La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
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Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi organique, s'arrêtant à l'amendement n° 309 à l'article premier.
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La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 309 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
L'amendement n° 309 n'est pas adopté.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 320 .
Cet amendement rappellera sans doute au ministre et au président de la commission les débats que nous avons eus en commission à propos d'un autre texte, portant sur le référendum d'initiative populaire.
Les Français établis hors de France ont encore la chance, sous ce quinquennat, d'être représentés par des parlementaires élus sur la base de circonscriptions divisant géographiquement le monde. Si ces électeurs inscrits sur les listes électorales pourront consulter le patrimoine de leurs élus, nous nous étonnons que cela se fasse à la préfecture de Paris. Il serait de bon aloi que cela se fasse dans chaque consulat pour les électeurs inscrits sur les listes électorales des Français établis hors de France.
Notre collègue Gérald Darmanin nous proposait tout à l'heure des amendements de simplification. En l'espèce, il nous propose un amendement de complexification.
Mettre à disposition les déclarations de patrimoine des députés élus par les Français de l'étranger dans chaque consulat nous semble une dépense d'énergie disproportionnée au regard de l'objectif. Nous proposons donc de les maintenir à disposition à la préfecture de Paris, ainsi qu'en dispose le texte actuel de la commission.
L'amendement n° 320 n'est pas adopté.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 321 .
Il ne me semblait pas que l'amendement précédent fût complexe, dans la mesure où il rapprochait les électeurs de leurs élus. Je prends néanmoins acte du vote de l'Assemblée.
Je pars du principe que l'engagement du Président de la République d'introduire des députés élus au scrutin proportionnel sera tenu, quoi que nous puissions penser de ces députés qui seraient élus de manière différente de la majorité de leurs collègues. Dans un souci de transparence, il faudra bien que le patrimoine de ces élus puisse être consulté par les électeurs inscrits sur les listes électorales.
Les députés élus à la proportionnelle ne le seront pas sur un territoire défini et doté d'une préfecture, où déposer leur déclaration, comme le prévoient les deux textes Puisque nous sommes des députés de la nation, et non pas des députés d'un département ou d'une circonscription, il paraît normal que leur patrimoine puisse être consulté dans chaque préfecture et chaque consulat.
L'amendement est sans objet, il n'y a pas de députés élus au scrutin proportionnel.
L'amendement n° 321 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement important. Dès lors que le rapporteur a choisi de modifier le texte issu de la volonté du Président et du Gouvernement en prévoyant que le patrimoine sera consultable mais pas publiable, et que l'arsenal du code pénal sera modifié afin que l'on ne puisse pas publier le texte du patrimoine des élus, je pense qu'il est important d'aider à trouver ceux qui seraient auteurs d'une telle publication. Les premiers auteurs seraient bien sûr ceux qui ont eu accès à la consultation du patrimoine des élus.
Si l'on veut être cohérent, il faut pouvoir poursuivre ceux qui publieraient de façon malsaine, par exemple dans le cadre de campagne électorale, le patrimoine d'un élu, voire une version tronquée de celui-ci comme nous l'évoquions hier.
Cet amendement vous propose que lorsque des citoyens, en l'occurrence des citoyens inscrits sur les listes électorales comme l'a décidé l'Assemblée, leur nom, leurs coordonnées ainsi que la date de consultation de la déclaration de patrimoine soient inscrits dans un registre.
Il faut être transparents sur la déclaration de patrimoine, il faut aussi l'être sur ceux qui consulteront le patrimoine des élus. Rien n'est à cacher, surtout pas l'identité de ceux qui voudront consulter légitimement le patrimoine de leurs élus une fois que cette loi sera votée.
Nous souhaitons, avec plusieurs collègues, insérer l'alinéa suivant après l'alinéa 48 : « Le député est informé dans un délai de huit jours, par les autorités prévues aux 1° à 4°, des nom, prénom et adresse postale de la personne qui a consulté sa déclaration de situation patrimoniale. Cette information est faite à chaque consultation. »
Monsieur le ministre, il faut avoir à l'esprit qu'il y a quelque part dans ce monde, notamment avec les nouveaux modes de communication, une once de voyeurisme.
De ce fait, il est important que nous sachions demain qui aura pu consulter le patrimoine et sera donc en état de le rendre public.
Oui. Il est dans la même logique que l'amendement précédent. Avec M. Huyghe et plusieurs de nos collègues qui ne peuvent pas être présents ce soir, nous estimons que le choix d'avoir recours à une consultation des déclarations de patrimoines en préfecture conduira immanquablement à la divulgation de tout ou partie de ces déclarations.
Même si le texte prévoit des sanctions, il paraît normal que les déclarants puissent avoir communication de l'identité de ceux qui auront eu accès à leur déclaration ainsi que de la date de consultation, et que le parlementaire concerné – c'est bien le moins – en soit informé directement, par le préfet ou par l'un de ses délégués.
La commission des lois a repoussé ces amendements. Ils poursuivent une même idée : faire établir une liste des personnes ayant consulté en préfecture les déclarations de patrimoine et permettre aux parlementaires de consulter ces listes.
Ces amendements me semblent traduire implicitement une défiance à l'égard de ce mécanisme de consultation. On peut se demander ce que feraient ensuite les parlementaires qui consulteraient ces listes.
De plus, il est évident que la préfecture conservera un minimum de documents administratifs, ne serait-ce que pour avertir les Français qui viendraient consulter ces patrimoines des risques qu'ils encourent en cas de publication, conformément à la disposition qui figure dans l'article dont nous discutons. Il n'est donc pas absolument certain qu'il soit nécessaire de tenir un registre, et dans tous les cas de figure, cela me semble plus relever du domaine réglementaire que du domaine de la loi.
Ces amendements abordent de vraies questions : comment pourra-t-on procéder à la consultation ; quelle sera la trace laissée ; et quelle information sera donnée à celui qui vient consulter ?
Naturellement, lorsque l'on considère le dispositif que nous avons envisagé, ces questions viennent à l'esprit. Nous n'en ferons pas reproche à ceux qui ont essayé d'apporter des réponses dans le domaine de la loi. Ce qui est envisagé, et qui recouvre pour partie les rédactions proposées, est que la personne qui demande à consulter soit identifiée et que l'on vérifie si elle remplit les conditions pour le faire. Il est prévu de lui remettre et de lui faire signer un document attestant qu'elle est venue pour procéder à cette consultation, et que ce document rappelle ce qu'elle peut ou ne peut pas faire, ainsi que les sanctions pénales prévues. Ce sont des démarches habituelles sur le plan administratif lorsque l'on accorde de tels droits.
Reste à savoir s'il faut mettre ces dispositions dans la loi. Les informations que nous avons recueillies lors de la préparation du projet de loi nous amènent à penser que l'ensemble de ces dispositifs, qui correspondent pour partie à ce que vous évoquez dans vos amendements, relève du domaine réglementaire.
C'est pour cela qu'en l'état, sur l'ensemble de ces amendements et sans contester le bien-fondé des questions posées, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Sur cette question, dont le ministre reconnaît l'importance, deux éléments doivent être relevés.
Le premier, que je tire des propos du rapporteur, est le terme de défiance. C'est assez extraordinaire. Un élu qui voudrait savoir qui est intéressé par son patrimoine, commettrait donc un acte de défiance ? C'est le monde à l'envers !
Je suis tenté de vous dire : à défiance, défiance et demi. Nous considérons que vos lanceurs d'alerte sont des produits de votre défiance à l'égard des élus. Et les élus, à l'égard desquels l'on aurait une suspicion a priori, subiraient la double peine, puisqu'ils ne pourraient ensuite savoir qui s'intéresse à leur patrimoine, la plupart du temps par défiance – ne racontons pas d'histoire.
Monsieur le ministre, vous nous dites que cela relève du domaine réglementaire. Puisque vous avez le domaine réglementaire entre les mains, pouvez-vous prendre devant la représentation nationale l'engagement d'adopter des dispositions réglementaires qui reprendront, au moins dans l'esprit, les propositions qui sont contenues dans nos amendements ? Pour résumer ma question : est-ce que le Gouvernement, qui estime que cela est de son ressort, fera ce que la représentation nationale souhaite absolument dans un souci d'équilibre et d'élimination de la défiance réciproque qui ne peut que naître de votre dispositif, tel qu'il est conçu à l'heure actuelle ?
Tout à l'heure, l'opposition, a qualifié notre système de consultation sans divulgation de bancal. Elle propose maintenant tout une série d'amendements qui rendent encore un peu plus difficile la consultation.
Il y manque un amendement – je le lui suggère – prévoyant de demander au député concerné la possibilité de consulter sa déclaration de patrimoine par recommandé huit jours avant !
Mais c'est sans doute ce que l'opposition appelle la cohérence de ses positions.
Monsieur Dosière, je m'étonne que vous, qui êtes si précis sur beaucoup de choses, ne le soyez pas là-dessus. Vous dites que des sanctions seront applicables en cas de divulgation, mais je constate qu'en l'état actuel, aucune garantie que la consultation de la déclaration du patrimoine sera effectuée en présence effective d'un fonctionnaire de l'État ne figure dans le texte.
Aucun alinéa ne donne d'informations sur la tenue d'un registre. Grosso modo, cela veut dire que l'on pourra aller en préfecture consulter ce que l'on veut, personne ne surveillera, et donc l'on pourra reprendre les informations que l'on veut. Ensuite, comme nous l'avons dit, il sera possible de diffuser ces informations sur un site internet à l'étranger ou écrire des tracts et les distribuer dans les boîtes aux lettres sans que l'on sache qui est venu consulter quoi, et à quel moment.
La transparence fonctionne dans les deux sens. À partir du moment où l'on veut mettre en place un système de sanctions, il faut se donner les moyens de savoir qui a consulté ces documents.
Que l'information soit donnée au député ou tenue à jour en préfecture, faites votre choix. Mais rien n'est précisé dans ce texte, alors que c'est un point important sans lequel les sanctions ne seront pas applicables. Sinon nous pouvons en revenir au système de départ et faire une transparence totale. Dans ce cas il n'y aurait plus de problèmes à gérer en préfecture ni de besoin de prévenir. Ce serait beaucoup plus simple, comme nous le disions cet après-midi avant la levée de la séance.
Je veux réagir aux propos du président de la commission des lois, qui a indiqué que c'étaient les parlementaires qui souhaitaient la mise en place d'un dispositif pour connaître l'identité de ceux qui viendraient consulter les déclarations. Ce ne sont pas seulement les parlementaires, mais tous les élus !
Il n'est pas correct de n'évoquer que les parlementaires.
Vous parlez de défiance, monsieur le rapporteur. Ce n'est pas du tout exact : c'est une question de transparence.
Nous discutons d'un dispositif visant à accroître la transparence. Pourquoi ne pas établir un équilibre, une équité, une réciprocité dans la transparence ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez déclaré qu'il y aurait, au minimum, des documents administratifs mis en place dans les préfectures pour consigner l'identité des personnes qui se seraient présentées. À quoi correspond l'identité des personnes ? S'agira-t-il d'un registre avec les noms et prénoms ? Pourquoi ne pas prévoir ces dispositions dans un texte législatif, plutôt que d'attendre un décret d'application ? Ce serait un signe fort pour aller dans le sens de la transparence dont vous vous prévalez.
J'essaierai de répondre précisément aux questions qui m'ont été posées.
D'abord, il ne peut s'agir que des parlementaires, puisque nous examinons la loi organique. Nous ne pouvons donc pas traiter des autres questions à ce stade.
En outre, nous sommes d'accord : pour ce qui relève du domaine règlementaire, le Gouvernement s'engage…
…à ce que la personne venant consulter une déclaration voie son identité contrôlée. Il lui sera remis un document, dont le contenu sera fixé par décret, mais qui lui rappellera ce qu'elle peut faire et ce qu'elle ne peut pas faire des informations qu'elle a consultées, ainsi que la sanction pénale qu'elle encourt. Ce décret prévoira également la tenue d'un registre : cela me paraît une bonne chose.
Nous avons cependant une petite divergence – et je ne prends pas d'engagement de ce point – concernant la notification systématique au parlementaire. Toutefois, le registre étant lui-même un document administratif, il pourra évidemment être consulté, y compris par le parlementaire qui aura ainsi accès à l'ensemble des informations que vous souhaitez sans complexifier la procédure outre mesure.
Je pense donc que l'ensemble de vos préoccupations sont satisfaites. Le Gouvernement mettra en oeuvre ces dispositions – notamment celles concernant le registre qui pourra être consulté – par la voie règlementaire.
L'amendement n° 324 est retiré.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 310 .
L'amendement n° 310 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 323 .
L'amendement n° 323 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 322 .
L'amendement n° 322 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 359 .
Il convient d'assurer aux citoyens la possibilité de solliciter la Haute autorité non seulement sur les déclarations patrimoniales consultées en préfecture, mais aussi sur les déclarations d'intérêts publiées par cette Haute autorité.
Monsieur Decool, votre amendement est satisfait par l'amendement que nous allons adopter ensuite. Je vous propose donc de le retirer.
L'amendement n° 359 est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 358 rectifié .
Afin d'assurer l'efficacité de ce mécanisme d'alerte citoyenne, il convient d'imposer à la Haute autorité de répondre aux sollicitations citoyennes qui lui sont adressées. Le fonctionnement de la commission d'accès aux documents administratifs, qui répond à plus de 3 000 sollicitations chaque année, montre qu'un tel mécanisme peut être réaliste et efficace.
Avis défavorable. Cette procédure alourdirait considérablement la tâche de la Haute autorité : elle la détournerait de l'essentiel de sa mission, qui consiste à contrôler des déclarations.
Au surplus, il s'agirait d'une obligation sans sanction. Que se passerait-il si le délai de deux mois n'était pas respecté ?
L'amendement n° 358 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 311 .
L'amendement n° 311 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
C'est le présent amendement qui va satisfaire ce que M. Decool préconisait tout à l'heure. Il vise en effet vise à préciser que les sanctions pénales en cas de publication et de divulgation ne s'appliquent qu'aux déclarations de situation patrimoniale, et non aux déclarations d'intérêts.
Je me rallie à l'amendement du rapporteur.
La rédaction actuelle du texte comporte une ambiguïté. Si la diffusion des informations relatives au patrimoine est sanctionnée, celle concernant les déclarations d'intérêts, qui seront publiques, ne doit pas l'être. En mélangeant les règles applicables aux déclarations de patrimoine et aux déclarations d'intérêts, on créait une confusion qu'il est important de dissiper. Cet amendement apporte une solution.
Monsieur Tardy, dois-je en conclure que vous maintenez votre amendement ?
L'amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 58 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 270 .
Un des objectifs de ce projet de loi organique sur la transparence devrait être d'aligner, pour un certain nombre de sujets, les règles applicables aux élus sur le droit commun. C'est exactement ce que proposent cet amendement et les suivants.
Aujourd'hui, dans chaque direction départementale des impôts, un citoyen a la possibilité de vérifier le montant de l'impôt payé par un de ses concitoyens. Cette disposition est normale et tout à fait conforme au préambule de la Constitution et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui prévoit que chacun contribue de façon équitable à l'impôt.
Je propose d'adopter le même dispositif pour ce qui concerne la sanction encourue en cas de divulgation d'une information faite pour être vérifiée, et non pour être utilisée, manipulée, diffusée ou amplifiée à des fins polémiques.
Le projet de loi organique prévoit une peine spécifique, inventée pour la circonstance – de mémoire, un an de prison et 45 000 euros d'amende –, dont on sait bien, d'ailleurs, qu'elle sera extraordinairement compliquée à mettre en oeuvre. Évidemment, les publications ne seront pas effectuées dans la presse quotidienne régionale ou nationale, mais sur internet, comme les résultats des élections divulgués avant vingt heures sur des sites internet suisses ou belges. Personne ne sera jamais poursuivi !
Mais au moins faudrait-il que la peine encourue soit à la fois dissuasive et conforme à notre tradition. En l'état actuel du droit, si vous allez consulter l'impôt payé par l'un de vos concitoyens – ce qui est normal – et que vous publiez cette information par quelque moyen que ce soit, fût-ce internet, vous devrez acquitter en punition, si d'aventure on vous retrouve, le montant de l'impôt correspondant. Cette disposition a permis au Canard enchaîné de publier, il y a quelques décennies, la feuille d'impôts de M. Chaban-Delmas, qui s'élevait à zéro franc, et de ne payer qu'une amende de zéro franc. C'était humoristique !
Je propose de mettre en place le même dispositif dans le présent projet de loi : si vous publiez le patrimoine d'un élu, votre sanction consistera à payer une amende dont le montant s'élèvera au patrimoine en question. Nous resterions ainsi dans les règles du droit commun.
Lorsque vous publiez le montant de l'impôt acquitté par quelqu'un alors que vous n'en avez pas le droit, vous payez cet impôt. S'agissant du patrimoine d'un élu, vous avez le droit de le vérifier – c'est la transparence – mais vous n'avez pas le droit de le publier – c'est ce que vous avez prévu en commission des lois. La sanction retenue doit être la même que pour l'impôt sur le revenu ou toute autre forme d'impôt que vous auriez divulguée.
Voilà la proposition qui vous est faite.
Dans ce cas, monsieur Lagarde, peut-être pouvez-vous présenter les deux amendements suivants, nos 272 et 271, qui sont des amendements de repli ?
Tout à fait, monsieur le président.
Mes chers collègues, si cette proposition n'était pas adoptée, vous pourriez accepter les deux amendements de repli. Le premier prévoit une amende d'un montant de 50 % du patrimoine divulgué ; le second fixe le montant de cette amende à 25 % du patrimoine.
L'infraction doit avoir un rapport avec la révélation. C'est ce qu'a voulu le législateur en matière fiscale : pourquoi la législation serait-elle différente s'agissant du patrimoine des élus de la République ?
Je n'imagine pas le montant de l'amende payée par celui qui publierait le patrimoine de M. Dassault !
Sourires.
La commission des lois a repoussé ces trois amendements, en souhaitant que leurs auteurs ne reproduisent pas ce qui a été fait pour les 120 000 amendements du projet de loi ordinaire. M. Jean-Christophe Lagarde aurait pu déposer 120 000 amendements prévoyant des taux de 21,1 %, 21,2 %, 21,3 %...
Sourires.
C'est pourquoi que je me félicite que vous ayez limité le nombre d'amendements, monsieur Lagarde !
Dans le texte tel qu'il est prévu, la peine envisagée est un emprisonnement d'un an ou une amende de 45 000 euros. Nous souhaitons que la loi puisse laisser au juge la capacité d'appréciation, et non le contraindre comme vous le proposez en réalité.
Nous faisons confiance aux magistrats pour adapter la sanction à la hauteur du délit commis.
De manière plus humoristique, monsieur Lagarde, l'adoption de votre amendement créerait une rupture d'égalité entre l'ensemble des parlementaires, puisqu'il n'y aurait d'intérêt à porter atteinte qu'aux patrimoines peu élevés.
Beaucoup de gens l'ignorent, mais le droit fiscal est en effet assez étonnant : la sanction d'une divulgation est liée au montant de l'impôt sur le revenu payé par la personne dont la déclaration fiscale a été consultée.
Très honnêtement, monsieur Lagarde, je trouve votre démarche singulière ! Si le délit est le même, alors la sanction doit être la même. En matière fiscale, c'est un peu différent. Certains parlementaires peuvent être dotés – fort légitimement, fort honorablement – d'un patrimoine très élevé. Or, selon votre proposition, l'importance même de ce patrimoine constituerait en quelque sorte une clause d'impunité, car personne n'oserait aller le consulter, compte tenu du risque encouru.
Sur le plan pénal, il est vrai que la disposition que vous avez évoquée existe en matière fiscale. Comme vous, elle me paraît étonnante. Mais c'est le délit qu'il faut sanctionner, en respectant le principe d'égalité. Au fond, la faute sera de même nature quelle que soit l'importance du patrimoine divulgué. Le juge appréciera la sanction : bien évidemment, nous n'avons pas prévu de peine plancher.
Sourires.
Sourires.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vos réponses m'ont laissé dubitatif.
Monsieur le ministre, votre réponse me rend confus. Selon vous, compte tenu de la peine encourue, on n'irait pas consulter le patrimoine très important de tel ou tel personnage de la République – je précise que ce n'est pas le patrimoine d'une personne qui préjuge de son honnêteté. Eh bien si, on pourrait le consulter,…
…mais je vous propose qu'on ne puisse pas diffuser cette information sans encourir une sanction importante. S'il est légitime d'aller voir et de contrôler, il est totalement illégitime d'exposer, d'exhiber les informations recueillies. C'est pourquoi je propose un système très simple. Puisqu'une telle disposition existe déjà en droit fiscal, pourquoi ne pas l'appliquer de la même façon dans ce cas ?
Aujourd'hui, vous avez le droit de connaître l'impôt payé par quelqu'un, mais pas de le publier, à moins de payer une amende correspondant au montant de cet impôt.
Deux membres du Gouvernement déclarent un patrimoine de 5 et 6 millions d'euros. Je l'ai dit publiquement plusieurs fois : cela n'en fait pas des personnes malhonnêtes, bien au contraire ! Il se trouve qu'elles sont membres du Gouvernement ; si elles étaient membres du Parlement, les stigmatiserait-on tout en laissant tranquilles d'autres parlementaires dont la moralité serait plus discutable ?
M. le président de la commission des lois se souvient que nous avons discuté de l'honnêteté ou de la malhonnêteté des déclarations de patrimoine en 2011, à propos de quelques élus îliens, si vous voyez ce que je veux dire.
Deuxièmement, puisque vous reconnaissez, monsieur le ministre, que c'est de même nature, mais que ce n'est pas la même peine, il faut modifier la loi fiscale existante pour faire que, si quelqu'un publie l'impôt d'un contribuable qui paie 3000, 4000 ou 5 000 euros d'impôt par an, il soit passible d'une peine d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende. Dans le quantum des peines, monsieur le président des lois, vous qui êtes un juriste émérite, admettez qu'à un même délit devrait correspondre la même sanction. Si vous refusez cet amendement, au moins réglez le problème fiscal.
Il s'agit de compléter l'alinéa 50 par les mots : « sans préjudice des sanctions encourues au titre d'une éventuelle dénonciation calomnieuse telle que définie à l'article 226-10 du même code ».
L'amendement n° 177 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 325 .
Il s'agit de compléter l'article 226-1 du code pénal afin de pouvoir poursuivre et condamner les personnes qui divulgueraient le patrimoine et des éléments de la vie personnelle des parlementaires. Après l'alinéa 50, je propose d'insérer l'alinéa suivant : « Le fait d'enregistrer, publier et divulguer tout document relatif à la vie personnelle est puni des peines mentionnées à l'article 226-1 du code pénal. »
Je n'ai pas de désaccord sur le fond. La commission a rejeté l'amendement de M. Darmanin car l'alinéa 50 nous paraît suffisamment précis. Notre formulation « Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations… » correspond à la sienne : « Le fait d'enregistrer, publier et divulguer… ». Son amendement est donc superfétatoire.
Je maintiens mon amendement qui visait à mettre l'accent sur la phase de l'enregistrement, qui me paraît être le moment qui déclenche le processus. La personne qui consulte en toute légalité une déclaration de patrimoine se rendra coupable dès lors qu'elle l'enregistrera. Nous proposons donc d'ajouter la notion de l'enregistrement dans le code pénal.
Si le président de la commission des lois affirme que l'amendement est redondant, il l'est.
Le fait d'enregistrer, publier et divulguer les éléments relatifs à la vie personnelle doit faire, monsieur le ministre, l'objet de décrets d'application et de directives très claires. Que le montant global du patrimoine de tel ou tel responsable public – conseiller ministériel, responsable d'une entreprise publique, parlementaire, maire, vice-président de conseil général – puisse être publié fait en soi débat. Mais qu'à aucun moment, ces éléments de patrimoine – je ne parle pas des canoës-kayaks qui sont publiés ici et là –, l'adresse, le lieu où l'on peut retrouver tel ou tel élément de patrimoine ne puissent être publiés me paraît essentiel pour l'élu et sa famille.
J'en appelle à la vigilance du Gouvernement.
Deuxièmement, quel périmètre de déclaration allez-vous retenir ? Va-t-on, comme pour l'ISF où toutes les formes de conditions familiales – mariage avec communauté de biens ou séparation de biens, concubinage ou autres, comme le PACS – sont prises en compte, inclure tous les biens, usufruitiers ou non, pour tout le monde ? Cela nous paraît souhaitable pour la transparence que vous souhaitez. Si vous ne le faites pas, il y aura inégalité entre la forme de vie commune et la déclaration publique. Il est normal que la famille s'entende au sens large. Le meilleur périmètre est celui de l'ISF qui prend en compte la totalité du patrimoine d'une famille.
L'amendement n° 325 n'est pas adopté.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 312 .
L'amendement n° 312 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 57 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 56 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l'amendement n° 291 rectifié .
Les alinéas 52 à 55 doivent être supprimés car ils amplifient la logique du soupçon qui règne à l'encontre du monde politique.
La commission a émis un avis défavorable. Nous avons longuement discuté de nos désaccords.
L'amendement n° 291 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 313 .
L'amendement n° 313 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 267 .
Cet amendement prévoit expressément que les situations patrimoniales des membres de la famille des parlementaires ne peuvent être rendues publiques par la Haute autorité de la transparence de la vie publique, même si la transparence et, surtout, le contrôle nous paraissent une exigence absolue. Vous disiez cet après-midi dans une déclaration publique que vous aviez le sentiment que notre groupe voulait faire progresser le texte. En effet, nous voulons le faire progresser et faire en sorte que le contrôle soit le plus rigoureux possible. Mais dans le même temps, il faut protéger la vie privée du conjoint du parlementaire.
Il faut prendre en compte l'ensemble de la famille comme pour l'ISF et protéger l'ensemble de la famille comme c'est le cas dans le reste du droit privé.
Je souhaiterais entendre cette fois l'avis du rapporteur et du ministre sur l'amendement, et savoir comment vous entendez faire appliquer le texte que vous vous apprêtez à faire voter par votre majorité.
Avis défavorable. Nous avons déjà examiné un amendement de même nature hier. J'avais alors exposé les raisons de notre opposition.
Sourires.
Nous avons la conviction que la totalité du patrimoine doit pouvoir être contrôlée. Si vous exonérez du contrôle de la Haute autorité les biens en indivision, il n'est pas exclu que vous favorisiez de ce fait la dissimulation. Mais n'est publiée que la valeur qui correspond à l'assujetti. Sous le régime de la communauté de biens, il n'y a que 50 % de la valeur qui est publiée.
Au surplus, les effets de l'amendement sont nuls. Il est évident aujourd'hui comme demain que la déclaration de patrimoine ne portera pas sur les biens propres du conjoint, a fortiori pas non plus sur les biens propres du partenaire de PACS ou du concubin. La déclaration de patrimoine ne portera pas non plus sur tous les autres membres de la famille. Si cet élément est cité dans l'alinéa 52 de l'article 1er du projet de loi organique, c'est parce que les membres de la famille peuvent être cités dans la déclaration pour expliquer, par exemple, un accroissement du patrimoine dû à un héritage. Ils peuvent donc également être cités dans la déclaration d'intérêts au nom de la prévention des conflits d'intérêt.
Les explications du rapporteur devraient vous satisfaire, monsieur le député. Nous avons en effet pris en compte l'ensemble des problèmes en proposant une solution précise, s'appuyant sur l'expérience. Il n'est pas logique qu'il y ait des règles différentes en fonction du régime matrimonial. L'objectif est que la Haute autorité puisse exercer un contrôle ; elle doit donc pouvoir disposer des informations auxquelles vous avez fait référence. Nous avons pris les précautions nécessaires afin que, du point de vue de la publication du patrimoine, tout le monde soit à égalité et que ce qui est porté à la connaissance du public ne soit pas à ce point dépendant en fonction de telle ou telle situation d'indivision ou d'un régime matrimonial, afin que les situations ne soient pas inégalitaires pour les élus.
Les choses sont désormais claires et précises, nous en avons en effet longuement débattu hier.
Au bénéfice des explications de la commission et du Gouvernement, nous retirons notre amendement. Nous partageons l'objectif d'un contrôle le plus large possible, mais nous nous opposons à la publication de la situation patrimoniale des membres de la famille des parlementaires.
L'amendement n° 267 est retiré.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 326 .
Cet amendement vise à réparer un oubli, mais peut-être que M. le rapporteur estimera-t-il, une nouvelle fois, que l'amendement est redondant. (Sourires.)
Aux termes de l'alinéa 52 « Ne peuvent être rendus publics les éléments suivant : les adresses personnelles de la personne soumise à déclaration – le parlementaire –, les noms du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin, et des autres membres de sa famille. » Après les mots « les noms », il faudrait ajouter « et adresses personnelles ».
Le partenaire, compagnon, concubin ou autre peut ne pas vivre avec la personne soumise à déclaration. Cela vaut aussi pour les autres membres de la famille. Cela ne coûte rien d'ajouter « et adresses personnelles » et rassurerait les parlementaires ainsi que les conjoints, les concubins et les autres membres de la famille.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Permettez-moi de m'expliquer ! Contentons-nous de lire le texte. Les adresses personnelles des conjoints…
Plusieurs députés du groupe UMP. Non !
…les adresses personnelles de toute personne autre que l'assujetti ne sont pas demandées par la Haute autorité. Il n'est donc pas utile de préciser qu'elles ne sont pas rendues publiques. Si vous en faites un casus belli, inscrivons-les dans la loi. On peut faire figurer dans la loi l'interdiction de diffuser un élément d'information alors même que celui-ci n'est pas demandé à l'élu. D'ailleurs, la date de naissance non plus n'est pas demandée ni beaucoup d'autres informations.
L'important, ce sont les informations qui concernent l'assujetti. Mais si cela vous fait plaisir de faire figurer dans la loi des éléments qui ne sont pas demandés par la Haute autorité, cela ne me gêne pas.
Les adresses personnelles du conjoint, partenaire, concubin et autres membres de la famille ne sont pas publiées car elles ne sont pas demandées par la Haute autorité. Faire référence à des indications dont la publication est interdite, l'adresse et le lieu de naissance notamment, c'est courir un risque : Si on précise ce qui est interdit, la lecture qui sera faite de nos travaux sera, a contrario, que tout ce qui n'est pas interdit est autorisé. En ce cas, il ne faut pas se tromper. J'estime donc que c'est une initiative un peu dangereuse à ce stade. Mieux vaut en rester à la position selon laquelle toutes les indications personnelles sont interdites dès lors qu'elles ne sont pas données. Cela me paraît beaucoup plus protecteur pour les personnes que vous voulez protéger.
Votre rédaction impliquerait un travail exhaustif. Je vous invite donc à faire preuve de prudence sur la portée de votre amendement.
Imaginons qu'un parlementaire ait des biens où résident sa femme, sa concubine, ou d'autres membres de sa famille. Il devrait indiquer dans sa déclaration qu'il est propriétaire, par exemple, d'une maison à Tourcoing et d'une deuxième dans cette même ville. L'adresse de la personne avec laquelle il vit figurerait dans la déclaration et serait donc publiée.
Je vous demande, monsieur le rapporteur, de nous apporter des précisions sur ce point car, très franchement, je n'ai pas bien compris l'alinéa 52.
Je vous invite, monsieur Darmanin, à lire l'article 53 qui contient la réponse à votre question : « Ne peuvent être rendus publics s'agissant des biens immobiliers : les indications, autres que le nom du département, relatives à la localisation des biens ».
La Haute autorité ne demande pas les numéros de téléphone ou les adresses électroniques. Je veux bien qu'on indique dans le texte de loi qu'ils ne sont pas rendus publics. Mais à quoi bon, à partir du moment où ils ne sont pas demandés ?
Les points qui viennent d'être soulevés renvoient aux inquiétudes que je formulais dans mes amendements précédents.
J'entends votre réponse. Mais vous avez reconnu vous-même, monsieur le ministre, que ce projet de loi avait été un peu précipité.
Il faut donc que nous veillions à son exactitude rédactionnelle au cours de la navette parlementaire.
Vos explications appellent des précisions.
Si la Haute autorité ne demande pas l'adresse, comment contrôle-t-elle la réalité des déclarations ?
Très bien J'aimerais que nous soyons bien précis : nous devons la déclarer mais elle n'est rendue publique par la préfecture.
Nos débats sont lus pour la rédaction des décrets – ils sont aussi faits pour la jurisprudence –, et j'aimerais m'assurer qu'il s'agit bien de cela. L'adresse est donc transmise mais elle n'est pas communiquée au citoyen qui viendrait consulter la déclaration parce que c'est à la Haute autorité qu'il revient de disposer des moyens de contrôler la déclaration. Nous sommes bien d'accord.
Dans ces conditions, l'amendement peut être considéré comme étant superfétatoire.
Mais, je le répète, monsieur le ministre, je pense très sincèrement que vous gagneriez aujourd'hui à l'Assemblée, demain au Sénat, à préciser le plus rapidement possible le dispositif de déclaration. Je parlais du périmètre : pour la famille est-ce le même que pour l'ISF ? Auquel cas, ce serait parfaitement clair pour tout le monde. Comment définit-on ce que nous déclarons ? In fine, quelles données sont rendues accessibles au public ?
Quand j'entends dire qu'il va falloir déclarer la chaîne stéréo, la mobylette, le kayak…
Je ne cherche pas la polémique, vous l'avez remarqué, je vous invite à dissiper les inquiétudes en précisant les choses, non pas forcément dans la loi même mais en vous engageant sur les décrets. Cela simplifiera les débats parlementaires à venir.
Je suis en parfaite harmonie avec ce qu'a dit Jean-Christophe Lagarde. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a souhaité que soient précisés les éléments qui allaient être déclarés. Le texte d'origine n'indiquait que les éléments qui ne seraient pas publiés et renvoyait le reste à un décret. J'ai naturellement une pleine confiance dans l'exercice du pouvoir réglementaire.
Il me paraissait logique que la loi puisse dire ce qui allait être déclaré et ce qui allait être rendu public. C'est la conclusion à laquelle la commission des lois a abouti.
L'amendement n° 326 n'est pas adopté.
J'aimerais tout d'abord revenir sur l'alinéa 53 et les remarques tout à fait intéressantes de Jean-Christophe Lagarde à ce sujet.
Comment feront ceux que vous appelez les lanceurs d'alerte et que nous pouvons appeler les délateurs quand ils verront que l'adresse du bien pour lequel ils pensaient pouvoir assouvir leur curiosité n'est pas précisée et que seul figure le département ?
Vous allez à la fois frustrer celui qui souhaiterait savoir, lequel se dira que c'est de la fausse transparence, et rendre publique une information qui va faire naître d'autres fantasmes. Cela ne me paraît pas très raisonnable.
Soit l'adresse du bien est donnée et on peut la vérifier ; soit vous ne l'avez pas et il est inutile de publier une autre information.
La commission a donné un avis défavorable, ce qui ne surprendra pas Gérald Darmanin puisque ses amendements visent systématiquement à supprimer les nombreux alinéas que comporte le texte. Celui-ci n'a d'intérêt que s'il est pris dans sa globalité : chaque alinéa résulte d'une discussion en commission et a été introduit par voie d'amendement. En enlever un, c'est faire perdre de sa cohérence à l'ensemble de l'édifice. De plus, je m'en voudrais de faire naître des fantasmes de quelque manière que ce soit.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 382 .
Je voudrais remercier M. Wauquiez d'avoir soulevé de manière pertinente un problème de rédaction dans le texte. Les explications que je lui ai données ne correspondaient pas à une lecture juridique précise.
Nous avons donc pris utilement en compte son observation dans cette nouvelle rédaction que nous avons soumise à son appréciation. Il s'agit de distinguer, grâce à des renvois précis, les biens qui peuvent être rendus publics et ceux qui ne le peuvent pas.
L'amendement rédactionnel que j'avais précédemment proposé n'atteignait pas son but. Grâce au présent amendement, nous gagnons en précision.
La commission n'a pas pu étudier cet amendement, né du débat que nous avons eu tout à l'heure.
Les explications données par M. le ministre éclairent l'Assemblée nationale, au-delà de l'exposé sommaire pour le moins concis. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
L'amendement n° 382 est adopté.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 317 .
L'amendement n° 317 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 55 .
L'amendement n° 55 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 318 .
L'amendement n° 318 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 351 .
La loi informatique et libertés prévoit déjà depuis la modification de son article 11, intervenue en août 2004, que la Commission nationale de l'informatique et des libertés doit être sollicitée pour avis à propos de toute disposition réglementaire traitant de données à caractère personnel. C'est le cas pour le présent décret. Il n'est donc pas utile d'alourdir le projet de loi en y répétant des dispositions bien respectées par l'exécutif.
De plus, cela risquerait de dénaturer la volonté qui sous-tend ce texte en privilégiant le verrouillage des informations contenues dans les déclarations d'intérêts par rapport à la transparence et l'information du public par rapport aux activités des élus.
Défavorable. La CNIL émettra un simple avis sur la manière dont sera rédigé le décret, et cela selon une suggestion de la Commission elle-même, qui nous a paru protectrice des libertés individuelles. Supprimer l'intervention de la Commission serait dangereux.
L'amendement n° 351 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 345 .
L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information est chargée de s'assurer que les systèmes d'information de l'État sont développés de manière suffisamment sécurisée pour garantir le nécessaire équilibre entre la publicité de l'information publique et la protection des informations confidentielles que les administrations sont amenées à gérer. Comme la Haute autorité de la transparence sera amenée à rendre publiques les informations contenues dans les déclarations d'intérêts tout en protégeant celles qui sont liées à la vie privée des élus, il convient de faire profiter l'exécutif de l'expertise de l'ANSSI avant de proposer ce décret au Conseil d'État.
Défavorable. L'ANSSI, dépendant des services du Premier ministre, est chargée de protéger les systèmes d'information de l'État. Il s'agit d'une excellente structure pour laquelle le budget pour 2013 a prévu une montée en puissance en termes de personnel afin de renforcer les activités de lutte contre les cyberattaques et celles liées à la cyberdéfense. Un excellent rapport du sénateur Bockel a souligné combien la création de cette structure, que le Gouvernement soutient, est heureuse.
Elle pourra parfaitement être consultée. J'imagine même qu'elle le sera sans que la loi l'exige.
L'amendement n° 345 n'est pas adopté.
La nouvelle Haute autorité va devoir gérer des documents plus ou moins confidentiels. Elle devra en même temps tenir compte les alertes citoyennes et communiquer auprès du public afin d'éviter toute suspicion de rétention d'informations.
La Commission d'accès aux documents administratifs a développé une véritable expertise sur ces questions de communicabilité au public et de gestion des demandes citoyennes. Son avis pourrait être pertinent et venir compléter celui de la CNIL. C'est pourquoi je propose de l'intégrer dans le circuit de consultation.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour défendre l'amendement n° 349 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 348 .
L'amendement n° 348 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 346 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 347 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 350 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 357 .
La notion de conflit d'intérêts est complexe et les différents types de situation sont difficiles à prévenir et à juger. La Haute autorité de la transparence doit jouer un rôle pédagogique auprès des élus mais également auprès des citoyens, qui auront parfois des difficultés à évaluer quelles sont les situations où la détention d'un intérêt relève du conflit et quelles actions permettraient d'y remédier. Pour cette raison, il est important que les citoyens puissent solliciter l'avis de la Haute autorité.
L'amendement n° 357 n'est pas adopté.
Je serai bref, monsieur le président je ne veux pas relancer le débat que nous avons eu hier. Je souhaiterais toutefois insister sur l'importance de ces amendements identiques, qui visent à supprimer les alinéas 59 à 69, en cohérence avec la position que nous avons défendue dans la discussion générale.
Ce sont des amendements que la commission des lois a rejetés puisqu'ils visent à supprimer les pouvoirs de la Haute autorité en matière fiscale, c'est-à-dire la capacité dont elle est dotée d'actionner des mécanismes qui devraient lui permettre d'accroître ses pouvoirs de contrôle. Il me semble qu'il y avait un consensus dans cet hémicycle pour doter la Haute Autorité du maximum de pouvoirs juridiques.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 327 .
Je retire les amendements n° 327 à 337 , tout en regrettant que le ministre, le rapporteur et les membres de la commission des lois ne luttent pas plus contre l'inflation verbale consistant à créer une « Haute Autorité », alors qu'une « Autorité » suffirait.
L'amendement n° 155 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 94 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 331 est retiré.
La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l'amendement n° 211 .
Cet amendement vise à laisser un laps de temps raisonnable pour répondre à la demande de la « Très Haute Autorité ».
Le terme « sans délai » est trop vague : faut-il répondre dans l'heure, dans la journée ? Au regard de nos emplois du temps, le délai d'un mois me paraît être raisonnable pour répondre aux demandes de cette Autorité.
Il n'est pas nécessaire d'accorder une urgence soudaine à ces réponses, notamment quand il s'agit de réclamer certaines attestations, voire de demander une expertise supplémentaire.
Comme le disait tout à l'heure mon collègue Gérald Darmanin, Mme la présidente du comité de déontologie met déjà un certain temps pour répondre ; nous pouvons donc imaginer que cette Très Haute Autorité prendra également un peu de temps. Laissons-nous un mois supplémentaire ; je pense que cet amendement peut faire l'objet d'un véritable consensus.
Je suis d'accord avec notre collègue : cette position peut être unanime. Du reste, elle est déjà satisfaite : il suffit de lire l'alinéa 72, dans lequel nous avons intégré ce délai d'un mois.
L'amendement n° 211 est retiré.
Actuellement, le fait de ne pas déposer les déclarations obligatoires est passible de la déchéance du mandat, sous réserve que le Bureau de l'assemblée concernée saisisse le Conseil constitutionnel. Le cas de figure ne s'est jamais présenté, le Bureau des assemblées n'ayant jamais saisi le Conseil constitutionnel pour cela.
Tant que ces questions étaient gérées en interne par ces assemblées, la seule instance légitime pour saisir le Conseil constitutionnel était en effet le Bureau de l'assemblée concernée. Avec le présent projet de loi, un autre acteur entre en jeu ; la question se pose donc de savoir s'il faut lui donner le pouvoir d'aller jusqu'au bout de sa mission.
La Haute Autorité sera chargée de collecter les déclarations de patrimoine et d'intérêts, qui ne transiteront donc plus par les services des assemblées. La Haute Autorité sera donc seule à même de constater l'existence d'un problème ; il serait donc logique que ce soit elle qui saisisse le Conseil constitutionnel, le Bureau des assemblées étant de fait déchargé de la collecte et de la gestion des déclarations de patrimoine et d'intérêts.
Laisser le Bureau seul habilité à saisir ou non le Conseil constitutionnel revient à lui donner un moyen d'empêcher la Haute Autorité d'agir et à lui permettre de bloquer la procédure pour protéger un parlementaire.
J'ai bien entendu les remarques du rapporteur sur la question de l'autonomie des assemblées ; or cette autonomie n'est pas en cause puisque les assemblées perdent, avec le texte ainsi rédigé, leur compétence concernant les déclarations d'intérêts et de patrimoine.
Mon amendement propose toutefois de laisser la main au Bureau dans un premier temps, afin qu'une médiation puisse se mettre en place – il est peut-être plus facile au Bureau de l'Assemblée nationale qu'à la Haute Autorité de convaincre un député récalcitrant ; mais au bout d'un certain temps, il faut prendre acte de l'échec de la médiation et permettre à la procédure d'aller jusqu'au bout.
L'existence de cette possibilité de saisine par la Haute Autorité sera sans doute un moyen puissant de convaincre le parlementaire d'accéder aux bons conseils de ses pairs. En tout cas, monsieur le rapporteur, l'autonomie des assemblées sur cette question est déjà très largement entamée par le texte initial ; la cohérence nous incite donc à aller jusqu'au bout de la logique, sur ce sujet comme sur bien d'autres.
Avis défavorable pour deux raisons.
Tout d'abord, il est fort peu probable qu'un parlementaire omettra de déposer une déclaration de patrimoine ou d'intérêts au regard des sanctions qu'il encourrait, notamment la perte de son mandat s'il oubliait de déposer un document.
Au demeurant, cette possibilité de saisine du Conseil constitutionnel existe déjà dans la loi mais n'a jamais été utilisée, justement parce que les parlementaires sont extrêmement vigilants à ne pas fragiliser le mandat qu'ils viennent d'obtenir.
Ce premier élément, à lui seul, suffirait à justifier l'avis défavorable de la commission des lois. Mais il en est un autre, que vous venez d'évoquer et que je vous confirme : nous ne pensons pas utile d'ouvrir une brèche dans la séparation des pouvoirs entre le Conseil constitutionnel, le Bureau de l'Assemblée nationale et la Haute Autorité. Ouvrir la saisine du Conseil constitutionnel à une autorité administrative sans passer par le Bureau de l'Assemblée serait cette brèche : la commission des lois y est défavorable.
Nous avons tout de même un problème, parce que vous laissez une compétence au Bureau des assemblées, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée nationale, quand bien même les déclarations de patrimoine et d'intérêts ne passent plus par elles. Reconnaissez que c'est la quadrature du cercle ; ce n'est pas très logique – comme beaucoup d'éléments dans ce texte.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l'amendement n° 212 .
Cet amendement vise à inscrire à la fin de l'alinéa 77 « prochaine législature ».
Tout comme le report du cumul des mandats, cette demande vise à rendre ces nouvelles règles applicables lors de la prochaine législature. Permettez-moi de rappeler que nous avons été candidats en 2012, soit avant le début de ce mandat, en toute connaissance de cause, car nous connaissions les règles de jeu et les conditions.
Aujourd'hui, vous voulez changer ces règles : je ne trouve pas cela normal. Allons plus loin : certains d'entre nous, ne souhaitant pas déballer leur patrimoine en public, ne se seraient peut-être pas porté candidats.
La commission a émis un avis défavorable, parce que nous souhaitons que ces mesures soient applicables immédiatement. C'est une tautologie – vous m'excuserez d'y sombrer – mais nous ne pensons pas qu'il soit utile de repousser l'application de ce texte.
Je voudrais que le président de la commission des lois et le Gouvernement nous donnent une précision.
Je comprends votre refus. Pour autant, en mars 2014 se tiendront les élections municipales. Or il me semble, en lisant le texte non de l'amendement, mais du projet de loi – si je me trompe, vous me dessillerez – que ceux de nos collègues parlementaires qui se présenteront à ces élections et deviendront maires d'une des villes pour lesquelles la déclaration de patrimoine devient obligatoire verront celle-ci devenir de ce fait publique, cependant que tous les collègues qui ne seront pas candidats à une élection municipale se retrouveront dispensés de cette déclaration publique.
De la même façon, auront lieu en 2015 des élections cantonales – pardon : départementales ! – et régionales : les vice-présidents des exécutifs concernés devront fournir les déclarations en question, cependant que les parlementaires que nous sommes et qui n'auront été candidats ni aux élections municipales, ni aux élections cantonales – départementales ! Veuillez m'excuser : j'ai besoin de temps pour m'y habituer ! –, ni aux élections régionales, seront dispensés de ces déclarations.
Aussi, je vous dirai ceci, monsieur le ministre : soit on applique ce texte à tout le monde et tout de suite – ce serait donc valable pour des personnes dont le mandat se termine – ; soit on l'applique au fur et à mesure des mandats nouvellement acquis ; soit il apparaît plus sage de le reporter à la fin d'une législature, parce qu'il serait tout de même surprenant que les parlementaires que nous sommes votent une loi qui s'applique aux autres, mais pas à eux-mêmes dès lors qu'ils exercent un mandat unique.
Cette question est réglée à l'alinéa 78 : tous les parlementaires devront refaire leurs déclarations !
Je souhaite répondre au rapporteur, qui nous explique, en toute cohérence, qu'il souhaite – et avec lui le Gouvernement et la majorité – que la loi s'applique au plus tôt. Cette affirmation, si on peut la comprendre, ne prend malgré tout absolument pas en compte la pertinence de la formulation de cet amendement et des explications apportées pour le soutenir par notre collègue Le Ray.
Je souhaite vraiment demander au rapporteur s'il n'est pas en mesure d'apporter, dans ce texte ou d'une autre manière, une réponse équitable et équilibrée au souci très légitime qui a été formulé.
Les parlementaires déjà présents dans cette assemblée sous la précédente législature auront, à un moment ou à un autre – et un peu plus tôt que prévu initialement – à fournir une nouvelle déclaration de patrimoine. Or ils n'en auront pas formulé depuis le début de cette législature, par la force des choses et de la réglementation actuelle.
Ce texte nous donnera donc l'occasion de constater que certains de nos collègues élus pour la première fois durant cette législature – ils sont nombreux – auront dû remettre, à très peu d'intervalle, deux déclarations de patrimoine obéissant dans leur contenu, dans leur portée et dans leur divulgation, à deux analyses totalement différentes. Je pense qu'il faut prendre cela en compte ; la réponse du rapporteur a sa cohérence, mais elle est tout de même extrêmement rigide dans sa formulation et dans sa portée.
Permettez-moi de revenir un instant sur ce sujet. J'ai l'impression que nous assistons à une véritable dérive, car il devient soudainement urgent de tout déballer – ce que je conteste formellement.
Mais dans le même temps, vous êtes en train de changer en profondeur le système de notre Ve République : après la parité hommes-femmes, peut-être allez-vous nous réclamer la parité entre les petits patrimoines et les gros patrimoines ; pourquoi pas ? On peut l'imaginer demain.
De plus, vous faites « deux poids, deux mesures » : vous nous refusiez tout à l'heure obstinément la transparence totale, la transparence pour tous. Or je reviens un instant sur l'amendement présenté un peu plus tôt : vous avez refusé que les personnes venant consulter les déclarations, parfois par un voyeurisme de circonstance, ne déclinent leur identité et éventuellement leurs motivations dans l'exercice de ce droit de regard.
Pour ma part, je conteste cette position, car c'est faire « deux poids, deux mesures » : d'un côté, vous vous montrez extrêmement sévères avec les parlementaires, et de l'autre vous laissez les choses se faire d'une façon complètement néfaste pour notre démocratie.
Je rappelle que le présent amendement vise à repousser à la prochaine législature l'entrée en vigueur de ces dispositions. Je maintiens donc mon avis défavorable, même si j'entends vos arguments.
J'indique par ailleurs à Jean-Christophe Lagarde que l'alinéa 78 de ce texte prévoit que tous les assujettis, deux mois après l'installation de la Haute Autorité, auront à faire une déclaration de patrimoine et une déclaration d'intérêts.
L'amendement n° 212 n'est pas adopté.
L'amendement n° 337 est retiré.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 266 .
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, je souhaite attirer un instant votre attention, ainsi que celle de l'ensemble de nos collègues, sur cet amendement.
Il ne s'agit plus là de transparence, mais d'égalité devant l'accès aux mandats publics. En réalité, le dispositif que vous prévoyez dispose que l'on devra déclarer, que tout le monde pourra consulter, et que théoriquement personne ne pourra publier – théoriquement seulement : j'ai fait référence à la fameuse question des résultats des élections présidentielles, qui sont divulgués sur tous les sites internet du monde – pour ne pas dire de France et de Navarre – vers 18 heures ou 18 heures 30 alors que c'est théoriquement interdit. Et, je l'évoquais tout à l'heure, l'amende est peu dissuasive. En réalité, elle ne sera jamais appliquée puisqu'on sera incapable de retrouver ceux qui auront diffusé l'information en question.
Pire, il suffirait de mentionner le lien qui renvoie à tel ou tel journal – prenons ce quotidien étranger bien connu qu'est Le Soir – pour ne pas être le diffuseur, donc ne pas être condamnable. Voilà l'une des failles de votre texte.
Mais ce n'est pas ce que mon amendement vise ici. Nous savons bien que les déclarations en question seront publiées par les adversaires politiques des uns et des autres, qu'ils soient de droite, de gauche ou du centre.
Dans une campagne électorale, il faudrait, pour qu'il y ait un minimum d'égalité, que chacun des candidats fasse une déclaration de patrimoine qui soit librement accessible à tout citoyen.
Certains bords politiques sont censés être plus pauvres que d'autres, et que certains, plus pauvres que les autres, se voient critiqués pour leur patrimoine sans pouvoir répondre à des gens qui seraient plus riches qu'eux. Quelle indécence, quelle inégalité ! Je ne vois pas ce qui empêcherait, ni pour des raisons matérielles, ni pour des raisons morales, quelqu'un qui prétend devenir parlementaire, ou président ou vice-président d'un conseil général ou régional, de déclarer en amont de sa candidature son patrimoine puisqu'il sera contraint de le faire une fois qu'il sera élu. Cette disposition permettrait d'assurer l'égalité entre les candidats à une élection. Ce serait justice. Sinon, je considère que le dispositif n'est fait que pour stigmatiser un certain nombre d'élus et certainement pas pour permettre l'information des citoyens.
Peut-être peut-on voir derrière cet amendement la volonté d'asphyxier la Haute autorité pour qu'elle ne puisse pas faire son travail.
J'ai dit « peut-être » car je connais votre bonne volonté.
L'année dernière, on a recensé 6 611 candidats aux élections législatives. Décider, d'un seul coup d'un seul, de mettre dans le périmètre de la Haute autorité 6 611 personnes nous paraît déraisonnable, à tout le moins exorbitant. Nous en restons à la vocation de ce texte, à savoir la transparence des élus, de leur patrimoine et de leur déclaration d'intérêts.
Je voudrais faire état de propos tenus par Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie et qui m'ont profondément choquée.
Dans un article de Libération qui lui était consacré, le 22 avril, elle a commis une faute inexcusable et a fait un amalgame inadmissible. Elle a en effet indiqué ceci : « On va me donner Bercy », en faisant un lien avec son patrimoine jugé élevé et un poste. Cela montre qu'il peut y avoir des risques relativement importants de faire un lien entre le niveau de patrimoine et la situation des candidats. Cet amendement permet d'établir une équité, une égalité entre ceux qui sont déjà élus et ceux qui se portent candidats.
Il est assez intéressant de voir nos collègues de l'opposition qui sont contre les dispositions sur la transparence essayer de faire croire qu'ils voudraient en créer de nouvelles. M. Urvoas a bien démontré à quel point il serait ingérable pour la Haute autorité de vérifier toutes ces déclarations.
Monsieur Lagarde, je ne sais pas si votre but est de contrôler toutes ces déclarations, de les mettre sur le registre en préfecture, tout cela dans un délai d'à peine quatre semaines avant les élections.
En revanche, nous aurions pu vous suivre si vous aviez proposé que les candidats rendent public leur patrimoine dans un souci de transparence, comme le feront les élus en place, afin qu'il n'y ait pas d'inégalité de traitement.
Le débat de ce soir met en lumière que le texte qui nous est proposé crée un malaise général. Permettez au nouvel élu que je suis d'exprimer ce malaise parce que nous devons faire face à un antiparlementarisme généralisé, à des réflexions négatives de nos concitoyens qui considèrent que les élus sont tous pourris.
C'est vrai, l'affaire Cahuzac a créé un traumatisme pour tout le monde.
Ce scandale ne fait qu'accentuer les jugements de nos concitoyens. Or le texte que vous nous proposez n'est pas une bonne réponse. Une nouvelle fois votre Gouvernement propose une usine à gaz qui montre d'ailleurs des divergences sur l'ensemble des bancs de cet hémicycle et qui n'améliore pas la vision qu'ont nos concitoyens de la classe politique.
La longue liste des articles de ce projet de loi ne fait qu'accentuer un climat de suspicion à l'encontre de l'ensemble des élus. Cette usine à gaz est inutile et inefficace. Il suffisait de renforcer les contrôles des déclarations de patrimoine que nous faisons déjà, d'élargir éventuellement des incompatibilités. De la faute d'un ministre de votre Gouvernement, faute que vous n'assumez pas, il en découle une faute politique avec un texte qui me semble non avenu.
Je vous invite à cesser de faire des lois de circonstance et à vous occuper des priorités des Français : l'emploi, l'emploi et encore l'emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je veux rendre hommage au sens de la dialectique de M. le coprésident de Rugy qui, grosso modo, parce qu'il regrette les reculades du Gouvernement, les met sur le compte de l'opposition. Après tout, c'est le Gouvernement ou le Président de la République qui a annoncé qu'il allait rendre totalement publiques les déclarations de patrimoine. C'est le Président que vous avez élu qui autorise aujourd'hui que l'on fasse différemment. Mais M. de Rugy trouve le moyen de refiler cela l'opposition !
Monsieur le président de la commission des lois, je connais votre honnêteté intellectuelle. Aussi, j'appelle votre attention sur le fait que, contrairement au procès qui pourrait m'être fait, je ne cherche aucunement à bloquer quoi que ce soit.
Vous prévoyez deux niveaux : la déclaration de patrimoine et sa consultation en préfecture, et son contrôle qui appartient à la Haute autorité. Je considère qu'il serait totalement anormal de contrôler le patrimoine d'un candidat puisque ce qui intéresse nos concitoyens c'est de savoir si un élu n'a pas profité de son mandat pour s'enrichir illégitimement. En revanche, que le candidat doive déclarer son patrimoine pour se retrouver à égalité avec l'élu sortant me semble être la moindre des choses. Si vous conservez cette position, je vous donne rendez-vous dans quelques années. Vous verrez les abus qui auront eu lieu. Finalement, ce dispositif finit par exposer le sortant et protéger le prétendant. C'est une mauvaise méthode. Récemment, on a vu dix-sept personnes se présenter à une élection. N'importe qui peut faire n'importe quoi sans être poursuivi.
L'égalité « ainsi rétablie » serait à l'honneur du projet de loi que vous défendez, en tout cas c'est pour nous un élément déterminant du vote que nous émettrons.
Je veux répondre sur l'approche qui est faite de l'égalité entre les candidats. Dans les faits, ce que vous proposez change le périmètre de la mesure, obligerait à multiplier les contrôles et à modifier la déclaration elle-même. Vous introduiriez aussi une rupture entre ceux dont le patrimoine serait contrôlé et d'autres pour qui il ne le serait pas. Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, Mme Louwagie a mis en cause un membre du Gouvernement. J'ai bien en tête l'article dont elle a parlé. Je suis désolé qu'elle n'ait pas compris que la réponse de Mme Delaunay était un trait d'humour, et l'humour n'est pas un délit.
L'amendement n° 266 n'est pas adopté.
L'article 1er, amendé, est adopté.
Le projet de loi dispose dans son exposé des motifs que les principes fondamentaux de dignité, de probité et d'impartialité doivent guider l'action des membres du Gouvernement comme des personnes désignées par le suffrage universel pour exercer un mandat local.
Toute personne condamnée à des sanctions pénales inscrites aux bulletins n° 2 et n° 3 du casier judiciaire ne saurait satisfaire à cette exigence. Elle doit par conséquent être déclarée inéligible.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement n° 283 .
Cet amendement vise à compléter l'article L.O. 128 du code électoral par un 4° ainsi rédigé : « 4° Les personnes ayant été condamnées à des sanctions pénales inscrites aux bulletins n° 2 et n° 3 du casier judiciaire, nonobstant toute prescription ».
La majorité parle de moralisation de la vie politique. Autoriser d'anciens délinquants à se présenter à des élections alors que de nombreuses professions, en particulier les médecins, les avocats, les journalistes, les policiers, les fonctionnaires ne peuvent pas exercer ces professions s'ils ont un casier judiciaire n° 2 ou n° 3 ne me semble pas cohérent. J'ai été médecin. Pour cela j'ai fait neuf ans d'études. J'ai dû déposer au Conseil de l'ordre un casier judiciaire n° 2. Si j'avais été condamné à certaines peines, je n'aurais pas pu devenir médecin. Il est inadmissible que des Français soient soumis à des restrictions pour exercer leur métier tandis que les maires, qui commandent la police municipale et sont des officiers ministériels, et les députés qui votent les lois peuvent exercer ces professions. C'est totalement inadmissible.
Quand on veut moraliser la vie politique, il ne faut pas que le Gouvernement nous amuse avec des lois sur le patrimoine comme il le fait. Il prend une grande responsabilité à l'égard des Français qui considèrent que la moralisation, c'est empêcher des délinquants d'exercer le métier de député.
Monsieur Siré, je vous redonne la parole pour soutenir l'amendement n° 203 .
Cet amendement va dans le même sens que le précédent.
Nous considérons que sont inéligibles, pendant un délai de dix ans, les individus qui ont effectué des peines graves contraires à la moralité. Tous les Français doivent être égaux devant la loi. Les députés, les sénateurs et les élus doivent donner l'exemple.
Naturellement, la commission est défavorable à ces amendements en raison du principe constitutionnel de la légalité des peines et des délits.
Vous le savez sans doute, il y a en droit français un principe, celui de l'individualisation de la peine. Par ailleurs, il n'existe pas, à ce stade de notre droit positif, de peine à vie, le Conseil constitutionnel en ayant décidé ainsi dans une décision du 11 juin 2010. Dès lors qu'une personne est condamnée, elle peut être relevée de sa peine. Il y a deux systèmes dont le plus important est celui qu'on appelle la réhabilitation légale. Parler de peine à vie, c'est mentir au regard du droit positif. On ne peut condamner quelqu'un définitivement.
Monsieur le président de la commission, écoutez la phrase suivante : « Enfin, les élus condamnés pénalement pour fraude fiscale ou pour corruption seront interdits de tout mandat public. » Si j'entends bien ce que vous m'avez dit, c'est un mensonge. C'est ce que vous venez de dire.
Cette phrase, elle n'est pas de M. Siré, ni d'un député sur ces bancs ni de l'opposition : c'est François Hollande qui l'a dite.
« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.
François Hollande aurait donc menti. C'est cela que vous êtes en train de nous dire.
Ce que vous dites aussi, c'est que le Gouvernement aurait menti, puisqu'il a déposé également un amendement en ce sens.
Je ne suis pas sûr que votre approche ni votre clef de lecture des décisions du Conseil constitutionnel soient parfaitement bonnes. Autant, vous avez raison, le Conseil constitutionnel sanctionne l'idée d'une inéligibilité à vie, autant est parfaitement inscrite dans notre droit public la possibilité de prévoir une incompatibilité pour exercer une fonction si on a été condamné. Parce que nous n'avons aucun intérêt à garder dans nos rangs des gens qui ont été condamnés pour de telles peines, vous vous honoreriez en suivant à la fois la parole du Président et les amendements déposés par un certain nombre de députés : ils permettraient de faire le ménage. Un certain nombre de personnes, très minoritaires, ont été condamnées à des peines incompatibles avec l'exercice de la représentation nationale.
Ne nous cachons pas derrière ce type d'arguments. La réalité, c'est que le Conseil constitutionnel sanctionne certains dispositifs, mais pas l'incompatibilité. N'accusez pas de mensonge – et surtout pas le Président de la République que vous avez défendu.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
S'il me le permet, et il me le permettra certainement, je vais prendre le contre-pied de ce que vient de dire M. Wauquiez.
Sourires.
Pas sur le fait qu'il a rappelé utilement : la déclaration liminaire du Président de la République nous a mis sur une fausse piste en imaginant cette inéligibilité à vie. Mais il y a quelque chose de curieux, alors que nous sommes nombreux sur ces bancs à nous battre pour la réinsertion et la réhabilitation de ceux qui sortent de prison et ont payé leur dette à la société, à ce qu'il puisse y avoir des exceptions à cette règle. Je serais très surpris, pour ne pas dire choqué, que les élus soient pour ainsi dire les seuls à ne pas pouvoir bénéficier de la règle qui veut qu'on a payé sa dette au corps social. Il n'y a aucune raison que les élus soient les seuls à être sanctionnés de cette façon. C'est pourquoi je suis sur la même position que le rapporteur.
Une fois n'est pas coutume, je vais soutenir le rapporteur et M. Poisson. Pas pour des raisons constitutionnelles, mais pour des raisons qui fondent notre engagement. Au fond de mon engagement, il y a l'idée que tout homme qui a purgé sa peine peut être réhabilité. C'est le fondement même du droit pénal et c'est le fondement de l'humanisme qui anime nombre d'entre nous. Je rejoins donc M. Poisson sur ce sujet.
C'est intéressant, nous avons un débat qui dépasse les considérations de groupe. Ma conception, comme la vôtre, est parfaitement respectable : quand on est élu de la République, on a une obligation d'exemplarité qui est différente. Oui, quand on représente la nation et qu'on a eu la confiance de ses compatriotes, on ne peut pas être soumis aux mêmes règles. On a un devoir et une exigence un peu plus forts. Je crois d'ailleurs, monsieur Faure, que c'est ce que vous avez souvent développé à travers vos amendements. Je crois qu'il faut aller jusqu'au bout. Certes, cela crée des contraintes plus importantes, mais nous avons aussi la chance de représenter nos compatriotes. C'est une fonction qui confère une grande dignité, beaucoup de responsabilités. Cela signifie que nous ne pouvons pas accepter de continuer à accueillir dans nos rangs, après le vote de la loi, des gens qui auraient été condamnés à des peines extrêmement lourdes qui entachent tout de même la capacité à représenter la République dignement.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Je voudrais répondre au rapporteur : s'il avait lu mon texte, il aurait vu que je n'ai pas prévu d'inéligibilité à vie, mais pour dix ans. Cela fait trois ans que je travaille sur la question et j'ai interrogé le Conseil constitutionnel qui m'a dit qu'il n'était pas possible de prévoir une inéligibilité à vie. C'est pourquoi j'ai prévu dix ans.
Si vous le refusez pour les députés, il faut que vous annuliez toutes les contraintes qui pèsent quand on veut être policier municipal. La préfecture analyse votre dossier. Pour un poste de gendarme, on se préoccupe de vos grands-parents et arrière-grands-parents. Pour être militaire, c'est pareil ! Pour être juge, c'est pareil ! Pour être avocat, c'est pareil ! Pour être fonctionnaire, instituteur, enseignant, c'est pareil ! Même pour un petit fonctionnaire, balayeur à la SNCF. Alors, je ne comprends pas. Ou il y a deux sortes de Français, ou il n'y en a qu'une. La même loi pour tout le monde !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Outre l'argument de l'inéligibilité à vie, il faut de toute façon qu'une peine soir prononcée par un juge. Cela ne peut pas être automatique. Je vous confirme que l'inéligibilité est une peine complémentaire, et qu'une telle peine ne peut exister sans qu'un juge l'ait expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres dans lesquelles les faits sont arrivés.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 375 .
Puisque nous en sommes à modifier le code électoral, j'ai voulu reprendre, sous forme d'amendement, le contenu d'une proposition de loi que j'ai rédigée. Je n'engage que moi-même et les cosignataires de l'amendement, je préfère le dire.
Je pense que nous aurons l'occasion d'en reparler aussi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, lorsque nous parlerons du cumul des mandats.
Les députés, les sénateurs, ont voté à plusieurs reprises sous les législatures précédentes la mise en retraite des magistrats à soixante-sept ans. Je propose que ne puisse plus être élue toute personne âgée de plus de 67 ans au 1er janvier de l'année de l'élection, ce qui nous fait, en fin de mandat, 73 ans pour les sénateurs et 72 ans pour les députés.
Interruptions et rires sur les bancs du groupe UMP.
Je pense que cela mérite le débat et je vois bien que ceux qui râlent ne sont soumis à aucun conflit d'intérêts de ce type.
Sourires.
Chacun a bien compris que notre collègue Darmanin parlait au second degré.
« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.
Non ? Alors, par respect pour les collègues qui ont dépassé l'âge évoqué et notamment les dix-huit membres du groupe UMP, la commission a émis un avis défavorable.
Sourires.
L'heure est plus grave que ce qu'on peut penser. Il est très facile de rire de cet amendement, mais comme j'ai bien compris qu'il y avait derrière la proposition de l'UMP sur l'âge légal de la retraite, j'y suis absolument défavorable.
Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.
En tant que jeune député, j'aurais tendance à dire que si on ne veut plus de députés qui fassent plus de trois mandats ou aient plus de 67 ans, il suffit de leur retirer l'investiture officielle : en général, c'est très efficace.
L'amendement n° 375 n'est pas adopté.
Nous abordons les questions d'incompatibilité entre l'exercice du mandat parlementaire et un certain nombre de fonctions. Cela a fait l'objet de grandes discussions, souvent vives, dans nos rangs comme dans les vôtres. Nous risquons de nous retrouver avec un texte un petit peu au rabais. En tout cas, suite aux tractations qui ont eu lieu chez vous, il subsiste des ambiguïtés, notamment dans la définition de la notion de conseil.
Je voudrais juste présenter quelques réflexions simples. Premièrement, il serait abusif de considérer qu'instaurer des incompatibilités avec certaines professions va exclure les gens qui travaillent dans le privé de la représentation nationale. Il suffit de regarder ce qui se passe dans d'autres démocraties. Aux États-unis par exemple, il est strictement interdit de cumuler les fonctions de parlementaire avec d'autres activités. Or c'est une démocratie dans laquelle beaucoup d'élus viennent du privé. L'encadrement est assez strict également en Suède, au Danemark, au Royaume-Uni.
Il ne faut pas postuler que par principe, nous n'avons pas la possibilité de réguler. Il y a un certain nombre de fonctions dans lesquelles nous pourrions trouver des ambiguïtés entre l'exercice d'une fonction privée et l'intérêt général.
Cet article va être intéressant, parce qu'il nous permettra de juger comment sont respectés les engagements pris par le Président de la République, ce que veut vraiment le Gouvernement après les tractations que vous avez eues et, finalement quelle crédibilité accorder à ce texte qui comporte des ambiguïtés, sur la fonction de conseil notamment. Je le regrette, car je pense qu'il y avait une manière plus claire de rédiger ces incompatibilités, mais nous allons pouvoir en juger.
Je suis très heureux que nous dépassions enfin le psychodrame que nous vivons depuis quelques semaines suite à l'affaire Cahuzac. Il y a eu bien d'autres affaires dans notre République et pourtant on n'a pas saisi l'occasion de ne pas réélire ces gens qui ont été condamnés.
Nous devons dépasser ce voyeurisme, ce feuilleton, pour arriver à l'essentiel, qui me paraît être cet article 2 relatif aux conflits d'intérêts.
Nous aurions pu le faire beaucoup plus tôt. Des réflexions étaient en cours, à l'initiative du vice-président du Conseil d'État Jean-Marc Sauvé, qui rappelait qu'il fallait de nouvelles méthodes de travail, de nouveaux instruments, une nouvelle culture, pour faire comprendre qu'il y a des choses incompatibles. On ne peut pas mélanger des intérêts publics et des intérêts privés. Il faut que l'action publique soit totalement impartiale.
On le sait au niveau local. La première question qu'on se pose en conseil municipal, quand on vote une subvention à une association, est de savoir si tel ou tel conseiller n'est pas concerné à titre personnel. Il est assez surprenant qu'on ne se soit jamais posé vraiment la question au sein de la représentation nationale, alors que les décisions que nous prenons sont sans doute plus importantes.
Même si les conflits d'intérêts peuvent persister, il est important qu'on reconnaisse a minima qu'ils ne pourront plus être dissimulés et qu'ils seront systématiquement condamnés, ou en tout cas recherchés pour être ensuite interdits.
J'interviens sur le statut des fonctionnaires devenus parlementaires. Sur ce sujet, certains pays ont des approches différentes. La France n'est pas l'Allemagne, où il y a une certaine éthique : quand un fonctionnaire perd son mandat et redevient fonctionnaire, la question ne se pose pas de son réemploi dans les fonctions qui étaient les siennes précédemment. Mais nous sommes en France et cet article propose de remplacer le détachement par la mise en disponibilité prévoyant, notamment, pour certains fonctionnaires, que la réintégration de la fonction publique se fera dans un cadre national. Ainsi, un professeur qui enseignait à Nice pourra se retrouver demain à mille kilomètres de son domicile sans qu'il puisse intenter quelque recours que ce soit.
Je suis également un peu choqué par le fait que, dans le cadre d'un texte portant sur la transparence de la vie publique, nous soyons en train d'examiner des problèmes de ce type.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
En effet, ce qui a provoqué sa rédaction n'est pas forcément qu'un fonctionnaire, fût-il d'autorité, ait fauté, mais un événement d'une tout autre nature. Je serais heureux que l'on examine la question des fonctionnaires et des personnes issues du secteur privé devenant élus locaux ou nationaux, lorsque nous débattrons du statut de l'élu et non pas à l'occasion de la discussion d'un texte sur la transparence de la vie publique qui n'a rien à voir.
C'est pourquoi nous avons proposé un certain nombre d'amendements visant à assurer une certaine égalité entre le secteur privé et la fonction publique. Nous proposerons par exemple qu'un fonctionnaire ne puisse faire valoir ses droits à l'avancement pendant l'exercice d'un mandat électif. Mais en aucun cas nous ne devons nous placer dans la situation de jeter en pâture une catégorie socioprofessionnelle – et si j'évoque ici les fonctionnaires, je pourrais en mentionner d'autres –, tout simplement parce qu'un certain nombre de ses représentants ont le tort d'être élus, à moins de considérer que quand on est parlementaire on doive être mis en examen dès le lendemain de son élection.
D'abord, nous sommes dans une vraie logique de déracinement, Laurent Wauquiez l'a évoqué : Lorsque l'on restreint la possibilité pour les élus, et en particulier pour les parlementaires, d'exercer un certain nombre d'activités dont ils tirent certes une rémunération, et, après tout, toute peine mérite salaire – c'est en tout cas la conception que nous pouvons partager ici –, mais aussi une expérience, une forme de sagesse, on affaiblit, à terme, la richesse du travail parlementaire.
J'appelle ensuite votre attention sur le fait que les dispositions que la commission a adoptées, que le sens dans lequel elle a travaillé, aboutissent à réduire la présence du Parlement dans un certain nombre d'institutions, et contribuent donc à diminuer son autorité. Quand on empêche les parlementaires de présider des organismes à caractère public ou simplement d'y siéger, le Parlement, j'y insiste, perd en influence, en rayonnement.
Enfin, la nouvelle rédaction de l'article 146-1 que prévoit l'article 2 présente une double ambiguïté qui me paraît dommageable pour ceux qui deviendraient éventuellement justiciables pour avoir manqué aux obligations définies par le texte. La première ambiguïté porte sur la notion de conseil, je l'ai évoquée hier, et la seconde sur la notion de fonction. J'aurais compris que vous utilisiez les mots « prestation de service », « fourniture de service », « mission », « contrat », qui figurent dans le code du travail ou le code du commerce. Je ne suis pas sûr que la notion de fonction soit si précise en droit qu'elle puisse constituer un environnement juridiquement sûr pour ceux que le texte concernerait. Sans compter que je crois nuisible la perspective qui consiste à priver les parlementaires de la capacité d'exercer ce genre de mission.
L'article 2 traite d'un sujet très important : le cumul entre des fonctions privées et l'exercice d'un mandat parlementaire est une vraie source de conflits d'intérêts. Notre position est claire : quand on exerce un mandat parlementaire, on fait le choix de se consacrer pleinement à ce mandat. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous souhaitons en finir avec le cumul des mandats politiques, électifs entre eux.
Nous affirmons que si nous votons une loi sur le non-cumul des mandats mais que, dans le même temps, on continue à laisser prospérer le cumul entre mandat parlementaire et fonctions privées, alors nous n'aurons pas parcouru tout le chemin nécessaire pour revaloriser l'image du Parlement et des élus.
Je constate d'ailleurs qu'il existe des cas assez célèbres, que vous connaissez bien à l'UMP – j'ai eu l'occasion d'en parler lors du débat sur les heures supplémentaires, il y a un peu moins d'un an. M. Copé a fini par reconnaître que cela posait un problème puisqu'il a mis un terme à son activité très lucrative d'avocat qu'il menait parallèlement à ses fonctions politiques.
L'intervention de M. Poisson, à l'instant, le confirme : nous avons eu droit en commission à un véritable festival de corporatismes. Des professions – très peu nombreuses – y ont défendu leurs intérêts et je me souviens d'une intervention très intéressante de Daniel Vaillant – même s'il n'est pas parmi nous, je me garderai de me faire son porte-parole – qui montrait bien que nous étions là à nous focaliser sur la question de savoir comment allaient pouvoir faire des avocats, des consultants, des professions libérales, des chefs d'entreprises, sans que personne, je dis bien personne, n'évoque le cas des ouvriers, des employés qui ont déjà tant de mal à accéder aux fonctions politiques, a fortiori à l'Assemblée.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Et pourtant, eux, ne sont absolument pas protégés, et pour cause, c'est pourquoi ils sont si peu nombreux à l'Assemblée.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
Ce texte, appelé « transparence de la vie publique », suscite en moi une réflexion que certains trouveront peut-être personnelle, elle est en tout cas tirée de l'expérience. Je fais partie de la commission d'enquête « Jérôme Cahuzac », pour faire très simple. Cette commission sur la transparence – j'insiste sur ce dernier terme – a choisi d'organiser des auditions publiques donc ouvertes à la presse et visibles par tout un chacun. Et c'est là où, à un moment donné, la transparence peut être un piège : toutes les personnes que nous auditionnons désormais – ce qui n'était pas le cas auparavant – se réfèrent aux propos de M. Untel, confirment les déclarations de Mme Untel… parce que toutes ont passé leur temps à examiner ce qui avait été dit, cela au détriment d'une vraie transparence. Je souhaitais simplement appeler votre attention sur ce sentiment personnel.
Cela n'a rien à voir, bien sûr, mais trop d'ouverture peut nuire à la transparence.
Revenons-en à l'article 2 qui concerne davantage, en effet, le statut de l'élu que la transparence dans la vie publique.
Le statut de l'élu aurait dû être traité dans un texte de fond, et je suis tout à fait d'accord avec certains de nos collègues, qui ne siègent pas forcément sur les mêmes bancs que moi, pour affirmer que nous aurions dû nous donner le temps et les moyens de réfléchir.
J'entendais M. Liebgott rappeler que nous aurions dû le faire depuis quelque temps déjà. Certes, mais il n'y avait pas encore eu l'affaire Cahuzac.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Or le détonateur, c'est bien l'affaire Cahuzac et vous mettez en cause toute la classe politique à partir d'une affaire personnelle. Il est vraiment dommage de réduire la transparence de la vie publique à une affaire d'un ministre.
Une fois n'est pas coutume, je voudrais donner raison à M. de Rugy, en l'occurrence à propos du cumul des mandats et du cumul des fonctions. C'est tout de même un paradoxe, mes chers collègues, que, d'ici à quelques semaines, la majorité s'apprête à proposer l'interdiction d'exercer le mandat de parlementaire avec celui de maire adjoint ou de vice-président d'une communauté de communes, sans d'ailleurs jamais se soucier du fait que si l'on est maire d'une grande ville – Lille, au hasard – et maire d'une grande communauté urbaine – la CUDL, au hasard –, on pourra parfaitement cumuler. Dans ce dernier cas aucune surcharge n'est à craindre : on a largement le temps de travailler et d'assumer les deux mandats, tandis que le même parlementaire ne pourrait cumuler ses fonctions avec celles de maire adjoint chargé de domaines aussi importants et estimables, dans une commune, que la mémoire.
Arrêtons la pantalonnade ! Soit on considère que le mandat parlementaire est un mandat à plein-temps et qu'aucune autre fonction n'est dès lors autorisée, soit on considère que le cumul est possible pour des gens qui travaillent dans le privé et alors acceptez l'idée qu'on peut aussi exercer deux fonctions dans le public. On pourrait selon vous être député et professeur d'université mais en aucun cas député et vice-président d'un conseil général ou d'un conseil régional. À force de démagogie, on finit par se prendre les pieds dans le tapis. Au moins, pour une fois, M. de Rugy a le mérite d'être cohérent.
Second point : le texte constitue un recul réel en ce qui concerne les déclarations d'intérêts puisqu'il devait proscrire tout conflit d'intérêts. La réalité, mes chers collègues, est que nous pourrons parfaitement continuer à exercer des activités de conseil et c'est regrettable. Nous pourrons même créer de telles activités, c'est tout aussi regrettable, monsieur Wauquiez, et c'est totalement contraire à ce que le Président de la République avait promis.
Je terminerai en soutenant exactement le contraire de notre collègue Giraud. Pardon de vous rappeler que si l'Assemblée est composée pour plus de moitié de fonctionnaires, c'est simplement parce qu'ils bénéficient d'une plus grande protection en cas de perte de leur mandat électif que les salariés ou que ceux qui exercent d'autres activités. Ce n'est pas normal et l'égalité d'accès aux fonctions commanderait que nous rétablissions une égalité entre ceux qui retrouvent un emploi protégé quand ils perdent leur mandat, et les autres qui n'en bénéficient pas.
Je vous rappelle que les interventions sont de deux minutes.
La parole est à M. Gérald Darmanin.
Je reprendrai l'argument de M. Lagarde qui paraît frappé au coin du bon sens. J'exprimerai un regret sur ce texte en même temps que je relèverai une incohérence. On nous avait promis que les députés ne pourraient plus être avocats, horticulteurs, faire du conseil ; or, finalement, ils pourront le faire. Disons que ceux qui sont concernés pourront continuer, au contraire des nouveaux députés – ce qui n'est pas très grave. En même temps, dans quelques semaines, on interdira à un député d'être maire parce qu'il n'aura pas assez de temps pour siéger dans l'hémicycle et pour travailler correctement.
Il serait d'ailleurs intéressant, d'autant plus que je ne suis pas député-maire, en tout cas pas encore, cher collègue Roman, de relever qui est député-maire et siège dans l'hémicycle et qui n'a qu'un mandat et n'est pas présent.
Ce n'est pas très sérieux, pas très cohérent, monsieur le ministre, de vouloir à la fois interdire la fonction exécutive locale aux députés et sénateurs et en même temps d'autoriser le cumul de fonctions professionnelles avec les activités de parlementaire.
La vérité est que vous avez saucissonné les textes. Comme nous l'avons regretté en commission ce matin, il est bien dommage que nous n'ayons pas étudié à la fois le renouveau de la vie démocratique, comme vous l'appelez, à savoir le renouveau du pouvoir du Parlement, la fin du cumul des mandats, puisque vous la soutenez, la transparence de la vie publique et, pourquoi pas, après les élections de 2014, la réduction du nombre de députés avec, pour certains, une élection au scrutin proportionnel. Nous aurions ainsi un débat cohérent sur les institutions de la Ve République et leur prétendue modernité. Or, sans doute parce que le Gouvernement est aux abois, vous procédez à une vente à la découpe. C'est en tout cas de cette façon qu'on procède dans les maisons aux enchères en province.
Avant d'examiner cet article sur les incompatibilités, les conflits d'intérêts et la relation entre les parlementaires et leur profession d'origine, il faut observer ce qui existe déjà et en tirer les conséquences.
J'ai eu l'honneur, dans une vie précédente, d'être rapporteur, pendant cinq ans, de la commission de déontologie des fonctionnaires de l'État.
Cette commission avait pour objet de prévenir les conflits d'intérêts en évitant que des fonctionnaires qui avaient parfois occupé des fonctions dans des cabinets ne se retrouvent dans des entreprises qu'ils avaient pu contrôler et superviser. Ce que l'histoire de cette commission montre, c'est qu'à la fin on se tire une balle dans le pied parce que, par exemple, on se retrouve, au sein d'un cabinet, avec des gens spécialisés dans l'aéronautique et qui ne peuvent pas rejoindre ce secteur qu'ils connaissent bien à cause de problèmes déontologiques.
Lorsque les cabinets essaient d'embaucher un spécialiste en aéronautique, eh bien, ils ne trouvent personne parce que ledit spécialiste pense à sa sortie. Si je vous donne cet exemple, c'est parce qu'on est bien ensuite obligé d'avoir recours à des jurisprudences très complexes pour contourner les règles édictées, cela afin de permettre quand même aux gens de partir. C'est ainsi que la jurisprudence de la commission de déontologie vous empêche d'établir un contact avec le cabinet d'un ministre alors que le cabinet, lui, pourra vous appeler.
On tourne ainsi autour du pot, parce qu'on essaie d'aménager le droit et la jurisprudence pour coller à la réalité. Le risque de toutes ces règles que vous voulez édicter, c'est que certaines sont parfaitement inapplicables. Par ailleurs, nous serons sans doute contraints à des contorsions juridiques, si l'on ne veut pas que les parlementaires demeurent coupés du monde, enveloppés dans une bulle et que, privés d'ancrage dans la vie réelle, ils perdent leur légitimité.
Le cumul d'un mandat parlementaire avec la profession de médecin ou de chirurgien, par exemple, pose moins un problème de temps, monsieur Lagarde, qu'un problème de conflit d'intérêts.
Si vous êtes avocat et parlementaire, et qu'un grand groupe vient frapper à votre porte, est-ce parce que vous êtes un grand avocat ou parce que vous avez un grand carnet d'adresses ?
Ce que nous reprochons à la situation actuelle, c'est qu'elle permet la marchandisation d'un carnet d'adresses acquis grâce à nos fonctions d'élus. Nous ne pouvons accepter l'idée que, nous étant vus confier un mandat par nos électeurs, nous tirions bénéfice de cette situation pour nous constituer une clientèle. Le conflit d'intérêts est ici évident, et nous ne refusons que les cumuls qui peuvent présenter ce type de difficulté.
Il existe aujourd'hui à l'Assemblée une commission des incompatibilités, qui évalue au cas par cas les incompatibilités éventuelles entre l'exercice d'une activité et notre mandat de parlementaire. Il me semble qu'elle fonctionne plutôt bien.
Car, parlant de conflits d'intérêts, il faut se demander où poser la limite. Prenons l'exemple d'un agriculteur élu député : lorsqu'il vote le budget de l'agriculture, cela a une incidence directe et immédiate sur son revenu ; de même, lorsqu'un médecin ou un pharmacien élus votent le PLFSS, cela peut avoir une incidence directe et immédiate sur leurs revenus.
Pour l'avoir vécu, je sais qu'il s'agit de situations que l'on pourrait assimiler à des conflits d'intérêts, et elles ne concernent pourtant pas la profession d'avocat ou de conseil que vous tenez absolument à cibler.
Un pacte de confiance nous lie à nos électeurs. Il existe certes des incompatibilités, mais notre assemblée y veille grâce à la commission des incompatibilités. Je ne vois donc pas ce qui nous autorise à faire un procès d'intention aux professionnels du droit, alors que toutes les professions peuvent être concernées d'une manière ou d'une autre.
Je ne reviendrai pas sur les conflits d'intérêts entre le mandat de parlementaire et certaines professions, mais je m'étonne que l'article 2 parle uniquement des incompatibilités avec le mandat de député.
Je voudrais donc que le président de la commission ou le ministre m'expliquent quelle est la différence entre un député et un sénateur en matière de conflits d'intérêts.
En matière de conflits d'intérêts, je voudrais demander à tous les députés qui sont fonctionnaires s'il n'y a pas un conflit d'intérêts à voter depuis quarante ans des budgets de la France en déficit !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je suis scandalisé pour ma part par les attaques basses et systématiques que subit la profession d'avocat. Je ne vois pas pourquoi il serait honorable d'être ingénieur d'affaires dans un groupe de bâtiment ou de travaux publics tandis qu'un avocat, diplômé, membre d'une profession dotée d'une déontologie et qui a prêté serment devrait nécessairement être suspect des pires turpitudes. C'est une manière de voir que la profession juge scandaleuse, et je suis outré par les propos tenus dans cette assemblée ! Les avocats sont des gens respectés et respectables, qui accomplissent un travail important, et l'interdiction générale de cumuler une fonction de conseil et un mandat de député me paraît une idée stupide. Un avocat est aussi un conseil, et j'aimerais savoir si l'interdiction d'exercer une fonction de conseil s'applique également aux avocats. Que l'on m'explique le sens exact de l'alinéa 13 de l'article 2 !
Nous en venons à l'examen des amendements à l'article 2.
Je suis saisi de deux amendements de suppression identiques, nos 95 et 180.
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour défendre l'amendement n° 95 .
Vous aurez bien compris que, pour nous, cet article est celui de toutes les dérives.
Il y a, au départ, la volonté de lutter contre l'enrichissement personnel à l'occasion d'un mandat, d'où une déclaration de patrimoine en début et en fin de mandat, et une vérification de la conformité entre les deux, la différence devant, le cas échéant, pouvoir se justifier.
D'où aussi l'idée de lutter contre les conflits d'intérêts, qui vous conduit, par glissements successifs, par petites négociations entre la majorité, elle-même partagée, et le Gouvernement, à défendre un mandat exclusif de toute autre activité et soumis au non-cumul que vous voulez par ailleurs mettre en oeuvre en ce qui concerne les fonctions électives.
Vous allez donner naissance à un nouveau type d'élus « hors-sol », dont le vivier va finir par se tarir, du fait des imperfections de cet article. Vous transformez les fonctions électives en véritables métiers. Nous sommes d'autant moins d'accord avec cela que nous ne pouvons appréhender les questions dans leur globalité, comme nous le disions ce matin en commission des lois, lors de l'audition du ministre de l'intérieur au sujet de la loi sur le non-cumul.
Vous allez ensuite nous parler de proportionnelle et tout changer par petits bouts : c'est la vente à la découpe des élus de la République ! C'est inacceptable et c'est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour défendre l'amendement n° 180 .
Je voudrais brièvement réagir aux propos de François de Rugy et d'Olivier Faure. Il relève de l'évidence que nous n'entrons pas tous à l'Assemblée nationale à vingt-trois ans, au sortir de l'école.
Un certain nombre d'entre nous y rentrent plus âgés – quarante, quarante-cinq, cinquante ans – et il est rare que ce soit notre mandat parlementaire qui nous permette de nous constituer des réseaux professionnels et un carnet d'adresses.
Cette vision selon laquelle seules des fonctions électives permettraient la constitution d'un réseau professionnel relève de l'abstraction ; elle ne correspond pas en tout cas à la réalité la plus courante.
Monsieur de Rugy, comme Daniel Vaillant, l'autre jour en commission, je regrette que soient sous-représentés parmi nous les employés, les ouvriers et les membres de professions « modestes ». Je ne vois pas néanmoins, parmi l'ensemble des amendements que vous avez déposés sur ce texte, cher collègue, ce qui pourrait améliorer la représentation de ces catégories.
Vous voudrez bien me l'expliquer car, sinon un accès de démagogie, même si le mot est sévère, je ne vois pas ce qui pouvait justifier dans votre propos les accusations que vous avez portées contre nous.
La commission est évidemment défavorable à ces amendements de suppression.
Je tiens tout d'abord à dissiper l'inquiétude de notre collègue qui s'étonne que l'on ne parle que des députés et non des sénateurs. En réalité, c'est une automaticité liée au code électoral et à l'article L.O. 297 : quand on parle des députés, on parle automatiquement des sénateurs. Nous légiférons donc aussi pour ces derniers, sans discrimination.
Ensuite, l'article 2 pose le principe de la compatibilité entre une fonction parlementaire et une activité privée. Ce principe n'est pas remis en cause, car nous n'avons pas choisi d'avoir une assemblée composée exclusivement de retraités et de fonctionnaires.
Nous avons choisi en revanche de renforcer certaines incompatibilités. Ce faisant, nous nous inscrivons dans une histoire qui a commencé en 1883, avec les premières interdictions, qui répondaient à une double préoccupation.
Il s'agissait d'abord de préserver les parlementaires de l'exécutif, qui ne manquait pas d'exercer sur eux une certaine « influence ».
Il s'agissait ensuite de préserver les parlementaires d'eux-mêmes et de ce que nous nommons aujourd'hui les conflits d'intérêts.
L'article 2 renforce donc les incompatibilités professionnelles applicables aux parlementaires, en prohibant de nouvelles fonctions. Nous l'assumons, et nous aurons le débat sur le fond, au travers des nombreux amendements que vous avez déposés.
Nous étendons l'interdiction d'exercer des fonctions de direction dans des entreprises qui ont pour principal client l'État, ce que, là encore, nous assumons et dont nous pourrons débattre.
Je voudrais préciser ici la position du Gouvernement. Certaines questions de sémantique sont légitimes mais leur réponse figure déjà dans le code, depuis longtemps.
Si la notion d'activité de conseil, par exemple, n'est pas mieux définie dans ce texte, c'est qu'elle renvoie à l'actuelle rédaction de l'article L. 146-1 du code électoral : « Il est interdit à tout député de commencer à exercer une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat. » Cette rédaction est d'ailleurs issue des travaux d'un groupe de travail « Politique et argent », réuni en 1995 sous la responsabilité de Philippe Seguin. Vous le voyez, un certain nombre de textes existent déjà.
Il est vrai, pour être clair, que nous avions réfléchi à des pistes qui se sont fermées, notamment celle qui visait à limiter les revenus que l'on peut tirer d'une activité professionnelle. Il n'est pas nécessaire de débattre de cette question car il ressort avec évidence de l'expertise juridique approfondie que nous avons demandée que cette piste est frappée d'inconstitutionnalité. Pour le Gouvernement, le débat est clos sur cette question.
Nous avons donc, avec la majorité, retenu un dispositif qui distingue les activités nouvelles de celles déjà exercées. À titre de précaution, un député, ou un sénateur, ne pourra pas s'engager dans une activité en cours de mandat s'il ne l'exerçait pas au moment de son élection. C'est la principale disposition que nous avons prise au titre de la transparence. Elle signifie, a contrario, que l'ensemble des anciennes activités, quelles qu'elles soient, peuvent être poursuivies, à l'exception de l'activité de conseil, qui sera la seule à devoir être interrompue si le projet de loi, lorsqu'elle n'est pas exercée dans le cadre d'une profession règlementée, avec une déontologie et un contrôle propres. Nous en avons débattu tout à l'heure, les avocats ne sont pas concernés par cette rédaction. Je le répète, les activités anciennes peuvent être poursuivies, sauf celles de conseil, à moins qu'il ne s'agisse – et cette exception figure déjà dans le texte actuel – de professions règlementées. Nous devrons, à cet égard, nous pencher sur une disposition qui nous paraît incongrue, celle de l'article LO149 du code électoral qui interdit aux avocats parlementaires de plaider pour un certain nombre d'entreprises dans lesquelles l'État détient une part substantielle du capital, sauf si cette entreprise était déjà leur client avant qu'ils ne soient élus. Soit le risque que surgisse un conflit d'intérêts est réel, soit il n'existe pas. Cette disposition paraît singulière quand on la lit aujourd'hui.
Voilà l'ensemble du dispositif. C'est vrai, nous avions envisagé certaines pistes qui sont aujourd'hui abandonnées. Ce dispositif fait l'objet du débat mais l'on peut s'économiser et ne pas poursuivre nombre de débats qui ont été lancés, ce qui est bien naturel, au cours de la discussion générale sur l'article. Voilà la position que, au fur et à mesure des amendements et des articles, le Gouvernement va définir.
Je voudrais tout d'abord vous donner acte du progrès que vous avez réalisé en proposant des mesures pour améliorer la transparence sur les situations de conflits d'intérêt et de déclarations d'activités. C'est en posant clairement les choses sur la table que l'on garantit le meilleur fonctionnement démocratique et cette disposition est en tout cas bien préférable au régime des incompatibilités juridiques.
Ceci étant dit, le ministre nous avait habitués à des explications claires et cohérentes. Or, en l'espèce, et en tout objectivité, l'on sent bien à quel point il patine sur cet article complètement déformé par les nombreuses tractations internes dont il a été l'objet, au point de le vider de toute forme de raisonnement cohérent.
Il y a trois choses que je ne comprends pas.
Vous nous dites tout d'abord que la différence entre la profession d'avocat et de conseil est un héritage du passé. Nous sommes précisément là pour corriger le passé. Vous voyez bien qu'il n'y a pas une once de raisonnement correct. Si vous considérez que le mandat parlementaire n'est pas compatible avec l'activité de conseil, comment pourrait-il l'être avec la profession d'avocat qui permet de faire du conseil indirectement ? Nous sommes en plein Tartuffe. Soit vous supprimez tout, soit vous maintenez tout.
Plusieurs députés SRC. Mais non !
Vous ne pouvez pas faire cette espèce de différence. Plutôt que d'exercer une activité de conseil, les gens s'inscriront au barreau et continueront à faire du conseil. Je n'arrive vraiment pas à comprendre votre raisonnement.
Mais ils n'en ont pas forcément le droit.
S'agissant de la prévention des conflits d'intérêts, vous avancez par ailleurs que les parlementaires qui exerçaient avant d'être élus pourront poursuivre leur activité mais qu'ils ne pourront pas en commencer une ! Quelle approche restrictive de la position de conflit d'intérêts ! On cherche à débusquer un parlementaire qui, ayant pour client une grande entreprise, pourrait être amené à voter des lois qui la concerneraient, se retrouvant ainsi dans une situation de conflit d'intérêts. La question n'est pas de savoir s'il a commencé cette activité avant son mandat ou en cours de mandat. Un parlementaire peut se retrouver en situation de conflit d'intérêts du fait d'une profession qu'il aurait commencée à exercer avant d'être élu.
Troisième chose que je n'arrive pas à comprendre : nous sommes ici sur le terrain du législatif, pas de l'exécutif. La question n'est pas de savoir si nous avons affaire à une entreprise publique financée sur les deniers publics car nous sommes amenés à voter des lois qui concernent toutes les activités privées. Nous étudierons ainsi bientôt un projet de loi sur la consommation qui portera sur le domaine des assurances. Lorsque l'on adopte des lois dans le domaine de l'immobilier, elles ont des conséquences sur les entreprises du secteur de l'immobilier. Il serait totalement artificiel de réduire les conflits aux entreprises financées majoritairement par le public.
Je vous donne acte des véritables avancées que vous avez opérées et qui me semblent très positives mais un certain nombre de tractations internes ont rendu ce texte totalement bancal sur bien d'autres aspects et vous aurez les plus grandes peines du monde à le mettre en place.
Je me permettrai enfin – mais c'est le juriste qui parle – de vous faire remarquer que, quand on veut tuer son chat au Parlement, on dit qu'il vient du Conseil constitutionnel. Arrêtons de faire croire que les interdictions du Conseil constitutionnel jugulent tout le travail d'initiative parlementaire.
Je voudrais tout d'abord saluer la qualité législative et la franchise de notre collègue Guy Geoffroy qui a présenté cet amendement de suppression, rédigé avec beaucoup de sobriété : « Supprimer cet article », « Amendement de cohérence ».
On comprend bien votre cohérence, en effet, qui consiste à vouloir supprimer tous les pouvoirs de contrôle de la Haute Autorité – je vous renvoie à l'un de vos précédents amendements – et à présent toutes les incompatibilités. Vous avez au moins le mérite d'être clair.
Je voudrais cependant revenir sur des propos que vous tenez souvent, en particulier en commission. Je commence à en avoir assez de votre histoire de députés « hors sol » !
Celui qui, comme moi, monsieur Aubert, se consacre pleinement à son mandat et qui se rend à l'Assemblée, participe aux commissions, rencontre des gens pour préparer son travail, se rend ensuite dans sa circonscription où il rencontre à nouveau des gens dans sa permanence, à des manifestations auxquelles il est invité, qui, accessoirement parce qu'il a une vie à côté, conduit ses enfants à l'école ou va les y chercher…
…fait ses courses, rencontre des gens au supermarché ? Ou bien le député le plus « hors sol » est-il celui qui va courir le cachet – il n'y a pas d'autre expression – sous couvert d'une activité de conseil grassement rémunérée, qui s'inscrit dans un cabinet d'avocat sans d'ailleurs jamais plaider mais pour toucher le cachet à la fin du mois ? D'ailleurs, monsieur Jacob, vous venez de nous donner une leçon fort peu crédible sur la séparation des pouvoirs mais cela ne vous pose-t-il pas problème qu'un parlementaire puisse aussi être avocat ? Cela ne vous dérange-t-il pas que le pouvoir législatif empiète ainsi sur le pouvoir judiciaire ?
Cette loi doit nous permettre de progresser dans la séparation des activités privées qui placent dans des situations de conflits d'intérêts celles et ceux qui, comme nous, se consacrent pleinement à leur mandat de parlementaire.
Après le réquisitoire du procureur François de Rugy, je voudrais simplement demander à M. le ministre s'il pense vraiment, en son âme et conscience, que cette position est raisonnable et équitable ? Mais je fais confiance, au moins sur ce point, au Gouvernement qui évolue si vite que d'ici au Sénat, la situation aura changé.
Comment pouvez-vous accepter qu'un parlementaire, qui exerce une activité dont il peut tirer des revenus et avec laquelle il va entrer en conflit d'intérêts, puisse continuer à l'exercer ? Rien ne l'interdit dans le texte que vous avez proposé au Parlement. Cette position est complètement contraire à celle du Président de la République qui voulait mettre fin aux conflits d'intérêts. Vous affirmez au contraire que tous ceux qui exerçaient déjà une activité susceptible d'entrer en conflit d'intérêts avec leur mandat de parlementaire pourront continuer à l'exercer mais que, si d'aventure, il arrivait que certains d'entre eux veuillent en exercer une, quelle honte ! ils devraient y renoncer !
Monsieur le ministre, je vous proposerai, à l'occasion d'un prochain amendement, une solution finalement assez simple pour régler le problème du conflit d'intérêts que nous tenons au moins autant que vous à résoudre, même s'il me semble que nous agirions plus volontiers que vous ne semblez vouloir le faire.
Ce projet de loi est né d'un problème : la tromperie, à l'égard de tout le monde, d'un ancien ministre, monsieur Cahuzac.
La question que l'on peut se poser sur tous les points que vous soulevez est de savoir si vous mesures sont susceptibles de régler ce genre de situation. Si vous affirmez pouvoir résoudre les situations nouvelles de conflits d'intérêts mais que l'on en découvre demain une ancienne, la population ne vous croira plus. Personne ne pensera que vous avez cherché à lutter contre les conflits d'intérêts. Je vous propose par conséquent d'adopter l'amendement n° 268 que nous examinerons ensuite. Vous verrez que d'une façon beaucoup plus simple et beaucoup moins hypocrite, l'on peut parvenir à faire disparaître les conflits d'intérêts de nos parlements.
En peu de mots et sans vouloir remettre de la monnaie dans la machine, je voudrais remercier M. de Rugy de l'intérêt qu'il porte à mes propos et aux quelques formules qu'il m'arrive de proposer à notre réflexion commune. Je suis très touché mais je tiens tout de même à rectifier, dans l'intérêt de la bonne présentation de ceux qui nous écoutent et nous liront, un propos de l'un des nôtres, l'un des meilleurs puisqu'il s'est autoproclamé tel : il n'y a pas de pouvoir judiciaire en France, il y a une autorité judiciaire.
Lorsque le Gouvernement a engagé cette discussion en prétendant qu'il ne s'agissait pas là d'une loi de circonstance, …
…nous avons au contraire pensé à droite que ce texte faisait suite à l'affaire Cahuzac pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise.
En réalité, j'entends bien votre argumentaire et votre petite musique : vous parlez par périphrases, vous parlez d'avocat, de conseil qui touche des cachets. Mettons les pieds dans les plats : ce qui vous embête, c'est le président de l'UMP, monsieur Copé !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous êtes en train de nous dire que vous avez écrit un projet de loi anti-Jean-François Copé.
D'un côté, nous avons une affaire Cahuzac, et de l'autre la seule garantie que vous apportez, c'est de viser personnellement à travers des amendements fallacieux une profession sous prétexte qu'il y aurait des avocats conseil dans ses rangs.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Voici une manière de faire la loi qui n'est pas éthique. Avant de donner des leçons sur les conflits d'intérêt, il faut avoir une vision de législateur. Si l'on veut lutter contre les conflits d'intérêt, il faut prendre en compte toutes les professions et arrêter de se concentrer sur des cas malheureux.
Enfin, pour répondre à votre question, monsieur de Rugy, je considère qu'un député « hors sol » est un député qui n'a pas de profession à part d'être apparatchik.
Nous serions même deux à pouvoir le présenter, M. Hervé Morin et moi-même. Je le ferai au nom du groupe UDI. Comme je le disais tout à l'heure, nous avons du mal à comprendre le raisonnement du Gouvernement, qui n'a pas souhaité répondre, et je comprends sa gêne. Prétendre que l'on évitera de nouvelles situations de conflits d'intérêts mais sans traiter celles qui existent déjà, ce n'est satisfaisant, ni pour nos concitoyens, ni pour les parlementaires, du moins ceux de l'opposition. Si ceux de la majorité veulent se livrer à cet exercice, libre à eux, ils en assumeront la responsabilité.
Le dispositif proposé par le groupe UDI permettrait de s'adapter à chaque citoyen, à chaque cas, à chaque type de conflit d'intérêts parce que vous ne serez, monsieur le ministre, pas plus qu'une majorité d'alternance demain, jamais capables de dresser la liste dans la loi ou même par voie règlementaire, de tous les conflits d'intérêts qui pourraient se présenter.
Nous proposons simplement que la Haute autorité de transparence de la vie publique examine les activités que nous déclarons déjà dans les déclarations d'intérêts – elle pourrait d'ailleurs les rendre publiques, car c'est beaucoup moins compliqué que pour le patrimoine. Ensuite, ce serait à la déontologue de donner un avis et à la Haute autorité de trancher.
C'est, je le répète, assez simple : nous déclarons nos intérêts, la Haute autorité les examine pour savoir s'ils sont compatibles avec l'exercice du mandat et nous dit si l'activité en question peut être poursuivie, voire, pour reprendre l'exemple qu'a donné M. Jacob, si un député doit se déporter sur tel ou tel sujet en raison d'un possible un intérêt personnel dans le débat.
Ce serait à la fois simple sur le principe, très facile d'application et très lisible pour le public tout en étant préférable à cette dichotomie entre ceux qui avaient auparavant des conflits d'intérêts et qui ont le droit continuer et ceux qui n'en avaient pas et qui n'ont surtout pas le droit de commencer. Franchement, perpétuer le vice passé et interdire le vice futur ne me paraît pas être la première mission de la loi !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Dans la logique de ce que je disais tout à l'heure, cet amendement concerne la suppression du système préexistant, c'est-à-dire le détachement des fonctionnaires élus à l'Assemblée nationale, au profit, avec le nouveau texte, de la mise en disponibilité.
Un certain nombre de problèmes ont déjà été réglés s'agissant de l'égalité entre les fonctionnaires et les gens issus du privé - je souhaite d'ailleurs que l'on aille plus loin. Mais ce n'est pas forcément par le bas, c'est-à-dire en faisant en sorte que tout le monde soit au plus bas niveau, que nous arriverons à ce que les gens s'intéressent à la vie publique.
S'agissant des fonctionnaires, le système fait qu'ils ne bénéficient plus de droits à la retraite cumulés, ce qui était considéré comme un avantage qui pouvait sembler aberrant pour certains. En revanche, ils continuent de bénéficier de droits à l'avancement pendant l'exercice de leur mandat de parlementaire.
Nous proposons, dans cet amendement, de revenir au système du détachement, mais en supprimant le bénéfice du droit à l'avancement pendant la durée du mandat de parlementaire. Rester dans la logique du détachement permet d'éviter les problématiques que j'indiquais tout à l'heure, à savoir qu'un fonctionnaire d'État, à la fin de sa disponibilité, pourra se retrouver dans une situation compliquée en étant nommé à 1 000 ou à 1 500 kilomètres de son domicile après avoir exercé un mandat de parlementaire. Cet amendement permettrait d'arriver à un système permettant, non pas un nivellement par le bas, mais une équité entre fonctionnaires et personnes du privé.
Quand on est membre d'un grand corps de l'État, la question ne se pose pas dans les mêmes termes que pour les agents issus des catégories les plus faibles de la fonction publique : lorsqu'un agent de la fonction publique est sur le point de perdre son mandat, il peut avoir la perspective dramatique d'être muté à 1 000 kilomètres de son domicile si la mise en disponibilité est appliquée au lieu du détachement.
Défavorable.
Les deux amendements qui ont été présentés ne sont pas du tout de même nature.
L'amendement n° 268 , défendu par Jean-Christophe Lagarde, propose de confier à la Haute autorité le contrôle des activités exercées par les parlementaires. La commission des lois en a repoussé le principe au nom de l'autonomie des chambres, qui rend inconstitutionnelle toute disposition qui viendrait à confier à une autorité administrative, fût-elle indépendante, la capacité d'exercer un contrôle sur les mandats des élus de la nation.
Le problème n'est pas écarté pour autant. C'est au Bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat qu'il appartiendra d'enjoindre à l'un de ses membres de mettre fin au conflit d'intérêts. Nous avons déjà évoqué ce sujet. J'ai d'ailleurs déposé un amendement qui viendra plus tard sur la question du lobbying.
Quant à l'amendement n° 200 de M. Giraud, si nous l'adoptons, il réécrit l'article. Pour gagner du temps, cela pourrait ne pas être inutile ! Il n'en demeure pas moins que certaines avancées sur les incompatibilités tomberaient au regard de cette proposition. L'examen de votre amendement, monsieur Giraud, a ainsi abouti à son rejet par la commission des lois.
Paradoxalement, votre solution est assez singulière. Vous êtes contre la mise en disponibilité, mais en pratique, avec l'ajout d'un droit de réintégration automatique en surnombre, cela revient à une mise en disponibilité ! Vous feriez, de ce fait, des fonctionnaires élus parlementaires des privilégiés par rapport à d'autres personnes mises en disponibilité.
Je comprends que telle n'est pas votre intention, mais la manière dont nous interprétons votre amendement aboutit à ce constat.
Les deux amendements sont en effet de nature différente. Je ne reprendrai pas l'argumentation du rapporteur puisqu'elle est partagée par le Gouvernement.
S'agissant de l'amendement sur le détachement, ou sur l'idée de conserver une part de l'intérêt du détachement, notamment pour retrouver une activité professionnelle dans un lieu géographique compatible avec des engagements familiaux, je voudrais apporter quelques précisions.
La fin du détachement au sens classique, c'est-à-dire le fait de conserver, pendant un ou plusieurs mandats parlementaires, le bénéfice d'une augmentation de carrière, est une mesure que le Gouvernement soutient. Il souhaite que l'on passe du détachement à la disponibilité. Mais on nous a opposé le fait que, dans le cadre de la disponibilité de droit commun, il faut, au bout de dix ans, quitter la fonction publique.
Que les choses soient claires – il s'agit de dispositifs relevant du domaine réglementaire : la rédaction de la loi signifie qu'il s'agit en l'occurrence d'un dispositif de disponibilité, mais qui est exorbitant de droit commun. La règle des dix ans ne s'appliquera donc pas. Si quelqu'un reste parlementaire pendant quinze ans, il restera en disponibilité pendant cette période. Ce qui importe au Gouvernement, c'est qu'il n'y ait pas d'augmentation des droits du fait du GVT ou de poursuite de la carrière pendant cette période.
Je rejoins cependant votre préoccupation, monsieur Giraud : le Gouvernement prendra en considération, par des dispositions spécifiques au moment de la fin de la disponibilité, la question de la nomination dans un secteur géographique donné afin que celle-ci soit compatible avec la vie de l'intéressé. Ce n'est pas impossible : c'est déjà une pratique du ministère de l'éducation nationale.
L'objectif est de mettre fin à une situation très particulière, la poursuite de la carrière, nonobstant le point de vue indiciaire. Pour le reste, l'absence d'application de sanction au bout de dix ans est la conséquence du texte qui vous est présenté.
J'ai bien compris les explications du président Urvoas, mais je reviens tout de même sur l'amendement n° 268 , brillamment défendu par notre collègue Lagarde.
On a évoqué à plusieurs reprises, depuis le début de l'examen de ce texte, le fait qu'un député puisse se déporter d'un texte qu'il devrait voter, dans la mesure où il pourrait y avoir un intérêt. Cela me rappelle la jurisprudence applicable dans les conseils municipaux, les conseils généraux ou les conseils régionaux. Le conseiller municipal, président d'une association ou membre de cette association, peut faire une gestion directe en tant que président-trésorier, mais il n'a alors pas le droit de participer à la délibération concernant son association, de la même façon qu'un maire ne peut pas être présent lorsqu'on vote le compte administratif de sa commune.
Cette question du déport pourrait d'ailleurs faire l'objet d'une question à M. le président de la commission des lois et à la présidence de l'Assemblée, assurée ce soir par M. Sirugue, dans la mesure où nous ne réglons pas le problème des conflits d'intérêts puisque tous ceux qui avaient auparavant des activités de conseil ou d'avocat pourront continuer à le faire.
Je me permets enfin de faire remarquer à M. le rapporteur, d'une manière un peu facétieuse, que nous sommes tenus par l'autorité de son ancien et illustre prédécesseur, Jacques Toubon, qui précisait qu'on ne disait pas « lobbying », mais « influence » !
S'agissant de l'amendement n° 200 , je rejoins totalement l'analyse du Gouvernement. Je tiens en effet à insister sur la nécessité de tout faire pour ne pas opposer, à l'occasion de ce texte, les Françaises et les Français que sont, d'un côté, les membres des fonctions publiques et, de l'autre, ceux qui ne le sont pas.
Des femmes et des hommes font le choix d'accéder à l'exercice d'une fonction publique en passant un concours. Mais ce concours n'est pas « gagnable » par tous. La preuve, c'est un concours, pas un examen ! On peut certes contester le fait que les fonctions publiques sont peut-être pléthoriques, parfois pas adaptées aux besoins, mais c'est un autre sujet. En tout cas, les personnes qui préparent ces concours, qui sont admises et qui peuvent donc accéder à un emploi dans l'une des fonctions publiques doivent être respectées ne serait-ce que pour avoir fait ce qu'il fallait pour réussir.
L'amendement de nos collègues ne convient pas, pour plusieurs raisons.
Dans son exposé des motifs, M. Giraud fait état de l'impossibilité matérielle qu'il y aurait à exercer des activités dans une fonction publique en étant parlementaire. Le problème n'est pas là : ce qui est ici en cause, c'est la séparation des pouvoirs !
Pourquoi, jusqu'à aujourd'hui – puisque visiblement, cela va changer – était mis d'office en détachement tout fonctionnaire accédant à une fonction parlementaire ? Parce que, en tant que fonctionnaire, il est un représentant du pouvoir exécutif et qu'il ne peut pas avoir un pied d'un côté et un pied de l'autre.
La disponibilité est le bon choix. Il respecte le fait qu'une personne a passé un concours d'une fonction publique et a été admise. Par contre, l'amendement est une mauvaise solution, fondée, de surcroît, sur un argument plutôt bancal.
L'amendement n° 268 n'est pas adopté.
Compte tenu des engagements du ministre concernant cet amendement, en particulier sur le retour à l'emploi des fonctionnaires en disponibilité au-delà de dix ans et sur le retour géographique dans un lieu précis, je retire l'amendement n° 200 .
L'amendement n° 200 est retiré.
La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l'amendement n° 292 .
J'associe à cet amendement mon collègue Damien Abad et d'autres collègues.
L'amendement n° 292 concerne la démission des fonctionnaires de la fonction publique d'État de catégorie A.
L'objectif affiché par le Gouvernement dans l'exposé des motifs est de rénover le cadre de la lutte contre les conflits d'intérêts dans la vie publique. Ces conflits d'intérêts éventuels ne se limitent certainement pas aux élus. Or il nous semble que la combinaison entre l'appartenance à la haute fonction publique d'État et l'exercice d'un mandat parlementaire aboutit à des situations potentielles de conflits d'intérêts qui peuvent être dommageables au bon exercice de la démocratie.
Le présent amendement vise à imposer à tout haut fonctionnaire d'État de catégorie A élu au Parlement de démissionner de la fonction publique afin d'éviter tout soupçon de collusion avec l'administration ou le corps auquel il appartenait précédemment.
Aux yeux des Françaises et des Français, monsieur le ministre, il serait troublant que vous refusiez cet amendement. La transparence pour tous s'impose. Voilà le vrai remède ! Si vous acceptez notre amendement, nous pourrons poser les bases d'une future révolution démocratique.
La commission a repoussé cet amendement.
Vous l'aviez présenté en commission, monsieur Le Ray, en évoquant une catégorie officieuse – autrement dit, pas juridique –, la catégorie A+. Aujourd'hui, vous revenez à la charge avec la catégorie A qui, aux termes du décret de 2006, concerne beaucoup de monde, par exemple, les professeurs des écoles – je le précise afin que l'on sache exactement de quoi nous parlons.
Vous faites donc une distinction entre différentes catégories de fonctionnaires, qui nous paraît, cher Philippe Le Ray, peu fondée. Dans tous les cas de figure, priver les fonctionnaires de cette catégorie de la possibilité de suspendre leur appartenance à la fonction publique constituerait une discrimination qui, de notre point de vue, ne serait pas fondée sur un motif d'intérêt général.
Une fois n'est pas coutume, j'irai contre l'avis de mes collègues de l'UMP.
Sourires.
Tout d'abord, il y a une différence entre interdire une profession ou une activité et empêcher l'appartenance à un statut. Être fonctionnaire n'est pas une activité, c'est un statut et un état. Par conséquent, c'est le fait même d'être fonctionnaire qui gêne sur ce point. Or un député ou un sénateur qui est fonctionnaire ne cotise pas ni ne perçoit par définition aucun avantage ou traitement découlant de son activité, ne l'oublions pas, contrairement à d'autres comme les médecins ou les avocats qui peuvent continuer leurs activités. En outre, on ne demande pas à un avocat élu député de se faire radier du barreau, ni à un médecin de renier le serment d'Hippocrate. Dès lors, pourquoi un fonctionnaire battu aux élections ne pourrait-il pas revenir dans son corps d'origine ? Quant à ce que l'on appelle la collusion avec l'administration, je l'appelle sens du service public et me réjouis qu'il anime quelques fonctionnaires.
Je conclurai par cette observation : il résulte du compagnonnage et des promotions dans la fonction publique que l'on garde évidemment des liens humains, quand bien même on en est radié. Un exemple, au hasard : un ancien élève de l'ENA peut avoir des amis de l'autre côté de l'hémicycle et des camarades de promotion dans les cabinets des ministres en fonction. Coupera-t-on une telle collusion avec l'administration en le radiant de la fonction publique ? Je crois qu'il n'en est rien et qu'il faut savoir raison garder.
Je ferai deux observations.
J'ai auditionné jadis l'amicale des anciens de l'ENA. Il en est résulté un Livre blanc estimant qu'il y a, après un certain temps, une incompatibilité manifeste entre le statut de fonctionnaire et le mandat de député. Les anciens de l'ENA, des gens qui ont un certain nombre de responsabilités y compris à l'Élysée, proposaient donc d'établir une incompatibilité après le deuxième mandat. J'avais également regardé ce qui se passait dans les autres pays de la Communauté européenne, la Grande-Bretagne en particulier. Ils sont beaucoup plus sévères.
Non, il faut en Grande-Bretagne démissionner avant de se présenter à une élection, ce qui va beaucoup plus loin. J'avais enfin auditionné un certain nombre de grands personnages de l'État, à commencer par le vice-président du Conseil d'État. Je puis dire, pour avoir recueilli son avis, qu'il estimait qu'après un certain nombre de mandats il y a incompatibilité entre le statut de fonctionnaire et le mandat de député. Je dis cela simplement à titre d'information pour notre assemblée.
L'amendement n° 292 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement propose, mes chers collègues, de limiter la présence des parlementaires dans les établissements publics nationaux et dans les collèges des autorités administratives indépendantes en l'interdisant sauf nomination ès qualités de parlementaire dans le cadre délimité des organismes extraparlementaires. Le but est ainsi d'éviter que ne siègent, à côté des parlementaires nommés ès qualités et dont la nomination fait l'objet de savants équilibres, d'autres parlementaires nommés à un autre titre, en particulier dans le collège des personnalités qualifiées.
Des questions ont été soulevées, lors des débats en commission, sur l'ampleur des limitations créées par un tel amendement. La limitation apportée est en effet bien réelle, mais parfaitement assumée. Il importe que le cumul de fonctions des parlementaires au sein des conseils d'administration d'organismes publics et des collèges d'autorités administratives indépendantes soit limité et encadré. Une telle présence est utile, mais il faut être clair sur les raisons qui la fondent. Il s'agit de faciliter le rôle d'évaluation et de contrôle qui est l'une des fonctions du Parlement et qui ne peut se justifier si le parlementaire siège comme personnalité qualifiée. Pour information, la liste des organismes dans lesquels des parlementaires siègent ès qualités, publiée sur le site de l'Assemblée Nationale, comporte trente-huit établissements publics nationaux ou autorités administratives indépendantes. La capacité du Parlement en matière de contrôle et d'évaluation restera solide.
Si l'on s'aperçoit que cet amendement oblige certains parlementaires à quitter le conseil d'administration d'organismes dans lesquels leur présence peut être utile, rien ne nous interdit de modifier par la loi le conseil d'administration afin d'y prévoir la présence ès qualités des parlementaires. Cet amendement répond également à une remarque formulée par Jean Gicquel, notre précédent déontologue, dans son rapport de février 2012. Il qualifiait les organismes extraparlementaires de véritables maquis dans lesquels il faudrait remettre de l'ordre. L'occasion se présente, si nous adoptons cet amendement, de mettre en route un chantier qui ne pourra que bénéficier à la transparence.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l'amendement n° 28 .
C'est un amendement en effet identique sur lequel un débat a eu lieu en commission à l'issue duquel il n'a pas été adopté. Pour autant, de nombreux collègues sont convenus, par-delà les différences de groupe, qu'il y avait là un vrai sujet méritant d'être traité, selon une logique similaire à celle qui régit le cumul des mandats. Voir des députés occuper des fonctions dans un certain nombre d'établissements publics pose problème – la notion de député ès qualités mériterait à cet égard d'être approfondie même si elle peut sans doute se justifier pour un certain nombre d'organismes, sachant que nous poserons la question de leur présidence dans un autre amendement.
N'y aurait-il pas en effet une source de conflit d'intérêts pour les députés siégeant au conseil d'administration d'un établissement ? Car on ne sait plus très bien quelle est alors leur casquette : élu local ? élu national ? De même, lorsqu'ils reviennent au Parlement, défendent-ils des points de vue en tant que parlementaire ou en tant que membres de ce conseil d'administration ?
Le Gouvernement est également favorable.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 30 , 237 et 366 rectifié .
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l'amendement n° 30 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 237 .
C'est le même amendement rédactionnel auquel la commission est favorable.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 366 rectifié .
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l'amendement n° 31 .
Cet amendement aborde un sujet très important lié aux conflits d'intérêts. Il s'agit d'être plus strict dans les incompatibilités.
En la matière, un débat a eu lieu avant même la rédaction du projet de loi – M. le ministre pourra peut-être le rappeler – pour savoir s'il fallait dresser une liste de fonctions incompatibles avec le mandat de parlementaire ou, au contraire, une liste de fonctions compatibles, forcément restreinte. Aucune de ces deux solutions n'a été retenue, à part pour la fonction de conseil. Nous souhaitons donc, et c'est pour nous une solution de repli, préciser un certain nombre d'incompatibilités qui nous semblent poser problème et ajouter aux fonctions de président de conseil de surveillance celles de mandataire social ou d'administrateur d'une société. Il s'agit là aussi de lutter clairement contre des situations de conflit d'intérêts.
Défavorable. Il nous semble que la proposition faite dans cet amendement est disproportionnée par rapport à l'objectif recherché et serait ainsi en contradiction avec l'article VI de la Déclaration de 1789.
L'amendement n° 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l'amendement n° 32 .
Il s'agit là aussi de préciser la rédaction de l'article en remplaçant les mots : « l'activité consiste principalement » par les mots : « une part supérieure à 20 % du chiffre d'affaires de l'activité consiste ». Nous pensons en l'occurrence aux sociétés qui dépendent des commandes publiques. La rédaction nous semble un peu floue, nous souhaitons donc la préciser, là aussi dans un sens clairement plus restrictif.
Outre le fait que l'on ne peut connaître le détail d'un chiffre d'affaires qu'en fin d'exercice, la solution excède de notre point de vue le principe de stricte nécessité des incompatibilités parlementaires dégagé par le Conseil Constitutionnel.
J'entends l'argument de M. le rapporteur, mais si le chiffre d'affaires n'est pas possible à distinguer avant la fin d'exercice, qu'en sera-t-il du mot « principalement », rédaction qui se heurte au même obstacle de clarté ?
L'amendement n° 32 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit par cet amendement de supprimer les alinéas 12 et 13 de l'article 2, l'Assemblée nationale s'étant dotée d'un dispositif destiné à prévenir les conflits d'intérêts. Outre l'édiction d'un code de déontologie pour les parlementaires, il a été décidé la remise, en début de mandat, d'une déclaration d'intérêts ainsi que l'institution d'un déontologue au sein de l'Assemblée nationale. Dès lors, les alinéas 12 et 13 n'ont pas lieu de subsister. Le procédé de surveillance et de contrôle de l'activité des députés mis en place en 2011 offre suffisamment de garanties. L'interdiction générale de l'activité de conseil contribue davantage à stigmatiser le député ou alimenter la suspicion qu'à concourir à la transparence de son activité et à la confiance de nos concitoyens en leurs représentants.
J'ai bien entendu ce que vous nous avez indiqué tout à l'heure, monsieur le ministre, pour expliquer l'article 2 : l'exercice d'une fonction de conseil est incompatible avec le mandat de député. J'aurais préféré que l'on supprime tout simplement l'alinéa correspondant, car j'ai peur qu'il comporte une source d'ambiguïté.
Je vous le dis très franchement, j'en ai peur. Je suis avocat depuis quarante ans, monsieur le ministre, comme vous-même. Quelle est la définition de l'avocat ? C'est quelqu'un qui conseille et qui plaide.
Je crains donc, je vous le dis très franchement, que l'on crée là une ambiguïté.
Je retiens ce que vous avez dit mais je tiens à ce que figure au Journal Officiel l'expression de la crainte d'une ambiguïté même si, je tiens à le dire solennellement, ces alinéas ne visent pas du tout les avocats.
En effet, c'est toute une profession dont l'avenir peut être en jeu. Le rôle des avocats a été consubstantiel à la République dans cette assemblée.
Sourires.
Je souhaite donc qu'il n'y ait là aucune ambiguïté et rappelle à tous mes collègues que l'expression « l'exercice d'une fonction de conseil » n'englobe pas la profession d'avocat.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 181 .
J'ai donné dans la discussion générale de l'article les motifs pour lesquels je ne suis pas d'accord avec le maintien de ces alinéas. Je n'y reviens pas.
J'ai entendu ce que le ministre disait tout à l'heure, en substance qu'avec la formulation actuelle de l'article L.O. 146-1 du code électoral n'y a pas lieu de s'inquiéter d'une éventuelle imprécision. Je ne suis pas du tout de cet avis. Ce n'est pas parce que la loi est ainsi écrite qu'il ne faut pas profiter de l'occasion pour la modifier. Après tout, telle est la mission du Parlement, monsieur le ministre !
Si donc l'on pouvait apporter quelques précisions, tout le monde s'en porterait mieux.
Par ailleurs, sur le fond, la déclaration déposée par les députés auprès du déontologue de l'Assemblée nationale, et mentionnant éventuellement des activités de conseil exercées avant le début de leur mandat, me paraît suffisante. Je ne vois d'ailleurs pas bien pourquoi, même au motif d'une profession réglementée, comme l'est celle des avocats, le métier de conseil ne pourrait pas être exercé davantage par les parlementaires – et n'allez pas croire qu'il s'agit là d'une réaction corporatiste, pour répondre à l'accusation sans fondement formulée il y a quelques instants par M. de Rugy !
Cette restriction visant l'exercice d'une fonction de conseil me surprend et me paraît de nature à affaiblir considérablement la richesse de la représentation nationale. J'ajoute, même si c'est un détail, qu'il y a au sein de notre assemblée des députés venant du secteur privé, qui aimeraient bien pouvoir retrouver une activité professionnelle à la fin de leur mandat – car il arrive, figurez-vous, qu'un mandat ne soit pas renouvelé et, même si ce n'est que temporaire, on est alors heureux de pouvoir exercer à nouveau une activité. Les alinéas 12 et 13 de l'article me paraissant conduire à un affaiblissement généralisé de notre fonction, je vous propose de les supprimer en votant l'amendement n° 181 .
Avec les alinéas 12 et 13, l'exercice d'une fonction de conseil serait incompatible avec le mandat de député. Je m'étonne de constater qu'une interdiction générale puisse être énoncée à l'encontre d'une activité professionnelle.
Je propose donc, avec l'amendement n° 226 , de supprimer ces deux alinéas qui ne se justifient en aucune manière : il n'y a aucune raison, ni en fait ni en droit, de pratiquer un tel ostracisme à l'égard d'une profession. Pourquoi stigmatiser la profession de conseil, alors que de nombreuses professions pourraient justifier une suspicion de prise illégale d'intérêt ?
Pour une fois, les conseilleurs vont être les payeurs !
J'estime qu'il convient de supprimer les alinéas 12 et 13 de l'article 2, pour deux raisons.
Premièrement, si l'on considère que l'activité de conseil est, en soi, une activité à risque, alors c'est un risque absolu : je ne vois pas ce qui justifierait l'existence d'un dispositif à géométrie variable qui, selon le moment où l'on a débuté son activité de conseil, ferait de cette activité un vice ou une vertu. Si c'est une activité à risque, il faut l'interdire totalement ; sinon, on l'autorise totalement. En fait, votre dispositif à caractère alternatif me fait un peu penser à votre transparence à éclipse, et me paraît tout aussi incompréhensible.
Deuxièmement, la définition du conseil est très large, pour ne pas dire gazeuse. Les avocats s'en émeuvent à juste titre, car il paraît difficile de déterminer où commence et où se termine l'activité de conseil – ainsi, un auto-entrepreneur qui fait du conseil est-il visé par ces alinéas ? Comme chacun le sait, ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. La solution la plus sûre consiste donc à supprimer les alinéas 12 et 13, qui ne permettent pas de comprendre ce que vous voulez réellement, quelle est la portée du risque que vous souhaitez éviter et quelles sont les personnes visées.
La commission est défavorable à ces amendements. Comme chacun l'aura compris, nous souhaitons faire évoluer la réglementation – c'est d'ailleurs pourquoi la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 49 de M. Dosière, que nous allons examiner dans quelques instants.
Je ne me suis pas exprimé en tant qu'auteur de l'un des amendements identiques, mais je souhaite maintenant le faire en répondant à la commission et au Gouvernement.
Vous stigmatisez, sans vraiment la définir, une fonction que vous définissez comme telle, et non en tant qu'activité, et c'est bien ce qui me gêne. Si vous disiez que « l'exercice d'une activité de conseil est incompatible avec le mandat de député », on pourrait comprendre qu'un métier, une activité professionnelle – celle de conseil, en l'occurrence –, soit dorénavant incompatible avec l'exercice d'un mandat parlementaire.
Or, vous parlez de la « fonction » de conseil, qui peut faire partie d'une activité professionnelle non exclusivement tournée vers le conseil, mais pouvant à l'occasion s'apparenter à du conseil. On est en plein dans l'activité professionnelle d'avocat, qui peut souvent, mais par toujours, contenir une fonction de conseil. Votre texte est, sur ce point, à la fois dangereux, imprécis et réducteur. Il me paraîtrait donc hautement souhaitable et sage de supprimer les alinéas 12 et 12 de l'article 2.
Au nom du groupe UDI, je suis plutôt favorable à la disposition qu'il est proposé de supprimer. Soyons francs, nous savons tous que nombre de nos collègues – dont certains sont présents dans notre hémicycle aujourd'hui même – exercent des activités de conseil après avoir exercé des fonctions gouvernementales de premier plan, dont on sait qu'elles sont rémunérées avant tout en raison du carnet d'adresses constitué par ceux qui les exercent, et constituent donc une façon simple d'arrondir ses fins de mois – et s'il faut citer des noms, je peux en citer des dizaines.
« Allez-y ! » sur les bancs du groupe UMP.
Allons, vous savez bien que c'est la réalité, cessez de vous raconter des histoires ! Quand, toute sa vie, on a exercé des fonctions politiques, notamment gouvernementales, et que l'on se retrouve ensuite à monter une activité de conseil, que l'on avait jamais exercé jusqu'à présent, ne faut-il y voir que l'effet d'une mystérieuse transcendance ? En réalité, ces activités de conseil sont généralement financées par de grands groupes avec lesquels les principaux intéressés ont eu des relations durant l'exercice de leurs fonctions politiques, notamment exécutives. On connaît beaucoup de ces conseils, et on pourrait en citer.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
J'ajoute qu'en ce qui concerne les fonctions réglementées, la loi a, depuis belle lurette, fixé un cadre – malheureusement pas toujours respecté, monsieur le ministre. Je pense notamment à la profession d'avocat : ainsi, un avocat ne peut pas plaider contre l'État.
J'ai deux observations à formuler. Premièrement, un parlementaire peut très bien avoir exercé des fonctions de conseil avant d'être parlementaire, et avoir acquis de vraies compétences dans l'organisation d'entreprises, dans la communication ou encore dans l'expertise internationale. Dans ce cas, il est logique que le parlementaire concerné puisse reprendre son activité de conseil au moment où son mandat de parlementaire prend fin.
Je me suis abstenu de prendre la parole sur nombre d'amendements, monsieur le président, mais sur celui-ci, j'aimerais pouvoir m'exprimer.
Préféreriez-vous que je prenne la parole sur chaque amendement, monsieur le président ?
Comme cela a été dit, la définition de l'activité de conseil mériterait d'être précisée, car elle est bien trop vague. Cela étant, soyons honnêtes et reconnaissons qu'il y aurait besoin de mettre un peu d'ordre dans cette fonction de conseil qui permet souvent à ceux qui ont exercé des fonctions politiques d'arrondir ensuite leurs fins de mois.
Je suis résolument contre ces amendements de suppression car, s'il me paraît très insuffisant de vouloir interdire le cumul entre la fonction de conseil et la fonction parlementaire, c'est tout de même le minimum que l'on puisse faire !
Je reconnais que la définition de conseil mériterait d'être précisée en y ajoutant d'autres activités – je présenterai un amendement sur ce point, et si vous voulez le voter, vous êtes naturellement les bienvenus, mes chers collègues.
J'ai lu sur le site internet Rue89 un article dont je vous invite à prendre également connaissance, car il est très instructif sur la question dont nous débattons, ainsi que sur les auteurs des amendements – étant précisé que certains, comme M. Geoffroy, font simplement preuve de solidarité envers leurs collègues, alors qu'ils n'ont aucun intérêt personnel dans cette affaire.
Enfin, je regrette que M. Aubert ne soit plus dans l'hémicycle, car je ne peux résister au plaisir de vous lire l'exposé des motifs de son amendement, qui vaut son pesant d'or : « Cette disposition est inégalitaire par rapport à ceux qui ont une activité de conseil » – inégalitaire par rapport à qui ? ce n'est pas précisé – « soit on considère que c'est mal en soi, et toute forme d'activité de conseil est interdite, soit on estime que ça ne l'est pas, et dans ce cas on ne peut l'interdire. »
La parole est à M. Thierry Braillard., pour soutenir l'amendement n° 47 .
L'amendement n° 47 tend à préciser l'activité de conseil, qui serait incompatible avec la fonction de parlementaire. J'ai entendu M. le président de la commission dire qu'il préférait l'amendement n° 49 au nôtre. Or, il me semble que le premier alinéa proposé par l'amendement n° 49 est inconstitutionnel : en effet, je ne vois pas comment, aujourd'hui, on peut refuser à quiconque une activité professionnelle future.
Autant le deuxième alinéa de cet amendement aura notre soutien, autant le premier me semble donc poser de nombreux problèmes. Nous pensons à cet égard utile de définir l'activité de conseil. Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur la situation de certains de nos collègues – il en est qui se trouvent parmi nous – qui ont souhaité exercer de front un mandat de parlementaire et une activité de conseil, et a décidé que ces deux activités ne pouvaient être exercées en même temps.
L'adoption de notre amendement n° 47 permettrait de mettre fin à la situation d'ambiguïté où se trouvent certaines professions, notamment celle d'expert-comptable – cette activité pouvant s'apparenter à celle de conseil, comme me l'ont dit récemment certains professionnels. De même, Mme la garde des sceaux disait, lundi dernier, devant des notaires, qu'ils étaient des conseils et que leur profession pouvait être concernée par l'incompatibilité.
La définition que nous proposons, celle du lobbying, me paraît de nature à compléter utilement le texte.
La commission a examiné cet amendement avec beaucoup d'intérêt. Je précise d'ailleurs que je n'oppose pas cet amendement à l'amendement n° 49 , que j'ai cité tout à l'heure pour une autre raison. Chacun s'accorde à reconnaître qu'il n'y a pas de définition juridique de la notion de conseil et, si vous avez lu le rapport, vous avez pu constater que, faute de mieux, j'avais repris la définition du dictionnaire Le Robert, selon lequel le conseil est « une activité professionnelle consistant à mettre ses connaissances à la disposition de ceux qui en font la demande » – il est difficile d'être plus clair.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je me suis également attaché à considérer l'intention du législateur organique en 1995, qui s'était fondé sur un rapport rédigé par un groupe de travail présidé par Philippe Séguin, intitulé « Sur la clarification des rapports entre la politique et l'argent ». À la lecture de ce rapport, on constate que le législateur organique visait essentiellement les contrats de pseudo-conseils ou de pseudo-études, ou encore la production de rapports « bidon », qui ne seraient qu'une façade permettant de rémunérer une activité ayant une influence sur le processus législatif.
La commission a repoussé l'amendement n° 47 , estimant que la définition proposée – essentiellement celle du lobbying – ne prenait pas en compte une partie des agissements que le législateur organique avait souhaité interdire.
L'amendement n° 47 n'est pas adopté.
Les deux dispositions de cet amendement sont simples et claires.
La première d'entre elles vise à interdire à tout député de commencer à exercer une activité professionnelle qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat, tout simplement parce que, faute d'expérience professionnelle, c'est le fait d'être parlementaire qui, on le voit bien, pourrait conduire le député à exercer cette activité.
La seconde disposition précise la règle de l'incompatibilité entre le mandat parlementaire et une fonction de conseil, en interdisant au député l'exercice d'une fonction de conseil, même s'il s'y livrait avant le début de son mandat, à l'exception des fonctions de conseil exercées dans le cadre d'une profession libérale, soumises à un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est protégé, qui demeureront compatibles. Cela devrait satisfaire un certain nombre de nos collègues qui sont précédemment intervenus.
Le Gouvernement est favorable, ainsi que je l'ai indiqué, à l'adoption de cet amendement, car il considère, dans le prolongement de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique du 19 janvier 1995 que, compte tenu de leurs conditions spécifiques d'exercice – ce que des rapports parlementaires ont pu identifier sous le terme générique de lobbying –, sans méconnaître le principe d'égalité, il est souhaitable d'établir de nouvelles règles d'incompatibilité concernant ces professions, afin d'éviter qu'un député profite de sa position d'élu national pour créer une activité ou être recruté dans une nouvelle activité dans le secteur privé.
Il semble toutefois nécessaire de faire un sort particulier aux professions réglementées, qui sont encadrées par des organes de déontologie spécifiques, tout en mettant en oeuvre une préconisation du rapport Jospin, tendant à interdire à un parlementaire de devenir avocat en cours de mandat, tant cette situation paraît pouvoir générer des conflits d'intérêts. Telle est la position défendue par le Gouvernement.
…pour deux raisons. La première d'entre elles est d'ordre général. Il est possible, à certaines conditions, de continuer à exercer une activité engagée antérieurement au mandat : on peut avoir été député, ne plus l'être, trouver de par ses compétences acquises ou issues d'un passé universitaire une activité professionnelle, puis redevenir député. Le cumul serait alors possible, ce qui induit une situation un peu gênante.
D'une manière générale, qu'une même activité puisse être exercée avec le même risque de conflit d'intérêts, au motif qu'elle existait avant le début du mandat, mais soit interdite, pour les mêmes raisons, à partir du début du mandat, n'est pas sans créer un problème que le Conseil constitutionnel sera certainement conduit à examiner, pour conclure, soit à une annulation, soit à une réserve d'interprétation. Cette question doit donc être étudiée de près.
Après avoir lu l'amendement de M. Dosière, je veux lui exposer le cas de figure suivant. Un député a-t-il le droit de se présenter à l'agrégation de droit public ? À ma connaissance, oui. Admettons que je me présente et que je sois reçu : si cet amendement était adopté, je n'aurais pas le droit de commencer à exercer la profession d'enseignant dans le supérieur, qui est l'une des professions de la fonction publique que l'on peut exercer tout en étant parlementaire.
Je pense que la rédaction de cet amendement est dangereuse, parce qu'elle conduit à écarter un certain nombre de possibilités – celle-ci m'est venue à l'esprit, mais il y en a peut-être d'autres – qui me paraissent complètement étrangères à la notion de conflit d'intérêts
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Si l'on comprend bien l'objectif poursuivi par M. Dosière – éviter les conflits d'intérêts –, était-il pour autant nécessaire de concevoir un dispositif global relatif aux conflits d'intérêts et à la transparence pour aboutir à une disposition aussi générale et absolue – interdire toute activité nouvelle –, qui, d'ailleurs, sera à coup sûr invalidée par le Conseil constitutionnel ?
Alors que l'on nous reproche d'avoir une démocratie encalminée et que l'on dénonce l'absence d'oxygénation et de renouvellement des générations politiques, voilà que l'on empêche le parlementaire de préparer, s'il le souhaite, sa reconversion et d'exercer une activité que la loi l'autorise pourtant à assumer. J'avais à l'esprit l'exemple de M. Geoffroy : si cet amendement était adopté, il me serait interdit d'exercer à nouveau une fonction d'enseignant à l'université, de même que de vendre des choux et des carottes sur un marché. Cela n'a aucun sens, surtout quand on adopte dans le même temps des règles extrêmement strictes pour éviter les conflits d'intérêts.
Je propose à tout le moins à M. Dosière un sous-amendement permettant, s'il le souhaite, d'interdire l'exercice d'une fonction de conseil, tout en assortissant cette règle d'une exception en faveur de ceux qui l'exerçaient avant et qui ont démontré une vraie compétence professionnelle. Cela permettrait d'exclure les personnes qui commencent cette activité une fois élues en profitant de leur carnet d'adresses.
On ne peut imposer à quelqu'un qui a été conseil en entreprise ou en organisation pendant des années de ne plus pouvoir l'être en devenant parlementaire.
Tout en comprenant le sens de votre amendement, je regrette, alors que l'on parle de formation tout au long de la vie et de renouvellement de la démocratie, que vous congeliez définitivement la vie politique en obligeant tout parlementaire à s'accrocher à ses mandats politiques, puisqu'il sera incapable de préparer et d'exercer un quelconque métier au cours de cette période intermédiaire. C'est absolument insupportable !
Sur l'amendement n° 49 , je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis très surpris que le Gouvernement émette un avis favorable sur cet amendement, qui avait été retiré en commission. J'avais trouvé cette décision très sage, car il marque un recul très important par rapport au texte actuel. J'appelle en effet l'attention de l'ensemble de nos collègues sur le fait que cet amendement a pour objet de substituer à l'alinéa 13 de nouvelles dispositions : il ne s'agit pas d'un ajout mais de la suppression de l'alinéa 13 et de son remplacement par ces quelques phrases. Cela me pose d'abord un problème de principe. Je le dis franchement : en tant que républicain de gauche…
Parce qu'il y a une différence entre républicains de gauche et républicains de droite ?
…je considère que nous ne sommes pas là pour favoriser le maintien de positions acquises. Or, c'est ce que fait cet amendement, à l'encontre de la forme la plus élémentaire d'égalité, ce qui me paraît encore plus grave. On est en train d'organiser une rupture d'égalité totale entre les parlementaires : ceux qui auront débuté une activité antérieurement à leur mandat pourront la poursuivre, ce qui ne sera pas le cas des autres.
Je ne parle même pas des inégalités de revenus qui en découleront, mais c'est totalement secondaire.
La seule égalité véritable, la seule lutte véritable contre les conflits d'intérêts réside dans l'interdiction appliquée à tout le monde : lorsqu'on est député, on doit mettre entre parenthèses ses activités professionnelles, qu'il s'agisse du conseil, de l'exercice du métier d'avocat, d'une profession libérale, de l'activité d'enseignant ou de chef d'entreprise ou de toute autre activité exercée antérieurement au mandat de député. C'est d'ailleurs le cas à l'heure actuelle des fonctionnaires, qui doivent mettre un terme immédiat à leurs fonctions en devenant député. Cela devrait être la règle générale pour toutes les activités.
À la lumière de nos débats, j'ai vraiment un doute sur cet amendement, en particulier sur son I, qui me semble inconstitutionnel et attentatoire à la liberté de travailler : le mandat parlementaire, qui est une fonction, se distingue du travail, c'est-à-dire de l'emploi.
Comment permettre le renouvellement de la classe politique si l'on ne peut, au cours de son mandat, préparer son avenir en dehors du Parlement ? Je suis très gênée par cet amendement, en raison de l'interdiction qu'il propose d'instituer en ce qui concerne le démarrage d'une activité professionnelle. Cette disposition a une portée trop générale pour être compatible avec la Constitution.
Monsieur le ministre, j'irai dans le sens de l'excellente intervention de notre collègue Cécile Untermaier, qui a bien posé le problème.
Prenons l'exemple d'un député manifestant des qualités d'écriture. Nous sommes ici nombreux à avoir écrit des ouvrages. Si l'on commet un ouvrage l'an, ce n'est pas une activité professionnelle ; à partir de deux, c'est en une – cela ne fait aucun doute sur le plan fiscal. Aussi, cet amendement, s'il était adopté, conduirait à interdire à un grand nombre de députés d'écrire des ouvrages ou des articles. Certains députés, spécialistes du droit, peuvent être amenés à rédiger des articles dans des publications telles que le Dalloz.
Personne ne le leur reprochera – ce n'est pas une incompatibilité, il n'y a aucune rupture d'égalité – et, pour autant, ils ne pourraient plus le faire.
Je crois que le I de cet amendement embrasse un champ tellement large qu'il en devient totalement stupide.
Il n'est pas possible que vous donniez un avis favorable à cet amendement, monsieur le rapporteur.
Je partage les analyses de mes collègues sur le risque constitutionnel qu'encoure le I de cet amendement. Par ailleurs, je reste pantois devant cette volonté, sans cesse renouvelée, de restreindre la liberté des parlementaires, alors même, je le répète, que, faute pour les professions de conseil d'être totalement réglementées, il existe des dizaines de manières d'exercer le contrôle d'activités que l'on considérerait comme fictives, abusives ou entachées d'une autre forme d'irrégularité.
Pour répondre à M. le ministre Morin qui m'interpellait tout à l'heure du haut de son banc, on peut aussi considérer que le passage quelques années dans un ministère permet d'acquérir non seulement un carnet d'adresses, mais également une sagesse et quelques compétences dont les entreprises, figurez-vous, sont friandes : telles sont d'ailleurs les premières qualités que l'on recherche auprès d'un conseil.
M. de Rugy tenant constamment des propos clivants, j'espère qu'il nous expliquera ce qu'est un républicain de gauche et quelle différence il établit avec d'autres républicains.
Je veux porter quelques informations à la connaissance de nos collègues qui voudraient faire croire qu'aujourd'hui, grâce au parti socialiste, on va laver plus blanc que blanc et plus transparent que transparent.
En juillet 2011, j'ai cessé de m'occuper de l'entreprise que j'ai créée et au sein de laquelle pendant trente ans, j'ai produit et distribué du plant potager. J'ai interrogé au préalable le Conseil constitutionnel, qui m'a indiqué – excusez du peu – que je ne pouvais pas créer une société de conseil en production et distribution de plants potagers. Cela ne figurait pas dans les statuts de ma société.
Votre amendement est donc sans objet car on ne peut pas, à l'heure actuelle, se lancer dans une activité de conseil au cours de son mandat de député.
Le problème est donc réglé : vous pouvez retirer cet amendement, qui est sans objet.
Il est vrai, comme l'a dit Mme Untermaier, que cet amendement est source de plusieurs difficultés.
Je me permets de rappeler que l'article 5 du préambule de la Constitution de 1946 prévoit que « chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ».
Tout à l'heure, M. de Rugy affirmait que l'on devrait mettre entre parenthèses nos activités : on en rêve, monsieur, mais on n'est pas tous égaux, on n'arrive pas tous ici au même âge, avec la même histoire, les mêmes familles et le même travail. Parfois, lorsqu'on entame son mandat de député, on laisse des entreprises, des emplois, et l'on ne souhaite pas nécessairement que les gens avec lesquels on travaillait avant et avec lesquels on retravaillera probablement après soient au chômage. On n'est donc absolument pas tous dans la même situation. De fait, bien que l'on rêve de passer toutes nos journées et toutes nos nuits à l'Assemblée nationale, on doit malheureusement faire face à des réalités professionnelles si toutefois l'on a un minimum le sens des responsabilités.
Être député, c'est en effet une fonction qui prend beaucoup de temps. Les députés qui exercent une activité professionnelle en sus de leur mandat ne sont pas forcément les plus mauvais ou les moins assidus. Je ne crois pas qu'il y ait un lien direct entre l'exercice d'une activité professionnelle et le manque d'assiduité ici.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.
Nous sommes également très nombreux à considérer que nous ne passerons par notre vie sur les bancs de l'Assemblée nationale et, ayant eu une vie avant notre mandat, nous souhaitons avoir une vie à la fin de celui-ci. Or, nous ne sommes pas du tout égaux face à la possibilité de retrouver l'emploi ou l'activité professionnelle que nous avions avant d'être députés. En effet, beaucoup de personnes dépendent…
Je conclurai en soulignant que nous sommes malheureusement nombreux à devoir garder le feu allumé sous la marmite pour sauvegarder notre emploi, même si cela ne dépasse pas quelques heures de travail par semaine.
Je terminerai par cette remarque : peut-on imaginer que des parlementaires qui font le choix de n'exercer qu'un ou deux mandats, qu'ils soient jeunes et de sexe féminin, qu'ils soient étudiants – j'espère qu'un jour siégeront dans cet hémicycle de très jeunes députés qui sont aujourd'hui nos suppléants…
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.
Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes pour réunir mon groupe.
Article 2
La séance, suspendue à une heure une, est reprise à une heure treize.
La séance est reprise.
Je vous rappelle que j'ai été saisi d'une demande de scrutin public sur l'amendement n° 49 .
Le scrutin ayant été annoncé voilà plus de cinq minutes, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Exclamations sur de nombreux bancs.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 48
Contre 23
Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1. Une suspension de séance a été demandée par le groupe socialiste – c'est son droit le plus strict – mais plusieurs d'entre nous avaient auparavant souhaité prendre la parole pour obtenir le retrait de l'amendement n° 49.
Nous avons bien compris que la suspension de séance devait permettre aux députés du groupe socialiste de décider si cet amendement serait maintenu ou retiré. Nous attendions des explications après les différentes interventions qu'il a suscitées. Je trouve qu'il n'est pas normal que le vote ait été déclenché immédiatement à la reprise de la séance et que nous n'ayons pas entendu la position du groupe socialiste après cette interruption de séance, qui a d'ailleurs été beaucoup plus longue que ce qui avait été annoncé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Il n'est pas non plus acceptable que nous n'ayons pas pu prendre la parole pour des explications de vote sur un amendement mis aux voix par scrutin public et qui pose de gros problèmes. Ce n'est pas en passant comme cela qu'il sera accepté, bien au contraire !
Cher collègue, je n'avais pas de demande d'intervention de la part du groupe socialiste.
La parole est à M. Hervé Morin, pour un rappel au règlement.
J'interviens au titre de l'article 58, alinéa 1 de notre règlement, monsieur le président.
Il est inacceptable que le Gouvernement ne donne pas d'explication. Un certain nombre de nos collègues de la majorité se sont opposés à cet amendement, avec des arguments qui rejoignaient les nôtres. Or nous n'avons pas eu une once d'explication permettant de comprendre pourquoi le Gouvernement a maintenu sa position, pourquoi la majorité a décidé de voter cet amendement, de toute évidence contraire à une liberté fondamentale, celle de pouvoir exercer une activité professionnelle.
Les socialistes, qui appellent en permanence au renouvellement de la vie politique et invitent les jeunes à entrer en politique, sont en train de leur expliquer que s'ils commencent leur vie politique à 25 ou 30 ans, il leur faudra s'accrocher à leur mandat et à leur siège jusqu'à 60 ou 70 ans !
Je demande une suspension de séance de cinq minutes, qui laissera au Gouvernement le temps de nous présenter une explication claire et précise.
Rappel au règlement, en application de l'article 58, alinéa 1.
Je veux dire notre surprise, notre quasi-stupéfaction devant ce qui s'est passé. Nous avons eu un débat riche, particulièrement intéressant, qui nous a permis de constater que les opinions concernant l'amendement de M. Dosière étaient transpartisanes.
Ce partage des opinions a fait douter et s'interroger nos collègues du groupe SRC, ce qui est compréhensible. Ils ont demandé une suspension de séance de cinq minutes. Elle a duré plus du double, preuve s'il en est qu'il fallait débattre de choses assez consistantes. À notre retour, nous avons compris qu'il y aurait immédiatement, sans aucune explication, un scrutin public, puisque nous avons vu nos collègues rejoindre leur pupitre.
Pour un texte relatif à la transparence, c'est de l'opacité la plus complète.
Je demande une suspension de séance de dix minutes, afin de réunir mon groupe.
Rappels au règlement
La suspension de séance est de droit. Elle est accordée pour deux minutes.
La séance, suspendue à une heure dix-huit, est reprise à une heure vingt.
suite
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l'amendement n° 34 .
Monsieur le président, notre assemblée vient de passer un bien mauvais moment ! De surcroît, l'adoption de cet amendement n° 49 a fait tomber l'amendement n° 33 , qui consistait justement à rendre incompatible l'exercice de certaines professions avec le mandat de député. Nous venons d'ouvrir les vannes pour toutes les professions, à partir du moment où elles étaient exercées avant le début du mandat. En revanche, on interdit aux députés de commencer à exercer une activité professionnelle si elle n'était pas la leur avant.
Je vais parler franchement : nous le savons très bien, certains de nos collègues ont créé des coquilles vides peu de temps avant les élections. Ainsi, un ancien Premier ministre, M. François Fillon, a créé sa société « 2 F Conseil » juste avant les législatives. Grâce à cet amendement, il pourra continuer à aller cachetonner, comme je le disais tout à l'heure, malgré une possible situation de conflit d'intérêts. C'est scandaleux !
Je défendrai rapidement l'amendement n° 34 , de bien piètre importance à côté de ce qui vient d'être voté – et je passe sur certains propos très choquants qui ont été tenus.
Cet amendement vise à rendre le mandat parlementaire incompatible avec l'exercice d'une activité de direction ou avec la possession de parts dans une entreprise de presse ou de l'audiovisuel. On touche bien là un sujet de conflit d'intérêts majeur, puisque la personne concernée peut influer sur l'opinion, y compris pendant les campagnes électorales, lorsqu'elle est elle-même candidate.
La commission a repoussé cet amendement pour deux raisons.
La première est qu'aucune personne physique ne possède plus de 10 % d'un groupe de médias – l'on pense à celui de Bouygues, évoqué ici implicitement. Cet amendement instaure dans les faits une inéligibilité. Il sanctionne non seulement l'exercice de fonctions au sein d'une entreprise de presse mais aussi la possession d'une partie de celle-ci.
Par ailleurs, il n'a pas semblé à la commission que l'amendement était explicite, puisque nous ne savons pas ce que définit une « fonction de direction », voire ce qu'est une « entreprise de l'audiovisuel ».
L'avis est également défavorable.
Nous pouvons avoir des désaccords, monsieur de Rugy. Mais vous ne pouvez pas dire, et écrire à ce que je vois, des choses fausses. L'exemple que vous avez cité n'est pas juste et vous faites une mauvaise lecture de l'amendement n° 49 .
Je vous demande de ne pas soutenir que les personnes qui avaient créé une activité de conseil avant le début de leur mandat pourront exercer une fonction de conseil durant leur mandat. C'est exactement ce qu'ont voulu interdire le Gouvernement et le groupe SRC. L'amendement est rédigé au présent de l'indicatif, ce qui signifie que la phrase est impérative. J'ai moi-même expliqué que les activités de conseil antérieures au mandat ne pourraient pas être poursuivies. Je ne peux pas être plus clair. Je vous demande de retirer vos propos.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je le répète, le membre de phrase « Il est interdit à tout député d'exercer une fonction de conseil sauf » ne fait pas la différence entre avant et après, et j'ai déjà expliqué que cette interdiction concernerait tout le monde, sauf les avocats. Les anciens cabinets de conseil sont donc concernés. C'est clair et c'est net. Le présent de l'indicatif vaut impératif, pour le passé comme pour l'avenir.
On peut porter des critiques sur l'alinéa relatif au I de l'article L.O. 146-1 – ce sont des questions de fond – mais mettons-nous au moins d'accord sur sa portée. Les anciennes activités de conseil seront interdites comme les nouvelles, sauf pour les professions réglementées, et il sera interdit de commencer à exercer une nouvelle profession. On peut ne pas être d'accord, mais telle est la signification de cet amendement, adopté par la majorité.
Nous en revenons à l'amendement n° 49 , qui a pourtant été adopté, preuve que les explications étaient nécessaires ! Je remercie en tout cas le ministre – qui, lui, a un temps de parole illimité – d'avoir saisi cette opportunité et pris le temps de nous donner quelques explications. Néanmoins, elles ne me convainquent pas.
Je pense par ailleurs qu'un ministre n'est pas là pour demander à un parlementaire de retirer tel ou tel propos. Le principe de la séparation des pouvoirs veut que nous conservions tout de même notre liberté de parole !
Permettez-moi de relire l'amendement n° 49 pour celles et ceux qui nous écoutent, qui nous regardent ou qui nous liront : « Il est interdit à tout député de commencer à exercer une activité professionnelle qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat. » J'en conclus qu'il est autorisé à exercer une activité professionnelle qui était la sienne avant le début de son mandat. « Il est interdit à tout député d'exercer une fonction de conseil sauf dans le cadre d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, qu'il exerçait avant le début de son mandat ». Les choses sont donc claires : quelqu'un qui avait commencé à exercer cette activité avant le début de son mandat pourra continuer à le faire après.
Cet amendement est de peu d'importance comparé à l'énorme scandale auquel nous venons d'assister. Le dérapage est total. Il a commencé parce que vous ne savez pas ce qu'est la transparence, ou parce que vous ne savez pas ce que vous voulez obtenir. Vous avez dérivé, perdant dix centimètres à chaque amendement, et vous vous retrouvez à 300 mètres du sujet.
Le problème initial, c'est un ministre qui ment à la représentation nationale. À l'arrivée, on interdit à tout homme politique qui arrive dans cet hémicycle de faire quoi que ce soit, hormis la politique !
Lorsque les médias reprendront ce scandale demain, il vous faudra expliquer comment, alors que votre majorité y était défavorable, les députés du groupe SRC ont voté comme un seul homme cet amendement que tout le monde trouve stupide. Il vous faudra aussi expliquer comment vous êtes parvenu à fissurer votre propre majorité sur ce problème, comment, sur un texte relatif à la transparence, vous avez pu faire passer cet amendement en toute opacité.
Enfin, vous devrez leur dire comment vous en êtes arrivé, pour sauvegarder la démocratie, à proposer une solution qui vise à transformer les élus de la nation en politiciens professionnels.
Avec l'adoption de cet amendement, il me sera interdit de donner un cours à la faculté d'Avignon. Excusez-moi du peu, c'est parfaitement ridicule et vous devriez avoir honte d'avoir voté cet amendement.
N'importe quoi ! Laissez la honte de côté, à cette heure-ci de la nuit !
Je voudrais revenir brièvement sur l'amendement n° 49 et préciser à notre collègue de Rugy que l'interdiction est rédigée au présent, donc à l'impératif sur le plan juridique.
Ce qui est écrit, ce n'est pas qu'un député qui aurait exercé une fonction de conseil avant son mandat pourra l'exercer après, mais qu'un député qui aurait exercé une profession libérale soumise à statut avant son mandat pourra l'exercer après. Cela a déjà été dit à plusieurs reprises et j'aimerais que vous l'entendiez.
Vous avez pris pour exemple, tout à l'heure, le cas de M. Fillon. En l'occurrence, l'activité qu'il a créée avant de redevenir député n'est absolument pas visée par le second alinéa, puisqu'elle ne s'exerce pas dans le cadre d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire. Il ne pourra donc pas la proroger et elle lui sera interdite.
M. le ministre était sans doute sous le coup de l'émotion, lorsqu'il a parlé au nom du Gouvernement et du groupe socialiste. Je rappellerai que, de temps en temps, le groupe radical peut aussi accompagner le Gouvernement.
Ce qui pose une difficulté dans l'amendement n° 49 , ce qui nous gêne, ce n'est pas le second alinéa.
Le second alinéa est parfait et on n'y touche pas. C'est le premier alinéa qui est gênant, et vos réponses à son sujet sont insatisfaisantes. Nous étions prêts à proposer un sous-amendement, et nous l'aurions fait si vous nous en aviez laissé le temps avant le vote : il s'agissait d'ajouter, après le mot « député », l'expression « dans l'exercice de son mandat ».
C'est évident ! Il s'agit d'un texte qui réglemente le statut des députés !
On aurait dit très clairement, de cette manière, que le député, durant l'exercice de son mandat, ne peut pas créer une nouvelle activité. Sans cette mention, le texte se prêtera aux interprétations les plus subjectives. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter cet amendement.
Je trouve assez fascinant que l'on refuse toujours de nous répondre sur le premier alinéa de l'amendement de M. Dosière, car c'est bien là qu'est le sujet. Grosso modo, on est en train de faire de l'Assemblée nationale et du Sénat un parlement d'apparatchiks…
..avec des gens qui seront là pendant des dizaines d'années, auxquels on dira de ne surtout jamais retourner à leur vie professionnelle ; de ne pas céder leur mandat à une nouvelle génération, parce qu'il leur sera interdit d'exercer une activité, quelle qu'elle soit ; enfin de n'en commencer aucune autre. Monsieur le ministre, cette question mérite une réponse, et vous n'en avez apporté absolument aucune.
J'ajoute par ailleurs – et ce sont mes anciennes fonctions gouvernementales qui me permettent de le dire – que l'amendement de M. De Rugy pose un vrai problème, celui de la relation entre un mandat politique et la possession d'un organe de presse, particulièrement lorsque cet organe de presse est détenu par des sociétés ou des holdings qui ont des relations directes avec l'État. Il s'agit d'un vrai problème de transparence, et d'une question démocratique essentielle. Il existe des conflits d'intérêt ahurissants ; j'ai notamment le souvenir d'articles de presse relatifs à des programmes d'armement, auxquels on aurait pu largement faire écho.
Mais j'observe que, dès lors qu'on aborde les sujets de fond, vous vous retranchez dans le mutisme ou la demi-réponse. Monsieur le ministre, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance de cinq minutes, pour vous laisser le temps de répondre à ces vraies questions.
Nous avons des divergences, mais n'ayons pas de faux débats. Je vais essayer de préciser les choses, sans revenir sur ce que j'ai déjà dit à M. de Rugy. Je n'ai pas réussi à le convaincre, mais je pense que tous les commentateurs me donneront raison : à la question de savoir si un parlementaire ayant créé une activité de conseil sans être avocat pourra continuer de l'exercer, la réponse est non. Nous sommes d'accord.
S'agissant du premier alinéa, ce qui semble choquer un certain nombre d'entre vous, c'est le fait qu'une personne qui devient parlementaire ne pourra pas exercer une fonction qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat. Vous dites que nous allons faire une Assemblée de fonctionnaires, mais ce n'est pas le cas : toutes les professions peuvent continuer d'être exercées pendant la durée du mandat, sauf une, la fonction de conseil, lorsqu'il ne s'agit pas d'une activité d'avocat. C'est clair et c'est ce que dit le texte.
S'agissant de l'exercice d'une nouvelle profession, est-ce vraiment une invention que de faire une distinction entre ce qui a précédé le mandat et ce qui a lieu pendant celui-ci ? L'actuel article L.O.146-1 du code électoral est ainsi rédigé : « Il est interdit à tout député de commencer à exercer une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat. »
La distinction entre un « avant » et un « après » existe donc déjà dans la loi depuis 1995. Elle s'applique certes à un secteur spécifique, celui du conseil…
…et nous l'appliquons désormais à l'ensemble des activités nouvelles. Cette même distinction apparaît dans l'article L.O.142, qui autorise les professeurs d'université à poursuivre leur activité, nonobstant l'accession à des fonctions parlementaires, à condition qu'ils aient déjà été titulaires auparavant – et on ne peut pas le devenir pendant l'exercice du mandat.
Il y a, parmi les parlementaires – cela a été dit, je crois, par M. Geoffroy – des gens qui n'ont pas le choix de poursuivre ou non leur activité professionnelle, car on ne peut pas être parlementaire et continuer à être fonctionnaire, ou le devenir.
C'est une question institutionnelle. Il y a donc des gens qui ne pourront pas continuer à travailler dans la fonction publique – il faut quand même avoir cela à l'esprit – et qui ne pourront pas y entrer. Aujourd'hui, si vous êtes parlementaire et que vous souhaitez devenir inspecteur des impôts, vous ne pouvez pas passer le concours. C'est tout simplement impossible.
La question qui est posée – et c'est bien ce qui nous sépare – est celle de la motivation de celui qui, pendant l'exercice de son mandat parlementaire – déciderait de s'engager dans une activité professionnelle qui n'était pas la sienne auparavant.
Qu'il soit d'abord bien clair qu'il reste possible de conserver son ancienne activité. Je veux bien que vous me fassiez des leçons sur la fonctionnarisation de l'Assemblée, mais je suis, moi aussi, issu du secteur libéral et j'ai tout connu : la victoire et la défaite électorales. Je n'étais pas avocat d'affaires et je sais ce que c'est que de préserver l'outil de travail pour pouvoir nourrir sa famille après une défaite. De cela, je veux bien discuter avec vous tous.
Cela, nous l'avons préservé : celui qui est fonctionnaire retrouvera son travail ; celui qui n'avait que son cabinet doit aussi le retrouver à la sortie. Nous avons préservé la possibilité pour chacun de retrouver son outil de travail.
Qu'est ce qui justifierait que cette précaution, qui est compréhensible, s'applique aussi à un parlementaire qui, pendant son mandat, embrasserait une nouvelle activité ? Alors que nous nous apprêtons, comme cela a été rappelé, à faire des textes sur le non-cumul des mandats pour que les députés se consacrent entièrement à leur activité de parlementaires, on les encouragerait à commencer une nouvelle activité professionnelle ? On va nous citer des exemples, mais je poserai une seule question : quelle est la motivation qui pousse à faire cela, et quel est le risque ? On ne peut pas ne pas prendre en compte les activités de conseil, parce que c'est trop lié comme le disait M. Mazeaud ; au fond, c'est un problème de proximité, et il faut mettre un cordon sanitaire autour de ces activités.
Pourquoi encourager les parlementaires à entamer une nouvelle activité professionnelle pendant l'exercice de leur mandat, alors que, par ailleurs, nous faisons tous des propositions pour que le travail parlementaire constitue une activité à plein-temps, étant donné que les parlementaires sont rémunérés pour cela ?
Il faut éviter le risque, qui est fort, de voir quelqu'un se lancer dans une activité qui ne rencontre pas notre adhésion sur le plan éthique. Ce serait sinon incompréhensible pour les Français. Nous n'introduisons pas une limitation de revenus ; nous conservons les activités anciennes ; nous interdisons toute activité de conseil, qu'elle soit ancienne ou nouvelle, et nous interdisons également aux parlementaires, pendant la durée du mandat, de s'engager dans une activité nouvelle, parce qu'il y a là un risque, qui mérite que l'on prenne des précautions dans une loi sur la transparence.
L'amendement n° 34 n'est pas adopté.
Je voudrais, en guise de préambule, remercier le ministre de son intervention. Je n'en partage pas tous les considérants, mais je voudrais faire remarquer à nos collègues du groupe SRC que si, en revenant de la suspension de séance, et au-delà du ministre, comme il vient de le faire, le rapporteur ou un membre du groupe, M. Dosière par exemple, avaient exprimé ce qui est finalement devenu la position majoritaire du groupe majoritaire, puis de l'Assemblée, nous n'aurions pas vécu et nous ne serions pas en train de vivre ce moment relativement difficile, opaque et surprenant, qui tranche avec l'ambiance de travail qui est la nôtre depuis hier.
L'amendement n° 98 , qui vise à supprimer l'alinéa 14, est tout à fait cohérent avec la position que nous avons défendue au sujet des alinéas précédents, qui ont donné lieu à tous ces débats. Nous ne sommes décidément pas d'accord sur l'objectif et sur la manière de l'atteindre. Vous êtes favorables, d'une manière ou d'une autre, à ce que l'on aille vers un mandat unique, sans aucune espèce d'activité, de quelque nature que ce soit, pour les parlementaires. Nous ne partageons pas ce point de vue, parce que nous pensons qu'il faut oxygéner, en amont, en aval et durant l'exercice, la fonction de parlementaires, pour que ceux-ci – et je reprends la formule, même si elle ne plaît pas à certains – ne soient pas installés dans une position hors sol. C'est le sens de cet amendement.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 183 .
Je partage pleinement les propos de Guy Geoffroy, et je voudrais à mon tour développer quelques réflexions.
Au fond, c'est toujours un peu la même vision que vous nous proposez. Cette stigmatisation des métiers de conseil a quelque chose d'excessif, et elle témoigne même d'une certaine méconnaissance de ce qu'est cette profession. C'est d'autant plus regrettable que tous les consultants ne sont pas, et de loin, des gens qui vendent leur carnet d'adresses toute la journée ; ils ne travaillent pas systématiquement, loin s'en faut, avec de très grosses entreprises et ils ne passent pas non plus leur temps à vendre du vent ou de la matière grise inexistante. Il est vraiment dommage que l'on inscrive cette suspicion dans la loi.
Je vous ai écouté attentivement, monsieur le ministre, comme à chaque fois que vous vous exprimez, et je peux entendre vos explications. Mais la comparaison que vous faites entre le statut des agents de la fonction publique appelés à siéger dans cette maison et la situation des personnes venant du secteur privé n'a pas lieu d'être. La grande différence, c'est que les agents de la fonction publique sont à peu près assurés de retrouver, à leur sortie, un poste équivalent à celui qu'ils ont quitté en entrant ici. Ce n'est pas forcément le même, et pas forcément au même endroit, mais ils ont tout de même une garantie, que les autres ne connaissent pas.
À la vitesse où vont les choses et étant donné la rapidité avec laquelle la vie des entreprises évolue, avec l'accumulation des connaissances, la rapidité de l'évolution technologique et tout ce qui s'ensuit, il y a très peu de chance qu'un spécialiste dans l'industrie ou les services qui entrerait ici retrouve un poste correspondant à celui qu'il occupait cinq ans auparavant, ce qui est une éternité dans la vie professionnelle d'aujourd'hui.
Vous êtes un travailliste, monsieur le ministre, au sens du droit, et non au sens anglais du terme – encore que ! Vous connaissez bien le monde du travail et vous savez bien que ce que je dis n'est pas complètement dénué de fondement. Il y a là quelque chose qui me semble procéder, en plus de ce qu'a dit Guy Geoffroy sur l'orientation que vous donnerez à notre institution, d'une vision du monde du travail et du monde économique qui me paraît faussée. Il est dommage d'inscrire dans la loi cette vision faussée.
Cela ne va pas sembler d'une clarté absolue aux collègues qui nous écoutent, mais la commission est favorable à ces amendements.
Toutefois, rien de ce qui vient d'être dit n'a de rapport avec ces derniers ; j'y reviens donc.
À partir du moment où l'on a permis aux parlementaires avocats de continuer leur activité, il est nécessaire de maintenir l'interdiction, prévue à l'article L.O. 149, d'agir pour le compte des sociétés qui sont mentionnées aux articles L.O. 145 et L.O. 146, donc de supprimer l'alinéa 14.
Avis favorable, pour les mêmes raisons.
Monsieur le ministre, vous vous êtes interrogés dans votre argumentation sur les raisons qui pousseraient un député, une fois élu, à changer d'activité professionnelle. Vous laissez ainsi entendre qu'il faudrait s'interroger sur le bien fondé de ces raisons.
Je vais vous donner un exemple. Lorsque vous exercez une activité professionnelle et que vous êtes élu, vous pouvez avoir l'impression d'évoluer en vase clos, de toujours faire la même chose, d'être dans un milieu, politique, qui vous coupe un petit peu de votre vie passée.
Vous pouvez avoir envie de vous aérer, par exemple en donnant des cours dans une université ne serait-ce que deux heures par semaine, non pour l'argent, mais parce que vous voulez rencontrer des jeunes, parce que vous avez envie de capitaliser votre expérience à l'Assemblée pour donner des cours. Faut-il nourrir de la suspicion dans ce cas-là ?
« There is no such thing in life as a free lunch » me permettrai-je d'ajouter maintenant que l'on peut donner des cours en anglais à l'université !
Votre conception consiste à dire que lorsqu'un homme politique veut faire autre chose et se changer les idées, il ne peut que le faire bénévolement. Elle traduit sans doute une vision associative de la société, mais elle n'envoie pas un signal très positif aux entrepreneurs de ce pays.
Allez au cinéma si vous voulez vous changer les idées ! Ou au théâtre !
Sourires.
Lorsque vous avez une carrière longue et que vous faites plusieurs mandats, vous pouvez avoir mis en sommeil votre entreprise. Si, pour des raisons de survie, vous devez réorienter votre activité, cela sera interdit.
Je comprends les arguments juridiques que vous avez donnés, mais au-delà de toutes les arguties que l'on peut développer, il y a la réalité. La réalité est qu'un Parlement composé de parlementaires qui ne peuvent rien faire d'autre que de la politique, et qui doivent se concentrer uniquement sur leur mandat, puisque c'est votre rêve, c'est une république 2.0 qui s'annonce particulièrement sèche, aride et intolérante à l'égard du monde de l'entrepreneuriat.
Je serais plutôt intervenu contre ces amendements, surtout après avoir entendu nos collègues ! Mais je vois bien que l'on prolonge le débat sur l'amendement n° 49 . J'interviendrai d'ailleurs à nouveau tout à l'heure sur un amendement à venir de notre collègue Dosière – je ne sais pas s'il le défendra – qui est en pleine contradiction avec l'amendement n° 49 …
Puisque nous débattons toujours de ce sujet, je voudrais revenir sur votre argumentaire, monsieur le ministre. Je vous remercie d'ailleurs d'avoir pris le temps de répondre posément, même s'il aurait été préférable de le faire juste après la suspension de séance.
Vous avez d'abord rappelé le fait que l'on ne peut pas exercer une activité que l'on n'avait pas exercée avant, et vous avez également cité le cas des professeurs d'université. Le projet de loi devrait également changer cela. En effet la situation en la matière choque beaucoup de gens, et à juste titre.
Lors de la législature précédente, le bureau de l'Assemblée nationale, dont j'étais alors membre, a eu à traiter de la situation de collègues qui étaient professeurs d'université non titulaires – n'étant plus membre du bureau sous cette législature, je ne sais pas si la question s'est également posée. N'ayant pas le titre de professeur, ils étaient donc obligés d'arrêter, au contraire de leurs collègues titulaires, alors même qu'ils avaient moins d'heures de cours que ces derniers. Mais la règle était claire et nette : elle ne s'appliquait qu'aux députés ayant le titre de professeur d'université. Je pourrais citer d'autres cas : les professeurs du secondaire, qui peuvent être agrégés de l'université devraient arrêter de donner des cours à l'université le jour où ils deviennent députés. Cette inégalité choquante le sera toujours demain si nous maintenons son existence.
Le projet de loi devrait faire le ménage dans ces situations et réinstaurer une égalité de traitement.
Je note au passage, monsieur le ministre, que vous n'avez cité que deux cas, et je le regrette. Vous avez parlé des fonctionnaires, qui retrouvent leurs postes, et des professions libérales qui cherchent à préserver leur outil de travail. Visiblement, vous n'avez pas envie de parler des autres cas de figure. Pourtant ils existent bien et, manifestement, nous n'avons pas beaucoup d'égards pour eux. Or ces salariés du privé qui quittent leur emploi lorsqu'ils deviennent députés, se retrouvent à Pôle emploi comme n'importe quel autre salarié lorsqu'ils sont battus ou qu'ils veulent arrêter.
Monsieur le ministre, je tiens à prolonger ce dialogue sur l'amendement n° 49 . Pourquoi un parlementaire, pour continuer la démonstration de notre collègue Aubert, pourrait-il décider de commencer une activité ? Je vous présenterai deux situations concrètes.
Imaginons un ingénieur, salarié dans une entreprise, qui décide de se présenter à une élection. S'il a été élu à l'occasion d'une alternance, il sait qu'il court le risque de perdre l'élection suivante : 300 d'entre nous sont balayés à chaque élection lorsqu'il y a une alternance. Or pour quelqu'un qui a été parlementaire pendant cinq ans, retrouver un emploi dans le secteur privé en tant que salarié n'est pas une sinécure. On peut donc tout à fait comprendre que le parlementaire qui connaît l'instabilité de son mandat décide six mois ou un an avant son terme de commencer à préparer sa reconversion professionnelle. S'il a été ingénieur dans tel ou tel secteur, il peut commencer une activité d'entreprise pour pouvoir ensuite faire vivre sa famille et exercer une activité.
Seconde situation : vous allez bientôt nous présenter une loi sur l'interdiction du cumul des mandats. On peut tout à fait imaginer qu'un responsable politique ayant exercé un mandat parlementaire pendant un certain nombre d'années décide de se consacrer à un mandat local, et donc d'abandonner sa fonction nationale. Compte tenu du mode d'indemnisation des élus locaux, on peut aussi comprendre que ce parlementaire, décidant de se consacrer pour l'essentiel à son mandat de maire, de conseiller général ou de président de conseil général décide là encore de commencer à préparer sa reconversion professionnelle en tentant d'éviter de se retrouver avec la seule indemnité d'élu local. D'un côté vous interdisez le cumul des mandats, de l'autre vous empêchez la fluidité entre mandats locaux et mandats nationaux.
Monsieur le ministre, nous avons largement discuté des déclarations d'intérêts. Je dois dire qu'avec l'arsenal que nous avons adopté, et que j'ai été le premier à défendre, si un élu se lançait dans une nouvelle activité avec des intentions moins pures que celle d'un reclassement, il existe désormais dans la loi des moyens de contrôler que cette activité professionnelle n'est pas le début d'un conflit d'intérêts.
L'interdiction générale et absolue est donc stupide.
J'ai beaucoup écouté ce qui a été dit et les arguments qui ont été échangés par les uns et les autres.
Ce texte va soit trop loin, soit pas assez, mais en tout état de cause on reste à bien des égards au milieu du gué, ce qui entraîne certaines incompréhensions. Par exemple, je comprends l'option consistant à fixer une règle de non-cumul stricte entre une activité professionnelle et une activité parlementaire. Dans l'absolu, je suis prêt à le comprendre. Quand on a la chance et l'honneur d'exercer cette fonction parlementaire, surtout dans une circonscription rurale qui compte plusieurs dizaines de communes – la circonscription dont je suis l'élu en contient presque une centaine – cela occupe largement quelqu'un à temps complet si l'on veut assumer de la même façon un travail législatif sérieux et une présence sur le terrain.
Mais le problème de fond est qu'il existe une profonde iniquité au sein de cette assemblée entre ceux qui, à l'issue de leur mandat, auront la certitude de retrouver leur poste et leur fonction car ils appartiennent à la fonction publique nationale ou territoriale, et ceux qui sont issus du secteur privé au sens large.
Tant que l'on ne réglera pas cette question d'iniquité, tous ceux qui sont issus du secteur privé, s'ils en ont la possibilité, essaieront de garder un filet de sécurité par l'exercice d'une activité professionnelle. Il est donc important de réfléchir à la nécessité de garantir une égalité de traitement de l'ensemble des parlementaires, qu'ils soient issus du secteur public ou du secteur privé. C'est l'objet d'amendements qui seront traités tout à l'heure.
À l'heure actuelle, les avocats qui sont parlementaires voient leurs activités limitées dans un certain nombre de cas. Par exemple, ils ne peuvent plaider en faveur d'entreprises publiques, sauf dans la mesure où ils étaient habituellement, avant l'élection, conseil de ces entreprises.
Dans le cadre de notre volonté de renforcer les incompatibilités et de prévenir les conflits d'intérêts, il vous est proposé de supprimer cette exception.
L'exposé des motifs de cet amendement est limpide, et il aurait été fort utile d'appliquer le même raisonnement à l'amendement n° 49 car c'est exactement le même cas de figure !
Si cet amendement est adopté, et je vais le voter des deux mains sans aucun problème, on ne pourra pas continuer une activité de conseil que l'on exerçait déjà auparavant : ce n'est pas en effet parce que l'on exerçait cette activité avant que cela ne crée pas une situation de conflit d'intérêts avec son mandat parlementaire. C'est d'ailleurs écrit noir sur blanc dans l'exposé des motifs de l'amendement : « En effet, cette exception paraît en contradiction avec les objectifs du présent projet de loi organique visant à renforcer les incompatibilités pour prévenir les conflits d'intérêt. »
Je soutiendrai donc sans réserve cet amendement, mais en regrettant que l'amendement n° 49 ait été adopté puisqu'il est en exacte contradiction avec ce raisonnement, c'est-à-dire le bon raisonnement.
Je me demande comment on va finir par retrouver la valeur travail en France, parce que l'on n'arrête pas de voter des textes qui interdisent de travailler. Ce ne sont pas les autres pays qui émergent, mais c'est la France qui coule !
Je souhaite faire part, en étant un peu plus mesuré dans mes propos, de deux sujets de réflexion : le secret professionnel et la capacité d'exercice.
Certains vont exercer en libéral individuel, certains en société civile professionnelle, d'autres en société d'exercice libéral avec des associés. La question sera de savoir, lorsqu'un associé est le référent de l'entreprise, si c'est la société qui est impliquée ou pas.
Je souhaite faire un rappel au règlement au titre de l'article 50. L'alinéa 4 de cet article précise en effet que l'Assemblée nationale siège « jusqu'à 1 heure le lendemain », tandis que l'alinéa 5 dispose : « L'Assemblée peut toutefois décider de prolonger ses séances soit sur proposition de la Conférence des présidents pour un ordre du jour déterminé, soit sur proposition de la commission saisie au fond ou du Gouvernement pour continuer le débat en cours ; dans ce dernier cas, elle est consultée sans débat par le Président. »
Je demande donc au Gouvernement s'il compte nous faire siéger jusqu'au petit matin, nous empêchant d'examiner de manière tranquille et lucide ce texte si important pour notre démocratie. S'il compte continuer à siéger, je demande une suspension de séance de cinq minutes avant que nous ne décidions de notre vote sur la demande de prolongation de séance.
Mon rappel au règlement se fonde sur le même article, le même alinéa et concerne le même sujet.
Demain est le jour des commissions. Or la commission des lois, à laquelle un certain nombre d'entre nous appartenons et dont le rapporteur du texte que nous étudions est le président, est convoquée à neuf heures trente.
Oublie-t-on que les commissions ont dorénavant un rôle législatif plus important qu'auparavant, puisqu'elles sont chargées d'adopter des amendements qui deviennent partie intégrante du texte discuté en séance ? N'y aurait-il donc pas lieu d'appliquer, pour un bon fonctionnement de notre assemblée, les mêmes règles d'interruption des séances publiques – c'est-à-dire huit heures – entre la fin des débats dans l'hémicycle et le début d'autres, certes en commission, mais ayant une valeur législative nouvelle depuis la révision constitutionnelle de 2008 ?
Monsieur le président, poursuivons-nous la séance, et dans ce cas, monsieur le rapporteur, envisagez-vous de repousser à une heure ultérieure la réunion de la commission des lois sur un autre texte important, relatif au non-cumul des mandats ?
Monsieur le rapporteur et président de la commission, souhaitez-vous que nous poursuivions nos travaux et que je consulte l'Assemblée sur cette question ?
Oui, monsieur le président. La discussion de l'article 2 est bien engagée. Il doit rester une dizaine d'amendements à examiner : je pense que c'est l'affaire d'une demi-heure.
Nous pouvons prendre une demi-heure sans que cela ne soit très pénalisant.
Je vais jusqu'au bout de la procédure que vous m'avez demandé d'engager, monsieur Morin.
Qui souhaite poursuivre nos travaux jusqu'à la fin de l'article 2 ?
L'Assemblée, consultée, décide de poursuivre le débat.
Rappels au règlement
La séance, suspendue le mercredi 19 juin 2013 à deux heures, est reprise à deux heures cinq.
suite
L'amendement n° 259 est adopté.
Compte tenu des éclaircissements donnés tout à l'heure par M. le ministre, je retire mon amendement.
L'amendement n° 192 est retiré.
La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour soutenir l'amendement n° 297 .
Vingt autres signataires n'apparaissent pas sur l'amendement distribué : je souhaiterais qu'ils y soient ajoutés.
Il n'y a pas d'iniquité entre les uns et les autres. À certains moments du débat en effet, on a pu croire que certains étaient outrageusement favorisés, tandis que d'autres étaient outrageusement défavorisés.
S'agissant des fonctionnaires, notamment des fonctionnaires territoriaux, un parlementaire qui reprend ses fonctions dans une collectivité territoriale après une alternance n'est pas dans les meilleures conditions pour retrouver un emploi, d'autant qu'il retournera à la base s'il était en début de carrière ; il ne pourra pas valoriser son expérience professionnelle ou son expérience de parlementaire, ce qui est pourtant possible pour d'autres métiers.
Il faut distinguer les fonctionnaires qui n'exercent pas de fonctions exécutives, et les hauts fonctionnaires. Cet amendement vise à éviter que les fonctionnaires de base soient promenés après une fin de mandat, qui n'est pas du tout celle que certains imaginent. Il existe, bien sûr, un droit de retour, mais encore faut-il que ce dernier soit rendu acceptable car il n'y a pas de privilèges en la matière.
Compte tenu des explications données tout à l'heure par M. le ministre, je retire cependant mon amendement. Mais soyons vigilants : il faudra que ces dispositions soient transcrites, notamment par la ministre de la fonction publique, le moment venu.
S'il existait des privilèges et un vrai risque de conflit d'intérêts, la rémunération des fonctionnaires se serait singulièrement améliorée ces dernières années. Or c'est loin d'être le cas.
L'amendement n° 297 est retiré.
Je veux revenir sur la question de l'égalité de traitement, ou de l'iniquité ressentie de manière maladroite peut-être exagérée entre les parlementaires issus des fonctions publiques et les autres.
Aller vers un dispositif plus équilibré ne veut pas dire qu'il faut dégrader le statut de ceux qui bénéficient d'une protection liée à leur appartenance à la fonction publique, et donc niveler par le bas. Nous devons trouver une solution d'équilibre qui soit le plus possible tirée vers le haut.
Je l'ai dit tout à l'heure : ce qui est proposé à l'alinéa 15 – le placement d'office en position de disponibilité d'un fonctionnaire élu à l'Assemblée nationale – me semble bon. Cela justifie pleinement que, par opposition, et contrairement à ce que prévoit le premier alinéa de l'amendement n° 49 que vous avez voté tout à l'heure, nous permettions à ceux qui ne sont pas protégés par leur statut de se préparer à un retour éventuel dans la vie civile, dans le secteur privé.
La situation méritait beaucoup plus d'égards et d'attention que le point de vue totalement dogmatique que vous avez fait prévaloir tout à l'heure, avec ce coup de force que vous nous avez imposé par surprise, lorsque vous avez voté l'amendement n° 49 . Ce dernier vous collera au pantalon comme le sparadrap du professeur Haddock.
Sourires.
Sourires.
Je précise à M. Geoffroy que le sparadrap du capitaine Haddock ne lui collait pas au pantalon, mais au doigt.
Rires et exclamations.
Il existe un club des tintinophiles à l'Assemblée nationale : on consultera donc, sans qu'il y ait de conflit d'intérêts, son président bien connu !
Sourires.
Je m'oppose à cet amendement n° 240 . Je m'étonne une fois de plus que l'on prévoie de proroger des inégalités et des exemptions.
J'aurais pu être sensible à ce qu'a dit notre collègue Gagnaire. Certes, je n'aurais pas voté son amendement, mais ses propos méritent d'être entendus s'agissant des fonctionnaires de catégories C et B…
…ou de la fonction publique territoriale, pour lesquels retrouver un poste est, de fait, quasiment aussi difficile que dans le privé.
Cependant, comment peut-on expliquer que les fonctionnaires seront mis en disponibilité, sauf les professeurs d'université et – petit détail amusant, mais je ne veux pas réveiller une quelconque guerre de religion ou un conflit autour de la laïcité – les ministres de culte en Alsace-Moselle,…
…mais qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire de prévoir que ces personnes puissent, à leur demande, être placées dans la même position statutaire ? Pensez-vous vraiment qu'ils seront nombreux à demander à être mis en disponibilité ?
Franchement, mes chers collègues, ce texte était l'occasion, au contraire, de mettre fin à une exception dont tout le monde sait qu'elle est issue du fait que nos assemblées étaient, à une époque lointaine, composées principalement de professions libérales et de professeurs d'université.
Cet amendement apporte des précisions quant au retour à l'emploi d'un parlementaire issu de la fonction publique à la fin de son mandat. Il propose qu'au moins deux postes sur trois qui lui sont proposés soient situés dans son département d'affectation d'origine.
On a déjà constaté l'existence, quelles que soient les majorités, de règlements de compte après une alternance. Cet amendement vise à protéger dans leur retour à l'emploi les fonctionnaires concernés, pour éviter qu'ils ne soient déportés – excusez cette expression – très loin de leur domicile. Cette situation doit être réglée, concernant toutes les fonctions publiques, avec la ministre de la fonction publique.
Le retour à l'emploi risque d'être très délicat, notamment pour les agents de catégories B et C : il convient donc de l'encadrer de manière très ferme.
Avis défavorable au nom du principe d'égalité. Pourquoi prévoir un dispositif dérogatoire pour quelques parlementaires intéressés, et non pour les milliers de fonctionnaires réintégrés chaque année après une disponibilité ?
Mon avis est légèrement différent de celui du rapporteur. Cependant, monsieur Giraud, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
En réalité – je suis désolé de ne pas l'avoir précisé plus tôt –, d'autres textes seront discutés sur le même sujet. L'un d'entre eux traitera de la fonction publique, notamment des questions de transparence et de déontologie. Un autre concernera les magistrats, mais il ne pouvait pas être présenté conjointement pour des raisons que je n'exposerai ici.
Le débat aura donc lieu à ce moment-là. Il portera aussi, pour ce qui relève du domaine réglementaire, sur les engagements que le Gouvernement réitérera et qui iront dans le sens des propos que j'ai tenus tout à l'heure, sur le traitement particulier des parlementaires qui nous paraît justifié à ce stade.
Derrière ces amendements se pose la question que j'ai déjà abordée tout à l'heure. Je regrette donc de ne pas avoir pu défendre l'amendement n° 269 , qui est tombé, mais qui avait l'intérêt de poser le vrai problème : la question de l'iniquité absolue qui existe aujourd'hui entre les parlementaires issus du secteur privé et ceux issus du secteur public.
Aujourd'hui, un parlementaire issu du secteur privé est protégé pendant son mandat ; mais à l'issue de son premier mandat, il perd tout élément de protection quant à une réintégration dans l'entreprise dont il est originaire.
Nous proposions d'aligner les situations et de faire en sorte que le fonctionnaire soit protégé lui aussi pendant cinq ans, à l'instar du salarié du privé. Au bout de cinq ans, il démissionnerait quand le salarié du secteur privé perdrait, lui, sa protection. Il est dommage de ne pas aller jusqu'au bout par rapport à cette question d'égalité et d'équité. À terme, il sera plus facile à un fonctionnaire de se faire élire à l'Assemblée nationale qu'à une personne venant du secteur privé, ce qui est regrettable.
Il me semble que ce dont nous débattons ne correspond pas à l'amendement qui a été présenté, même si l'on peut entendre les demandes de notre collègue.
Comment permettre à des salariés issus du privé – ouvriers ou cadres – de devenir parlementaire ? Ce n'est pas en interdisant aux fonctionnaires de redevenir fonctionnaire qu'on y arrivera.
C'est en permettant à ceux qui dans les partis prennent du temps pour être candidats et acquérir une culture politique de le devenir. Pour régler cette question, il faut approfondir la question du statut de l'élu. C'est pourquoi nous regrettons, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que l'on « saucissonne » les textes. Preuve en est les propositions d'amendements qui vous sont faites sur le sujet. Il aurait assurément été utile de parler du statut de l'élu et de réfléchir à la manière d'aider les salariés du privé à entrer dans la vie politique. Les questions du cumul dans le temps et de la limite d'âge étaient également intéressantes.
Nous pouvons aussi réfléchir à la façon d'employer les parlementaires non-fonctionnaires, battus ou décidant d'arrêter la vie politique – j'ai déposé un amendement en ce sens. On pourrait profiter de leur expérience en instaurant une sorte de validation des acquis de l'expérience. Je ne pense pas à une nomination de droit, mais à une nomination par exemple au tour extérieur, laquelle existe du reste déjà, y compris pour des non-fonctionnaires pour le tour extérieur des sous-préfets. Ils pourraient, dans les corps de l'État, apporter leur expérience, et cela sans automaticité. On pourrait utiliser leurs compétences. Ils ne seraient pas soumis à des lobbies et ne prépareraient pas leur carrière professionnelle dans le privé en utilisant leur carnet d'adresses, comme cela a été fort justement dit tout à l'heure. Il s'agirait de servir son pays autrement que par la fonction politique. Nous pourrions utiliser un spectre beaucoup plus large que le cadre de notre discussion pour y réfléchir et aurions pu éviter de découper le texte au fur et à mesure de l'actualité.
Les éléments de réponse du ministre me conviennent mieux que ceux avancés par le président de la commission des lois. En effet, une mise en disponibilité d'office et une mise en disponibilité à la demande du fonctionnaire, ce n'est tout de même pas la même chose. Il n'y a donc pas de rupture de l'égalité.
Compte tenu de la réponse du ministre et en insistant sur le fait que cela doit concerner toutes les fonctions publiques, je retire mon amendement.
L'amendement n° 202 est retiré.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l'amendement n° 248 .
Le sujet a déjà été évoqué, mais je souhaite à nouveau exposer notre vision des choses. Il ne s'agit évidemment pas de dire que les fonctionnaires seraient privilégiés ou qu'il y aurait trop de fonctionnaires à l'Assemblée nationale. Le sujet n'est pas là.
Je partage en grande partie les propos de notre collègue Darmanin – je n'avais pas pensé que les députés battus pourraient entamer des carrières de sous-préfets, mais après tout, pourquoi pas ? Je suis tout à fait ouvert à l'idée de réfléchir à la reconversion. Je précise d'ailleurs que le statut de député est tout à fait correct et il n'est pas nécessaire de l'améliorer particulièrement – le statut des élus locaux est en revanche tout autre chose.
La question que nous posons par le biais de cet amendement, c'est celle des élites françaises. On s'en rend compte avec l'affaire Lagarde, Richard, etc. : il suffit de lire la presse.
On tourne en rond avec des personnes qui, pour la plupart, sont passées par l'ENA, entrent dans les cabinets ministériels et deviennent ensuite député ou élu local…
…grâce à cette promotion directe, par le haut. Parfois, ils rejoignent les grandes entreprises. J'ignorais d'ailleurs que l'École nationale d'administration préparait particulièrement à devenir manager ou P-DG d'entreprise. Tel est le tableau des élites politico-économiques de notre pays et cela pose un grave problème. Il s'agit en effet d'un cercle très fermé. Quelqu'un a tout à l'heure évoqué l'association des anciens élèves de l'ENA. Un autre collègue a indiqué que l'on retrouvait d'anciens élèves dans les cabinets, présents sur les bancs de l'Assemblée. Voilà où nous en sommes et c'est cela que nous voulons dénoncer.
Le débat ayant largement eu lieu sur ce point, François de Rugy ne sera pas surpris que la commission ait repoussé son amendement. au motif que le fait d'obliger un fonctionnaire de catégorie A à démissionner de sa fonction de parlementaire ne peut se justifier par la nécessité de préserver le député d'un conflit d'intérêts. Ce n'est pas une base suffisamment solide.
Je voterai cet amendement car j'estime qu'il faut rétablir l'égalité entre la situation du salarié du secteur privé décidant de faire de la politique et celle du salarié de la fonction publique.
Notre collègue évoquait la consanguinité des élites, mais reconnaissons aussi qu'un fonctionnaire qui a été parlementaire est un fonctionnaire qui n'est plus très utile à la République. Que fait-on des fonctionnaires qui ont été parlementaires pendant un certain nombre d'années ? On leur trouve une petite gâche tranquille dans une administration centrale quelconque et la République les paie à ne rien faire jusqu'à la fin de leur vie professionnelle. Combien d'enseignants reprennent un poste après avoir été battus ?
Murmures sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Il y aurait largement de quoi développer le sujet ! Cela vaut également pour les fonctionnaires de catégorie A.
Je doute de la capacité de reclasser un certain nombre de parlementaires battus dans des fonctions comme la préfectorale. Très honnêtement nous avons besoin de fonctionnaires qui fassent preuve de neutralité dans l'exercice de leur métier.
La vie politique est d'abord et avant tout une vocation – en aucun cas une carrière – et une aventure qu'il faut vivre avec les risques que cela comporte comme le font ceux qui, dans le privé, décident de s'engager.
J'aurais aimé focaliser mon amendement sur les fonctionnaires issus des grands corps de l'État, qui occupent des positions de direction dans l'administration. Au bout de dix ans de mandat, ils auraient, me semble-t-il, du mal à reprendre une fonction de direction dans l'administration. Ils ont été politisés alors que les fonctionnaires sont censés être neutres. Ils ont en outre été coupés de leur métier. Or on a beaucoup parlé de l'importance de ne pas être coupé de son métier d'origine pendant l'exercice de son mandat.
On se souvient de cas précis qui ont mis tout le monde mal à l'aise. Souvenez-vous de Lionel Jospin à qui l'État français a dû trouver, parce qu'il n'était plus député, une affectation au ministère des affaires étrangères, alors qu'il était premier secrétaire du parti socialiste. J'étais mal à l'aise autant pour lui que pour l'État.
Je comprends l'objectif dans son principe. Cela étant, je me permets de rappeler à M. de Rugy que les fonctionnaires de catégorie A ne sont pas tous et loin de là ceux qu'il a décrits. Si votre amendement, mon cher collègue, était adopté, un professeur des écoles, un professeur titulaire du Capes ne pourraient-ils plus enseigner au bout de dix ans ? Un chef d'établissement secondaire ne pourrait-il plus diriger un établissement ? C'est un vrai problème.
Au demeurant je ne crois pas qu'un tel amendement soit si bien vu que cela par le Conseil constitutionnel.
L'amendement n° 248 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de précision qui prévoit que le bureau de l'Assemblée est amené à examiner la compatibilité avec le mandat parlementaire des seules activités que le député déclare vouloir conserver durant l'exercice de son mandat.
L'amendement n° 239 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Si un problème d'incompatibilité est soulevé, le Conseil constitutionnel tranche en cas de divergence d'analyse entre le Bureau de l'Assemblée et le parlementaire concerné. Par cet amendement, je propose d'introduire la nouvelle Haute autorité dans la procédure en imposant que la saisine du Conseil constitutionnel soit précédée d'une demande d'avis de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
Le premier avantage est d'offrir une procédure de médiation où un tiers peut trouver une conciliation, évitant ainsi le face à face entre un parlementaire et ses pairs lorsque le blocage est avéré.
Le second avantage est de permettre à la Haute autorité de formuler des avis dont les destinataires font ce qu'ils veulent.
Ainsi, monsieur le rapporteur, je préserve l'autonomie des assemblées sur la question des incompatibilités. La Haute autorité peut formuler des propositions afin que la jurisprudence concernant les incompatibilités parlementaires soit en cohérence avec la jurisprudence concernant les autres incompatibilités. Cet avis, s'il n'aboutit pas à une résolution du conflit, sera un élément utile du dossier transmis au Conseil constitutionnel.
Mes chers collègues, à partir du moment où deux autorités différentes sont chargées de prendre des décisions sur des sujets très connexes, voire similaires, il est essentiel que des procédures de dialogue entre ces deux juges soient mises en place afin d'harmoniser les jurisprudences. Par cet amendement, on permet à la Haute autorité de formuler des remarques et des conseils utiles sans qu'ils s'imposent ni aux parlementaires qui en sont les destinataires ni au Conseil constitutionnel.
Avis défavorable pour les mêmes raisons que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer.
M. Tardy veut absolument que la Haute autorité vienne s'immiscer entre le Bureau et le Conseil constitutionnel. Je reste persuadé que la nature du mandat parlementaire ainsi que l'autonomie des assemblées rendent cette possibilité peu envisageable.
L'amendement n° 9 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous proposons de renforcer des interdictions, notamment celle d'avoir une activité de conseil ou de commencer une nouvelle activité professionnelle qui n'était pas celle du parlementaire avant son mandat. Encore faut-il que cette interdiction soit effective, qu'il y ait une sanction sinon, cela relève de l'hypocrisie.
Pour ces interdictions, je propose que l'on applique les sanctions qui existent déjà pour les anciennes interdictions, comme celle de faire figurer sa qualité de député sur une publicité, à savoir la déchéance du mandat.
Mes chers collègues, voter une interdiction non assortie de sanction n'a aucun sens.
Avis défavorable. Il convient de laisser une latitude au Bureau pour gérer ces cas et, le cas échéant, trouver une sanction adaptée plutôt que de prévoir une seule sanction, qui serait la démission d'office.
L'amendement n° 4 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Si un parlementaire ne respecte pas certaines interdictions, il risque de se voir déclaré démissionnaire d'office par le Conseil constitutionnel sur saisine du bureau de l'Assemblée concernée ou par le garde des sceaux. Cela n'est jamais arrivé quand bien même nous avons eu des cas où la violation de l'interdiction était patente parce que le bureau de l'assemblée et le garde des sceaux avaient refusé de saisir. En 1990, Bernard Tapie a ainsi pu conserver son mandat bien qu'il ait fait figurer sur les affiches de sa publicité d'entrée en bourse de sa société Bernard Tapie Finance qu'il était membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Je propose que l'on ouvre à tout citoyen la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel sur ces sujets afin d'éviter les blocages et de rendre effective une sanction qui, actuellement, ne l'est pas. Les autorités qui peuvent saisir ne sont pas tenues de justifier leur décision et il n'existe aucun moyen de recours. Laisser ainsi un tel pouvoir discrétionnaire aux parlementaires, lorsqu'il s'agit de sanctionner d'autres parlementaires, est l'assurance qu'aucune sanction ne sera jamais prononcée ou alors, et c'est pire, que la décision de saisir dépendra davantage de la couleur politique du député concerné que de l'existence d'une faute avérée.
Chacun a bien compris que l'amendement de notre collègue vise à proposer de permettre à un citoyen de saisir le Conseil constitutionnel. Cela reviendrait à supprimer une part essentielle du rôle du bureau dans la gestion des conflits d'intérêts. Or nous pensons qu'il est utile de réserver un rôle premier au bureau dans le constat et le jugement des situations d'incompatibilité des parlementaires.
La commission a donc repoussé cet amendement.
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 21 de l'article 2 qui prévoit que « Le parlementaire exerçant la fonction mentionnée à l'article L.O. 146-1 du code électoral à la date de publication de la présente loi dispose d'un délai de six mois pour mettre fin à cet exercice ».
C'est l'occasion pour nous – sans doute la dernière sur cet article – de dire combien, une fois de plus, la notion de conseil reste imprécise. Rien n'est venu lui donner un contenu qui permette d'apprécier en toute tranquillité les conditions d'exercice d'une telle fonction et sa compatibilité avec la volonté de transparence et de lutte contre les conflits d'intérêts.
Par ailleurs, l'encadrement des activités professionnelles et les déclarations de conflits d'intérêts sont suffisamment précis pour permettre aux parlementaires qui le souhaitent d'exercer un métier de conseil dans des conditions normales de déontologie.
Nous ne sommes pas d'accord sur le fond, cela est clair, mais il nous a paru utile de rappeler la cohérence de notre position.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 182 .
Il est étonnant, cet alinéa 21 et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous proposons sa suppression.
La rédaction actuelle du code électoral prévoit que les parlementaires qui exercent des activités professionnelles incompatibles avec leur mandat disposent de deux mois pour régler leur situation. Cet alinéa étend ce délai à six mois, si je comprends bien.
L'objectif du texte est de prévenir les conflits d'intérêts. Or il me semble qu'il y a davantage de possibilités d'entrer dans un conflit d'intérêts en l'espace de six mois plutôt qu'en deux mois. Je ne comprends pas très bien même si je conçois qu'il est plus confortable d'étaler la cessation de son activité sur six mois au lieu de deux, particulièrement s'il s'agit de céder des parts ou de vendre son entreprise.
Je m'interroge donc vraiment sur le sens de cet alinéa qui est antinomique avec l'objectif poursuivi par ce projet de loi.
Ces amendements de conséquence n'ont plus d'objet dès lors que l'amendement supprimant l'interdiction n'a pas été adopté.
Avis défavorable de la commission.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 238 rectifié .
Cet amendement prévoit que les modifications apportées au régime des incompatibilités n'entreront en vigueur qu'à l'occasion des prochaines élections générales ou partielles appelées à renouveler chacune des assemblées.
L'amendement n° 238 rectifié est adopté et l'amendement n° 221 tombe.
Il me semble qu'il tombe du fait de l'adoption de l'amendement n° 238 rectifié .
Cet amendement visait à remplacer l'échéance du 1er janvier 2014 par le prochain renouvellement de mandat. Les députés issus de la fonction publique seraient sinon passés brutalement du statut de détachement à la mise en disponibilité, ce qui impose dans certains corps de passer par la réintégration dans la fonction publique avant d'être à nouveau député.
L'amendement n° 48 tombe.
L'article 2, amendé, est adopté.
Prochaine séance, mercredi 19 juin à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique ;
Deuxième lecture du projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction ;
Deuxième lecture de la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement ;
Discussion du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ;
Discussion du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 19 juin 2013, à deux heures trente-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron