif plus élevé pour les grands groupes et, si possible, un taux effectif plus faible pour les petits. Cela passe nécessairement par un changement d’assiette et, de ce point de vue, la première idée du Gouvernement doit être approfondie et expérimentée.
Par ailleurs, puisque le Gouvernement a lancer l’idée de créer des assises de la fiscalité, il faut tout de même, avant de se lancer dans une réflexion globale sur la fiscalité des entreprises, se mettre d’accord sur quelques règles. Monsieur le ministre, vous aurez peut-être la gentillesse de nous éclairer sur les règles que le Gouvernement se donne a priori.
J’en vois une qui est d’importance : ces assises de la fiscalité ne doivent pas conduire à réduire drastiquement la part de prélèvements fournie par les entreprises à l’effort national en matière de fiscalité. C’est une tendance malheureusement visible ces dernières années, qui n’a qu’une seule conséquence, à un moment où nos finances publiques connaissent des difficultés : reporter la charge sur les ménages.
À l’occasion de ces assises où, je l’espère, nous nous mettrons d’accord sur une nouvelle assiette plus moderne, plus intelligente, plus large, comme la CSG en son temps sur les ménages, il faudrait aussi nous accorder sur le fait que les entreprises ont toute leur part dans l’effort national de financement des services publics, de l’éducation, de la santé et des retraites.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je voudrais mettre en exergue l’amateurisme du Gouvernement sur cet article. Nous avions un dispositif sur l’EBE, mais il a été abandonné en quelques jours.
Et vous, combien d’années avez-vous mis pour supprimer le bouclier fiscal ?
Maintenant, vous proposez une imposition supplémentaire sur l’IS. Voilà un amateurisme un peu surprenant à ce niveau de responsabilité..
En outre, on va prendre un peu plus de 2 milliards aux entreprises. Pourquoi pas ? Cela étant, je rappelle qu’on va leur donner, au titre du CICE, environ 20 milliards. N’est-il pas un peu schizophrénique de prendre d’un côté pour donner de l’autre ? Certes, ce ne sont pas tout à fait les mêmes entreprises, me direz-vous, puisque l’on va prendre à celles qui, étant soumises à l’IS, sont profitables. Il n’en demeure pas moins que j’ai le sentiment…
…que ce dispositif est fait pour masquer ce que l’on donne au titre du CICE, en particulier à certaines filières. La grande distribution a été évoquée hier matin et hier soir. À ce propos, monsieur le ministre, j’avais posé une question sur le CICE. Je vous ai vu hocher la tête quand j’ai posé la question : si vous avez la réponse, je suis preneur…
Il y a aussi le problème des coopératives qui ne bénéficient pas du CICE.
Il y a un an, nous avions conjugué nos efforts pour y parvenir. Je sais qu’il y a une petite difficulté au niveau européen, mais votre réponse est, pour le coup, très attendue.
C’est un sujet extrêmement important que nous abordons, avec l’article 10, qui pose le problème de la doctrine économique plus que celui de la doctrine fiscale. Il faut savoir si la fiscalité des entreprises peut être un élément d’ajustement budgétaire. Pourquoi pas ? Dans ce cas, il faut l’annoncer clairement, et ce sera peut-être le thème des assises de la fiscalité. Mais je ne l’espère pas… On peut aussi faire de la fiscalité des entreprises un outil d’incitation, de développement, de compétitivité.
Si, dès le départ, on est clair sur ce qu’est la doctrine économique, et donc, ce qu’est la doctrine fiscale, on sera beaucoup plus confiant en matière de perspective économique. Comme plusieurs pays européens, l’Angleterre assume clairement le fait que la doctrine fiscale soit au service de l’économie, donc que la fiscalité soit un outil pour améliorer le développement, la compétitivité et la réussite des entreprises.
De ce point de vue, nous avons vécu un épisode assez perturbant : l’objectif étant avant tout de trouver 2,5 milliards, nous avons eu une approche budgétaire plutôt que pro-active.
Un autre élément a été évoqué tout à l’heure : la dissymétrie entre le rendement de l’IS, avec des écarts extrêmement impressionnants qui vont de 18 à 20 % pour les grandes entreprises, et un taux effectif de plus de 35 % pour les PME. Il est vraiment fondamental de procéder à un rééquilibrage. L’IS est contre-productif puisqu’il produit des résultats inverses de ceux dont nous avons besoin. C’est, là aussi, un sujet de doctrine économique qui appelle à revoir en profondeur cette approche fiscale.
J’en viens à la question de l’assiette et des taux : il n’est pas interdit de réfléchir à ces deux leviers. Si l’on veut avoir confiance dans une économie qui avance, il faudra bien jouer sur les deux éléments. Et je crois que ces éléments appellent à intégrer dans la réflexion la dépense publique. Faute de quoi, nous aurons à nouveau un problème de transfert vers les ménages ou vers les entreprises, avec un phénomène de balancier extrêmement préoccupant pour nos entreprises et pour l’opinion en général.
Nous avons une doctrine à préciser, l’article 10 nous le rappelle ; nous avons une dissymétrie à corriger, les taux effectifs nous le rappellent ; nous avons plusieurs leviers à travailler – l’assiette et les taux –, ainsi que le levier de la dépense publique, qui ne peut pas être écarté de cette réflexion.
Jean-Christophe Fromantin a bien brossé le tableau.
Nous savons dans quelles circonstances est arrivée cette affaire d’EBE. J’ai relu les débats parlementaires de l’examen de la loi de finances de l’an dernier : il y a eu alors une fiscalité exceptionnelle de 6 milliards sur les entreprises. Or cette année, au dernier moment, il a fallu trouver 2 ou 2,5 milliards. Vous avez donc inventé l’EBE. Il y a eu un petit arbitrage ministériel et, heureusement, vous avez renoncé à cette mesure !
Je rappelle, mes chers collègues, que l’IFA dont nous parlons tous, a été supprimée par la précédente majorité.
Le ministre de l’économie, votre collègue, monsieur le ministre, déclarait il y a peu : « Nous allons supprimer la C3S et baisser l’IS ». Résultat des courses : la C3S est toujours là et vous augmentez l’IS…
J’ai entendu ce que vous avez dit, madame Berger. Mais si vous reprenez les amendements sur l’IS que nous avons déposés depuis plusieurs années dans cette maison, vous constaterez que nous avions proposé un amendement à 15 %. N’est-ce pas, madame Berger ? Nous avons parlé hier du problème de l’assiette, du rendement et des grands groupes industriels du CAC 40 qui paient 1 ou 2% d’impôts, alors que le taux médian est de 22% pour les PME.
Il est important, me semble-t-il, de prendre des mesures de justice en faveur des PME-PMI dont on sait qu’elles sont le moteur du développement du pays. Et il est tout à fait anormal – Jean-Christophe Fromantin a parlé de dissymétrie – que les plus grands groupes, qui font le plus de profits, puissent échapper à l’impôt par des systèmes de défiscalisation, d’autant que ce sont eux qui contribuent le moins à l’établissement des grandes politiques de l’État.
J’espère donc que l’engagement no 3 du candidat Hollande promettant de mettre en place trois taux d’imposition sur les sociétés…
…35 % pour les grandes, 30 % pour les petites et moyennes, 15 % pour les très petites, sera tenu !
Deux milliards et demi, 8 000 entreprises : tel est l’enjeu de la proposition initiale du Gouvernement concernant l’impôt sur l’excédent brut d’exploitation.
Monsieur le ministre, l’autre soir, vous vous êtes expliqué en commission, et le débat était intéressant. Il n’en demeure pas moins que le Gouvernement a pris la responsabilité de proposer un impôt que la plupart des analystes se sont accordés à considérer comme absurde.
En fin de compte comment le Gouvernement a-t-il malgré tout osé formuler une telle proposition ? Vous en avez esquissé l’explication l’autre jour, monsieur le ministre, mais sur un enjeu comme celui-ci, dont l’impact sur notre économie est important et qui en dit long sur ce que le Gouvernement et la majorité pensent de celle-ci, il serait intéressant d’entendre aussi M. le ministre de l’économie, non pour être désagréable à l’endroit de M. le ministre du budget mais parce qu’il s’agit d’un sujet qui est de nature à la fois budgétaire et économique. Le Gouvernement s’est largement déconsidéré en avançant une telle proposition, même s’il s’est en partie rattrapé en la corrigeant.
Je rappelle aussi en passant, monsieur le ministre, sans pour autant les faire miens, les commentaires aussi abondants qu’extrêmement désobligeants relatifs non seulement à la réflexion politique conduisant à une telle proposition mais aussi au mode de fonctionnement de votre maison. On ressort mortifié de la lecture du récent article d’Éric Le Boucher sur le fonctionnement de votre ministère. En réalité, toute mauvaise proposition qui est formulée relève fondamentalement de la responsabilité du ministre, je crois que l’on peut s’accorder là-dessus. Comment êtes-vous arrivé à cette proposition extravagante ?
Quant aux propos de Karine Berger que j’évoquais ce matin…
…ils sont tout de même le reflet d’une certaine vision. Vous voulez construire une réforme de la fiscalité des entreprises fondée sur le niveau minimum que vous comptez percevoir.
Cela a été dit de manière indirecte aujourd’hui et de manière plus directe l’autre soir en commission. Je pense que cette manière de prendre le sujet est assez inquiétante et il appartient au Gouvernement de nous rassurer. Le niveau d’impôt que l’on veut prélever sur un secteur donné de la vie nationale ne peut pas être à ce point indépendant de l’évolution de notre économie.
Je m’exprime sur l’article 10 tel qu’il est au moment où je parle. J’ai pris connaissance de l’amendement du Gouvernement, j’en attends la discussion et les suites éventuelles. Pour l’instant, la création d’une nouvelle contribution basée sur l’EBE, l’excédent brut d’exploitation, pour les chiffres d’affaires supérieurs à cinquante millions d’euros, est liée à la suppression de l’IFA et s’inscrit dans une réforme de la fiscalité des entreprises destinée à alléger les coûts qui pèsent sur elles. J’attire l’attention de mes collègues sur ce dernier point. Une telle contribution viserait les sociétés et les organismes. Vous comprendrez que je pense très fort, à l’évocation de ces derniers, à certains organismes appelés HLM. La contribution pèse aussi sur toute personne morale assujettie totalement ou partiellement à l’impôt et dont le chiffre d’affaires est supérieur à cinquante millions d’euros.
L’application de telles règles aux personnes partiellement exonérées et aux sociétés HLM ou autres ne laisse pas de soulever des questions. Il nous faut savoir si les cinquante millions évoqués ne relèvent que de la partie imposable à l’IS. J’insiste, car la mission d’intérêt économique général des organismes HLM ne relève pas de l’IS. Ceux-ci – SA HLM, office public de l’habitat, coopératives – sont éventuellement susceptibles de le payer sur la base d’une production qui est accessoire et minoritaire. Il ne faudrait donc pas que, faute amendement, loin d’alléger le poids de l’IS éventuellement payé on mette en place une nouvelle taxe ! Pour un organisme HLM disposant d’un parc de 10 000 logements, cela pourrait représenter entre un et trois millions d’euros !
Sourires.
Mesurez, monsieur le ministre, le frein que cela pourrait représenter alors même que nous n’avons qu’une seule ambition : produire plus. Cela suppose des fonds propres, auquel vous vous attaqueriez directement.
L’article 10 est l’occasion d’un débat fort intéressant relatif à l’impôt sur les sociétés et à la contribution des entreprises à partir de leurs bénéfices, dans la perspective des assises de la fiscalité de l’entreprise. Nous y apporterons notre contribution, dans le cadre de cet hémicycle et peut-être davantage, au moins pour vous aider, monsieur le ministre. Vous aurez besoin du soutien de la représentation nationale, de son aile la plus à gauche à tout le moins, face à des chefs d’entreprise qui se permettent de décerner un carton jaune alors même que les entreprises ne sont pas si mal traitées que cela cette année, me semble-t-il, et c’est un euphémisme !
La refonte de l’impôt sur les sociétés ne peut s’évaluer à la seule aune de la concurrence fiscale, chacun en est bien conscient. Outre son rôle redistributif, l’impôt compte en matière de transition écologique et de réponse aux besoins sociaux. Surtout, l’attractivité de notre pays ne saurait se mesurer au seul taux d’imposition. Cette obsession qui est la vôtre, mes chers collègues de l’opposition, est quand même un vrai problème !
L’attractivité dépend également de nombreux facteurs, tels que la qualité des infrastructures et celle de la formation, de notre protection sociale et de nos services publics. Les investisseurs étrangers ne s’y trompent pas.
La refonte complète de l’IS n’en est pas moins essentielle. Comme l’a dit Karine Berger, l’assiette est complètement mitée. Le taux facial et les taux effectifs sont extrêmement discordants. Par ailleurs, monsieur Vigier, l’impôt sur les sociétés n’augmente pas en 2014, même avec la surtaxe qui sera appliquée : il baisse énormément par le biais du CICE.
Non, vous avez dit qu’il augmentait. Avant le CICE, Eurostat nous classait déjà au douzième rang européen en 2012, l’impôt sur les sociétés représentant alors 2,5 % du produit intérieur brut. La diminution de cinquante-trois milliards d’euros aujourd’hui à vingt-neuf milliards demain, que vous nous avez confirmée en commission des finances mercredi, monsieur le ministre, nous placera à 1,45 % du produit intérieur brut. Autrement dit, l’impôt sur les sociétés se réduit comme peau de chagrin.
Il est donc temps de le revoir complètement, en particulier sur deux points, sa modulation en fonction de la taille des entreprises et sa modulation en fonction de l’utilisation des bénéfices. Voilà comment on favorisera l’emploi, la croissance et les salaires !
Je dirai quelques mots à la suite des interventions des uns et des autres. Il faut absolument, monsieur le ministre, mener un travail associant certes les représentants des entreprises mais aussi les parlementaires.
La commission des finances est tout à fait prête à y participer. Il doit laisser une très large place aux simulations fondées sur des échantillons d’entreprises. En effet, toute modification d’assiette provoque des transferts très importants. Il importe de les mesurer, ce qui prend beaucoup de temps. La seule critique que m’inspire la contribution basée sur l’EBE, c’est qu’on n’a pas pris le temps nécessaire pour les étudier plus précisément.
Je voudrais dire aussi, en particulier à Karine Berger, que je ne crois pas à l’assiette miracle. Je pense que l’on reviendra assez vite à l’assiette du revenu fiscal. D’ailleurs, nous avons déjà plusieurs assiettes. Celle du chiffre d’affaires, tout le monde dit qu’elle n’est pas bonne.
Elle présente un intérêt dans certains cas, celui de la grande distribution par exemple.
N’oublions pas non plus l’assiette de la valeur ajoutée, qui sert maintenant de base à la contribution économique territoriale. Tous les pays européens disposent aussi de l’assiette du résultat fiscal.
Plus généralement, je pense, comme Hervé Mariton, qu’il ne faut pas se fixer un montant de produit à l’avance. Cela dit, il est normal que notre pays s’inscrive dans les mêmes ordres de grandeur que les autres pays européens quant au poids de ce type d’impôt dans le PIB.
Cela m’amène à une dernière réflexion : nous avions engagé il y a quatre ans, avec l’Allemagne, un travail de rapprochement de l’assiette, donc du taux.
Il me semble que nous devons avoir le souci d’harmoniser les choses en la matière.
Tout le monde a parlé d’harmonisation fiscale. Nous avons signé le traité de stabilité et de coordination, sous-tendu par l’idée d’un rapprochement budgétaire. Si nous n’arrivons même pas à progresser en matière d’harmonisation de l’impôt sur les sociétés c’est vraiment triste.
Il faut, me semble-t-il, considérer toutes ces dimensions dans le travail que nous allons mener.
Je rappelle à mon collègue Sansu que les entreprises contribuent quand même à l’effort national, il ne faudrait pas l’oublier. Par rapport à leurs consoeurs européennes, ce sont elles qui contribuent le plus à l’effort de leur nation.
Il faut raisonner sur l’ensemble de la masse qu’elles apportent à tous les systèmes publics. Par ailleurs, je salue le pragmatisme du Gouvernement qui, constatant l’émoi causé par une mesure dont il espérait un certain rendement, choisit de revenir en arrière et nous propose quelque chose qui est peut-être un pis-aller mais qui a au moins le mérite d’être connu. Quant à la suppression de l’IFA dont il est question, elle est programmée depuis un certain temps déjà.
On aurait pu, compte tenu de la situation exceptionnelle et du travail engagé il y a longtemps, M. le président de la commission des finances l’a rappelé, conserver cet impôt. Le sujet est abordé dans tous les pays européens, qui constatent bien les problèmes qu’ils ont les uns avec les autres. La réflexion doit se poursuivre. Il est même possible qu’elle aboutisse assez rapidement, au moins à une sorte de trajectoire de convergence sur l’assiette si ce n’est sur les taux. À l’issue de ce travail, on pourra remplacer l’impôt forfaitaire annuel, peut-être inadapté, et la C3S. Mais en attendant, on aurait pu conserver cet impôt et le supprimer après révision complète de l’assiette. Il ne s’applique qu’aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à quinze millions d’euros. Ce n’est pas un impôt sur le chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires est le seuil à partir duquel se déclenche l’impôt, ce qui n’est quand même pas tout à fait la même chose. Quant à la C3S, vous aviez initialement imaginé qu’elle puisse être supprimée, monsieur le ministre. Elle est maintenue, provisoirement si j’ai bien compris. Si vous pouvez nous donner l’échéance prévue pour son extinction, cela serait sans doute utile.
Il est bon que nous sortions de la petite difficulté que constituait cet article mort-né. Je souscris à l’idée de mener la réflexion à partir des assises de la fiscalité : c’est une méthode qui a particulièrement bien réussi à et pour la réforme de la fiscalité des plus-values, grâce aux assises de l’entrepreneuriat, nous aurons l’occasion d’y revenir. Instruit par cette expérience, à laquelle j’ai eu la chance d’être associé avec huit autres parlementaires, il me semble que trois principes, que M. le ministre connaît bien, en expliquent le succès. Premièrement, il faut absolument partir d’un rendement constant, contrairement à ce qui a pu être dit ici. Le point d’arrivée peut être différent, mais il faut partir de ce principe. Si on fait croire aux partenaires de la discussion qu’on part sur une autre piste, la discussion échappe à ceux qui sont censés la piloter. La première règle consiste donc à réformer l’imposition en profondeur mais à rendement constant.
La deuxième règle, que M. Carrez a évoquée tout à l’heure, et je suis en parfait accord avec lui, c’est qu’il faut adopter une méthode collaborative large qui, au-delà des associations représentatives qui sont classiquement associées à ce type de discussions partenariales, fasse également intervenir de vraies entreprises : il faut des acteurs industriels ou du secteur des services, de différentes tailles, qui n’ont aucune vocation à être représentatifs, mais peuvent, par leur expérience du terrain, par leurs contraintes et leurs particularités, faire remonter des idées et des préoccupations trop souvent absentes quand seules les organisations dites représentatives occupent l’espace médiatique.
La troisième règle, enfin, relative à ce qui a constitué le point de départ de la réflexion du Gouvernement au sujet de l’article – même si sa réflexion a un peu évolué entre-temps –, c’est que le chiffre d’affaires constitue la pire assiette qui soit. J’ai entendu tout à l’heure M. le président de la commission des finances dire que, dans certains cas, il pouvait être utile de prendre cette assiette : pour ma part, franchement, je ne le crois pas. Dans la méthode de consensus qui doit présider aux travaux de la commission, c’est l’un des tout premiers points sur lesquels nous devons tomber d’accord.
Je remercie tous les orateurs qui, à l’occasion de l’examen de l’article 10, viennent de s’exprimer sur la fiscalité des entreprises. J’aimerais préciser, en quelques mots, la manière dont nous avons travaillé. D’abord, je regrette beaucoup que, sur des questions de cette nature, certains privilégient la polémique et l’emploi de mots parfois blessants à la nécessité d’oeuvrer ensemble au service de l’intérêt général. Je déplore d’avoir entendu des expressions telles que « réforme improvisée » ou « manque de concertation », absolument infondées, car les choses ne se sont pas du tout passées de cette manière.
Je vous l’ai déjà expliqué en commission des finances, mais je vais le refaire.
Ce que nous avons voulu faire, c’est moderniser la fiscalité des entreprises, dans un contexte où les prélèvements qui pèsent sur elles baissent en 2014 – c’est la réalité, j’insiste sur ce point à l’intention de l’opposition. En 2014, l’effet du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, combiné au fait que nous ne renouvelons pas la totalité des mesures de prélèvement sur les entreprises qui ont été prises à titre temporaire en 2013 par mon prédécesseur, va conduire les entreprises à bénéficier d’une diminution de leurs prélèvements – de 11 milliards d’euros si l’on ne tient pas compte de l’effet de la lutte contre la fraude fiscale, et de 12 milliards d’euros si l’on considère que les sommes récupérées auprès des fraudeurs sont autant d’argent qui ne sera pas demandé aux entreprises qui, elles, s’acquittent régulièrement de leur impôt.
C’est un fait, messieurs de l’opposition : les prélèvements sur les entreprises vont baisser de 11 milliards d’euros en 2014 ! Alors que vous tenez un discours récurrent sur la compétitivité – ce dont je ne saurais vous blâmer –, seriez-vous en mesure de me citer une année, une seule, lors du précédent quinquennat, où un tel effort a été accompli en faveur de la compétitivité des entreprises ?
Par ailleurs, j’ai entendu M. Fromantin affirmer que l’on avait prélevé 2,5 milliards d’euros supplémentaires sur les entreprises. Non ! En fait, on a prélevé sur les entreprises un milliard de moins, et il a fallu trouver 2,5 milliards de mesures de rendement dans le cadre de prélèvements sur les entreprises en diminution. Quand certains représentants des organisations patronales ont brandi des cartons jaunes pour protester contre ces fameux 2,5 milliards de prélèvements supplémentaires, cela n’était absolument pas justifié. Si nous voulons débattre de manière sérieuse, il me paraît important que nous soyons précis sur les chiffres.
Nous avons engagé une discussion avec les organisations représentatives des entreprises. Je vous le redis, monsieur Le Fur, si je ne suis pas parti en villégiature cet été – ce qui était bien normal compte tenu de mes fonctions –, c’était précisément pour conduire ces discussions, qui ont été nombreuses, parfois même quotidiennes, avec l’ensemble des acteurs du monde de l’entreprise – qui ne se résume pas au MEDEF et à la CGPME : il y avait aussi des représentants des ETI et d’un certain nombre d’autres organisations. Nous avons mené une concertation approfondie, dont le but était de voir si nous pouvions supprimer les impôts pesant sur le chiffre d’affaires – pas par lubie, mais parce que toutes les organisations avec lesquelles nous avions discuté nous avaient indiqué que les impôts étaient d’autant meilleurs qu’ils pesaient davantage sur la partie basse du bilan des entreprises, c’est-à-dire sur le résultat, plutôt que sur le chiffre d’affaires.
Un très grand nombre de représentants des PME-PMI et ETI nous ont dit que l’optimisation résultant du mitage de l’assiette – exposée de façon très pertinente par Karine Berger dans son intervention qui balayait l’ensemble du sujet – pose un problème, dans le sens où elle conduit les PME-PMI à être imposées à des taux élevés, tandis que les grandes entreprises, qui dégagent des résultats très élevés, optimisent leur fiscalité. Nous avons donc cherché à trouver la voie d’une réforme de la fiscalité des entreprises, allant dans le sens d’un impôt sur les résultats qui soit à la fois minimal et anti-optimisation. Nous étions d’autant plus enclins à aller en ce sens que, contrairement à ce qu’a affirmé Philippe Vigier, les mesures que nous avons prises l’an dernier ont réduit d’un quart, en un an, l’impôt sur les sociétés pesant sur les PME-PMI par rapport à la fiscalité pesant sur les grands groupes – en ce sens, nous avons effectué un très important travail de rapprochement.
Le schéma dans lequel nous nous sommes engagés était le suivant : nous supprimons tous les impôts sur le chiffre d’affaires pour les remplacer par un impôt sur le résultat, qui est un impôt anti-optimisation. Nous travaillons sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés, qui a vocation à être « démité », comme l’a indiqué Karine Berger, et nous ramenons le taux de l’impôt sur les sociétés à 30 %, avec la préoccupation, partagée par le président Carrez, de faire en sorte que la fiscalité des entreprises françaises, notamment en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, soit nettoyée, rationalisée, vidée de ses aspérités favorisant l’optimisation, afin de pouvoir finalement s’aligner sur la fiscalité allemande.
Preuve que nous n’agissons pas dans l’improvisation, mais dans la concertation, nous avons communiqué des simulations aux entreprises, qui nous ont dit que ce que nous proposions pouvait avoir un effet de transfert et un effet de bord, et ne devait donc pas être engagé sans procéder préalablement à des concertations supplémentaires. Nous en avons accepté le principe et avons proposé d’amorcer la pompe par la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle – l’IFA –, que la précédente majorité n’a jamais supprimée, alors qu’elle avait promis de le faire en 2011.
Elle a prorogé deux fois le délai au terme duquel cette imposition devait être supprimée, et c’est finalement nous qui devons décider de sa suppression.
Tant que vous étiez en mesure de la supprimer, vous n’avez fait que la prolonger ! D’ailleurs, les entreprises avec lesquelles nous étions en contact ne croyaient plus vraiment en la suppression de l’IFA. Pourquoi avons-nous proposé la taxation de l’EBE, monsieur Mariton ? Parce que, sur la base des simulations que nous leur avons communiquées, les entreprises nous ont indiqué souhaiter une assiette large et un taux bas. Après être retournées devant leurs mandants, elles ont considéré que cette assiette ne prenait pas en compte les amortissements et pénalisait l’investissement. Cette taxe avait donc vocation à être amendée pour intégrer les amortissements. Je dis donc à M. Mandon que cette taxe n’avait pas vocation à être une taxe mort-née, mais à évoluer – un amendement technique avait d’ailleurs été préparé par le rapporteur général à cette fin. Il est normal que, lorsqu’on s’attaque à des sujets d’une telle ampleur, il soit nécessaire de s’y reprendre à plusieurs fois – souvenez-vous des conditions dans lesquelles s’est faite la réforme de la taxe professionnelle…
…qui a été, effectivement, totalement réécrite au Parlement – tout comme, s’agissant de notre réforme, c’est au Parlement que le rapporteur général aurait proposé l’amendement que je viens d’évoquer, comme je m’y étais engagé dans la réponse que j’avais faite à une excellente question de Jean-Christophe Fromantin dans le cadre des questions au Gouvernement. Finalement, les Assises de la fiscalité se profilant, les organisations représentatives des entreprises préférant que la totalité du sujet soit remis à plat lors desdites assises, et le Gouvernement considérant qu’un bon compromis est toujours préférable à un mauvais conflit – car ces sujets se traitent dans l’optique de préserver l’intérêt général, plutôt que dans les clivages, les oppositions, les invectives et les mises en cause –, nous avons décidé de prendre le temps d’une bonne discussion. Voilà exactement comment les choses se sont passées.
Quand vous parlez d’articles de presse mortifères, je vous réponds que, pour ma part, j’assume mes responsabilités. Quand je lis des articles selon lesquels les collaborateurs de Bercy ferait preuve d’une imagination fiscale sans limite, je ne me sens pas concerné. Quand Pierre Moscovici et moi-même avons présenté ensemble, devant le Conseil des ministres et le Parlement, une mesure fiscale s’intégrant dans le projet de loi de finances, ce n’était pas le produit d’une imagination fiscale débordante à Bercy. C’est simplement parce que des ministres ont décidé, sur la base du travail de leurs services – un travail excellent, compte tenu de la qualité de nos collaborateurs – de prendre une mesure fiscale et d’en endosser la responsabilité. Il faut arrêter de penser, à chaque fois qu’un ministre de Bercy propose une mesure, qu’il le fait pour satisfaire mécaniquement la perversité de ses services, considérant que les services restent, tandis que les ministres passent ! Je vous le répète, les choses ne se sont pas du tout passées de cette manière. Nous avons travaillé tout l’été, j’ai demandé des expertises et des contre-expertises, j’ai demandé à mes services de retravailler certains éléments, et j’assume ce qui est ressorti de tout cela.
Je vous le dis, monsieur Mariton, une grande partie de ce que j’ai pu lire dans les articles de presse auxquels vous avez fait référence était, au regard de ce que nous avons fait durant l’été avec les organisations représentatives des entreprises, inutilement polémique et souvent faux. Au demeurant, ce n’est pas grave, car ces articles n’ont aucune importance : ce qui est important, c’est la réforme que nous sommes déterminés à mener. Nous la mènerons dans l’esprit souhaité par le rapporteur général, le président de la commission et un très grand nombre de parlementaires, c’est-à-dire avec le concours de la représentation nationale, selon la méthode proposée par le président de la commission des finances et le rapporteur général, afin de parvenir, au bout du compte, à une bonne réforme de la fiscalité des entreprises. Je souhaite vraiment de tout coeur que l’opposition s’associe à cette démarche constructive, car nous ne pouvons pas nous permettre d’aborder des sujets d’une telle importance stratégique sous l’angle de l’opposition et de la polémique.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je suis saisie de plusieurs amendements tendant à supprimer l’article10. Peut-être pourrions-nous considérer qu’ils ont déjà été défendus… Je constate que tel n’est pas le cas.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 30 .
J’ai bien entendu les explications de M. le ministre sur ce qui s’est passé. Mais ce qui importe maintenant, c’est de travailler sur la réalité, c’est-à-dire sur le projet consistant à augmenter l’impôt sur les sociétés. Il me semble qu’avant toute chose, il est bon de se comparer aux autres. Alors que la France va atteindre, sauf erreur, un taux d’IS de 38,1 %, la Finlande en est à 26 %, la Grèce à 23 %, l’Italie à 27,5 % et l’Irlande à 12,5 %
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre, vous vous avez expliqué que l’Europe voulait rapprocher les taux de TVA des différents États en matière d’achat de chatons et de chiots. Fort bien, mais pourquoi l’Europe ne s’emploie-t-elle pas à rapprocher les taux d’IS ? De la comparaison que je viens de citer, nos amis irlandais n’hésitent pas à tirer argument ! (Mêmes mouvements.)
Le Portugal est, lui aussi, en train de faire évoluer son taux d’IS afin d’attirer les entreprises. Ce que je vous dis n’a rien de polémique, monsieur le ministre : je ne vous reproche pas une situation antérieure à votre arrivée, je vous dis simplement que la décision que nous allons prendre va accentuer l’écart avec un certain nombre de pays – la Suède est à 26,5 %, la Belgique à 25 %, l’Allemagne à 25 %. Je sais bien qu’il est toujours délicat de faire des comparaisons entre des taux, alors que les bases peuvent être différentes. Il n’en demeure pas moins que ces chiffres constituent des éléments de comparaison pour les grandes entreprises, et des éléments qui influent sur leur choix lorsqu’elles doivent décider de s’installer dans tel ou tel pays.
Nous allons devenir le dernier élève de la classe, monsieur le ministre, c’est-à-dire celui présentant le plus fort taux d’IS. Par ailleurs, je vous pose à nouveau ma question au sujet des coopératives.
Je veux souligner l’importance du débat sur la convergence des taux. Nous aurons sans doute des réponses à nos questions quand nous discuterons de la fiscalité des entreprises lors des assises, mais il serait bien que le ministre nous dise déjà quelle est sa vision et quels sont ses objectifs dans ce domaine car il faut non seulement une convergence des taux mais aussi une convergence des assiettes. Au passage, je note que la fiscalité sur le chiffre d’affaires a une certaine ancienneté et que le président de la commission a rappelé que, par exemple, l’impact de la C3S sur la grande distribution n’est pas totalement absurde.
Chacun a aussi bien en tête que faire converger la fiscalité sur un agrégat économique unique pose des problèmes de stabilité fiscale quand il y a des coups de vent dans l’économie. Ainsi, souvenons-nous de ceux qu’on a constatés pendant la crise et de l’effondrement massif de la base fiscale qui s’en est suivi. Le gouvernement d’aujourd’hui aurait été confronté aux mêmes difficultés à cet égard et bien content d’avoir, lui aussi, une part de la fiscalité assise sur des agrégats économiques plus stables tels que le chiffre d’affaires. Renoncer totalement à une fiscalité sur le chiffre d’affaires poserait donc des problèmes singuliers. Le jour, monsieur le ministre, où vous aurez tout établi sur le résultat et chargé complètement l’impôt sur les sociétés, comment ferez-vous dans des périodes d’évolution majeure, comme il y a quelques années avec l’effondrement de l’IS ?
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 685 .
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Beaucoup a été dit sur cette affaire et je ne ferai que deux réflexions.
Monsieur Le Fur, ne parler que des taux, c’est comme si un commerçant mélangeait chiffre d’affaires et bénéfices. Or vous n’évoquez que le classement des taux sans aborder l’assiette. Les grandes entreprises dignes de ce nom regardent l’ensemble des modalités de calcul de l’impôt sur les sociétés, et pas seulement les taux, avant de prendre une décision.
Elles regardent surtout les trous dans les assiettes ! Monsieur Le Fur, si on aborde les assises dans un tel état d’esprit, c’est sûr que celles-ci vont mal se passer.
L’intervention de M. le ministre suscite chez moi une seconde réflexion car je ne suis pas d’accord avec ses calculs.
Sourires.
J’ai moi-même calculé la différence des impôts perçus auprès des entreprises en 2014 par rapport à 2013. Je rappelle qu’en 2013, elles ont eu à payer des mesures one shot, donc non renouvelées en 2014, qui se sont élevées exactement à 4,95 milliards d’euros. Je rappelle aussi que l’IFA disparaît, ce qui représente un gain de 500 millions d’euros, et que le CICE entre dans leur comptabilité dès 2013, à hauteur de 9,780 milliards d’euros, et à hauteur de 16 milliards d’euros en 2014. Il y aura ainsi en 2014 trois gains pour les entreprises : 6 milliards de CICE en plus, 5 milliards de one shot en moins, 500 millions d’IFA en moins. En faisant le total de l’ensemble des variations d’impôts de 2013 à 2014, j’aboutis à 9 milliards d’euros d’allégements de charges supplémentaires. À comparer avec ce qu’elles paieront en plus : 2 milliards et demi au titre de la contribution sur l’EBE.
Mais disons, monsieur le ministre, qu’en calculant sur un coin de table, on arrive à des résultats tout de même très convergents. À ceux qui s’exclament : « Oh là-là, ça fait deux milliards et demi en plus, nanani nananère ! », je réponds que non puisque ce sera bien autour de 10 milliards de charges en moins. Je leur demande au moins, s’ils ne sont pas d’accord avec mon calcul, de démontrer que je me suis trompé.
J’ai déjà longuement expliqué le cheminement de la démarche du Gouvernement et donné les raisons pour lesquelles nous avons décidé de substituer une surtaxe temporaire – dont le rendement ne le sera pas nécessairement, je m’empresse de le préciser – à la mesure initialement proposée avec l’EBE. J’ai évoqué en commission les modalités de cette surtaxe IS, le rendement attendu et le dispositif d’acompte qui s’y attache.
La parole est M. le président de la commission des finances, pour soutenir le sous-amendement no 1071 .
Ce sous-amendement vise à ne pas faire porter le dispositif sur l’exercice 2013. Je sais bien qu’une telle rétroactivité est juridiquement admise, mais en raison du caractère tout de même très tardif de l’annonce de la majoration, il y a quinze jours à peine, il serait préférable, monsieur le ministre, de la faire porter sur les deux exercices suivants : 2014 et 2015, au lieu de 2013 et 2014. Vous voyez ainsi à quel point je suis sensible aux problèmes de rendement budgétaire. Une telle modification permettrait aussi de ramener une partie du produit 2015 sur 2014 – mais je laisse cela à l’inventivité de vos services.
Le président Carrez a l’habitude de présenter ce type de mesures, et nous échangeons longuement à chaque fois sur les notions de grande rétroactivité et de petite rétroactivité. Après la démonstration qu’a faite le ministre et que je me suis permis de légèrement corriger, il serait vraiment maladroit d’évoquer ici une petite rétroactivité pénalisante, puisque l’évolution que j’ai rappelée montre que c’est tout le contraire. Avis défavorable au sous-amendement.
Il n’y a pas de divergence entre les chiffres du rapporteur général et les miens puisqu’il raisonne en comptabilité et moi en trésorerie, c’est la raison pour laquelle il y a une différence.
Je ne suis pas favorable au sous-amendement parce que la précédente surtaxe à laquelle la nôtre est adossée, la surtaxe Fillon de 2011, prévoyait elle-même cette petite rétroactivité concernant l’exercice en cours, vous vous en souvenez certainement, monsieur le président Carrez.
La surtaxe sur la surtaxe fonctionne donc sur la même base. Rapporteur général à l’époque, vous connaissez très bien la manière dont a fonctionné la surtaxe et vous savez que ce que je dis est juste.
Comme cela vous rendait déjà très malheureux à l’époque, vous devez être habitué aux malheurs et je peux alors les faire durer encore un tout petit peu.
Sourires.
Je vais bien entendu voter l’amendement du Gouvernement, mais comment vous assurerez-vous, monsieur le ministre, que certaines entreprises n’échapperont pas à la surtaxe sur la surtaxe par le biais d’optimisations diverses et variées ? Comment faire pour que l’assiette de la majoration à 10,7 % ne comporte pas trop de trous ?
Nous nous assurons qu’il n’y aura pas d’optimisation par les mesures de lutte que nous avons prises contre l’optimisation de l’impôt sur les sociétés, qu’il s’agisse des prix de transfert ou de la déductibilité des intérêts d’emprunt, et par les dispositions incluses dans la loi de lutte contre la fraude fiscale, ainsi que dans les lois de finances prévoyant l’inversion de la charge de la preuve. Toutes ces dispositifs, que vous connaissez bien parce que vous avez été un parlementaire très assidu lors de leur examen, nous permettent d’apaiser vos craintes.
Le sous-amendement no 1071 n’est pas adopté.
L’amendement no 109 est adopté et l’article 10 est ainsi rédigé.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement, no 887 , tendant à supprimer l’article 11.
Face à la fronde des pigeons, le Gouvernement a dû revoir sa copie sur les plus-values mobilières et il a annoncé un nouveau mécanisme, qui nous est soumis dans cet article. Le régime incitatif se traduira par un abattement renforcé de 50 % pour une durée de détention d’un an à quatre ans, 65 % pour une durée de quatre à huit ans, et 85 % à partir de huit années de détention. Les dirigeants de PME partant à la retraite bénéficieront d’un abattement supplémentaire de 500 000 euros. Pour un entrepreneur vendant sa société, l’abattement atteindra 50 % la première année de détention, pour s’élever à 85 % au bout de huit ans. Voilà de quoi diminuer substantiellement le montant de la plus-value taxable selon la tranche d’imposition du barème de l’impôt sur le revenu. Un dirigeant de start-up gagnant 40 000 euros par an – ils ne gagnent pas beaucoup au début –, et vendant son entreprise au bout de quatre ans avec une plus-value de 500 000 euros acquitte aujourd’hui, au titre de l’impôt sur le revenu, 149 000 euros. Il n’en paiera plus demain que 70 000… Quant au dirigeant d’une PME gagnant 100 000 euros par an et vendant son entreprise au bout de plus de huit ans avec une plus-value de 500 000 euros, il acquitte aujourd’hui 95 000 euros d’impôts sur le revenu et il n’en paiera plus demain que 26 000 !
Le groupe GDR trouve inacceptable que, d’un côté, le Gouvernement demande des sacrifices à l’immense majorité de nos concitoyens à travers la suppression de niches sur l’impôt sur le revenu ou l’augmentation de la TVA et que, de l’autre, il fasse un cadeau de 350 millions d’euros aux détenteurs de patrimoine.
Si on y ajoute l’abaissement de la fiscalité sur les plus-values immobilières, qui va coûter près de 500 millions à l’État en 2014, cela fait 850 millions de cadeaux fiscaux. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
L’article 11 est issu d’un travail mené au cours des assises de l’entrepreunariat. Il a des avantages, l’un fondamental et d’autres secondaires.
L’avantage fondamental, c’est qu’il simplifie les dispositifs existants. Son plus gros mérite étant de créer deux régimes, – ce qui est finalement beaucoup plus simple que ce qui existait auparavant : l’un dit de droit commun, l’autre dit spécifique, réservé aux jeunes entreprises innovantes, à celles qui sont cédées lors de départs en retraite ou dans le cadre de transmissions intrafamiliales.
Accessoirement, il accélère le rythme d’amortissement des plus-values de valeurs mobilières, ce que souhaitaient vivement les détenteurs de parts dans les entreprises. De façon encore plus secondaire, il coûte un peu mais c’est de l’argent bien placé…
…puisque l’on espère qu’il va rapporter. Tout argent placé dans l’économie finira par rapporter, du moins nous l’espérons car c’est le sens de ce que nous faisons en faveur de la compétitivité et du dynamisme économique.
J’émets donc un avis défavorable à l’amendement car supprimer cet article serait une grosse erreur.
L’amendement no 887 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 1111 .
C’est un amendement rédactionnel.
Supprimer l’alinéa 2 va un peu au-delà d’une modification rédactionnelle…
L’article prévoit d’imposer les distributions réalisées par les OPCVM selon des modalités différentes selon que le contribuable est domicilié ou non en France. L’amendement propose d’imposer les distributions effectuées au profit des non-résidents suivant le même régime que celui applicable aux plus-values de cession des parts ou actions de ces entités. C’est juste. Il répond au problème soulevé sur la différence de traitement entre les investisseurs suivant leur domiciliation fiscale. Je suis donc favorable à cet amendement.
L’amendement no 1111 est adopté.
La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 1024 .
L’amendement no 1024 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisie d’un amendement no 283 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement no 1091 .
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement.
Compte tenu du régime très favorable qui est mis en place pour le rythme d’abattement sur les plus-values des valeurs mobilières, cet amendement a pour objectif de supprimer un dispositif qui avait été introduit en loi de finances initiale pour 2012 et qui permettait d’obtenir une exonération en cas de réinvestissement.
En fait, ce dispositif n’a jamais été véritablement appliqué en raison des modifications qui ont eu lieu l’année dernière. En outre, compte tenu de la montée très rapide des deux abattements proposés par cet article, il est peu efficace. Enfin, selon la direction de la législation fiscale, il est très souvent utilisé pour réaliser des montages fiscaux ayant pour seul objectif d’éluder l’impôt. Son maintien constituerait donc un effet d’aubaine pour ceux qui disposent de beaucoup de liquidités et qui, avec ou sans ce mécanisme, réinvestiraient les plus-values réalisées.
Il y a donc lieu de le supprimer ce mécanisme inutile voire dangereux, compte tenu des deux abattements introduits par l’article.
La parole est M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir le sous-amendement no 1091 .
J’entends votre argumentation, monsieur le rapporteur général : selon les services fiscaux,ce mécanisme est peu utilisé ou détourné. Pourquoi pas ? Pour ma part, dans ce sous-amendement, je propose de distinguer deux populations très différentes et pour lesquelles le bénéfice de l’abattement n’est pas du tout le même : l’investisseur passif, qui est présent en tant qu’actionnaire et qui peut jouer de l’optimisation fiscale ; l’entrepreneur actif dont le métier est de réinvestir une fois qu’il a cédé les parts ou les actions de son entreprise.
On ne peut pas traiter de la même manière l’investisseur passif, pour lequel le risque évoqué par le rapporteur général existe, et l’entrepreneur actif, qui est le mandataire social, qui en a fait son métier et qui va probablement réinvestir parce que c’est son activité principale.
Aussi, je propose de limiter l’abrogation prévue dans l’amendement aux seuls investisseurs passifs car le dispositif garde tout son sens pour les entrepreneurs actifs.
Monsieur Fromantin, dans l’ancien système, avant la « barémisation », le taux fiscal avait été porté progressivement de 16 % à 19 %. En 2009, par le biais d’un amendement que j’avais déposé, nous avons opté pour une exonération totale dès lors que les sommes étaient réinvesties : le taux est ainsi passé de 19 % à 0 %, étant entendu que les prélèvements sociaux demeuraient.
Dans le nouveau système, au bout de huit ans, compte tenu des abattements, le taux le plus favorable sera de l’ordre de 4 %. Il ne s’agit donc plus de passer de 19 % à 0 % comme nous l’avions fait, mais de 4 % à 0 %. Pour ma part, j’estime que, dans un souci de simplicité, on peut accepter qu’il y ait un taux fiscal résiduel de l’ordre de 4 %. Cela me paraît plus raisonnable.
Défavorable. Le président de la commission vient de rappeler que, dans le régime incitatif, à l’issue d’une période de huit ans, l’abattement de 85 % est établi. Si tant est que l’on soit dans une tranche à 45 % – ce qui est souvent le cas pour ce type de public – il reste une imposition résiduelle à l’impôt sur le revenu de 4,46 %, c’est-à-dire de 23,75 % avec les prélèvements sociaux, ce qui nous semble franchement dans la norme.
Dans le régime de droit commun, au bout de huit ans, le même calcul aboutit à une imposition résiduelle de 13,46 %, c’est-à-dire de 32,75 % avec les prélèvements sociaux.
Comme le président de la commission des finances et le rapporteur général, je pense qu’il n’est pas nécessaire de complexifier à l’excès le dispositif existant. D’ailleurs, si nous suivions votre logique, monsieur le député Fromantin, nous mettrions en place des dispositifs nouveaux d’exonération ou d’allégement déclenchés par des situations particulières.
Ce serait un élément de complexification extraordinaire d’un dispositif que les assises de l’entreprenariat ont contribué à clarifier. Les entrepreneurs souhaitent des mesures simples et lisibles. Tout en comprenant bien l’intention de votre amendement, je pense qu’il n’est pas de nature à clarifier et à stabiliser un système qui, au terme des assises de l’entreprenariat, est devenu très avantageux.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable au sous-amendement. S’agissant de l’amendement de M. le rapporteur général, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Je le maintiens. Si je comprends l’argument développé sur le taux résiduel, je pense que la mesure est aussi un outil incitatif, et nous rejoignons là le débat que nous avons eu tout à l’heure sur une fiscalité encourageante. Le signal mérite d’être envoyé à celui qui réinvestit, qui retente l’aventure, qui reprend un risque, qui relance un projet de création d’entreprise.
Le sous-amendement no 1091 n’est pas adopté.
L’amendement no 283 rectifié est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2014.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron